Texte intégral
YVES CALVI
Jean-Michel APHATIE, vous recevez le ministre du Travail, François REBSAMEN.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour François REBSAMEN.
FRANÇOIS REBSAMEN
Bonjour Jean-Michel APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le projet de loi dit de dialogue social, que vous avez écrit, sera débattu par les députés à partir de la semaine prochaine, et déjà vous avez reculé, François REBSAMEN, sur ce texte, sous la pression d'associations féministes, qui ont noté que dans l'article 13 de votre projet de loi, « supprimer l'obligation faite aux entreprises de plus de 300 salariés, de publier chaque année un rapport sur les inégalités professionnelles entre hommes et femmes », dans ces entreprises, tollé donc des associations féministes, et hier soir vous avez fait savoir qu'un amendement rétablirait l'obligation de ce rapport de situation comparée. Peut-on parler d'un couac, François REBSAMEN ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, bien sûr que non. Ce projet de loi, ce texte, c'est un texte de progrès social, qui accorde des droits nouveaux, plus de droits, plus de droits d'ailleurs à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, et pas moins de droits.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais, ce rapport
FRANÇOIS REBSAMEN
Alors, il y a un malentendu.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah, il y a un malentendu.
FRANÇOIS REBSAMEN
Il y a un malentendu, une incompréhension ou peut-être même un travestissement de la réalité.
JEAN-MICHEL APHATIE
Un peu de mauvaise foi ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Peut-être.
JEAN-MICHEL APHATIE
De la part d'associations féministes ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Peut-être. En tous les cas, le malentendu est levé, parce que je à la demande d'ailleurs de ces associations, et pour lever toute ambiguïté, eh bien je déposerai, au nom du gouvernement, en liaison avec Sandrine MAZETIER, et la délégation aux droits des femmes, je déposerai un amendement, qui rétablira dans la loi, parce que ça devait être dans le décret
JEAN-MICHEL APHATIE
Le rapport de situation comparée.
FRANÇOIS REBSAMEN
Ça devait être dans le décret, mais vous savez, dès que c'est dans un décret, il y a une suspicion.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, le décret, il sera pris à la Saint Glin-glin.
FRANÇOIS REBSAMEN
Voilà voilà, alors, donc
JEAN-MICHEL APHATIE
Dans la loi.
FRANÇOIS REBSAMEN
Il n'y a plus de doute, ça sera dans la loi, et tout ce qui concerne le rapport de situation comparée, sera mis dans la base de données unique, et donc il n'y aura pas de recul et on pourra continuer. D'autre part
JEAN-MICHEL APHATIE
Yvette ROUDY, ancienne ministre des Droits des femmes
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, que je connais bien, bien sûr, elle était avec moi au Parti socialiste, donc la même sensibilité
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà, ministre des Droits des Femmes quand François MITTERRAND a été élu président de la République il y a un peu plus de 30 ans maintenant, posait la question hier dans Le Parisien : « Incompétence du ministre elle n'était pas gentille, hein ou zèle d'un fonctionnaire qui voulait supprimer des obligations pour les entreprises ? ». Vous avez une réponse, François REBSAMEN ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais c'est déjà dans la loi, ça a du échapper
JEAN-MICHEL APHATIE
« Déjà dans la loi », non, puisque vous allez mettre un amendement.
FRANÇOIS REBSAMEN
C'est déjà dans la loi, bien sûr c'est dans la loi de 2013 déjà, et ça doit entrer en application au 1er janvier 2016, et donc ça allait plus vite en le mettant par un décret. Donc, on revient, il n'y a pas de problème. Quant à Yvette ROUDY, que je connais bien, elle faisait partie de la même sensibilité que moi au sein du Parti socialiste, voyez-vous
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui oui, bien sûr.
FRANÇOIS REBSAMEN
Elle devrait se rappeler, que quand j'ai avant la loi sur la parité, à Dijon, j'avais été exemplaire en la matière, donc ça lui permettrait ce matin, peut être, de dire, que les choses sont rétablies.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais oui. On a noté aussi que Jacques TOUBON, le défenseur des droits, hier avait fait un communiqué en disant : « Vraiment, monsieur REBSAMEN, ce n'est pas bien ». Voyez, tout le monde vous est tombé dessus !
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, mais il s'est excusé après, il s'est excusé.
JEAN-MICHEL APHATIE
Où il s'est excusé ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Au téléphone, tout va bien, c'est réglé.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah, au téléphone. Bon. Votre projet de loi lui même sera discuté en commission cette semaine
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, parlons du texte.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le Monde du 20 avril titrait ceci : « La loi Rebsamen s'efforce de ne fâcher personne », autrement dit, c'est pas un texte révolutionnaire que vous présentez.
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, je laisse la révolution à Fidel CASTRO
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah oui, tiens.
FRANÇOIS REBSAMEN
Moi je fais un texte d'évolution, un texte de progrès social, qui répond à deux exigences : une exigence démocratique, et puis une exigence d'efficacité économique. C'est donc entre ces deux exigences, avec ces deux exigences qu'il faut avancer. Il y a plusieurs objectifs. Le premier, c'est d'assurer une représentation de tous les salariés, quelque soit la taille des entreprises. Ça va faire de la France un pays modèle en Europe, unique en Europe, puisque dans toutes les petites entreprises il y aura une représentation des salariés. C'était attendu depuis très longtemps, ça sera dans la loi. C'est dans la loi. Deuxièmement, il y a des avancées pour revivifier le dialogue social, parce qu'il est souvent, comment dire, trop formel, tout le monde s'en plaint un peu, donc le faire plus efficace. Des 17obligations de consultation on va passer à trois. Des 12 négociations obligatoires, on va en avoir trois, trois blocs. Rien ne sera écarté, mais ça sera ramassé, ça sera plus intéressant et peut être ça suscitera des vocations, le monde syndical et la représentation du personnel en a bien besoin. Et puis, troisième objectif, si vous me le permettez, c'est valoriser les parcours syndicaux, tous ceux qui s'engagent seront reconnus comme s'engageant au service des salariés et des travailleurs dans les entreprises. Et il y a aussi beaucoup de simplification, pour faciliter la vie des entreprises, c'est vrai. Alors voilà, c'est un texte d'évolution, un texte de progrès social
JEAN-MICHEL APHATIE
Pas de révolution, mais des évolutions.
FRANÇOIS REBSAMEN
mais ce n'est pas un texte de révolution, il ne prétend pas l'être.
JEAN-MICHEL APHATIE
On se souvient de vous, François REBSAMEN, il y a un an vous disiez : « Ce qui serait bien ça devait figurer dans cette loi ce serait de suspendre pendant trois ans les seuils sociaux, ça faciliterait la vie dans les entreprises ».
FRANÇOIS REBSAMEN
Alors, non seulement
JEAN-MICHEL APHATIE
Là-dessus on peut dire que vous avez abandonné, voire capitulé ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, je les lisse, certains disparaissent, il y a des seuils à 150 qui disparaissent, des seuils à 200 qui disparaissent, mais ce qui est vrai, c'est que je ne veux pas aller contre les partenaires sociaux qui ont refusé cette proposition, et donc je ne la mets pas dedans, pour le seuil des 50, c'était celui-là.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord, donc votre projet de loi discuté à partir de la semaine prochaine à l'Assemblée nationale, pendant ce temps la loi Macron vit sa vie.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, elle vit sa vie.
JEAN-MICHEL APHATIE
Les sénateurs vont la voter avec un amendement qu'ils ont mis dans la loi
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
Les biens culturels pourront être vendus le dimanche, traduisons : les FNAC pourront être ouvertes tous les dimanches.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, c'est ça, oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
Quand ça revient devant les députés, le gouvernement soutient cet amendement sénatorial ou pas, François REBSAMEN ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Ecoutez, il faut le demander à Emmanuel MACRON. Je n'ai pas assisté
JEAN-MICHEL APHATIE
Je vous le demande à vous, parce qu'Emmanuel MACRON n'est pas là ce matin.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, d'accord, mais
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah oui !
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais vous me le demandez
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est le gouvernement, quoi.
FRANÇOIS REBSAMEN
Il ne faut pas que ça porte atteinte aux droits des salariés, vous connaissez le principe
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, bien sûr, s'ils sont payés plus, les salariés.
FRANÇOIS REBSAMEN
Pas d'accord, pas d'ouverture. Mais s'il y a un accord
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais sous ces conditions là ?
FRANÇOIS REBSAMEN
S'il y a un accord, moi j'y suis plutôt favorable, parce qu'en ce moment, ce qui se passe, c'est que si on regarde bien les choses, eh bien c'est par Internet que la compétition, la concurrence se fait, au détriment de ceux qui ont des salariés.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord, donc réponse faite par François REBSAMEN
FRANÇOIS REBSAMEN
Moi je dirais, c'est un geste plutôt favorable.
JEAN-MICHEL APHATIE
Réponse faite par François REBSAMEN, on vérifiera auprès d'Emmanuel MACRON, s'il est encore avec vous, mais
FRANÇOIS REBSAMEN
Voilà, oui mais je vous réponds, vous me posez la question.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez raison, vous avez raison. RENAULT TRUCKS, fabricant de camions et propriété du groupe VOLVO, prévoit de supprimer 512 postes sur son site lyonnais. Hier, le Premier ministre, qui était en déplacement à Lyon, a dit : « On ne peut pas accepter le plan qui nous est présenté, il faut trouver une autre solution ».
FRANÇOIS REBSAMEN
Eh bien on va discuter, il a raison.
JEAN-MICHEL APHATIE
Qu'est-ce qui justifie cette position ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Eh bien vous savez, RENAULT TRUCKS vend en ce moment, et tant mieux, ça marche, ils produisent beaucoup de camions, les vendent
JEAN-MICHEL APHATIE
Ils gagnent de l'argent...
FRANÇOIS REBSAMEN
Ils gagnent de l'argent
JEAN-MICHEL APHATIE
après en avoir perdu, ils en gagnent.
FRANÇOIS REBSAMEN
et comme souvent dans les entreprises, ils fusionnent les fonctions support, ce que l'on appelle les fonctions supports, commerciales, etc. et donc le Premier ministre a dit ça, on va se mettre au travail, on va regarder
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais pourquoi ? Les entreprises ne sont pas libres de faire ce qu'elles veulent ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Eh bien pas quand elles bénéficient comme ça d'une croissance économique, et après, les suppressions d'emplois, il faut qu'elles soient négociés
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais quelle est la légitimité du gouvernement
FRANÇOIS REBSAMEN
Les suppressions d'emplois, il faut qu'elles soient négociées.
JEAN-MICHEL APHATIE
Quelle est la légitimité du gouvernement à dire : faites-ci, faites pas ça ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais bien sûr que si, puisque vous savez que
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah bon ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Bien sûr que si, heureusement qu'on peut peser encore sur les situations économiques.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah, c'est vrai, c'est légitime ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais bien sûr c'est légitime.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous vous souvenez de ce que disait le Premier ministre, il y a quelques mois ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ecoutez.
MANUEL VALLS
J'aime l'entreprise. J'aime l'entreprise !
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, enfin, il l'aime, de temps en temps, quoi.
FRANÇOIS REBSAMEN
Ben il aime l'entreprise.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il aime par éclipse.
FRANÇOIS REBSAMEN
Non non non, il aime les entreprises qui créent de l'emploi, pas celles qui suppriment de l'emploi, alors même qu'elles sont en train de faire des bénéfices, voilà, c'est assez simple.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais, j'y pense, si les chefs d'entreprise pensent qu'ils doivent faire ça non, vous êtes mieux placé que les chefs d'entreprise pour savoir ce que les entreprises veulent faire ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais on va discuter avec eux, il y a les partenaires sociaux, il y a des représentants syndicaux, dans ces entreprises.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ben oui, mais c'est ça
FRANÇOIS REBSAMEN
En ben justement, il faut
JEAN-MICHEL APHATIE
mais pas le gouvernement, c'est pas un partenaire social le gouvernement.
FRANÇOIS REBSAMEN
Il faut négocier, ce n'est pas comme ça, le fait du prince, j'annonce 500 suppressions d'emplois, ça se
JEAN-MICHEL APHATIE
Et s'ils ne suivent pas, s'ils le font quand même ?
FRANÇOIS REBSAMEN
discute, ça se négocie. Il y aura une négociation, il faut ouvrir les négociations.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et s'ils le font quand même, ils seront punis ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Le Premier ministre a dit : « Il faut ouvrir les négociations », on va les ouvrir.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ils seront punis s'ils appliquent leur plan ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais non, ce n'est pas un il n'y a pas de système punitif en la matière, il y a simplement l'obligation de négocier, de créer de l'emploi, quand les choses vont mieux.
JEAN-MICHEL APHATIE
Après d'autres, Alain FINKIELKRAUT, ce matin dénonce la réforme du collège, la réforme du collège est destructrice. Vous êtes de quel côté, vous, du côté de FINKIELKRAUT ou du côté de Najat VALLAUD-BELKACEM ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oh non, parce que ses propos sont excessifs.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais la réforme est bonne ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Et tout ce qui est excessif est insignifiant. Et donc, en la matière, je dénie le droit, non pas à FINKIELKRAUT, mais à la droite, d'une manière générale, de faire des procès d'intention à Najat VALLAUD-BELKACEM, quand on voit ce qu'ils ont fait de l'Education nationale, pendant les 5 ans de Nicolas SARKOZY.
JEAN-MICHEL APHATIE
Des « pseudo-intellectuels » a dit Najat VALLAUD-BELKACEM.
FRANÇOIS REBSAMEN
C'est son expression.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce n'est pas la vôtre.
FRANÇOIS REBSAMEN
C'est son expression.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est son expression, et ce n'est pas la vôtre, et c'était François REBSAMEN qui était l'invité de RTL ce matin, bonne journée.
YVES CALVI
Oui, l'un d'entre eux, Luc FERRY, sera d'ailleurs lui aussi notre invité à 08h20. François REBSAMEN, vous l'avez entendu, qui entend rétablir le rapport de situation comparée hommes/femmes, dans la loi. « Je laisse la révolution à Fidel CASTRO, je choisis l'évolution », nous a dit notre ministre
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça vous a fait rire, ça.
YVES CALVI
Oui, ça me fait rire notre ministre du Travail. Un entretien à écouter et à retrouver sur le site RTL.fr.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 mai 2015