Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur les relations franco-israéliennes, le conflit israélo-palestinien et sur le nucléaire iranien, à Jérusalem le 21 juin 2015.

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Circonstance : Déplacement en Egypte, en Jordanie, dans les Territoires palestiniens et en Israël les 20 et 21 juin-entretien avec le Premier ministre israélien, à Jérusalem (Israël) le 21 juin 2015

Texte intégral

- Israël - Territoires palestiniens
Merci beaucoup, Monsieur le Premier Ministre, de la gentillesse de votre accueil, j'y suis sensible.
Je suis depuis deux jours dans la région. J'ai eu l'occasion de rencontrer le président Sissi et un certain nombre de ministres des pays arabes. Ce matin, je rencontrais le roi de Jordanie puis, au début de l'après-midi le président Abbas et maintenant j'ai le plaisir, après avoir rencontré le président d'Israël, de vous rencontrer.
Cette visite, même si elle est rapide, a un seul but. La France, comme vous le savez, est attachée à la sécurité et à la paix. Vous avez dit des choses aimables et justes sur l'Histoire de la France et ce que nous avons cherché à partager avec d'autres, y compris bien sûr avec votre pays. Et, parmi les engagements qui ont toujours été les nôtres, il y a l'engagement en faveur de la sécurité et de la paix. C'est vrai lorsque l'on examine la question iranienne - j'en dirai quelques mots - et c'est vrai à propos de ce qu'il est convenu d'appeler la question israélo-palestinienne.
Nous souhaitons, ce qui n'a pas été possible jusqu'ici, ce qui est très difficile, c'est-à-dire une véritable paix où la sécurité d'Israël soit garantie sans quoi rien n'est possible et où, d'autre part, les Palestiniens jouissent de leur droit et puissent avoir un Etat, nous souhaitons que cela puisse voir le jour. Et, pour lever toute hypothèque, car je crois qu'il y a eu des erreurs d'interprétation là-dessus, nous ne comptons pas du tout shunter la dimension des négociations. C'est évidemment aux négociateurs, aux parties, c'est-à-dire à la fois à Israël et aux Palestiniens de discuter.
Cela n'empêche pas qu'il y ait un accompagnement international. Aujourd'hui, il existe le quartet qui n'a pas été totalement efficace, pour employer un langage diplomatique. Mais qu'il puisse y avoir un accompagnement international, notamment pour les derniers mètres, car ce sont les derniers mètres qui sont souvent les plus difficiles.
Et puis, vous avez abordé aussi la question de la résolution. Une résolution, cela n'est jamais une fin en soi, c'est un moyen et nous n'avons absolument aucune intention de bâtir une résolution pour une résolution si elle doit être refusée, si elle ne doit pas être implémentée. Je crois donc que les quelques mots que je viens de prononcer ainsi que la conversation que nous allons avoir ensemble permettront de juger sur pièce.
De quoi s'agit-il ? Beaucoup de gens sont inquiets. Le président Sissi, le roi de Jordanie, les Palestiniens, les Israéliens d'une autre manière, nous-mêmes sommes inquiets à cause de tout ce qui se passe dans le vaste monde et parce que les terroristes sont connectés, c'est cela la réalité.
Et si on n'arrive pas à résoudre cette question israélo-palestinienne, nous risquons d'avoir des explosions de violence. Vous avez fait allusion à des faits qui se sont produits, qu'il faut condamner bien sûr, il est absolument impossible d'accepter sans réagir qu'untel poignarde untel, cela n'a pas de sens ! Ou plutôt cela a un sens mais qui doit être condamné, il faut être clair.
Donc, l'effort de la France est extrêmement précis et clair : nous souhaitons tout faire pour favoriser la sécurité et la paix dans cette région du monde et nous demandons aux parties de négocier. Si nous pouvons aider - quand je dis «nous», ce n'est pas seulement la France, ce sont tous ceux qui sont de bonne volonté -, nous le ferons.
(...)
Pour le reste, l'amitié entre Israël et la France est une amitié qui date de longtemps. Il y a des moments, comme on dit en bon français «up and down». Mais ce qui compte c'est que nous soyons engagés vers les mêmes causes profondes et les mots que vous avez prononcés au début «liberté», «égalité», «fraternité», sécurité et paix. Et dans notre esprit, il doit y avoir une solution à la question lancinante - qui dure depuis beaucoup d'années - israélo-palestinienne. Mais il ne peut pas y avoir de solution si la sécurité d'Israël n'est pas assurée. Je vous remercie.
- Iran - Nucléaire
(...)
Vous avez abordé la question de l'Iran, qui est une question grave. On dit souvent dans cette négociation sur le nucléaire iranien que la France est la plus dure. Ce n'est peut-être pas l'expression qui convient. Il est vrai que nous pensons qu'il faut être extrêmement ferme et que, si un accord doit intervenir, cet accord doit être robuste. Cela veut dire qu'il doit pouvoir être vérifié car un accord qui n'est pas vérifiable, c'est un accord qui n'est pas appliqué. Cela veut dire qu'il y a toute une série de conditions dont nous avons discuté.
Je verrai demain les négociateurs iraniens. Et il y a à clarifier, à préciser et à être sûr que l'accord soit robuste. Sinon, qu'arrivera-t-il ? Certes on peut signer mais si l'accord n'est pas robuste, la conséquence sera que l'ensemble de la région deviendra nucléaire. Parce que, comme il n'y aura pas de confiance dans l'accord, chacun cherchera à se protéger en obtenant des armes nucléaires. Et une région comme celle-ci devenue nucléaire, c'est un problème très grave, sans parler de la possibilité pour un des groupes terroristes de se saisir d'une arme nucléaire.
Donc, la France, puissance de paix et de sécurité, travaille pour un accord mais j'insiste sur le terme «un accord robuste». Sinon, on aura des conséquences redoutables auxquelles les uns et les autres peuvent penser.
(...).
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 juin 2015