Interview de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, à "France2" le 3 octobre 2001, sur la situation dans les transports, la réouverture du tunnel du Mont-Blanc, et l'implantation du troisième aéroport français.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral


F. Laborde Nous allons revenir sur la réunion qui a eu lieu, hier, à propos du tunnel du Mont-Blanc, mais aussi sur les transports en général, et notamment aéronautiques. Une concertation qui s'est plutôt bien passée puisque, à l'issue de cette réunion, tout le monde est parti assez satisfait, même s'il y a des critiques à droite et à gauche ?
- "Cela a été une table-ronde tout à fait utile et avec une attitude très responsable de tout le monde. A la fin même, à mon grand étonnement, il y a eu des applaudissements, la salle a applaudi. Mais je crois qu'ils applaudissaient ce débat, ce dialogue et cette volonté de faire avancer les solutions."
Avant de venir aux mesures qui sont prises, pourquoi ne pas avoir fait cette réunion plus tôt ? Parce qu'il y a eu beaucoup de tensions autour du tunnel ? Ce n'est pas plus simple de commencer par cela ?
- "Il y a eu beaucoup de réunions. Et la loi n'obligeait pas à faire ce qu'on appelle "un débat public." Mais j'ai tenu à ce qu'il y ait des réunions, à la fois sur place - il y a eu, avec monsieur le préfet de région, des réunions locales - et puis il y a eu cette table-ronde. J'ai moi-même rencontré les responsables nationaux des organisations syndicales, professionnelles, des associations, les présidents des entreprises ferroviaires, routières. Tout cela avec une idée : il faut changer la donne pour ce qui concerne les traversées des zones sensibles que sont les Alpes ou les Pyrénées."
Quels sont les éléments les plus importants : l'interdiction des matières dangereuses, l'augmentation du péage, la limitation du trafic ?
- "D'abord, il faut savoir qu'il y a aujourd'hui 1,6 millions de camions qui passent par le tunnel du Fréjus, depuis la fermeture du tunnel du Mont-Blanc. A Chambéry, par exemple - et L. Besson, le maire de Chambéry le disait hier -, c'est 1,6 millions camions qui passent aux portes de la ville et dans toute la vallée de la Maurienne. Il est donc normal ..."
De répartir la charge ...
- ."..il est normal de répartir un peu, mais pas n'importe comment. La réouverture se fera aux poids-lourds dans des conditions précises de régulation et de sécurité, une fois que le Comité de sécurité de la commission intergouvernementale... Parce que c'est un tunnel binational..."
Il faut d'ailleurs que les Italiens signent tout ce que vous avez décidé hier ...
- "Absolument. Mais la table-ronde d'hier me donne des éléments pour, justement imposer, si je puis dire, ces garanties que nous allons mettre en oeuvre. Que va-t-il se passer ? Nous allons, d'une part, limiter le trafic poids-lourds au tunnel du Mont-Blanc, et dès la réouverture, on peut dire qu'il y aura entre 25 et 30 % de poids-lourds de moins, par rapport à ce que le Mont-Blanc connaissait avant la terrible catastrophe. Et dès la réouverture, il y aura environ 40 % de poids-lourds de moins au tunnel du Fréjus. Les poids-lourds de matières dangereuses seront interdits, les camions les plus polluants seront interdits, à la fois, au Mont-Blanc et aux poids-lourds. Il y aura l'interdistance qui sera non seulement appliquée, mais sanctionnée quand elle ne sera pas respectée. En même temps, transfert sur le rail."
Justement, le ferroutage va monter en puissance, petit à petit ?
- "Dès le mois de mars prochain, on va commencer à voir les wagons "modalor" (phon.) circuler sur la ligne historique qui passe par Modane. Avec l'objectif, d'ici 2005, qu'il y ait l'équivalent de 300.000 poids-lourds qui passent par le rail. Et quand nous aurons fait le tunnel du Mont-Blanc, c'est-à-dire en 2012-2015, c'est l'équivalent d'1 million de poids-lourds qui vont être transférés de la route sur le rail. C'est-à-dire, qu'au bout du compte, il y a aujourd'hui moins de poids-lourds qu'hier dans les deux tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus, mais demain, il y aura moins de poids-lourds encore que la situation que nous allons connaître dans les prochaines semaines ou dans les tout prochains mois, au moment de la réouverture."
Une question concernant l'enquête : on apprend qu'effectivement, il n'y avait personne dans les locaux de surveillance. Plusieurs chauffeurs-routiers ont témoigné.
- "Il y a une enquête et il faut qu'elle aille jusqu'au bout, que les responsabilités soient dites, que les responsables soient concernés et que la justice passe. C'est mon point de vue. Ceci étant, il faut maintenant, du point de vue de la sécurité, apporter des mesures différentes que celles que nous connaissions avant."
Parce qu'il y avait un certain laxisme, car les mesures de sécurité elles existaient et n'étaient même pas respectées avant !
- "Je ne parlerais pas de "laxisme" ; l'enquête est en cours. Laissons l'enquête faire son oeuvre. Aujourd'hui, ce qui est sûr, c'est qu'il nous faut, à la fois, sur la sécurité, les moyens de secours, mais aussi la gestion du tunnel - le fait même qu'il y ait deux gestions, l'une italienne et l'autre française, ne facilite pas..."
Une seule entité qui gérerait la sécurité ?
- "Une seule entité. Qu'il s'agisse de la sécurité et de la régulation, qu'il s'agisse du transfert de la route sur le rail - nous ferons payer une partie de la route pour faire du rail - parce que les péages vont augmenter de 25 % environ -, je me suis engagé hier à ce qu'il y ait un comité de suivi qui permet à tous les gens concernés, y compris les salariés concernés, d'être en permanence en capacité de contrôler et de s'assurer que ce qui a été promis se fait."
Autre secteur à polémique, potentiel, le fameux troisième aéroport français. Ici même, le président de la région, J.-P. Huchon, nous annonçait, il y a quelques jours, que ce serait Juvaincourt près de Reims. Et vous nous dites aujourd'hui : "Pas du tout, ce n'est pas ça !"
- "Non, mais le jour-même, je vous ai dit, je crois sur votre antenne également, qu'aucune décision n'avait été prise - et pour cause. Il y a la Commission nationale du débat public qui est train de travailler. Huit sites ont été pressentis, le débat se poursuit, et nous attendrons la mi-octobre..."
Vous ne voulez même dire si c'est "chaud, tiède, froid", comme disent les enfants, pour Juvaincourt ?
- "Non, je suis ministre de la Météo, mais dans ces circonstances, je ne parlerais pas de température."
Ce sera autour de Reims, peut-être ?
- "Non, je ne vous dirais rien du tout ! N'essayer pas de m'en faire dire plus qu'il ne faut !"
J.-P. Huchon a tout faux ?
- "Non, J.-P. Huchon a d'ailleurs démenti dans la journée, qu'il n'avait pas voulu dire que les choses étaient arrêtées."
Il n'y a rien à faire ! Je ne vous le ferai pas dire...
- "L'intérêt dans ce qu'a dit J.-P. Huchon et que je remarque, c'est qu'il a parlé de cette nécessité en quelque sorte d'un troisième aéroport, comme les schémas de services que nous avons arrêtés avec le Gouvernement l'ont confirmé en juillet. Le troisième aéroport sera nécessaire. Pourquoi ? Parce que ce sera le troisième aéroport pour l'environnement. On ne peut pas hypertrophier, sans arrêt, à la fois, Roissy et Orly ! On ne peut pas ne pas intégrer les problèmes des riverains, des nuisances, sans faire cette troisième plate-forme, qui permettra justement d'alléger le poids des nuisances qui pèse sur les autres. Puisque la perspective du transport aérien, même si aujourd'hui nous connaissons des difficultés - chacun le sait, on le voit aux Etat-Unis, mais on le voit en Suisse avec Swissair -, l'avenir du transport aérien est un avenir des progrès, bien évidemment. Le besoin de déplacement ne s'atténuera pas, au contraire, avec le développement des sociétés."
Vous évoquiez Swissair. C'est quand même stupéfiant de voir que, du jour au lendemain, une compagnie tire le rideau, laisse ses passagers dans les aéroports en disant : "Vous êtes sympas, mais on n'a plus d'argent, débrouillez-vous" ! Alors qu'ils doivent aussi de l'argent à Air Liberté, ce qui ne va pas arranger nos affaires !
- "Oui, bien sûr. La situation de Swissair est terrible. Et dans ce contexte mondial de difficultés des compagnies aériennes, je remarque qu'Air France, dans le fond se tient mieux..."
Avec moins 16 % de son trafic et 400 millions de chiffre d'affaires de moins... Air France va être aidée par l'Etat ?
- "Air France tient mieux, c'est une entreprise publique. En ce qui concerne les conséquences du dépôt de bilan de Swissair, au plan juridique, avec les tribunaux de commerce ainsi de suite, nous ferons tout pour que ce qui a été pris comme engagements soit tenu pour Air Liberté. Mais de manière générale, je suis pour que la France et l'Europe aident, soutiennent l'activité des compagnies aériennes. Je peux vous dire que pour Air Liberté - Air Lib maintenant -, ce sur quoi nous nous sommes engagés, sera tenu, respecté. Je ferai tout pour qu'au niveau de la France et de l'Europe, les engagements pris soient tenus."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le