Déclaration de Mme Annick Girardin, secrétaire d'Etat au développement et à la francophonie, sur les efforts internationaux en faveur de la République centrafricaine, à Bruxelles le 26 mai 2015.

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Circonstance : Conférence internationale sur la République centrafricaine "De l'humanitaire à la résilience et l'apport du Fonds fiduciaire européen Bêkou", à Bruxelles (Belgique) le 26 mai 2015

Texte intégral

Madame la Chef de l'État de la Transition en République centrafricaine ;
Messieurs les Commissaires ;
Mesdames et Messieurs les Ministres, parmi lesquels je salue tout particulièrement mes collègues centrafricains, mais aussi mes deux collègues de l'Allemagne et des Pays-Bas, cofondateurs avec nous, aux côtés de l'Union européenne, du Fonds Bêkou ;
Mesdames et Messieurs les Hauts Représentants ;
Mesdames et Messieurs,
Je souhaite tout d'abord remercier l'Union européenne d'organiser cette conférence internationale importante de mobilisation pour accompagner la République centrafricaine dans son processus de stabilisation, mais aussi de redressement économique et social, en saluant tout particulièrement la présence parmi nous de Madame la Présidente de la transition.
1/ Mon premier message, vous venez de nous le rappeler : les choses avancent dans la bonne direction en République centrafricaine, en dépit de toutes les difficultés, que vous avez décidé d'affronter, avec le peuple centrafricain, avec courage et détermination.
Je voudrais être claire : je ne veux pas sous-estimer les difficultés, mais nous faisons partie de ceux qui veulent voir le verre à moitié plein, plutôt qu'à moitié vide. Parce qu'il faut avancer, trouver des solutions. C'est d'ailleurs ce qu'a dit le Conseil de sécurité des Nations unies dans sa résolution 2217 du 28 avril dernier : depuis le début de l'année dernière, les efforts du gouvernement de transition commencent à porter leurs fruits. La sécurité s'est considérablement améliorée, la vie économique et sociale reprend progressivement son cours, en particulier à Bangui, l'administration se redéploie progressivement dans le pays, les finances publiques se redressent, les fonctionnaires sont payés...
Au début de ce mois, le forum de Bangui a permis de rassembler les Centrafricains autour de valeurs communes, de paix, de réconciliation, de reconstruction. Les débats ont fait émerger un consensus sur la marche à suivre pour mener le processus de transition à son terme et poursuivre le redressement du pays. Je pense tout d'abord à l'accord de désarmement, démobilisation et réinsertion, signé par la quasi-totalité des groupes armés. Je pense aussi au «Pacte républicain» signé lors du Forum, qui recense clairement les étapes à franchir et les engagements à honorer pour reconstruire le pays. Saluons à cet égard la détermination des Centrafricains, réaffirmée par la Présidente de transition, à organiser les élections qui doivent marquer, d'ici la fin de l'année, l'aboutissement de la transition et permettront de doter le pays d'institutions démocratiquement élues.
2/ Pour autant, et c'est mon deuxième message : les défis à relever restent immenses, les urgences sont partout. Vous nous l'avez rappelé Madame la Présidente, vos efforts, les efforts du peuple centrafricain pour sortir durablement de cette crise doivent être poursuivis et encouragés.
La communauté internationale ne doit pas relâcher son attention, mais au contraire maintenir, plus que jamais, son soutien à la Centrafrique.
Mais cet effort doit être ciblé, pour être efficace. Au-delà des actions d'urgence de la première heure, le redressement durable du pays passe par un appui déterminé au rétablissement de la gouvernance et par un soutien au redressement économique et social.
Dans cet esprit, la France entend rester à vos côtés.
En 2014, la France avait contribué à hauteur de 35 à 40 Meuro. Notre effort se poursuivra au même niveau en 2015 - soit plus de 70 Meuro sur deux ans. L'essentiel de notre aide se répartit selon deux axes : i) l'aide à l'achèvement de la transition et au renforcement de l'État de droit et ii) l'aide humanitaire et l'aide au rétablissement des services sociaux et à la relance économique.
- La première priorité, c'est l'achèvement de la transition. Trois choses sont essentielles sur le plan politique : des élections, un processus de démobilisation, mais aussi la justice.
S'agissant des élections, outre l'expertise technique que nous déployons dans ce domaine, notre appui passe par une contribution d'un demi-million d'Euros - en complément de l'aide dans ce domaine apportée par l'Union européenne - au fonds «élections» géré par le PNUD. Malheureusement malgré les contributions déjà annoncées, le financement du processus électoral n'est pas intégralement assuré. 20 millions de dollars restent à trouver, 20 millions sans lesquels la sortie de crise elle-même pourrait être compromise. J'appelle tous les bailleurs se mobiliser pour combler ce manque.
La concrétisation du processus de désarmement, démobilisation et réinsertion des anciens combattants (DDR) est également essentielle. Le Forum de Bangui a permis la signature d'un accord de paix, précisant les modalités de ce processus. Cet accord doit être suivi d'effets : seuls des progrès tangibles dans ce domaine inciteront les groupes armés à adhérer à cette démarche de paix. Les programmes de démobilisation en cours d'élaboration par les Nations unies doivent être financés.
La lutte contre l'impunité est également une condition nécessaire à la restauration de la confiance de la population dans les institutions. Nous saluons à cet égard les actions du gouvernent de transition à travers l'adoption d'un programme de réhabilitation des services judiciaires, l'arrestation emblématique et le transfert à la Cour pénale internationale de criminels notoires, ainsi que l'adoption le 22 avril dernier par le Conseil national de transition d'une loi prévoyant la mise en place d'une Cour pénale spéciale. Mais, là aussi, l'argent manque pour le rétablissement de la justice. Le coût de mise en place de la Cour pénale spéciale est évalué, lui aussi, à 20 millions de dollars, et là encore, il faut que nous nous mobilisions davantage.
Le processus de transition passe enfin par la remise en marche de l'administration sur l'ensemble du territoire. Nous y contribuons par des actions d'assistance technique, notamment dans le domaine des finances publiques et des ressources domestiques - dont je salue le redressement progressif, signe très positif - par de l'aide budgétaire, par des actions d'appui aux médias, au processus de réconciliation, au rétablissement de la justice...
- La seconde priorité, c'est de permettre aux Centrafricains de retrouver des conditions de vie dignes.
Cela passe d'abord par la poursuite de l'effort humanitaire. Nous y contribuons, notamment via les ONG, dans tous les secteurs : aide alimentaire, santé, éducation. Nous aidons au retour des déplacés internes et apportons des soins dans les régions particulièrement impactées par la crise.
Cela passe ensuite par la relance de l'économie et l'accès aux services de base. L'Agence française de développement - qui est toujours restée présente à Bangui même au coeur de la crise - intervient dans les secteurs de la santé, de l'éducation et de la formation professionnelle, des infrastructures (aéroport de Bangui, électricité), du développement local (dans la région du Sud-Ouest). Les travaux de rénovation urbaine que nous menons à Bangui permettent d'améliorer les conditions de vie dans la capitale, de créer des emplois rémunérés pour des jeunes, contribuant à la fois à la stabilisation sécuritaire et au redémarrage de l'économie.
- Ces travaux à haute intensité de main d'oeuvre sont en partie financés par le fonds Bêkou, et je souhaite ici dire un mot sur cet instrument nouveau et innovant.
Ce premier fonds fiduciaire européen, créé l'an dernier par l'Union européenne, avec l'Allemagne, les Pays-Bas et la France pour répondre à la situation en RCA, est et doit être, non seulement un démultiplicateur de l'aide, mais aussi un démultiplicateur d'efficacité de notre aide. La réunion d'aujourd'hui permettra d'échanger sur des premiers mois de fonctionnement, sur la façon dont se mettent en place les premiers projets, sur les améliorations qui peuvent être apportées...
Mais, d'ores et déjà, on constate que cet instrument permet une mobilisation accrue des moyens, une mise en oeuvre plus rapide de l'aide, une meilleure coordination entre bailleurs en liaison avec les autorités centrafricaines, une meilleure articulation entre les actions d'urgence et de développement... Mais pour en exploiter tout le potentiel, nous avons besoin de plus de contributeurs et j'appelle tous nos partenaires à rejoindre cet instrument.
3/ C'est le message par lequel je voudrais conclure : la Centrafrique a un besoin urgent d'aide, mais les bailleurs se mobilisent encore insuffisamment. La Centrafrique est un cas typique de pays orphelin de l'aide.
Elle cumule deux paradoxes :
- les indicateurs de développement y sont parmi les plus faibles au monde, mais l'aide par habitant est également parmi les plus faibles ;
- c'est précisément au moment où le pays s'efforce avec courage de résoudre une crise d'une gravité exceptionnelle que l'aide a le plus décru.
Ma conclusion est simple : nous devons nous mobiliser davantage pour accompagner le processus de stabilisation et de redressement de la République centrafricaine. C'est aussi une question de cohérence avec nos discours, avec nos engagements, et avec les résolutions du Conseil de sécurité, qui se félicite dans sa dernière résolution des efforts des autorités de transition, «déplore l'insuffisance des financements actuels» et «demande aux États-membres et aux organisations internationales et régionales de fournir d'urgence aux autorités de transition de la RCA un appui pour la conduite de la transition».
Plusieurs réunions internationales ont été organisées pour mobiliser davantage la communauté internationale. Je veux saluer ici l'engagement du président du Comité d'aide au développement de l'OCDE, M. Erik Solheim, du vice-président Afrique de la Banque mondiale, M. Makhtar Diop et du commissaire Mimica. Toutes ces réunions, à Paris, Washington et Bruxelles, ont salué les progrès du processus de transition et souligné la nécessité d'encourager la poursuite de ces progrès.
Vous l'aurez compris, l'action de la France en faveur de la République centrafricaine est aussi une action de plaidoyer. Le succès du processus de transition en RCA est dans l'intérêt de tous. Il avance, mais il nécessite encore beaucoup d'efforts. Nous sommes tous responsables.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er juin 2015