Interview de Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, à RTL le 13 août 2001 sur l'accueil des personnes agées dépendantes dans les hôpitaux, la formation des aides à domicile, le financement, la formation à l'Euro et le vieillisement.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

R. Arzt - Il y a un document de votre secrétariat d'Etat intitulé "L'été des personnes âgées." Le premier point abordé, c'est : "mieux connaître, mieux comprendre les pratiques d'abandon de prise en charge." Il s'agit de familles ayant en charge des personnes âgées non-autonomes, et qui, au moment des vacances les laissent aux urgences hospitalières par exemple. Est-ce que vous comprenez mieux ce genre de comportement ?
- "En tout cas, ce n'est pas forcément un phénomène que l'on connaît bien. On en parle tous les ans, à la période de l'été, mais ce qui est important c'est de bien le comprendre. J'ai pris le temps, la semaine dernière, d'aller voir un service d'urgence, à Senlis, qui, depuis un an, a mis en place un dispositif particulier à l'intérieur des services pour essayer de mieux comprendre, de mieux accueillir les personnes âgées. Une équipe de gériatres est présente systématiquement à l'arrivée d'une personne âgée."
Faut-il généraliser ce genre de chose ?
- "Oui, c'est vraiment important de le généraliser. Mais ce qui m'a paru vraiment très intéressant, c'est les chiffres que l'on m'a donnés : 85 % des personnes âgées qui arrivent dans ce service d'urgence sont des personnes âgées qui ont besoin de soins médicaux. Ce qu'il faut avoir en tête, et qu'on ne connaît pas suffisamment, c'est que 80 % des personnes âgées en perte d'autonomie, dépendantes, sont prises en charges par leur famille, et 50 % par leur famille seule. En France, ce sont principalement les familles qui accompagnent les personnes âgées dépendantes ; c'est au moment des crises, d'une chute, d'une maladie que l'épuisement des familles se fait jour Très souvent, c'est une demande d'urgence de prise en charge ..."
... qui se produit au moment des vacances ?
- "Pas uniquement au moment des vacances. Le moment des vacances est sûrement le moment qui est le plus révélateur, peut-être parce que le dispositif actuel du maintien à domicile est insuffisant. L'APA - l'Allocation Personnalisée d'Autonomie - va nous permettre, peut-être, d'éviter ce genre de situation, en particulier en nous permettant d'ouvrir des accueils temporaires, des accueils de jour, des accueils de répit pour les familles."
L'APA, l'Allocation Personnalisée d'Autonomie, a été voté en juin et entrera en vigueur en janvier prochain. Elle est destinée à améliorer la vie quotidienne des personnes âgées dépendantes. Où en est donc la préparation de ce dispositif ? Vous avez fait un tour de France autour de cela ?
- "Nous sommes effectivement, avec E. Guigou, en train de prendre le temps d'expliquer sur l'ensemble des départements français, des régions françaises, ce nouveau dispositif qui était vraiment très attendu par les personnes âgées et leur famille. Les décrets d'application sont en cours de rédaction ; ils vont être très rapidement, dans la semaine qui vient, soumis à concertation. Et comme nous l'avons promis, E. Guigou et moi, les décrets d'application seront mis en place dès le début de l'automne."
Il s'agit de dépendances lourdes, notamment de maladie d'Alzheimer.
- "Il s'agit de dépendances lourdes, qu'elles soient physique, mentales, psychiques et de l'ensemble des dépendances lourdes et moyennes. Le vrai changement par rapport au dispositif existant, c'est que les dépendances moyennes vont être nettement plus aidées, nettement plus ..."
Que sont les dépendances moyennes ?
- "Ce sont les gens qui commencent à se retrouver en situation de difficulté, qui ont besoin d'une surveillance, d'un accompagnement. Ce ne sont pas forcément que les gens grabataires, lourdement handicapés. Je crois que c'était là où le dispositif était le plus fragile."
Il y a une question qui est celle de la formation des accompagnant s, des aides à domicile. Ce n'est pas une profession très attrayante a priori : pas de véritable statut, manque de reconnaissance sociale, salaire insuffisant ...
- "J'ai envie de répondre à deux niveaux sur cette question. Effectivement, on a longtemps pensé que s'occuper des personnes âgées, c'était simplement être là, à côté, faire le ménage, alors qu'en fin de compte, c'est toujours beaucoup plus complexe. S'occuper des personnes âgées est, me semble-t-il, l'un des métiers les plus difficiles. C'est être confronté à sa propre vieillesse, à ses propres difficultés , c'est un métier qui s'exerce dans la solitude. Il faut que les gens soient formés, encadrés, il faut que le statut soit beaucoup amélioré. C'est pour cela que nous avons, dans le cadre de cette loi de l'APA, mis en place un fonds de modernisation du maintien à domicile. Il faut que les gens soient formés, puissent comprendre les situations de crise ou de conflit qu'il peut y avoir dans les familles. Tel est l'enjeu aussi de l'application de cette loi."
On va vers la création de nombreux emplois publics ?
- "Pas forcément publics. Nous avons à trouver un équilibre entre la liberté, le choix des familles et des personnes âgées de trouver la personne qui accompagnera à domicile les personnes âgées et les associations qui sont souvent le relais, avec les CCAS, de la mise en place de ces dispositifs de services de maintien à domicile. Je crois que ce sera un équilibre entre l'embauche directe et le travail des associations."
Le principal reproche que vous a fait l'opposition pendant la discussion sur la loi, c'est le financement à long terme.
- "Il faut reconnaître que le financement a toujours été la raison principale pour laquelle un certain nombre de lois avaient buté, avaient été présentées mais n'avaient jamais été votées. Ce Gouvernement a enfin mis en place un dispositif pérenne, avec un équilibre entre la solidarité nationale et la solidarité départementale."
Les départements vont-ils beaucoup supporter financièrement ?
- Pas uniquement les départements. Il y a un véritable effort de plus de 5 milliards de francs qui va être fait aussi par la solidarité nationale, par le biais de la CSG. Je crois que nous ne pouvions y arriver que si nous avions, comme nous le faisons actuellement, trouvé un équilibre entre solidarité nationale et solidarité départementale. En même temps, c'est un véritable choix de décentralisation. Nous faisons le choix de confier aux départements une prestation ; il fallait un choix de proximité, et c'est ce choix-là qui a été fait."
Autre sujet, parlez-nous des "euro-formateurs du troisième âge" ...
- "On pense que les personnes âgées sont un des publics qu'on appelle "fragiles" dans la préparation du passage à l'euro. Les euro-formateurs, ce sont des retraités qui se mettent à la disposition des personnes âgées : 4000 sont actuellement formées et sont en train d'intervenir dans les clubs du troisième âge, dans des maisons de retraite, dans les services de maintien à domicile. C'est une véritable chaîne de solidarité qui est en train de se mettre en place. Ce que je trouve personnellement très intéressant. Dès le mois de janvier, il y aura aussi une continuité en direction des services de maintien à domicile pour que les aides à domiciles, elles aussi, puissent accompagner les personnes âgées."
Vous avez parlé de la création d'un Institut du vieillissement. Ce n'est pas la même chose que l'Institut de la longévité du professeur Beaulieu ?
-"Il faut dire que le XXIème siècle sera celui où il y aura obligatoirement tout un travail de recherche de diffusion de l'information sur le phénomène du vieillissement de la population. A mes yeux, il faut développer deux actions. Une action de recherche - et je crois que les thèmes que propose le professeur Beaulieu dans le domaine de la biologie ne doivent pas être négligés ..."
Etes-vous d'accord avec le DHEA ?
- "Je pense simplement que l'enjeu, ce n'est pas de refuser de vieillir mais de bien vieillir. C'est pour cela qu'il faut non seulement développer la recherche, mais surtout la diffuser. Ce qui m'a toujours surpris, c'est qu'en France actuellement, il y a une grande différence d'une région à l'autre : il y a des régions où il y a une vraie diffusion de la recherche, de la façon de prendre en charge les personnes âgées. Il faut actuellement que ce travail puisse se diffuser sur l'ensemble de la France. D'où l'enjeu de la mise en place d'un Institut du vieillissement ou d'un Institut des âges tout simplement."
Une toute dernière question, plus politique. Vous êtes au Gouvernement seulement depuis cinq mois. Quelle impression vous fait la gauche plurielle au Gouvernement ? Est-elle en pleine forme ou y a-t-il des signes de vieillissement ?
- "Effectivement, c'est ma première expérience de gouvernement. J'ai été personnellement très touchée du travail d'équipe et de la force du travail d'équipe de ce Gouvernement. Dans les réunions de gouvernement, la parole est libre, les discussions sont très fortes, très importantes. Je crois que c'est toute la force du Premier ministre de savoir conduire une équipe. "
Le vieillissement sera-t-il un thème de la campagne présidentielle ?
- "Je souhaite que ce soit un thème car c'est un vieillissement de la population qui se passe bien. Je crois que l'enjeu, c'est de faire en sorte que les personnes âgées, les retraités puissent trouver toute leur place dans notre société."

(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 13août 2001)