Texte intégral
Merci beaucoup cher collègue et ami Nasser Joudeh. Mesdames, Messieurs, je suis tout à fait honoré de l'accueil qui m'est réservé ici, c'est ma quatrième visite depuis maintenant trois ans et je suis très heureux d'avoir l'occasion de m'entretenir dans quelques instants avec Sa Majesté le Roi Abdallah II, et bien sûr comme je l'ai fait à l'instant et je l'ai fait hier de rencontrer mon collègue et ami Nasser Joudeh auquel me lient des liens particuliers. J'ai eu l'occasion de rappeler à mes interlocuteurs l'amitié que porte la France à la Jordanie et l'importance de notre relation bilatérale, dans une période où la situation dans la région n'est pas facile et où la Jordanie contribue courageusement à la stabilité de son environnement.
Je voudrais d'abord souligner combien la Jordanie est un partenaire important pour la France. La Jordanie joue un rôle essentiel dans la région et bien au-delà, notamment par son action au sein du Conseil de sécurité. La Jordanie est un pays qui s'engage pour tenter de trouver des solutions aux conflits qui déchirent ses voisins. La Jordanie est un pays qui fait preuve de générosité en accueillant un grand nombre de réfugiés et je salue sa générosité. La Jordanie est un pays qui défend des valeurs de tolérance et de vivre ensemble. C'est un pays qui lutte contre le terrorisme et l'extrémisme et cet engagement nous le partageons totalement et nous avons donc sur tous ces points à cœur de travailler ensemble. Donc je voudrais rendre hommage à l'action de la Jordanie sous la conduite éclairée du Roi.
Le but premier de ma visite dans la région puisque j'étais hier au Caire, je suis ce matin en Jordanie, j'irai dans quelques heures à Ramallah et je terminerai l'après-midi en Israël, le but premier de cette visite est d'identifier comment nous pouvons contribuer à relancer le processus de paix israélo-palestinien. La France fait partie en effet des quelques pays qui ne baissent pas les bras devant cette situation. Et si nous ne baissons pas les bras, c'est à la fois par amitié pour les Palestiniens et aussi pour les Israéliens, mais aussi parce que nous considérons, comme l'a dit excellement Nasser Joudeh, que cette question est une question fondamentale, pas seulement locale et régionale, mais internationale. Que si nous voulons établir la paix et la sécurité, ce qui est le premier objectif de la politique extérieure française, notre premier objectif, c'est la sécurité et la paix, il faut que nous contribuons à trouver des solutions à cette question israélo-palestinienne. Et donc il faut discuter avec les parties prenantes. Avec nos amis jordaniens nous partageons le même constat, c'est-à-dire : une vraie préoccupation, face à la situation sur le terrain et à l'avenir de la solution des deux Etats. Puisque en ce moment il n'y a pas de négociations, il n'y a pas de résolution, il n'y a pas vraiment d'accompagnement international, et donc la situation peut se dégrader à chaque instant. Notre rôle en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, en tant qu'ami des pays de la région, c'est d'aider à trouver une solution, non pas à la place des parties prenantes mais avec les parties prenantes. En plus, si nous n'offrons pas un horizon politique on peut redouter la reprise de la violence, qui malheureusement peut intervenir à chaque instant.
C'est la raison pour laquelle nous sommes convenus de collaborer activement pour créer les conditions qui permettront enfin d'aller vers cette solution des deux Etats. D'abord il faut une négociation et si la négociation avance il faut qu'elle puisse se terminer, se conclure. Or jusqu'à présent, ce que nous observons depuis quarante ans, c'est que parfois il y a des négociations, parfois il n'y en a pas, mais quand il y en a elles n'aboutissent jamais. Et donc il faut adopter une méthode qui tienne compte de ces échecs et qui permette de dépasser cela. C'est ce sur quoi nous travaillons avec nos amis délégués par la Ligue arabe et singulièrement avec la Jordanie qui est directement concernée et qui connaît admirablement ces problèmes. Notre objectif est simple : sortir du blocage et redonner une perspective crédible.
Bien évidemment, nous avons évoqué aussi d'autres grands enjeux internationaux et je le ferai dans quelques instants avec Sa Majesté le Roi. Nous avons réitéré notre détermination à nous battre contre l'extrémisme. Nous avons renouvelé notre engagement à travailler en faveur d'une solution politique en Syrie, en Libye, au Yémen, notamment en soutenant les efforts des Nations Unies en ce sens. Nous avons réaffirmé notre appui au gouvernement irakien dans sa lutte contre Daech et, ce qui est très important, pour accélérer le programme des réformes de réconciliation afin, là comme ailleurs, que la pratique du gouvernement soit une pratique inclusive. Nous avons également invité nos amis jordaniens à co-présider avec nous, au début du mois de septembre, une réunion internationale sur la protection des minorités qui fait suite à une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies et une initiative que la France a proposé aux Nations Unies, parce qu'il faut que dans tous les pays les minorités soient protégées en particulier contre les exactions du groupe Daech. La Jordanie, la France, d'autres pays sont appelés à cette table. Nous avons également, dans un tout autre domaine, évoqué la lutte contre le changement climatique. Vous savez qu'une importante conférence mondiale aura lieu à la fin de l'année à Paris, et cette préoccupation, de lutter contre le changement climatique, prend toute son urgence ici, en Jordanie, où les ressources en eau posent évidemment un problème. Sur tous ces enjeux, la France et la Jordanie ont un rôle important à jouer et nous voulons jouer ce rôle ensemble.
Enfin, nous avons évoqué avec Nasser Joudeh la qualité et la variété de notre coopération. Nous avons tous les deux à cœur de renforcer nos échanges humains, culturels, scientifiques, économiques. Nasser a évoqué le rôle des investissements français. Si nous poussons nos entreprises à investir ici c'est parce que nous avons confiance dans le présent et dans le futur de la Jordanie. A cet égard, il y a toute une série de projets à saluer : le projet de bus rapide d'Amman dont les travaux ont commencé et auquel la France apporte son soutien - qui va être utile, concrètement, à la ville et à des millions de Jordaniens. Nous pensons aussi aux touristes qui viennent découvrir votre patrimoine culturel qui est magnifique, aux jeunes Jordaniens qui partent poursuivre leurs études en France et qui, assurons le, pratiqueront un Français aussi parfait que Nasser Joudeh. Nous avons toute une série de perspectives dans le domaine des transports, de l'eau où Jordaniens et Français peuvent et veulent travailler ensemble. Donc nos liens sont forts, nos liens sont multiples, et c'est la raison pour laquelle je suis ravi d'être ici, ce matin, avec vous.
Questions :
AFP : Dans la démarche française, quel rôle particulier est dévolu à la Jordaniepour faciliter la reprise des négociations de paix ? Avez-vous évoqué avec M. Nasser Joudeh la coopération juridique et en particulier l'instigateur présumé de l'attentat de la rue des Rosiers ?
Laurent Fabius : En ce qui concerne votre première question, nous sommes tout à fait d'accord avec la Jordanie et d'autres de nos amis pour agir, le plus possible, afin de trouver une solution à la question israélo-palestinienne. Nous savons que cette question se résume dans ce qu'on appelle les deux Etats. Mais aujourd'hui, malheureusement, nous sommes au point mort. Et donc, notre idée est d'agir sur différents canaux avec toujours l'objectif de parvenir à cette question des deux Etats : d'un côté, faire droit à la justice pour les Palestiniens qui doivent avoir un Etat et de l'autre côté faire en sorte qu'Israël ait sa sécurité garantie. Et cela passe par une série d'étapes qui peuvent être successives ou parallèles. Il faut qu'il y ait une reprise de la négociation parce qu'il ne s'agit pas de négocier à la place des parties, il s'agit de faire en sorte que les parties négocient. Ça c'est un aspect. Un autre aspect, c'est de faire en sorte qu'il y ait un accompagnement international puisque comme le disait Nasser, je partage tout à fait son sentiment, dans le passé il y a eu parfois des négociations mais au moment où il fallait faire les derniers mètres on y arrivait pas. Nous considérons, après avoir beaucoup réfléchi, que l'accompagnement international doit permettre de faire ces derniers mètres et aider les deux parties, en l'occurrence les Israéliens et les Palestiniens, à faire les concessions qui sont nécessaires pour avoir un accord. Et puis il doit y avoir à un moment ou un autre une transcription de tout cela aux Nations Unies puisque c'est le rôle des Nations Unies, à travers le Conseil de sécurité, d'aider à la solution. Alors il faut, selon une procédure à définir, en liaison avec les uns et les autres, trouver comment peuvent s'inscrire ces différentes instances et l'objectif, je le répète, c'est de parvenir à une solution qui permette aux Palestiniens de jouir de leurs droits et à Israël de voir sa sécurité garantie.
En ce qui concerne l'attentat de la rue des Rosiers, il y a des informations effectivement qui ont été données qui concernent un citoyen qui, si les renseignements donnés sont exacts, se trouverait ici. Nous comptons bien sûr sur la justice jordanienne pour que, si les choses sont avérées, les procédures internationales permettent que cette personne soit interpellée et soit jugée. Bien évidemment, entre la Jordanie et la France, la coopération doit être entière.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 juin 2015