Texte intégral
Chers amis, je suis dans la région pour deux jours.
Hier j'ai été reçu par le Président égyptien, M. Sissi, et j'ai eu un contact approfondi avec des représentants de la Ligue Arabe. Ce matin, j'ai rendu visite au Roi de Jordanie. Je suis en ce moment même ici à Ramallah et j'ai été reçu, je l'en remercie beaucoup, par le Président Abbas et dans quelques instants j'irai à Jérusalem pour rencontrer le Président et le Premier ministre israéliens.
Et l'objet de cette visite est toujours le même : présenter ce que sont les idées françaises à nos amis et partenaires pour leur demander ce qu'ils en pensent avec un objectif et un seul, qui est la priorité de la diplomatie française, la recherche de la sécurité et de la paix. C'est ça l'objectif, la recherche de la sécurité et de la paix. Il n'y en a pas d'autre. La France n'a pas d'agenda caché. Or, dans cette recherche générale de la sécurité et de la paix, la question israélo-palestinienne est très importante. Importante en elle-même, car il faut à la fois garantir la sécurité d'Israël, et en même temps donner le droit aux Palestiniens d'avoir un Etat. Mais plus largement c'est une question plus importante qui a des répercussions, nous en avons parlé avec le Président Abbas, sur l'ensemble de la région et sur beaucoup de situations dans le monde, parce qu'à partir du moment où un problème aussi important que celui-là n'est pas réglé, cela a tout une série de conséquences, y compris, et c'est un souci pour nous tous, sur la montée du terrorisme dans toute une série d'Etats. Donc, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, je le redis, il s'agit de présenter un certain nombre d'idées et d'écouter quelles sont les réactions de nos interlocuteurs. Ces idées vous les connaissez maintenant, il s'agit d'aider à la reprise des négociations pour aboutir à la paix, puisque ce sont les parties qui doivent négocier. Personne ne peut négocier à leur place, c'est une évidence. Mais pour le moment, il n'y a pas de négociations donc il faut qu'elles puissent reprendre. C'est un aspect.
Un autre aspect qui tire les leçons, comme je le disais, des années passées : avoir un mécanisme, un groupe, un comité, je ne sais pas comment il faut l'appeler, d'accompagnement international, pour que, surtout dans les derniers mètres de la négociation, si la négociation doit reprendre, ce groupe aide à franchir ces derniers mètres parce qu'on l'a vu dans le passé, même au temps où il y a eu des négociations, on n'arrive pas à franchir les derniers mètres. Parce que l'un des gouvernements dira « ah ce n'est pas possible, cela demande des sacrifices trop grands », l'autre la même chose, donc il faut qu'il y ait un accompagnement.
Et puis il y a cette perspective d'une résolution au Conseil de Sécurité mais ce n'est pas une fin en soi. J'ai tout à fait apprécié ce qu'a dit le Président Abbas : « Il faut être réaliste, une résolution c'est intéressant si elle peut être adoptée et c'est intéressant si elle est appliquée. Ce n'est pas une résolution pour une résolution ». Donc voilà, c'est une façon à la fois traditionnelle et à certains égards un peu nouvelle d'aborder les questions soumises à l'appréciation de nos interlocuteurs. Et je veux remercier beaucoup le Président Abbas et mon ami son ministre des Affaires étrangères d'avoir apporté leur soutien à ces idées. Alors bien sûr, c'est voué à être discuté ensuite, mais sur le principe, le Président a bien voulu apporter son soutien à ces idées, ces pistes si je puis dire.
Ensuite, je voudrais dire quelques mots sur nos relations bilatérales, qui sont très bonnes. La France est un pays qui ne baisse pas les bras par rapport à la situation. Et quand on fait des efforts pour la paix, c'est très difficile, personne ne peut méconnaitre la difficulté. Si ce n'était pas difficile, on aurait trouvé la solution depuis longtemps. Mais il faut continuer à chercher, il faut continuer à avancer et la France est un de ces pays, nous ne sommes pas si nombreux que cela malheureusement, qui ne baisse pas les bras. C'est vrai qu'il y a beaucoup d'autres questions mais il faut traiter aussi les autres questions, et puis il y a des connexions entre ces questions en ce moment. Nos relations sont donc bonnes et je vais dans le sens de ce que vient d'indiquer le ministre des Affaires étrangères. Nous sommes tombés d'accord pour avoir un séminaire gouvernemental au début du mois de septembre et puis pour avancer sur cet engagement présidentiel du lycée de Ramallah et puis sur tel ou tel autre aspect.
Voilà quelques mots. Je suis bien sûr à votre disposition pour quelques questions mais j'ai redit au président Abbas comme je le dirai tout à l'heure aux autorités israéliennes à quel point il était essentiel que les parties elles-mêmes puissent reprendre le fil de leur dialogue, et que nous étions là pour aider et en aucun cas pour nous substituer, avec un seul objectif : la sécurité et la paix.
Question (Palestine TV) :
M. Le Ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, vous avez rappelé que le Président Abbas a soutenu vos idées. Vous est-il possible de développer ces idées, surtout concernant l'Etat palestinien, ses frontières, la colonisation, et les outils de mise en œuvre d'un accord éventuel.
Le Ministre Al-Malki a rappelé que le Président Abbas et le Ministre Fabius avaient des positions identiques vis-à-vis des idées françaises. Est-ce à dire que nous sommes à l'approche d'une percée ?
Sur votre question, il y a au départ des points de vue qui sont différents. Les points de vue des Israéliens, les points de vue des Palestiniens. Et ce qu'il faut essayer de trouver, ce sont des situations de compromis qui permettent d'avancer. Donc la France a fait un certain nombre de suggestions, en liaison d'ailleurs avec nos amis qui ont été désignés par la Ligue Arabe, mais ce n'est certainement pas à prendre ou à laisser, cela doit faire l'objet d'une discussion, donc je ne vais pas dire aujourd'hui : « voilà ce qui est proposé sur Jérusalem, voilà ce qui est proposés sur les réfugiés, voilà ce qui est proposé sur tel ou tel aspect ». Nous en discutons, il y a des éléments importants de convergence. Cela doit fournir un cadre, mais encore une fois cela doit permettre d'entrer dans la discussion et la discussion doit être menée par les parties elles-mêmes. Mais bien sûr je crois aussi que nous devons écouter le point de vue de la partie israélienne, puisqu'il faut que chacun puisse dire son mot.
J'aurai l'occasion dès demain de discuter de cela avec beaucoup de collègues européens parce que nous avons une réunion à Luxembourg et que nous aborderons aussi ces sujets, d'autres sujets à l'ordre du jour mais aussi celui-là. Et puis j'aurai l'occasion dans la semaine de rencontrer mon collègue John Kerry, qui malheureusement a eu un accident mais qui va nous rejoindre puisque nous avons des discussions avec les Iraniens à la fin de la semaine qui s'ouvre. Donc il y a des idées qui sont sur la table mais elles doivent petit à petit être précisées. Je ferai retour à tous nos amis et partenaires des réactions. Je crois que c'est comme cela qu'il faut travailler. Il n'est pas question d'imposer je ne sais quelle solution que personne n'accepterait, il faut proposer des éléments en comprenant bien les parties, en ayant les idées claires sur l'objectif et ensuite, faire un effort pour essayer de faciliter les choses. Cela s'appelle la diplomatie.
Question (RFI) :
M. Fabius, vous allez voir Benyamin Netanyahu tout à l'heure. Le Premier ministre israélien a dit ce matin qu'il rejetait toute tentative de diktat international qui pourrait remettre en cause la sécurité d'Israël. On sait que le gouvernement israélien est clairement hostile à l'initiative française et que le gouvernement est très radical. D'ailleurs, la plupart de ses membres sont contre la création d'un Etat palestinien. Alors est-ce que l'initiative française a une chance d'aboutir ?... L'objet de ma question, c'est un peu : à quoi ça sert ?
Alors d'abord, j'ai lu cette déclaration et je serai ravi de rencontrer dans quelques instants le Premier ministre israélien. Ce mot de « diktat » ne fait partie ni du vocabulaire français ni des projets de la France, en aucun cas. Il s'agit, comme je vous l'ai expliqué, de présenter un certain nombre d'idées. Je vais le faire, je n'ai pas encore eu l'occasion de le faire. On ne peut pas préjuger du Premier ministre israélien. L'idée maitresse est tout à fait simple, aujourd'hui la situation est bloquée. Personne ne peut le contester. Ce blocage est dangereux. Il y a le risque de l'enlisement et le risque de l'embrassement. Ces deux risques d'ailleurs sont liés. C'est l'avers et le revers d'une même médaille. Il peut y a voir des phénomènes de violence à tout moment et si l'on veut, comme c'est notre cas, aller vers la recherche de la paix et de la sécurité, il faut examiner les idées sans parti-pris et à partir de ce moment-là dire ce que l'on prend en compte. Mais moi je viens sans idée préconçue et je suis certain qu'il en est de même pour ceux qui vont m'accueillir avec amabilité.
Question (Al-Arabiya) :
Monsieur le Ministre français, vous avez dit qu'il n'était pas possible de proposer des idées qui ne seraient pas acceptées par les parties ?
Je ne veux pas qu'il y ait d'ambigüité, je crois qu'il faut que nous présentions nos idées, qu'ensuite les uns et les autres réagissent et bien sûr nous prendrons en compte ces réactions. Cela ne veut pas dire que chacun ait raison mais c'est comme cela que le processus peut avancer. L'essentiel pour nous c'est encore une fois : recherche de la paix et de la sécurité, nécessité d'avoir deux-Etats, nécessité que les Palestiniens aient droit à un Etat qui soit viable - vous connaissez tous les termes admis par la communauté internationale -, et nécessité que la sécurité d'Israël soit absolument assurée. S'il y a de la bonne volonté, on doit pouvoir avancer. C'est très difficile, c'est vrai. Dans le passé, cela n'a pas été possible. Tirons les leçons du passé et essayons d'avancer parce que la conviction profonde qui est la nôtre - et j'étais très frappé par le fait que le Président Sissi et le Roi Abdallah m'ont dit la même chose -, c'est qu'il y a une grande inquiétude, elle est présente ici aussi et elle est présente dans la région. Parce que si les choses restent bloquées, il peut y avoir des explosions à tout moment et l'explosion fait toujours le jeu de l'extrémisme, est négative pour les populations et négative dans les environs, qui sont déjà très éruptifs. Donc il est nécessaire d'avancer dans les voies de la paix et de la sécurité, et c'est ça tout simplement la démarche française.
Question (Europe 1) : Est-ce que vous allez réussir à la fois à négocier avec les Israéliens pour relancer le processus de paix et à discuter avec le Hamas pour essayer de maintenir ou de consolider l'Autorité palestinienne si jamais cette chose aboutissait ? Et est-ce que, dans le cas d'un gouvernement d'union nationale, le Hamas serait partie prenante de ce processus, est-ce que la France et les Européens seraient à ce moment-là prêts à accepter une sorte de représentation, de participation à ce processus de la part du Hamas ?
Sur cette question de la représentation, nous avons une position constante qui est que, vous le savez, nous n'avons pas de contacts avec le Hamas et nous n'avons de contact qu'avec ceux qui ont renoncé à la violence, qui acceptent les règles posées par le quartet et qui reconnaissent Israël. Et dès lors qu'un nouveau gouvernement sera nommé, selon ce que m'a rapporté le Président Abbas, les règles seraient les mêmes. C'est à dire que j'ai compris que c'était la position du Président Abbas : ne pourraient faire partie de ce gouvernement que des personnes qui, individuellement et collectivement, reconnaissent ces règles, ont renoncé à la violence et reconnaissent Israël. Dès lors, pour nous, il n'y a pas de problème.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 juin 2015