Texte intégral
M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le président, madame la rapporteure et présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mesdames et messieurs les députés, j'ai le plaisir de vous présenter aujourd'hui, au nom du Gouvernement, le projet de loi autorisant la ratification de l'accord intergouvernemental prévoyant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique.
Je voudrais vous remercier, madame la rapporteure et présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, ainsi que les membres de vos commissions respectives, pour vos travaux sur ce texte.
Bien que ce projet de loi soit, comme il est d'usage en pareil cas, d'une brièveté exemplaire, il permet à la France de prendre toute sa part à l'édification de l'Union bancaire, laquelle constitue, me semble-t-il, le progrès le plus important de l'intégration européenne depuis l'Union économique et monétaire.
Permettez-moi de rappeler tout d'abord les objectifs et la structure de l'Union bancaire, avant d'exposer le contenu et le rôle de cet accord intergouvernemental dans l'ensemble de textes qui créent le mécanisme de résolution unique.
La mise en uvre de l'union bancaire est un progrès dans l'intégration européenne qui préviendra à l'avenir la transformation des crises bancaires en crises souveraines, ce que nous avons connu ces dernières années.
Ce progrès repose sur un premier pilier, le mécanisme de supervision unique. Le projet d'union bancaire a été lancé par le Président de la République et ses collègues lors du Conseil européen de juin 2012. La crise financière de 2008 a souligné la nécessité de rompre la boucle négative liant le budget des États et les secteurs bancaires nationaux.
Jusqu'alors, en l'absence de mutualisation du soutien aux banques, et en cas de fortes tensions sur les marchés financiers, les États étaient contraints de financer seuls les plans de sauvetage bancaires. Ce qu'il est convenu d'appeler des bail-outs ont accru fortement l'endettement public, exposé un certain nombre d'États à une crises de leur dette souveraine et favorisé la fragmentation, encore perceptible aujourd'hui, des marchés financiers, les investisseurs évaluant la solidité des systèmes financiers en fonction des capacités respectives des États à soutenir leurs secteurs bancaires.
La création d'un mécanisme permettant de mutualiser les coûts liés à la gestion des crises bancaires est donc apparue comme une nécessité.
Toutefois, la possibilité de recapitaliser directement des banques par le biais du Mécanisme européen de stabilité ne pouvait être envisagée sans un renforcement et une unification préalable de la supervision des établissements bancaires. Parallèlement au renforcement des standards en matière prudentielle conformément à la réglementation internationale sur ces sujets les Européens ont donc pris la décision de confier à la Banque centrale européenne la responsabilité de la supervision, directe et indirecte, des banques de la zone euro. Ce mécanisme de supervision unique est entré en vigueur le 4 novembre dernier.
Depuis cette date, les cent trente principaux établissements bancaires européens sont soumis à la supervision directe de la BCE. S'agissant de la France, ce sont les dix principaux groupes bancaires qui y sont soumis, soit plus de 90 % des actifs bancaires français. Les autorités de résolution nationales restent, pour leur part, compétentes pour la supervision des établissements moins importants.
Le second pilier de cette union bancaire est le mécanisme de résolution unique. À peine l'accord sur le mécanisme de supervision unique était-il achevé qu'un second pilier était mis en chantier, corollaire obligatoire du premier : le mécanisme de résolution unique.
Ce mécanisme repose sur deux principes fondamentaux. Tout d'abord, les finances publiques ne devront plus être sollicitées pour financer le sauvetage des banques. C'est pourquoi le Fonds de résolution unique sera financé par des contributions versées par les banques elles-mêmes, et il interviendra après que les actionnaires et les créanciers auront supporté les premières pertes, jusqu'à 8 % du total de bilan.
Le deuxième principe fondamental est que le coût de la résolution ordonnée des banques devra être mutualisé pour éviter tout risque de fragmentation financière. C'est pourquoi tous les établissements de crédit des États participants contribueront au financement du fonds de résolution, et c'est pourquoi les ressources, affectées initialement à des compartiments nationaux, seront progressivement mutualisées sur une période de huit ans allant de 2016 à 2023. À cette date, ce fonds sera doté de 55 milliards d'euros environ, soit 1 % des dépôts couverts.
Le mécanisme de résolution unique représente donc une avancée décisive en ce qu'il permettra de réduire l'effet des chocs exogènes et de rompre la boucle négative qui liait jusqu'à présent risque bancaire et risque souverain.
Les mécanismes de garantie des dépôts resteront en revanche nationaux, l'idée d'un troisième pilier de l'Union bancaire fondé sur la garantie des dépôts, poussée par la France je sais que vous y étiez très attentive, madame la présidente de la commission des affaires étrangères n'étant pas consensuelle à ce stade. Mais cela ne nous empêche pas de continuer à y travailler.
L'accord intergouvernemental participe à la création du cadre juridique du mécanisme de résolution unique. En effet, plusieurs textes régissent le nouveau régime de résolution applicable aux établissements bancaires.
Rappelons tout d'abord que le droit applicable en matière de résolution est harmonisé pour les vingt-huit membres de l'Union européenne par la directive relative au rétablissement et à la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement dite « directive BRRD » dont vous avez habilité le Gouvernement à transposer les dispositions par ordonnance dans la loi DADDUE publiée fin décembre 2014. Ce sera fait au cours des prochains mois.
Deux textes distincts créent le mécanisme de résolution unique à proprement parler : un règlement européen dit « règlement MRU » et un accord intergouvernemental dit AIG. Le projet de loi qui vous est présenté aujourd'hui a pour objet d'autoriser la ratification de cet accord intergouvernemental. Celui-ci a été négocié à la demande de certains de nos partenaires qui estimaient que le traité offrait une base trop peu solide pour un progrès de l'intégration de l'ampleur du mécanisme de résolution unique.
Cet accord intergouvernemental couvre principalement trois aspects.
Premier aspect, l'engagement des parties contractantes à transférer les contributions des établissements assujettis de chaque État participant vers le Fonds de résolution unique. L'entrée en vigueur de l'accord conditionne le versement des contributions des établissements de crédit des États membres au FRU, et donc le fonctionnement du mécanisme de résolution unique. Cela doit permettre le versement des premières contributions au fonds au titre de l'année 2015 avant le 31 janvier 2016.
Les modalités de calcul des contributions ont été détaillées dans un règlement délégué de la Commission et un règlement d'exécution du Conseil. Ces textes ont fait l'objet d'un accord au conseil ECOFIN de décembre dernier. Pour avoir passé de nombreuses heures et de nombreuses nuits sur la discussion de cet accord, je sais que cela n'a pas été simple. Mais au bout du compte, je crois que c'est à la fois juste et efficace.
La France a tenu à ce que les banques françaises ne soient pas défavorisées du fait de la faible teneur en dépôts de leur bilan, ce qui aurait pu conduire à ce qu'elles contribuent à hauteur de plus de 32 % au Fonds de résolution unique. Nous avons obtenu qu'un mécanisme d'ajustement ramène cette part à 27 %, une part en ligne avec le poids relatif des banques françaises dans le total des actifs bancaires de la zone euro. Au final, le montant total des contributions des banques françaises devrait être légèrement inférieur à 15 milliards d'euros, dont une fraction comprise entre un minimum de 15 % et 30 %, à la discrétion de l'autorité européenne de résolution, pourra être acquittée sous forme d'engagements de paiement qui n'auront pas d'impact sur le compte de résultat des banques.
Le deuxième aspect couvert par cet accord concerne le rythme de mutualisation des ressources des compartiments nationaux : 40 % des ressources seront mutualisées dès la première année, 60 % la seconde année, puis la mutualisation progressera à un rythme linéaire jusqu'à la fin de la période transitoire pour permettre une mutualisation complète à la fin de l'année 2023.
Troisième et dernier aspect couvert par cet accord, la possibilité de recourir à des financements complémentaires des contributions collectées ex ante, comme les transferts entre les compartiments nationaux ou la collecte de contributions ex post.
Pour sa part, le règlement MRU, d'application directe, crée le Conseil de résolution unique, compétent pour gérer et actionner ce Fonds de résolution unique. Le Conseil de résolution unique est composé de six personnalités qualifiées et d'un représentant par autorité nationale de résolution.
Le règlement MRU prévoit également le partage des compétences entre le Conseil de résolution unique et les autorités de résolution nationales.
Mesdames et messieurs les députés, la ratification de l'accord intergouvernemental par la France constituera une étape absolument décisive de la mise en place du mécanisme de résolution unique, et donc du parachèvement de l'uvre que constitue l'Union bancaire. Je souhaite donc que le projet de loi autorisant cette ratification recueille le plus large assentiment de votre assemblée. Nous sommes en train de construire une uvre importante, je l'ai dit au début de cette intervention : depuis le lancement de la monnaie unique, je ne connais pas d'ouvrage aussi important, aussi lourd et aussi complexe que cette union bancaire. Nous n'entendrons plus, à l'avenir, le reproche que nous avons beaucoup entendu, et souvent de manière justifiée : « Pour sauver les banques, on est prêt à payer, que reste-t-il ensuite des dettes ? » C'est le résultat d'une manière de faire du passé à laquelle l'ensemble des États membres de la zone euro veut aujourd'hui mettre fin.
( )
Même si chacun des orateurs a indiqué qu'il voterait ce texte, je ne voudrais pas que certains restent sur leur faim, compte tenu des questions parfaitement légitimes qui ont été posées. Je voudrais donc apporter quelques éléments de réponse.
Certains ont d'abord souligné que, si nous voulons éviter des dérèglements et leurs conséquences économiques et sociales gravissimes, comme ce que nous avons pu connaître en 2007-2008, il ne suffit pas d'accomplir l'Union bancaire : il nous faut aussi une régulation internationale qui concerne tous les aspects de la finance et du financement de l'économie.
Vous-même, madame la présidente de la commission des affaires européennes, avez souligné la nécessité d'aller plus loin dans la régulation de ce qu'on appelle en bon français le shadow banking : le financement hors système bancaire. Vous avez parfaitement raison. C'est aujourd'hui, d'ailleurs, la priorité du G 20. L'année 2015 est celle du travail en vue d'aboutir à des règles qui puissent encadrer, comme nous l'avons fait en matière bancaire, les autres mécanismes de financement de l'économie.
Sur l'Union bancaire, quelques questions très légitimes ont été posées. D'abord, la Grande-Bretagne et la Suède ne font pas partie du dispositif, pour une raison simple : elles ne font pas partie de la zone euro, ni de l'Union bancaire en tant que telle, même si ces deux pays sont concernés par telle directive qui va obliger les organismes bancaires à faire appel, jusqu'à 8 % de leurs dépôts, à leurs créanciers et à leurs actionnaires.
La Suède et la Grande-Bretagne n'ont donc pas souhaité intégrer ce dispositif. C'est dommage, même si la Suède peut me semble-t-il, dans le contexte actuel, évoluer sur un certain nombre de sujets, dont celui-ci.
Beaucoup d'entre vous sont aussi revenus sur l'idée que 55 milliards ne représenteraient que peu de choses par rapport aux risques pesant sur le système bancaire. Mais n'oublions jamais qu'avant de toucher au premier milliard du Fonds de résolution, on commence par mettre en uvre le mécanisme permettant de faire appel aux actionnaires et aux principaux créanciers. Je vais vous donner quelques chiffres.
Le dernier vote du Parlement en la matière concernait la dotation à hauteur de 20 milliards de la Société de prise de participation de l'État, la SPPE j'étais d'ailleurs parmi vous et je me souviens que nous avions alors considéré qu'il s'agissait d'un moindre mal. Cette somme avait donc été nécessaire pour stabiliser le dispositif français. Or, elle est largement inférieure aux 8 % en question. Dit autrement, lors de la dernière crise, il n'aurait pas été nécessaire de puiser dans les ressources du Fonds de résolution unique pour faire face aux difficultés du système bancaire français.
Comme vous ne manquerez pas de trouver cet exemple par trop général, j'en prendrai un autre. Le sinistre de DEXIA est le plus important que nous ayons connu en France. Huit milliards ont été nécessaires pour la « sauver ». Or, cette somme était inférieure à 8 % de ses dépôts. Donc, nous n'aurions pas eu besoin de faire appel à la solidarité et au budget de la nation pour faire face à la situation.
N'oubliez jamais cette « première couche », extrêmement épaisse, qui doit permettre de limiter ensuite l'appel à la mutualisation. Si cette dernière en outre ne suffisait pas, nous serions bien entendu obligés de faire appel à d'autres mécanismes, qui sont d'ailleurs prévus et que les uns et les autres avez décrits avec beaucoup de précision.
Deux questions ont été également posées par différents orateurs. La première concerne le filet de sécurité qui pourrait être nécessaire, en particulier jusqu'à ce que la collecte des 55 milliards soit achevée, en 2023. Il vise principalement à doter le Fonds d'une capacité d'emprunt, ce à quoi nous sommes favorables même si, à ce jour, le consensus avec l'ensemble de nos partenaires n'est pas total. Nous continuons donc à travailler en ce sens.
La seconde est relative au fonds de garantie unique des dépôts, sujet encore plus important, me semble-t-il, que vous avez tous abordé à juste titre. La France souhaite que ce « troisième pilier », comme vous l'avez souvent appelé, soit mis en uvre. Telle est notre position. Nous continuons donc à nous battre pour cela. Le consensus n'existe pas à ce jour et des discussions compliquées ont lieu avec tel ou tel de nos très grands partenaires vous comprenez à qui je fais allusion ! mais ce n'est parce que les résultats ne sont pas immédiats qu'il faut s'arrêter. Pour reprendre les termes d'un orateur, là aussi le combat continue et nous ne sommes pas arrivés au bout de nos peines. Il reste une étape à franchir.
Enfin, l'orateur de l'UMP, en particulier, s'est interrogé sur les modalités de calcul de la contribution des banques françaises. Vous avez tous décrit les autres modalités, plus ou moins avantageuses, qui auraient pu exister.
J'en ai discuté trs directement avec mon homologue allemand Wolfgang Schäuble : malgré des systèmes bancaires très différents en Allemagne et en France, le poids de ces derniers au sein de l'économie européenne est à peu près semblable et j'ai donc voulu que cette équivalence soit respectée que les contributions des banques allemandes et françaises, en fonction de dispositifs qui leur sont propres, soient de même niveau. C'est pourquoi les dotations des deux pays s'élèvent respectivement à 15 milliards.
Au-delà des spécificités, je pense donc que nous avons respecté un équilibre qui correspond très exactement au poids des systèmes bancaires dans la zone euro. C'était le cur du sujet, même si, ensuite, de nombreuses questions techniques se sont posées et si chacun s'attache à tel ou tel aspect des problèmes. Tel était le cur politique de l'entente entre nous : le dispositif ne devait pas peser plus lourdement sur le système bancaire français que sur celui de l'Allemagne, quelles que soient par ailleurs les différences entre les deux.
Voilà, monsieur le président, les quelques éléments d'information que je souhaitais donner aux députés, que je remercie infiniment d'avoir travaillé sur ces sujets complexes et d'avoir considéré, quelles que soient les demandes de précision et les quelques insatisfactions exprimées, que ce texte accomplissait un pas important et qu'il importait de le soutenir.
Si, sur un tel sujet, le Parlement pouvait se montrer aujourd'hui unanime, je pense que la France se grandirait.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 5 mai 2015
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le président, madame la rapporteure et présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mesdames et messieurs les députés, j'ai le plaisir de vous présenter aujourd'hui, au nom du Gouvernement, le projet de loi autorisant la ratification de l'accord intergouvernemental prévoyant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique.
Je voudrais vous remercier, madame la rapporteure et présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, ainsi que les membres de vos commissions respectives, pour vos travaux sur ce texte.
Bien que ce projet de loi soit, comme il est d'usage en pareil cas, d'une brièveté exemplaire, il permet à la France de prendre toute sa part à l'édification de l'Union bancaire, laquelle constitue, me semble-t-il, le progrès le plus important de l'intégration européenne depuis l'Union économique et monétaire.
Permettez-moi de rappeler tout d'abord les objectifs et la structure de l'Union bancaire, avant d'exposer le contenu et le rôle de cet accord intergouvernemental dans l'ensemble de textes qui créent le mécanisme de résolution unique.
La mise en uvre de l'union bancaire est un progrès dans l'intégration européenne qui préviendra à l'avenir la transformation des crises bancaires en crises souveraines, ce que nous avons connu ces dernières années.
Ce progrès repose sur un premier pilier, le mécanisme de supervision unique. Le projet d'union bancaire a été lancé par le Président de la République et ses collègues lors du Conseil européen de juin 2012. La crise financière de 2008 a souligné la nécessité de rompre la boucle négative liant le budget des États et les secteurs bancaires nationaux.
Jusqu'alors, en l'absence de mutualisation du soutien aux banques, et en cas de fortes tensions sur les marchés financiers, les États étaient contraints de financer seuls les plans de sauvetage bancaires. Ce qu'il est convenu d'appeler des bail-outs ont accru fortement l'endettement public, exposé un certain nombre d'États à une crises de leur dette souveraine et favorisé la fragmentation, encore perceptible aujourd'hui, des marchés financiers, les investisseurs évaluant la solidité des systèmes financiers en fonction des capacités respectives des États à soutenir leurs secteurs bancaires.
La création d'un mécanisme permettant de mutualiser les coûts liés à la gestion des crises bancaires est donc apparue comme une nécessité.
Toutefois, la possibilité de recapitaliser directement des banques par le biais du Mécanisme européen de stabilité ne pouvait être envisagée sans un renforcement et une unification préalable de la supervision des établissements bancaires. Parallèlement au renforcement des standards en matière prudentielle conformément à la réglementation internationale sur ces sujets les Européens ont donc pris la décision de confier à la Banque centrale européenne la responsabilité de la supervision, directe et indirecte, des banques de la zone euro. Ce mécanisme de supervision unique est entré en vigueur le 4 novembre dernier.
Depuis cette date, les cent trente principaux établissements bancaires européens sont soumis à la supervision directe de la BCE. S'agissant de la France, ce sont les dix principaux groupes bancaires qui y sont soumis, soit plus de 90 % des actifs bancaires français. Les autorités de résolution nationales restent, pour leur part, compétentes pour la supervision des établissements moins importants.
Le second pilier de cette union bancaire est le mécanisme de résolution unique. À peine l'accord sur le mécanisme de supervision unique était-il achevé qu'un second pilier était mis en chantier, corollaire obligatoire du premier : le mécanisme de résolution unique.
Ce mécanisme repose sur deux principes fondamentaux. Tout d'abord, les finances publiques ne devront plus être sollicitées pour financer le sauvetage des banques. C'est pourquoi le Fonds de résolution unique sera financé par des contributions versées par les banques elles-mêmes, et il interviendra après que les actionnaires et les créanciers auront supporté les premières pertes, jusqu'à 8 % du total de bilan.
Le deuxième principe fondamental est que le coût de la résolution ordonnée des banques devra être mutualisé pour éviter tout risque de fragmentation financière. C'est pourquoi tous les établissements de crédit des États participants contribueront au financement du fonds de résolution, et c'est pourquoi les ressources, affectées initialement à des compartiments nationaux, seront progressivement mutualisées sur une période de huit ans allant de 2016 à 2023. À cette date, ce fonds sera doté de 55 milliards d'euros environ, soit 1 % des dépôts couverts.
Le mécanisme de résolution unique représente donc une avancée décisive en ce qu'il permettra de réduire l'effet des chocs exogènes et de rompre la boucle négative qui liait jusqu'à présent risque bancaire et risque souverain.
Les mécanismes de garantie des dépôts resteront en revanche nationaux, l'idée d'un troisième pilier de l'Union bancaire fondé sur la garantie des dépôts, poussée par la France je sais que vous y étiez très attentive, madame la présidente de la commission des affaires étrangères n'étant pas consensuelle à ce stade. Mais cela ne nous empêche pas de continuer à y travailler.
L'accord intergouvernemental participe à la création du cadre juridique du mécanisme de résolution unique. En effet, plusieurs textes régissent le nouveau régime de résolution applicable aux établissements bancaires.
Rappelons tout d'abord que le droit applicable en matière de résolution est harmonisé pour les vingt-huit membres de l'Union européenne par la directive relative au rétablissement et à la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement dite « directive BRRD » dont vous avez habilité le Gouvernement à transposer les dispositions par ordonnance dans la loi DADDUE publiée fin décembre 2014. Ce sera fait au cours des prochains mois.
Deux textes distincts créent le mécanisme de résolution unique à proprement parler : un règlement européen dit « règlement MRU » et un accord intergouvernemental dit AIG. Le projet de loi qui vous est présenté aujourd'hui a pour objet d'autoriser la ratification de cet accord intergouvernemental. Celui-ci a été négocié à la demande de certains de nos partenaires qui estimaient que le traité offrait une base trop peu solide pour un progrès de l'intégration de l'ampleur du mécanisme de résolution unique.
Cet accord intergouvernemental couvre principalement trois aspects.
Premier aspect, l'engagement des parties contractantes à transférer les contributions des établissements assujettis de chaque État participant vers le Fonds de résolution unique. L'entrée en vigueur de l'accord conditionne le versement des contributions des établissements de crédit des États membres au FRU, et donc le fonctionnement du mécanisme de résolution unique. Cela doit permettre le versement des premières contributions au fonds au titre de l'année 2015 avant le 31 janvier 2016.
Les modalités de calcul des contributions ont été détaillées dans un règlement délégué de la Commission et un règlement d'exécution du Conseil. Ces textes ont fait l'objet d'un accord au conseil ECOFIN de décembre dernier. Pour avoir passé de nombreuses heures et de nombreuses nuits sur la discussion de cet accord, je sais que cela n'a pas été simple. Mais au bout du compte, je crois que c'est à la fois juste et efficace.
La France a tenu à ce que les banques françaises ne soient pas défavorisées du fait de la faible teneur en dépôts de leur bilan, ce qui aurait pu conduire à ce qu'elles contribuent à hauteur de plus de 32 % au Fonds de résolution unique. Nous avons obtenu qu'un mécanisme d'ajustement ramène cette part à 27 %, une part en ligne avec le poids relatif des banques françaises dans le total des actifs bancaires de la zone euro. Au final, le montant total des contributions des banques françaises devrait être légèrement inférieur à 15 milliards d'euros, dont une fraction comprise entre un minimum de 15 % et 30 %, à la discrétion de l'autorité européenne de résolution, pourra être acquittée sous forme d'engagements de paiement qui n'auront pas d'impact sur le compte de résultat des banques.
Le deuxième aspect couvert par cet accord concerne le rythme de mutualisation des ressources des compartiments nationaux : 40 % des ressources seront mutualisées dès la première année, 60 % la seconde année, puis la mutualisation progressera à un rythme linéaire jusqu'à la fin de la période transitoire pour permettre une mutualisation complète à la fin de l'année 2023.
Troisième et dernier aspect couvert par cet accord, la possibilité de recourir à des financements complémentaires des contributions collectées ex ante, comme les transferts entre les compartiments nationaux ou la collecte de contributions ex post.
Pour sa part, le règlement MRU, d'application directe, crée le Conseil de résolution unique, compétent pour gérer et actionner ce Fonds de résolution unique. Le Conseil de résolution unique est composé de six personnalités qualifiées et d'un représentant par autorité nationale de résolution.
Le règlement MRU prévoit également le partage des compétences entre le Conseil de résolution unique et les autorités de résolution nationales.
Mesdames et messieurs les députés, la ratification de l'accord intergouvernemental par la France constituera une étape absolument décisive de la mise en place du mécanisme de résolution unique, et donc du parachèvement de l'uvre que constitue l'Union bancaire. Je souhaite donc que le projet de loi autorisant cette ratification recueille le plus large assentiment de votre assemblée. Nous sommes en train de construire une uvre importante, je l'ai dit au début de cette intervention : depuis le lancement de la monnaie unique, je ne connais pas d'ouvrage aussi important, aussi lourd et aussi complexe que cette union bancaire. Nous n'entendrons plus, à l'avenir, le reproche que nous avons beaucoup entendu, et souvent de manière justifiée : « Pour sauver les banques, on est prêt à payer, que reste-t-il ensuite des dettes ? » C'est le résultat d'une manière de faire du passé à laquelle l'ensemble des États membres de la zone euro veut aujourd'hui mettre fin.
( )
Même si chacun des orateurs a indiqué qu'il voterait ce texte, je ne voudrais pas que certains restent sur leur faim, compte tenu des questions parfaitement légitimes qui ont été posées. Je voudrais donc apporter quelques éléments de réponse.
Certains ont d'abord souligné que, si nous voulons éviter des dérèglements et leurs conséquences économiques et sociales gravissimes, comme ce que nous avons pu connaître en 2007-2008, il ne suffit pas d'accomplir l'Union bancaire : il nous faut aussi une régulation internationale qui concerne tous les aspects de la finance et du financement de l'économie.
Vous-même, madame la présidente de la commission des affaires européennes, avez souligné la nécessité d'aller plus loin dans la régulation de ce qu'on appelle en bon français le shadow banking : le financement hors système bancaire. Vous avez parfaitement raison. C'est aujourd'hui, d'ailleurs, la priorité du G 20. L'année 2015 est celle du travail en vue d'aboutir à des règles qui puissent encadrer, comme nous l'avons fait en matière bancaire, les autres mécanismes de financement de l'économie.
Sur l'Union bancaire, quelques questions très légitimes ont été posées. D'abord, la Grande-Bretagne et la Suède ne font pas partie du dispositif, pour une raison simple : elles ne font pas partie de la zone euro, ni de l'Union bancaire en tant que telle, même si ces deux pays sont concernés par telle directive qui va obliger les organismes bancaires à faire appel, jusqu'à 8 % de leurs dépôts, à leurs créanciers et à leurs actionnaires.
La Suède et la Grande-Bretagne n'ont donc pas souhaité intégrer ce dispositif. C'est dommage, même si la Suède peut me semble-t-il, dans le contexte actuel, évoluer sur un certain nombre de sujets, dont celui-ci.
Beaucoup d'entre vous sont aussi revenus sur l'idée que 55 milliards ne représenteraient que peu de choses par rapport aux risques pesant sur le système bancaire. Mais n'oublions jamais qu'avant de toucher au premier milliard du Fonds de résolution, on commence par mettre en uvre le mécanisme permettant de faire appel aux actionnaires et aux principaux créanciers. Je vais vous donner quelques chiffres.
Le dernier vote du Parlement en la matière concernait la dotation à hauteur de 20 milliards de la Société de prise de participation de l'État, la SPPE j'étais d'ailleurs parmi vous et je me souviens que nous avions alors considéré qu'il s'agissait d'un moindre mal. Cette somme avait donc été nécessaire pour stabiliser le dispositif français. Or, elle est largement inférieure aux 8 % en question. Dit autrement, lors de la dernière crise, il n'aurait pas été nécessaire de puiser dans les ressources du Fonds de résolution unique pour faire face aux difficultés du système bancaire français.
Comme vous ne manquerez pas de trouver cet exemple par trop général, j'en prendrai un autre. Le sinistre de DEXIA est le plus important que nous ayons connu en France. Huit milliards ont été nécessaires pour la « sauver ». Or, cette somme était inférieure à 8 % de ses dépôts. Donc, nous n'aurions pas eu besoin de faire appel à la solidarité et au budget de la nation pour faire face à la situation.
N'oubliez jamais cette « première couche », extrêmement épaisse, qui doit permettre de limiter ensuite l'appel à la mutualisation. Si cette dernière en outre ne suffisait pas, nous serions bien entendu obligés de faire appel à d'autres mécanismes, qui sont d'ailleurs prévus et que les uns et les autres avez décrits avec beaucoup de précision.
Deux questions ont été également posées par différents orateurs. La première concerne le filet de sécurité qui pourrait être nécessaire, en particulier jusqu'à ce que la collecte des 55 milliards soit achevée, en 2023. Il vise principalement à doter le Fonds d'une capacité d'emprunt, ce à quoi nous sommes favorables même si, à ce jour, le consensus avec l'ensemble de nos partenaires n'est pas total. Nous continuons donc à travailler en ce sens.
La seconde est relative au fonds de garantie unique des dépôts, sujet encore plus important, me semble-t-il, que vous avez tous abordé à juste titre. La France souhaite que ce « troisième pilier », comme vous l'avez souvent appelé, soit mis en uvre. Telle est notre position. Nous continuons donc à nous battre pour cela. Le consensus n'existe pas à ce jour et des discussions compliquées ont lieu avec tel ou tel de nos très grands partenaires vous comprenez à qui je fais allusion ! mais ce n'est parce que les résultats ne sont pas immédiats qu'il faut s'arrêter. Pour reprendre les termes d'un orateur, là aussi le combat continue et nous ne sommes pas arrivés au bout de nos peines. Il reste une étape à franchir.
Enfin, l'orateur de l'UMP, en particulier, s'est interrogé sur les modalités de calcul de la contribution des banques françaises. Vous avez tous décrit les autres modalités, plus ou moins avantageuses, qui auraient pu exister.
J'en ai discuté trs directement avec mon homologue allemand Wolfgang Schäuble : malgré des systèmes bancaires très différents en Allemagne et en France, le poids de ces derniers au sein de l'économie européenne est à peu près semblable et j'ai donc voulu que cette équivalence soit respectée que les contributions des banques allemandes et françaises, en fonction de dispositifs qui leur sont propres, soient de même niveau. C'est pourquoi les dotations des deux pays s'élèvent respectivement à 15 milliards.
Au-delà des spécificités, je pense donc que nous avons respecté un équilibre qui correspond très exactement au poids des systèmes bancaires dans la zone euro. C'était le cur du sujet, même si, ensuite, de nombreuses questions techniques se sont posées et si chacun s'attache à tel ou tel aspect des problèmes. Tel était le cur politique de l'entente entre nous : le dispositif ne devait pas peser plus lourdement sur le système bancaire français que sur celui de l'Allemagne, quelles que soient par ailleurs les différences entre les deux.
Voilà, monsieur le président, les quelques éléments d'information que je souhaitais donner aux députés, que je remercie infiniment d'avoir travaillé sur ces sujets complexes et d'avoir considéré, quelles que soient les demandes de précision et les quelques insatisfactions exprimées, que ce texte accomplissait un pas important et qu'il importait de le soutenir.
Si, sur un tel sujet, le Parlement pouvait se montrer aujourd'hui unanime, je pense que la France se grandirait.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 5 mai 2015