Déclaration de M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'Etat aux anciens combattants et à la mémoire, sur les anciens combattants de la Première guerre mondiale et le mémorial de Souchez dans le Pas-de-Calais, à Souchez le 30 mai 2015.

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Circonstance : Inauguration du centre d'interprétation de Souchez, à Souchez (Pas-de-Calais) le 30 mai 2015

Texte intégral

Madame la préfète,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Monsieur le président du Conseil régional,
Monsieur le président du Conseil départemental,
Monsieur le président de l'agglomération de Lens-Liévin,
Monsieur le maire,
Monsieur le Sous-préfet,
Monsieur le Directeur de la mission du centenaire,
Monsieur le Directeur de la mission « histoire, mémoire, commémoration »,
Monsieur Pierre-Louis Faloci, architecte et scénographe de ce centre d'interprétation,
Mesdames et messieurs,
En mai 1915, il ne restait plus rien de Souchez. Les Souchézois avaient fui le village. Les maisons avaient laissé place à des ruines. Les terribles combats qui avaient eu lieu ici avaient emporté de nombreux soldats.
Parmi eux, le général Barbot dont le monument de Souchez porte la mémoire, dont l'âme repose à la nécropole de Notre-Dame-de-Lorette et dont le nom a été donné à un collège de Metz.
Cent ans plus tard, nous sommes réunis ici, au pied de la colline de Notre-Dame-de-Lorette que Louis Barthas décrivait en ces termes : « Lorette, nom sinistre évoquant des lieux d'horreur et d'épouvante, lugubres bois, chemins creux, plateaux et ravins repris vingt fois et où, pendant des mois, nuit et jour, on s'égorgea, se massacra sans arrêt, faisant de ce coin de terre un vrai charnier humain ».
Dès le 5 octobre 1914, le plateau de Notre-Dame-de-Lorette est investi par les troupes allemandes. Depuis ce lieu les soldats dominent Arras.
A la mi-novembre, le front se fige. La guerre de positions s'installe.
En 1915, les troupes de l'Empire allemand affrontent les troupes françaises aux côtés de celles de l'Empire britannique : Anglais, Écossais, Gallois, Irlandais mais aussi Canadiens, Africains du Sud, Australiens, Néo-Zélandais et Indiens écrivent l'histoire de leur Nation sur notre sol.
La colline de Notre-Dame-de-Lorette est reprise en mai 1915 par la Légion Étrangère. Les combats se poursuivent. Le 18 juin, 143 000 soldats français sont déjà tombés.
L'histoire de ces terres de l'Artois, c'est d'abord celle des combattants. Ceux venus de métropole, des anciennes colonies, d'Outre-mer, des pays alliés. Ceux venus de l'Empire allemand.
Ces hommes étaient de toutes origines, de toutes nationalités, de toutes confessions et de toutes couleurs de peau. Et 100 ans après, c'est une histoire à plusieurs voix qui se raconte.
L'histoire aussi de milliers de femmes et d'hommes déracinés de leur terre, empruntant le chemin de l'exode. Car la Grande Guerre fut aussi celle des civils.
Cette histoire, vous la connaissez. Une histoire d'alliances et de nationalismes qui plongèrent les populations dans l'horreur. Une histoire de combats et d'affrontements. Une histoire de souffrances et de deuil. L'histoire d'une guerre. Mais Souchez et ses environs inspirent plus que le récit d'une guerre.
Car sur ces champs de bataille, 100 ans après, la nature a repris ses droits. Bleuets et myosotis blancs ont refleuri.
Aujourd'hui, dans ce temps de paix et de réconciliation, c'est une mémoire partagée par des dizaines de Nations dont les enfants sont tombés sur nos terres, qui vit ici.
Une mémoire française à la nécropole de Notre-Dame de Lorette. Une mémoire britannique et néo-zélandaise à Wellington. Une mémoire canadienne à Vimy. Une mémoire allemande à Neuville-Saint-Vaast. Dans les sinuosités du Nord-Pas de Calais se creusent tous ces chemins de mémoire.
Ils convergent désormais vers un point de ralliement : l'anneau de la mémoire de Notre-Dame-de-Lorette que le président de la République a inauguré le 11 novembre dernier et que je visiterai tout à l'heure.
Ce mémorial, c'est la transcendance des nationalités avec l'affirmation des individualités. Ce mémorial, c'est aussi la souffrance partagée et la communauté de destins qui y est liée.
Une mémoire universelle et pacifiée prend chair dans ce mémorial dédié aux hommes.
579 606 noms gravés dans le marbre de l'Histoire en même temps, dans la mémoire de l'humanité et dans l'éternité de la pierre. 579 606 noms devenus plus grands et plus forts que ce qu'ils représentent. 579 606 noms qui redonnent une identité à ces hommes, presqu'un visage. 579 606 noms aujourd'hui préservés d'une seconde mort, sans doute la pire : l'oubli.
Parmi ces noms, des Allemands, des Français, mais aussi des combattants de la Légion Étrangère venus de 20 pays différents.
Parmi ces noms aussi, des Anglais, des Écossais, des Gallois, des Irlandais, des Canadiens, des Sud-Africains, des Indiens, des Australiens, des Néo-Zélandais. Parmi ces noms enfin, des Belges, des Portugais, des Russes et des Roumains.
Tous nous rappellent que c'est sur ces terres que se sont construites la solidarité et la fraternité entre les peuples, celles qui donnèrent naissance à l'idée d'Europe. Cette idée qui 30 ans plus tard s'est incarnée dans un espace : l'Europe de la paix.
C'est aussi l'universalité que le Nord-Pas de Calais incarne en portant avec les autres collectivités territoriales du front le projet d'inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO des principaux sites de mémoire funéraire du front de l'ouest.
Une page d'histoire s'est ouverte ici, dans cette région. Elle se devait d'écrire une page de mémoire.
Je veux remercier l'ensemble des élus et acteurs locaux qui se mobilisent pour continuer de faire parler et témoigner nos sites, nos monuments, nos paysages, alors que tous les témoins se sont éteints. En témoigne le développement du tourisme de mémoire.
Le Nord-Pas de Calais a accueilli en novembre 2013 les Assises du Tourisme de la Mémoire. Des tragédies qui ont émaillé son histoire contemporaine, la région en fait aujourd'hui un atout, un levier de croissance.
Votre région constitue également, en des lieux marqués par le déchaînement des haines nationales, une illustration de la nécessaire réconciliation des mémoires, par la diversité des visiteurs qu'elle accueille.
Plusieurs pays, en envoyant leurs enfants dans les tranchées sur notre sol, se sont véritablement affirmés politiquement et militairement.
Ils ont écrit ici des pages déterminantes de leurs histoires et leurs ressortissants viennent toujours plus nombreux en France rendre hommage à leurs aînés. Nous nous devons de les accueillir et de les accompagner dans ce travail de mémoire.
Une volonté qui trouve aujourd'hui une traduction concrète dans ce centre d'interprétation.
Je veux remercier et saluer le travail remarquable de ceux à qui nous le devons : messieurs Pierre-Louis Faloci, Yves Le Maner et François Cochet.
Je veux associer à ces remerciements l'ensemble des partenaires locaux : le conseil régional, le conseil départemental et la communauté d'agglomération de Lens-Liévin.
Mais l'Etat se devait d'être partenaire de ce beau projet, à travers le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (pour un montant d'environ 980 000 euros) et la participation du ministère de la défense à hauteur de 680 000 euros.
Mesdames et messieurs, dans ce temps de paix, réunis devant ce centre d'interprétation, nous relisons des destins brisés par la guerre. Nous nous souvenons des sacrifices consentis.
Nous nous souvenons de cette République qui jamais ne plia et du triomphe de ses valeurs comme nous nous en sommes souvenus tout au long des cycles commémoratifs du centenaire et du 70eanniversaire. Comme nous nous en sommes souvenus encore mercredi à l'occasion de la panthéonisation de 4 figures de la Résistance.
C'est aussi l'une des grandes et belles ambitions de la mémoire : aider à construire un avenir à la hauteur de notre histoire.
C'est la France toute entière qui, entrée depuis quelques mois dans ce Centenaire, vit au rythme de son histoire et de sa mémoire.
Je sais nos concitoyens fermement attachés à ce qui a fait la France d'aujourd'hui. Car ces femmes et ces hommes que nous saluons dans ce Centenaire, il ne suffit pas de s'en souvenir, il ne suffit pas de saluer leur mémoire.
Il faut défendre leur héritage et dire qu'ils ont combattu pour un monde plus libre et plus fraternel.
Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 16 juin 2015