Texte intégral
Je suis heureux de me trouver parmi vous ce soir à Abidjan, comme le sont tous
les membres de la délégation qui m'accompagnent, au terme d'une tournée de
quelques jours en Afrique - en fait 3 jours et demi. Une tournée rapide mais
dense.
Votre communauté, ici, est une des plus importantes communautés françaises
d'Afrique subsaharienne continentale et la Côte d'Ivoire compte parmi nos plus
anciens amis et nos principaux alliés dans cette partie du monde. C'est une des
raisons pour lesquelles nous avons décidé de clore ce périple dans cette ville
d'Abidjan.
Je voudrais tout d'abord vous dire à quel point nous sommes conscients du rôle
que vous jouez ici, rendre hommage à votre communauté et, à travers vous, à
toutes les communautés françaises présentes dans l'ensemble des pays d'Afrique
francophone. C'est par cette présence, c'est par votre travail, c'est par les
liens que vous établissez dans toutes vos actions, que la France maintient son
rayonnement, son influence, et, nous l'espérons, les développe.
Je voudrais vous dire aussi que nous connaissons vos préoccupations. Toutes les
communautés françaises à l'étranger rencontrent des problèmes. Elles ont aussi
des joies et des avantages que l'on n'a pas quand on est en métropole, mais
elle a des problèmes sérieux. Je les connais. Je tiens à vous dire à cette
occasion, comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, que mes services et
moi-même apportons à vos problèmes une attention constante.
Pour qu'une communauté française exprimée, soit dynamique, il faut que
plusieurs conditions soient réunies. Il me semble qu'ici elles le sont.
D'abord, je dirais qu'il faut qu'elle puisse avoir la possibilité de participer
à la politique française, grâce aux élections organisées sur place. Je dirais
simplement à cette occasion que plus la participation est élevée, plus cette
cohésion, plus ce dynamisme est assuré.
Il faut ensuite que cette communauté dispose d'une couverture médicale
convenable. Ici, d'après toutes les indications que je recueille - je ne
prétends pas connaître la situation mieux que vous qui vivez ici - je crois que
c'est le cas. Je crois qu'il y a dans le corps médical ivoirien une grande
qualité ainsi que dans le corps médical français présent ici. Je m'en réjouis
et je salue ceux de nos compatriotes qui exercent ici les professions de santé.
Il faut encore que la communauté française, la vôtre, dispose d'un bon système
scolaire pour ses enfants. Je sais, on me l'a indiqué, que vous disposez de 13
établissements scolaires conventionnés et de 3 établissements homologués qui
offrent une possibilité diversifiée. Les résultats de ces établissements sont
tout à fait comparables à ceux de la France, parfois même supérieurs, je crois,
notamment en ce qui concerne le baccalauréat.
Et là aussi je rends hommage à ceux d'entre vous qui assurent le bon
fonctionnement de l'enseignement français en Côte d'Ivoire, ainsi qu'à la
qualité du personnel enseignant et d'encadrement, et au dynamisme des
associations de parents d'élèves.
Tous ces éléments qui, mis bout à bout, sont la preuve de votre dynamisme.
Mais je voudrais aussi saisir cette occasion, puisque vous avez eu la
gentillesse de venir jusqu'ici ce soir, pour vous dire quelques mots de notre
politique africaine, de la façon dont elle évolue et particulièrement de nos
relations avec la Côte d'Ivoire.
La politique africaine actuelle menée en parfaite entente par le président de
la République et le gouvernement peut se caractériser par les trois mots
suivants : fidélité, ouverture, adaptation.
Fidélité à nos amis que nous avons en Afrique. Nous avons avec une vingtaine de
pays, même plus, des relations anciennes tout à fait particulières, tout à fait
spéciales dans le panorama des relations internationales, des relations
étroites, des relations d'amitié, plus encore, des relations de fraternité, des
relations affectives. Et elles sont inébranlables à travers les différentes
étapes, à travers les difficultés qui peuvent se rencontrer. Quoi qu'il arrive
ce sera le point fixe de notre politique africaine.
Aujourd'hui, avec le monde qui se globalise - le continent africain lui-même
s'ouvre à toutes les influences, et il n'y a aucune raison de s'en inquiéter -,
nous devons avoir une politique qui prend en compte l'ensemble de ce continent
africain. Nos partenaires africains, nos amis les plus proches, le souhaitent
eux-mêmes. C'est pour cela que notre dialogue politique doit s'enrichir
d'échanges avec des pays que nous avons moins connus dans le passé dans le Sud
de l'Afrique, dans l'Est de l'Afrique, que ces pays soient anglophones,
lusophones ou autres.
Ce ne doit pas être une considération qui nous empêche d'avoir avec eux des
échanges de toutes sortes sur la situation en Afrique, sur les grands problèmes
du monde. Car, c'est ce qui enrichit encore, ce qui renforce notre relation
étroite et intime avec nos amis africains qui eux-mêmes sont curieux de ce que
nous apprenons et de ce que nous arrivons à savoir et à projeter avec ce type
d'échanges élargis.
Enfin, l'adaptation, car une politique qui ne s'adapte pas dépérit. Nous devons
donc nous adapter et ouvrir aujourd'hui et demain les différents volets de
notre politique, que ce soit le volet militaire, le volet coopération-aide au
développement, le volet culturel, les échanges humains mêlant les différents
aspects de cette politique.
Mais parlons surtout de la Côte d'Ivoire.
La France demeure le premier partenaire de la Côte d'Ivoire dans tous les
domaines. Dans celui de l'aide extérieure, bien sûr. Nous avons, sur un plan
économique plus vaste, accompagné le redressement ivoirien d'assainissement des
finances publiques par un important concours à l'ajustement, et notre appui a
été constant dans le traitement de la dette extérieure. Les autorités
ivoiriennes en sont parfaitement conscientes. C'est une des premières choses
dont m'ont parlé pour remercier, à travers moi naturellement, notre pays, le
président et le ministre que j'ai vus ce matin et au déjeuner. C'est une aide
essentielle.
La France a été aux côtés de la Côte d'Ivoire lorsqu'elle a traversé une
période délicate. C'est la façon dont il faut se comporter avec ses amis et je
sais que les dirigeants d'Afrique francophone sont tout à fait capables de
distinguer les amis de toujours, ceux des bons et des mauvais moments, des amis
de circonstances qui sont intéressés par telle ou telle opération à court
terme.
C'est pour cela, je l'ai dit dans mes entretiens à Paris, le président de la
République le dit souvent et le gouvemement le redira, qu'il n'y a aucune
espèce de tentation ou de perspective de projet de désengagement, sur quel que
plan que ce soit. La France a l'intention de rester engagée. On ne voit pas
pourquoi elle développerait une autre politique, ce serait incompréhensible.
C'est un tel atout, c'est un tel patrimoine, c'est un tel engagement moral,
c'est une telle obligation politique, comment pourrait-elle penser faire
autrement ? Notre engagement est constamment renouvelé.
Quant à la coopération avec la Côte d'Ivoire, nous souhaitons, maintenant que
ce pays sort justement d'une période difficile, nous concentrer sur de vrais
projets de développement. Je citerai 3 domaines :
- d'abord celui des institutions. Nous voulons aider l'Etat ivoirien à mieux
assumer ses taches de souveraineté, notamment dans les secteurs essentiels de
la sécurité publique, de la justice, de l'administration financière et de la
décentralisation.
- ensuite dans le domaine social. Nous proposons de contribuer à l'amélioration
du secteur éducatif national et à la réhabilitation du système de santé.
- enfin, dans le domaine économique, nous proposons le développement des
activités et des investissements du secteur privé, en matière de développement
rural, des infrastructures de base, des banques et de l'industrie de
transformation.
Cette densité des relations, j'ai cité quelques domaines de coopération et
d'aide au développement et de formation, est particulièrement présente dans le
domaine économique, et je pense que vous êtes très nombreux ici à en être les
acteurs et les agents. Je disais tout à l'heure que la France était le premier
partenaire de la Côte d'Ivoire ; le commerce entre les deux pays est très
actif. Il a même connu un regain de dynamisme après la dévaluation.
La France est aujourd'hui le premier fournisseur de la Côte d'Ivoire, avec 25%
de ses achats à l'étranger ; elle est aussi son premier client : elle lui
achète 16% de ses exportations. Les sociétés françaises sont très présentes
dans le capital des entreprises répertoriées en Côte d'Ivoire. Notre pays est
de loin le premier investisseur étranger dans ce pays, avec 25% environ du
capital total. Le président lui-même me l'a rappelé ce matin.
Cependant, et vous le savez sans doute mieux que quiconque, nous ne disposons
pas à tout jamais d'une "chasse-gardée" au sens protégé du terme. Nous sommes
dans un monde très compétitif, très concurrentiel. Partout, sur tous les
continents, à commencer par le marché français d'ailleurs, chez nous, en
Europe. Et donc, l'Afrique, même chez nos amis les plus proches et les mieux
disposés ne peut pas échapper a cette règle. Ces pays d'Afrique s'ouvrent au
monde, c'est une bonne chose pour eux, mais cette émulation doit finalement
servir à tous. Je crois qu'il faut accepter cette règle du jeu avec réalisme,
dynamisme et confiance en nous. L'ancienneté de notre amitié continuera de nous
assurer un avantage, mais ne nous dispense pas de cette adaptation permanente.
Il y a un autre domaine où nos relations sont aussi très étroites et je
voudrais aborder ici, très brièvement, mon collègue ministre de la Défense qui
sera ici dans quelques jours le fera plus en détail, le domaine de la Défense.
Nous sommes engagés, vous le savez, en France, dans un processus d'adaptation
et de réforme de notre système militaire. En clair, notre armée va être
professionnalisée.
Pour tenir compte de cette évolution, nous aurons, au bout du compte, des
forces militaires moins nombreuses et, en même temps, mieux formées, plus
mobiles, avec un plus grand potentiel. Ce qui veut dire, à commencer par la
France, des implantations moins nombreuses ; on a besoin de moins de bases, de
moins d'hommes, mais d'une formation plus pointue.
Il y a une transposition de ce principe générale sur certains des pays
d'Afrique dans lesquels nous avons des implantations. Cela ne traduit là aussi
aucune espèce de renoncement, aucune espèce de désengagement. Au contraire,
c'est une adaptation, une modernisation. Des fermetures, dans certains cas, qui
ne concernent d'ailleurs pas ce pays. Quelques diminutions d'effectifs et une
diminution du type d'activités.
En tout cas, ici, en Côte d'Ivoire, le 43ème BiMA sera maintenu.
Mais je parlais d'adaptation parce que de plus en plus, nous allons faire
porter notre effort militaire sur la formation au maintien de la paix,
puisqu'il se trouve malheureusement, on le voit bien, à travers des crises dont
certaines font rage en ce moment même où nous parlons, que le besoin
d'interposition, le besoin de maintien de la paix ou de garantie d'un
cessez-le-feu, ce sont des besoins de ce continent.
De plus en plus, nos partenaires africains nous disent vouloir y participer
plus. Cela requiert des capacités militaires particulières. Cela n'est pas une
activité militaire classique. C'est beaucoup plus compliqué à mener que des
actions militaires classiques. Il se trouve que notre pays a une très grande
expérience dans ce domaine puisque, depuis des années et des années, nous avons
participé très activement à des actions de maintien de la paix décidées dans le
cadre de l'ONU. Nous avons des troupes particulièrement aguerries qui ont
acquis cette expérience de premier plan au Liban, au Cambodge, en Bosnie et
dans beaucoup d'autres endroits.
Ce savoir-faire, nous souhaitons le mettre à la disposition de nos amis
africains. Ceux qui le souhaitent naturellement. Donc, c'est une évolution vers
plus de formation adaptée à ce type d'actions qui naturellement ne sont
concevables que s'il y a une décision légitime dans le cadre de l'OUA, du
Conseil de sécurité de l'ONU, etc. Il faut un cadre mais il faut aussi avoir
les capacités. Et nous souhaitons diffuser cette capacité à ceux qui le
voudront.
Et je vais même plus loin. pour éviter que nos amis africains soient
embarrassés par des concurrences, des apparentes compétitions entre différents
pays occidentaux qui proposeraient de faire la même chose, nous avons passé un
accord de coopération avec les Américains et les Britanniques, pour faire
ensemble des actions de ce type.
Est-ce que c'est un désengagement ? Pas du tout, c'est même l'inverse. C'est
une adaptation, une modernisation, cela nous permettra d'être encore plus près
des besoins d'aujourd'hui parce que ces politiques ne peuvent être arrêtées un
moment donné : les horloges ne cessent jamais de tourner. Mais pourtant,
l'amitié elle demeure, c'est le fil conducteur.
Enfin, avant de terminer, je vous dirai un bref mot de la question des visas.
Vous savez tous, parce que vous en parlez avec vos amis ivoiriens, combien ils
sont attentifs à cette question et légitimement. Nous sommes particulièrement
conscients à Paris de l'importance de cette question et de ce qu'elle
représente pour un pays comme celui-ci et beaucoup d'autres, en particulier
dans les pays francophones.
Cette politique des visas n'est pas spécialement dirigée contre la Côte
d'Ivoire ou un autre pays. C'est une politique globale qui a été mise en place
ces dernières années parce que la France a dû mettre en oeuvre une maîtrise des
flux migratoires plus rigoureuse. Malheureusement ! Parce que les conditions
économiques et sociales de la France ne permettaient pas d'accueillir dans des
conditions convenables de dignité autant d'étrangers qu'on pourrait le
souhaiter si les conditions étaient différentes. D'où un resserrement qui est
peut-être dans certains cas allé trop loin.
Sans naturellement remettre en cause la nécessité de maîtriser les flux
migratoires, politique qu'essaient de mettre en oeuvre de la façon la plus
coordonnée possible l'ensemble des pays d'Europe comme le font d'ailleurs les
pays d'Amérique du Nord et tous les pays développés qui attirent toutes sortes
de gens qui veulent tenter leur chance, nous nous sommes engagés, en accord
entre le président de la République et le gouvemement, dans une politique
d'assouplissement. Nous allons essayer d'assouplir, d'adapter, d'humaniser les
conditions dans lesquelles les gens sont accueillis et traités. Je sais que
c'est difficile, je ne veux pas faire de promesses en l'air qui seraient
décevantes parce qu'elles ne seraient pas suivies d'effet.
Voilà l'orientation dans laquelle nous sommes engagés et c'est un sujet sur
lequel le ministre de l'Intérieur, le secrétaire d'Etat à la Coopération et
moi-même travaillons pour avancer. D'ailleurs, j'encourage au passage les
agents du consulat dont je sais qu'ils ont une tâche difficile à effectuer, je
leur dis que la façon dont ce travail est fait, et nous allons les aider, est
un élément de l'image de notre pays.
Voilà mes chers compatriotes, les quelques mots que je voulais vous dire ce
soir.
Je vous dirais tout simplement pour terminer que nous avons fait, les membres
de la délégation et moi-même, un périple passionnant, très rapide - trois nuits
dans l'avion, une autre qui nous attend juste après -, un aperçu très fort,
très stimulant, très intéressant, très contrasté de cette grande Afrique En
même temps, nous avons aperçu les éléments de son unité au-delà des
distinctions entre l'Ouest, l'Est et le Sud.
Et c'était très agréable de terminer ce très rapide voyage par une étape
d'amitié à Abidjan.
C'est sur ce mot que je conclurai./.
.(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 octobre 2001)