Texte intégral
PATRICK COHEN
Bonjour Laurent FABIUS.
LAURENT FABIUS
Bonjour.
PATRICK COHEN
David CAMERON sera ce soir à Paris pour demander les concessions qui lui permettraient de ne pas appeler à la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne. Qu'allez-vous lui dire, que lui répond la France ?
LAURENT FABIUS
Oui, David CAMERON vient dîner à l'Elysée, le président le recevra, je serai à ses côtés, on va l'écouter d'abord. Il a lancé ce projet de référendum, c'est quelque chose de très risqué. Nous, nous souhaitons que la Grande-Bretagne reste dans l'Union européenne, mais autant nous disons « oui » à une amélioration de l'Union, autant nous ne pourrions pas être d'accord avec un démantèlement. Et donc on va voir ce que Monsieur CAMERON demande, mais, évidemment, la population britannique, qui est habituée à ce qu'on lui dise « l'Europe c'est une mauvaise chose », « l'Europe c'est une mauvaise chose », le jour où on va la consulter, il y a un risque qu'elle dise « l'Europe, vous nous l'avez dit, c'est une mauvaise chose. » Alors que nous, notre sentiment, c'est qu'il faudrait que la Grande-Bretagne reste dans l'Union européenne. Néanmoins il y a des choses à améliorer. Nous, nous sommes pour simplifier le fonctionnement de l'Union, bien sûr, pour que l'Union exerce son rôle de protection, et pour qu'on puisse avoir de nouveaux projets, en matière d'emplois, d'environnement, etc.
PATRICK COHEN
Vous êtes ouvert à des concessions spécifiques à la Grande-Bretagne ?
LAURENT FABIUS
A des améliorations, parce que tout le monde reconnaît qu'il y a des choses qui doivent être améliorées, par exemple il y a des choses à simplifier. Mais, s'il s'agit de démembrer l'Union européenne, ça ne sera pas possible, et là-dessus, nous avons l'intention à la fois de consulter étroitement avec nos amis Allemands, de travailler avec la Commission, avec les autres. Si ça peut être un progrès, pourquoi pas, mais si c'est pour un démembrement, non.
PATRICK COHEN
Il faut que ce soit un progrès pour tous.
LAURENT FABIUS
Voilà. D'ailleurs je dis souvent, puisque les Britanniques sont habitués à des clubs, vous savez, je dis souvent, en essayant de faire un peu d'humour, là ils ont adhéré à un club de football, on ne peut pas dire au milieu du match « eh bien maintenant on va jouer au rugby », c'est l'un ou l'autre.
PATRICK COHEN
Qui aurait le plus à perdre d'une sortie, la Grande-Bretagne ou l'Europe ?
LAURENT FABIUS
La Grande-Bretagne certainement. Vous savez, moi je m'occupe beaucoup d'économie, de diplomatie économique, quand je dis à des investisseurs « écoutez, en France, la France, elle, elle va rester en Europe, tandis que la Grande-Bretagne ce n'est pas absolument sûr qu'elle reste en Europe », ils écoutent. Donc, ce serait certainement négatif pour le Royaume-Uni, mais ce serait négatif aussi pour l'Europe, parce que le Royaume-Uni est un grand pays, avec vraiment une vraie politique de défense, une vraie politique étrangère, les Britanniques sont des gens extrêmement courageux, inventifs
PATRICK COHEN
Avec une City, une place financière très puissante aussi.
LAURENT FABIUS
Avec une place financière importante, mais qui serait évidemment complètement diminuée si jamais la Grande-Bretagne sortait de l'Europe.
PATRICK COHEN
C'est donc ce que vous rappellerez ce soir à David CAMERON.
LAURENT FABIUS
On va l'écouter, on va voir concrètement ce qu'il propose.
PATRICK COHEN
L'actualité Laurent FABIUS, c'est aussi celle des difficiles négociations sur le nucléaire iranien, que Téhéran souhaite voir poursuivre, prolonger, après la date butoir du 30 juin. Vous avez allumé hier un nouveau feu rouge, la France c'est « le bad cop » de la négociation face à l'Iran ?
LAURENT FABIUS
Non, non non. Quelle est l'idée ? L'idée c'est de lutter contre la prolifération nucléaire, et dans cette négociation, que je suis depuis maintenant 3 ans, nous disons oui au nucléaire civil pour l'Iran, l'Iran a parfaitement le droit d'avoir du nucléaire civil, mais non à la bombe atomique, parce que si l'Iran a la bombe atomique, ça veut dire que les autres pays vont aussi se doter de la bombe atomique, dans une région qui est déjà éruptive ça va être une catastrophe.
PATRICK COHEN
Et les Américains ne pensent pas ça ?
LAURENT FABIUS
Alors, nous sommes en discussion, nous souhaitons aboutir, et aboutir, si c'est possible, dans les délais, c'est-à-dire avant la fin du mois de juin, mais il y a quelques points sur lesquels, évidemment c'est très technique, des points sur lesquels il faut absolument se mettre d'accord, et ce n'est pas encore le cas, notamment, c'est la question que j'ai soulevée hier, la question de la vérification. Le meilleur accord du monde, si on ne peut pas le vérifier, si on ne peut pas vérifier si les Iraniens respectent ou pas l'accord qu'ils ont signé, évidemment il n'y a pas d'accord possible. Et j'ai été conforté en cela tout à fait, je voyais le directeur général de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique, qui est un japonais, je le voyais il y a deux jours, il me disait « mais il est prévu, dans le protocole additionnel au traité de non-prolifération, qu'on puisse nous, Agence Internationale de l'Energie Atomique, contrôler tous les sites. » Donc, c'est un des points, ce n'est pas le seul.
PATRICK COHEN
Mais vous semblez craindre, Laurent FABIUS, que les Américains soient trop coulants, qu'ils fassent trop de concessions pour obtenir un accord.
LAURENT FABIUS
Non, je ne ferai pas du tout de procès d'intention aux Américains, nous discutons ensemble.
PATRICK COHEN
Ça c'est l'impression laissée.
LAURENT FABIUS
Nous sommes six d'un côté et un de l'autre, l'Iran, et nous nous sommes six, c'est-à-dire les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, plus l'Allemagne, et nous discutons de tout cela, et la France, elle, qui est une puissance de paix, veut un accord, mais un accord qui soit robuste. Laissez-moi 30 secondes pour expliquer pourquoi. On peut signer quelque chose, mais si l'accord n'est pas robuste, qu'est-ce qui va se passer ? Les autres pays de la région vont dire « vous avez signé un accord, mais cet accord n'est pas solide, donc nous-mêmes nous allons nous doter de l'arme nucléaire », que ce soit la Turquie, l'Egypte, l'Arabie Saoudite, d'autres, et à ce moment-là on aura un Moyen-Orient qui sera rempli de nucléaire. C'est un danger absolu. Donc, pour qu'on assure la paix, il faut que l'accord soit robuste, et c'est ça la position que défend la France.
PATRICK COHEN
Puisque vous parlez de la région Laurent FABIUS, vous ne pensez pas, vous, que face à l'avancée continue des djihadistes de Daesh, qu'il est urgent de se rapprocher de l'Iran ?
LAURENT FABIUS
Il est surtout urgent de trouver une solution politique, parce que le président de la République et moi-même avons toujours dit, dès le début du conflit syrien, du conflit irakien, que la solution était politique. En ce qui concerne Daesh, c'est un mal absolu, il faut donc lutter contre Daesh, mais lutter contre Daesh ça nécessite que politiquement, je prends l'exemple de l'Irak, l'ensemble du pays soit rassemblé, et si on a un gouvernement qui fait la part belle à la partie chiite, mais qui ostracise les sunnites, évidemment les sunnites disent « nous on ne va pas lutter contre Daesh puisque le gouvernement nous ostracise. » Donc il faut une solution politique. Et c'est la même chose en Syrie, où on a besoin d'une solution, avec des éléments du régime, je dis les choses telles qu'elles sont, sans monsieur Bachar EL-ASSAD, et l'opposition, c'est la seule manière de garder une Syrie intégrée et un Irak intégré.
PATRICK COHEN
Quel sera le message de la France ?
LAURENT FABIUS
Donc, le message de la France c'est chercher une solution politique, et, je vous dis, que sans le clamer « urbi et orbi », nous discutons avec les uns et les autres, y compris avec les Russes bien sûr, parce qu'on a besoin de trouver une solution politique.
PATRICK COHEN
Ce sera votre message mardi prochain, il y aura une nouvelle réunion de la coalition internationale contre Daesh à Paris.
LAURENT FABIUS
Exact. Il y a une réunion que je présiderai avec le Premier ministre irakien et le secrétaire d'Etat américain à Paris, de la coalition, nous allons discuter de l'Irak, comment faire reculer Daesh, et nous avons dit que nous nous étions engagés militairement, mais avec une condition politique, c'est que le gouvernement soit inclusif, c'est-à-dire rassemble tout le monde, à la fois les chiites, les sunnites, et les kurdes.
PATRICK COHEN
La COP21, la Conférence climat de décembre à Paris, dont vous avez dévoilé une partie du financement hier, on a entendu le sujet dans le journal de 8H00, et l'étonnement des ONG, des organisations non-gouvernementales, comment est-il possible que cette conférence soit financée, en partie, par des champions de la pollution, Laurent FABIUS ?
LAURENT FABIUS
Non, les choses se présentent différemment, et d'ailleurs j'avais reçu les ONG quelques jours avant, et je leur avais expliqué les choses. La conférence COP21, allons à l'essentiel, c'est une conférence extrêmement importante, la plus importante qui n'ait jamais été organisée en France, 40.000 délégués, l'objectif c'est d'éviter la catastrophe climatique, pour être simple. Et, évidemment, tout ça a un coût, d'organisation, ça coûte 170 millions, et, comme d'ailleurs ça a déjà été pratiqué, on a souhaité que les entreprises puissent, certaines d'entre elles, avoir une contribution. On a fait bien attention, il n'est pas question, puisque c'est quelque chose qu'on organise avec l'ONU, que ce soit des entreprises hostiles à la réalité climatique. Et donc, il y a eu un certain nombre d'entreprises, qui ont été acceptées, un certain nombre d'autres qui ont été refusées, et il faut bien veiller, ce qui est le cas, à ce que ces entreprises, non seulement n'aient pas d'effets négatifs, mais s'engagement véritablement pour le climat.
PATRICK COHEN
Et c'est le cas pour toutes celles qui vont financer
LAURENT FABIUS
C'est le cas.
PATRICK COHEN
EDF, RENAULT, AIR FRANCE, BNP ? Je ne sais pas si elles sont très contentes, parce que là elles se sont engagées, elles ont versé de l'argent, ou elles vont verser de l'argent, et puis elles se font taper dessus en même temps, depuis hier, parce qu'on les accuse de « greenwashing », vous savez, ce qu'on dit sur ces entreprises qui affichent une communication verte.
LAURENT FABIUS
Oui, mais prenons un exemple. RENAULT NISSAN produit la moitié des véhicules électriques dans le monde, et là ils vont mettre à disposition 200 voitures électriques, parce qu'il faut que la conférence elle-même, soit conforme à son objet. Je prends un autre exemple. La CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS fait un gros effort pour, à la fois, estimer l'emprunte carbone de toutes les entreprises qu'elle finance, et être très tournée vers la protection climatique. Donc, il faut garder sa mesure, et il faut, évidemment, c'est notre travail principal, je me rends d'ailleurs en Afrique du Sud après-demain pour discuter avec les Africains du Sud, qu'on arrive à un bon accord. Il y a un climat actuellement plutôt positif dans ce domaine, mais il faut passer d'un bon contexte à un bon accord, et c'est un travail gigantesque.
PATRICK COHEN
Les auditeurs vous interrogeront sans doute sur la question dans quelques minutes. Avant la revue de presse une dernière question plus anecdotique. Laurent FABIUS, vous portez l'image de la France en Europe et à l'étranger, mais vous n'êtes pas le seul, il y a aussi les concurrents de l'Eurovision qui se ridiculisent d'année en année, devant des dizaines de millions de téléspectateurs en Europe. Ça vous consterne ou ça vous indiffère cette histoire ?
LAURENT FABIUS
Non, ça ne m'indiffère pas, je suis un téléspectateur, et j'ai mis, si vous voulez, en comparaison, puisque vous m'interrogez, deux choses. D'abord, les succès français au Festival de Cannes, c'est un rayonnement extraordinaire, extraordinaire.
PATRICK COHEN
C'est le plus grand événement culturel du monde, oui.
LAURENT FABIUS
Vous dites l'influence de la France, l'influence de la France ce n'est pas simplement les positions politiques ou économiques qu'elle prend, c'est aussi la culture, et le cinéma aussi a une dimension économique, donc ça c'est un évènement magnifique, et partout on dit la France, son cinéma, c'est formidable. Et dans le même temps, dans des conditions que d'ailleurs j'ignore, à l'Eurovision on est avant-dernier, avant-avant-dernier, dernier, bon ! donc il faut, moi je ne suis pas spécialiste de ça, je ne vais pas me mêler de tout, mais je crois qu'il faut comprendre que, si on participe, il faut participer dans des conditions qui nous permettent d'être dans les premiers rangs, et donc il faut que ceux qui organisent cela, aient un espèce d'examen, j'allais dire d'examen de conscience, comment peut-on avoir un rang plus élevé dans la hiérarchie ? Alors, certains disent mais
PATRICK COHEN
Ne pas paraître ringard.
LAURENT FABIUS
Voilà, vous avez bien résumé les choses. J'ai vu, je vais tout vous confier, la prestation de celui qui a gagné, qui est un suédois, je n'ai pas de commentaire à faire sur sa voix, mais c'était un show, comme on fait maintenant, avec des lumières, etc., et par rapport à ça, nous c'était un petit peu la télévision avant l'invention de la télévision. Donc, on a des progrès à faire. Je ne veux pas me mêler de tout, mais puisque vous m'interrogez, je vous dis mon sentiment de téléspectateur qui est attaché au succès des couleurs de la France.
PATRICK COHEN
Puisque je vous interroge, vous vous en mêlez. Laurent FABIUS avec nous jusqu'à 8H55 et les questions des auditeurs à suivre dans un instant.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 mai 2015
Bonjour Laurent FABIUS.
LAURENT FABIUS
Bonjour.
PATRICK COHEN
David CAMERON sera ce soir à Paris pour demander les concessions qui lui permettraient de ne pas appeler à la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne. Qu'allez-vous lui dire, que lui répond la France ?
LAURENT FABIUS
Oui, David CAMERON vient dîner à l'Elysée, le président le recevra, je serai à ses côtés, on va l'écouter d'abord. Il a lancé ce projet de référendum, c'est quelque chose de très risqué. Nous, nous souhaitons que la Grande-Bretagne reste dans l'Union européenne, mais autant nous disons « oui » à une amélioration de l'Union, autant nous ne pourrions pas être d'accord avec un démantèlement. Et donc on va voir ce que Monsieur CAMERON demande, mais, évidemment, la population britannique, qui est habituée à ce qu'on lui dise « l'Europe c'est une mauvaise chose », « l'Europe c'est une mauvaise chose », le jour où on va la consulter, il y a un risque qu'elle dise « l'Europe, vous nous l'avez dit, c'est une mauvaise chose. » Alors que nous, notre sentiment, c'est qu'il faudrait que la Grande-Bretagne reste dans l'Union européenne. Néanmoins il y a des choses à améliorer. Nous, nous sommes pour simplifier le fonctionnement de l'Union, bien sûr, pour que l'Union exerce son rôle de protection, et pour qu'on puisse avoir de nouveaux projets, en matière d'emplois, d'environnement, etc.
PATRICK COHEN
Vous êtes ouvert à des concessions spécifiques à la Grande-Bretagne ?
LAURENT FABIUS
A des améliorations, parce que tout le monde reconnaît qu'il y a des choses qui doivent être améliorées, par exemple il y a des choses à simplifier. Mais, s'il s'agit de démembrer l'Union européenne, ça ne sera pas possible, et là-dessus, nous avons l'intention à la fois de consulter étroitement avec nos amis Allemands, de travailler avec la Commission, avec les autres. Si ça peut être un progrès, pourquoi pas, mais si c'est pour un démembrement, non.
PATRICK COHEN
Il faut que ce soit un progrès pour tous.
LAURENT FABIUS
Voilà. D'ailleurs je dis souvent, puisque les Britanniques sont habitués à des clubs, vous savez, je dis souvent, en essayant de faire un peu d'humour, là ils ont adhéré à un club de football, on ne peut pas dire au milieu du match « eh bien maintenant on va jouer au rugby », c'est l'un ou l'autre.
PATRICK COHEN
Qui aurait le plus à perdre d'une sortie, la Grande-Bretagne ou l'Europe ?
LAURENT FABIUS
La Grande-Bretagne certainement. Vous savez, moi je m'occupe beaucoup d'économie, de diplomatie économique, quand je dis à des investisseurs « écoutez, en France, la France, elle, elle va rester en Europe, tandis que la Grande-Bretagne ce n'est pas absolument sûr qu'elle reste en Europe », ils écoutent. Donc, ce serait certainement négatif pour le Royaume-Uni, mais ce serait négatif aussi pour l'Europe, parce que le Royaume-Uni est un grand pays, avec vraiment une vraie politique de défense, une vraie politique étrangère, les Britanniques sont des gens extrêmement courageux, inventifs
PATRICK COHEN
Avec une City, une place financière très puissante aussi.
LAURENT FABIUS
Avec une place financière importante, mais qui serait évidemment complètement diminuée si jamais la Grande-Bretagne sortait de l'Europe.
PATRICK COHEN
C'est donc ce que vous rappellerez ce soir à David CAMERON.
LAURENT FABIUS
On va l'écouter, on va voir concrètement ce qu'il propose.
PATRICK COHEN
L'actualité Laurent FABIUS, c'est aussi celle des difficiles négociations sur le nucléaire iranien, que Téhéran souhaite voir poursuivre, prolonger, après la date butoir du 30 juin. Vous avez allumé hier un nouveau feu rouge, la France c'est « le bad cop » de la négociation face à l'Iran ?
LAURENT FABIUS
Non, non non. Quelle est l'idée ? L'idée c'est de lutter contre la prolifération nucléaire, et dans cette négociation, que je suis depuis maintenant 3 ans, nous disons oui au nucléaire civil pour l'Iran, l'Iran a parfaitement le droit d'avoir du nucléaire civil, mais non à la bombe atomique, parce que si l'Iran a la bombe atomique, ça veut dire que les autres pays vont aussi se doter de la bombe atomique, dans une région qui est déjà éruptive ça va être une catastrophe.
PATRICK COHEN
Et les Américains ne pensent pas ça ?
LAURENT FABIUS
Alors, nous sommes en discussion, nous souhaitons aboutir, et aboutir, si c'est possible, dans les délais, c'est-à-dire avant la fin du mois de juin, mais il y a quelques points sur lesquels, évidemment c'est très technique, des points sur lesquels il faut absolument se mettre d'accord, et ce n'est pas encore le cas, notamment, c'est la question que j'ai soulevée hier, la question de la vérification. Le meilleur accord du monde, si on ne peut pas le vérifier, si on ne peut pas vérifier si les Iraniens respectent ou pas l'accord qu'ils ont signé, évidemment il n'y a pas d'accord possible. Et j'ai été conforté en cela tout à fait, je voyais le directeur général de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique, qui est un japonais, je le voyais il y a deux jours, il me disait « mais il est prévu, dans le protocole additionnel au traité de non-prolifération, qu'on puisse nous, Agence Internationale de l'Energie Atomique, contrôler tous les sites. » Donc, c'est un des points, ce n'est pas le seul.
PATRICK COHEN
Mais vous semblez craindre, Laurent FABIUS, que les Américains soient trop coulants, qu'ils fassent trop de concessions pour obtenir un accord.
LAURENT FABIUS
Non, je ne ferai pas du tout de procès d'intention aux Américains, nous discutons ensemble.
PATRICK COHEN
Ça c'est l'impression laissée.
LAURENT FABIUS
Nous sommes six d'un côté et un de l'autre, l'Iran, et nous nous sommes six, c'est-à-dire les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, plus l'Allemagne, et nous discutons de tout cela, et la France, elle, qui est une puissance de paix, veut un accord, mais un accord qui soit robuste. Laissez-moi 30 secondes pour expliquer pourquoi. On peut signer quelque chose, mais si l'accord n'est pas robuste, qu'est-ce qui va se passer ? Les autres pays de la région vont dire « vous avez signé un accord, mais cet accord n'est pas solide, donc nous-mêmes nous allons nous doter de l'arme nucléaire », que ce soit la Turquie, l'Egypte, l'Arabie Saoudite, d'autres, et à ce moment-là on aura un Moyen-Orient qui sera rempli de nucléaire. C'est un danger absolu. Donc, pour qu'on assure la paix, il faut que l'accord soit robuste, et c'est ça la position que défend la France.
PATRICK COHEN
Puisque vous parlez de la région Laurent FABIUS, vous ne pensez pas, vous, que face à l'avancée continue des djihadistes de Daesh, qu'il est urgent de se rapprocher de l'Iran ?
LAURENT FABIUS
Il est surtout urgent de trouver une solution politique, parce que le président de la République et moi-même avons toujours dit, dès le début du conflit syrien, du conflit irakien, que la solution était politique. En ce qui concerne Daesh, c'est un mal absolu, il faut donc lutter contre Daesh, mais lutter contre Daesh ça nécessite que politiquement, je prends l'exemple de l'Irak, l'ensemble du pays soit rassemblé, et si on a un gouvernement qui fait la part belle à la partie chiite, mais qui ostracise les sunnites, évidemment les sunnites disent « nous on ne va pas lutter contre Daesh puisque le gouvernement nous ostracise. » Donc il faut une solution politique. Et c'est la même chose en Syrie, où on a besoin d'une solution, avec des éléments du régime, je dis les choses telles qu'elles sont, sans monsieur Bachar EL-ASSAD, et l'opposition, c'est la seule manière de garder une Syrie intégrée et un Irak intégré.
PATRICK COHEN
Quel sera le message de la France ?
LAURENT FABIUS
Donc, le message de la France c'est chercher une solution politique, et, je vous dis, que sans le clamer « urbi et orbi », nous discutons avec les uns et les autres, y compris avec les Russes bien sûr, parce qu'on a besoin de trouver une solution politique.
PATRICK COHEN
Ce sera votre message mardi prochain, il y aura une nouvelle réunion de la coalition internationale contre Daesh à Paris.
LAURENT FABIUS
Exact. Il y a une réunion que je présiderai avec le Premier ministre irakien et le secrétaire d'Etat américain à Paris, de la coalition, nous allons discuter de l'Irak, comment faire reculer Daesh, et nous avons dit que nous nous étions engagés militairement, mais avec une condition politique, c'est que le gouvernement soit inclusif, c'est-à-dire rassemble tout le monde, à la fois les chiites, les sunnites, et les kurdes.
PATRICK COHEN
La COP21, la Conférence climat de décembre à Paris, dont vous avez dévoilé une partie du financement hier, on a entendu le sujet dans le journal de 8H00, et l'étonnement des ONG, des organisations non-gouvernementales, comment est-il possible que cette conférence soit financée, en partie, par des champions de la pollution, Laurent FABIUS ?
LAURENT FABIUS
Non, les choses se présentent différemment, et d'ailleurs j'avais reçu les ONG quelques jours avant, et je leur avais expliqué les choses. La conférence COP21, allons à l'essentiel, c'est une conférence extrêmement importante, la plus importante qui n'ait jamais été organisée en France, 40.000 délégués, l'objectif c'est d'éviter la catastrophe climatique, pour être simple. Et, évidemment, tout ça a un coût, d'organisation, ça coûte 170 millions, et, comme d'ailleurs ça a déjà été pratiqué, on a souhaité que les entreprises puissent, certaines d'entre elles, avoir une contribution. On a fait bien attention, il n'est pas question, puisque c'est quelque chose qu'on organise avec l'ONU, que ce soit des entreprises hostiles à la réalité climatique. Et donc, il y a eu un certain nombre d'entreprises, qui ont été acceptées, un certain nombre d'autres qui ont été refusées, et il faut bien veiller, ce qui est le cas, à ce que ces entreprises, non seulement n'aient pas d'effets négatifs, mais s'engagement véritablement pour le climat.
PATRICK COHEN
Et c'est le cas pour toutes celles qui vont financer
LAURENT FABIUS
C'est le cas.
PATRICK COHEN
EDF, RENAULT, AIR FRANCE, BNP ? Je ne sais pas si elles sont très contentes, parce que là elles se sont engagées, elles ont versé de l'argent, ou elles vont verser de l'argent, et puis elles se font taper dessus en même temps, depuis hier, parce qu'on les accuse de « greenwashing », vous savez, ce qu'on dit sur ces entreprises qui affichent une communication verte.
LAURENT FABIUS
Oui, mais prenons un exemple. RENAULT NISSAN produit la moitié des véhicules électriques dans le monde, et là ils vont mettre à disposition 200 voitures électriques, parce qu'il faut que la conférence elle-même, soit conforme à son objet. Je prends un autre exemple. La CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS fait un gros effort pour, à la fois, estimer l'emprunte carbone de toutes les entreprises qu'elle finance, et être très tournée vers la protection climatique. Donc, il faut garder sa mesure, et il faut, évidemment, c'est notre travail principal, je me rends d'ailleurs en Afrique du Sud après-demain pour discuter avec les Africains du Sud, qu'on arrive à un bon accord. Il y a un climat actuellement plutôt positif dans ce domaine, mais il faut passer d'un bon contexte à un bon accord, et c'est un travail gigantesque.
PATRICK COHEN
Les auditeurs vous interrogeront sans doute sur la question dans quelques minutes. Avant la revue de presse une dernière question plus anecdotique. Laurent FABIUS, vous portez l'image de la France en Europe et à l'étranger, mais vous n'êtes pas le seul, il y a aussi les concurrents de l'Eurovision qui se ridiculisent d'année en année, devant des dizaines de millions de téléspectateurs en Europe. Ça vous consterne ou ça vous indiffère cette histoire ?
LAURENT FABIUS
Non, ça ne m'indiffère pas, je suis un téléspectateur, et j'ai mis, si vous voulez, en comparaison, puisque vous m'interrogez, deux choses. D'abord, les succès français au Festival de Cannes, c'est un rayonnement extraordinaire, extraordinaire.
PATRICK COHEN
C'est le plus grand événement culturel du monde, oui.
LAURENT FABIUS
Vous dites l'influence de la France, l'influence de la France ce n'est pas simplement les positions politiques ou économiques qu'elle prend, c'est aussi la culture, et le cinéma aussi a une dimension économique, donc ça c'est un évènement magnifique, et partout on dit la France, son cinéma, c'est formidable. Et dans le même temps, dans des conditions que d'ailleurs j'ignore, à l'Eurovision on est avant-dernier, avant-avant-dernier, dernier, bon ! donc il faut, moi je ne suis pas spécialiste de ça, je ne vais pas me mêler de tout, mais je crois qu'il faut comprendre que, si on participe, il faut participer dans des conditions qui nous permettent d'être dans les premiers rangs, et donc il faut que ceux qui organisent cela, aient un espèce d'examen, j'allais dire d'examen de conscience, comment peut-on avoir un rang plus élevé dans la hiérarchie ? Alors, certains disent mais
PATRICK COHEN
Ne pas paraître ringard.
LAURENT FABIUS
Voilà, vous avez bien résumé les choses. J'ai vu, je vais tout vous confier, la prestation de celui qui a gagné, qui est un suédois, je n'ai pas de commentaire à faire sur sa voix, mais c'était un show, comme on fait maintenant, avec des lumières, etc., et par rapport à ça, nous c'était un petit peu la télévision avant l'invention de la télévision. Donc, on a des progrès à faire. Je ne veux pas me mêler de tout, mais puisque vous m'interrogez, je vous dis mon sentiment de téléspectateur qui est attaché au succès des couleurs de la France.
PATRICK COHEN
Puisque je vous interroge, vous vous en mêlez. Laurent FABIUS avec nous jusqu'à 8H55 et les questions des auditeurs à suivre dans un instant.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 mai 2015