Déclaration de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées et à la lutte contre l'exclusion, sur la lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale dans les territoires, Paris le 11 juin 2015.

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Texte intégral


Mesdames, Messieurs,
J'ai souhaité venir à votre rencontre car il m'a semblé important de vous présenter, avant sa publication, les principales orientations de l'instruction qui vous sera adressée très prochainement par le Premier Ministre. Cette instruction vise à assurer la bonne mise en œuvre de la nouvelle feuille de route du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, et ce sur l'ensemble des territoires métropolitains et ultramarins.
L'enjeu de cette instruction : donner vie au plan afin qu'il devienne une réalité sur tous les territoires
Comme vous le savez, la nouvelle feuille de route du plan « pauvreté », qui a été annoncée par le Premier Ministre le 3 mars dernier, contient un certain nombre de nouvelles mesures, qui visent à compléter et renforcer le plan afin de mieux répondre aux besoins qui ont été identifiés dans le cadre de l'évaluation annuelle de sa mise en œuvre, assurée par l'Inspection générale des affaires sociales. Parmi ces nouvelles mesures figurent des orientations relatives à la mise en œuvre et à la gouvernance du plan, afin de renforcer ce que certains ont appelé sa « territorialisation » : un certain nombre d'associations se sont exprimées à ce sujet avant la publication de la nouvelle feuille de route. Le rapport d'évaluation de la deuxième année de mise en œuvre du plan a en effet montré que la mobilisation des acteurs était variable sur vos territoires, alors même que la réussite du plan repose sur un partenariat large et actif entre l'Etat, les organismes de protection sociale, les collectivités territoriales, les associations, les entreprises et les partenaires sociaux. Alors certes, la plupart d'entre vous ont bien réalisé des diagnostics territoriaux et des plans d'actions régionaux ou départementaux. Mais il faut maintenant renforcer les coopérations entre l'Etat et ses partenaires, sans oublier la question de la participation des personnes concernées, à laquelle je tiens beaucoup, et qui fonde la crédibilité et la pertinence de nos politiques. Je sais que ce n'est pas facile : nous avons désormais pérennisé, au niveau national, le 8ème collège du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE) composé de personnes en situation d'exclusion. Il faut désormais décliner localement ce type de démarches. Car vous le savez, ce sont les personnes elles-mêmes qui expriment le mieux les difficultés qu'elles rencontrent pour accéder à leurs droits : la complexité des courriers, le fait d'avoir à répéter plusieurs fois la même chose.
C'est le message que je souhaite vous faire passer aujourd'hui : la réussite de ce plan, et son efficacité pour faire reculer la pauvreté et l'exclusion, dépend en réalité principalement, sinon exclusivement, de notre capacité collective à lui donner vie, et à faire qu'il devienne une réalité sur tous les territoires, afin qu'il puisse être ce pourquoi il a été conçu à savoir : un « bouclier social », qui protège contre les aléas de la vie personnelle et professionnelle, autant qu'un « tremplin social » qui permette aux personnes en difficulté de se relever et d'accéder à l'emploi, à la formation, à la santé, ou encore au logement.
Et pour que l'action collective se mette en marche, l'engagement de l'État est indispensable pour impulser une dynamique partenariale autour d'un projet commun et cohérent. Car la vocation de l'État n'est pas nécessairement d'intervenir partout et sur tous les sujets, mais de créer les conditions d'une mobilisation collective et coordonnée.
Alors concrètement, me direz-vous, en quoi cette instruction va-t-elle permettre de réellement faire bouger les choses sur le terrain ?
Tout d'abord, cette instruction permet de clarifier les rôles des échelons régionaux et départementaux
Cette instruction sera adressée à la fois aux préfets de région et aux préfets de département, afin de préciser et de clarifier le rôle respectif des différents échelons territoriaux des services déconcentrés de l'État.
En premier lieu, les Préfets de région seront en charge, avec l'appui des DRJSCS, de l'élaboration d'une stratégie régionale permettant d'adapter le plan aux réalités locales. Ils devront ainsi définir des priorités régionales, tant en termes de publics-cibles et d'actions à mener que du niveau territorial pertinent pour en assurer la mise en œuvre ainsi que du ou des pilotes qui en auront la charge.
En second lieu, et de façon complémentaire, les préfets de Département seront chargés du pilotage et du suivi de la mise en œuvre de la stratégie régionale, en lien étroit avec le Conseil départemental (Conseil Général), désormais conforté dans son rôle de chef de file de l'action sociale. Je tiens à préciser cependant que le pilotage au niveau départemental n'exclut pas, bien au contraire, la prise en compte de besoins spécifiques à l'échelle infra-départementale, notamment au niveau des quartiers prioritaires de la politique de la ville, mais aussi des zones rurales isolées, qui peuvent parfois se sentir abandonnées.
La collaboration entre les Conseils Départementaux et les préfets de Département ainsi que leurs services est essentielle pour que les choses se mettent en place efficacement sur le terrain. Mais il est vrai également que l'action de terrain doit s'inscrire dans le cadre d'une stratégie régionale, tant la région est (et restera) l'échelle où se définissent les stratégies en matière d'emploi, de formation, de santé, ou encore de transports. C'est pourquoi ces deux échelons sont réellement complémentaires et doivent travailler ensemble.
Par ailleurs, cette instruction apporte des éléments de méthode pour l'animation partenariale locale
Coordonner pour mieux accompagner
Votre rôle, je vous l'ai dit, est de piloter la mise en œuvre du plan par l'ensemble des acteurs publics et privés, en vous assurant de la bonne coordination de leurs interventions au service des personnes. En effet, la coordination d'acteurs poursuit un objectif essentiel : permettre aux personnes en difficulté de trouver des solutions à des problèmes souvent multiples et complexes, car imbriqués entre eux, et qui nécessitent de se rendre dans de nombreuse institutions : CCAS, associations, CAF, caisses d'assurance maladie…C'est le sens de la démarche Agille, sur laquelle vous pourrez vous appuyer, et qui vise à décloisonner l'action sociale.
Donner un cap : l'égalité de droits
Le cap, il est très clair : c'est l'égalité de traitement des citoyens sur l'ensemble du territoire national, quelle que soit leur situation familiale ou professionnelle, quel que soit leur lieu de vie, leur origine sociale.
C'est pourquoi j'ai demandé au Premier Ministre que figure dans l'instruction que vous allez recevoir, la nécessité d'évaluer l'efficacité des actions mises en œuvre, notamment sur le plan de l'accès aux droits, afin de s'assurer que l'égalité des citoyens entre eux n'est pas seulement un principe mais bien une réalité visible, tangible.
Le suivi et l'évaluation du plan vous permettra, sur la base de quelques indicateurs simples et appropriables par chacun, de mesurer les progrès accomplis et les efforts à accomplir, et de mobiliser les acteurs autour de projets tels que les schémas départementaux de la domiciliation, qui sont un préalable indispensable à l'accès aux droits.
Encourager et valoriser les initiatives locales
Pour renforcer les dynamiques partenariales et créer des synergies entre acteurs, vous pourrez vous appuyer sur leur capacité à innover, à inventer et porter des solutions nouvelles pour travailler ensemble plus efficacement. Vous devrez pour cela les inciter à se mobiliser dans le cadre d'appels à projets régionaux ou départementaux, en créant des espaces d'échange de bonnes pratiques (tels que le « Club des Expérimentateurs », mis en place dans le cadre de la démarche Agille), ou encore en mettant en place des incubateurs d'innovation sociale. Vous pourrez également stimuler et impulser les partenariats autour de projets portés par l'État mais qui doivent encore être expérimentés localement pour être optimisés. Je pense au simulateur des droits (qui permet de connaitre l'ensemble des droits auxquels on est éligible, et qui est en cours de test), au coffre-fort numérique (qui évitera aux personnes de devoir apporter une pile entière de pièces justificatives, ce qui est particulièrement complexe pour les personnes sans-domicile), ou encore aux Points Conseil Budgets, qui seront expérimentés à partir du second semestre 2015.
Enfin, l'instruction précise les modalités d'appui de l'Etat central aux territoires
L'Etat central, quant à lui, ne se dérobera pas devant ses responsabilités. La Direction générale de la cohésion sociale, qui assure l'animation interministérielle du plan, sera ainsi chargée de vous apporter un soutien technique et humain. Elle sera appuyée pour cela par l'inspection générale des affaires sociales, qui a mandaté François Chérèque pour mettre en place des réunions régionales de coordination partenariale, et rendre compte devant le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE) de la territorialisation du plan.
En conclusion
Avant de vous écouter, d'échanger avec vous, et de répondre à vos questions, je souhaitais vous redire que nous avons besoin de vous pour que ce plan devienne une réalité, et je sais que je peux compter pour cela sur votre implication sans faille au service de nos concitoyens les plus fragiles.
Mais je veux vous dire également que vous pouvez compter sur moi et sur Marisol Touraine, qui a la responsabilité de coordonner ce plan avec l'ensemble des ministres concernés. Car ce plan est une priorité du gouvernement. Nous avons en effet la conviction que ce plan, s'il est mis en œuvre efficacement, peut redonner de l'espoir à certains de nos concitoyens qui parfois, n'ont plus confiance en nous et en notre capacité à transformer le réel. Et bien, prouvons-leur ensemble que nous sommes capables d'agir et de redonner confiance et espoir !
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 19 juin 2015