Interview de M. Harlem Désir, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, avec France 2 le 22 juin 2015, sur la Grèce et la Zone euro.

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Média : France 2

Texte intégral

ROLAND SICARD
Bonjour à tous, bonjour Harlem DESIR.
HARLEM DESIR
Bonjour Roland SICARD.
ROLAND SICARD
Avant de revenir sur ce sommet de Bruxelles sur la Grèce, je voudrais qu'on aborde une des informations de la nuit, le français Serge ATLAOUI, condamné à mort en Indonésie, s'est vu refusé un nouveau recours. Est-ce que la France va intervenir ?
HARLEM DESIR
Je crois que ses avocats eux-mêmes vont examiner le dépôt d'un autre recours et évidemment la mobilisation de la diplomatie française est totale pour sauver Serge ATLAOUI, je vais redire notre détermination à nous battre contre la peine de mort partout, et évidemment à sauver la vie de notre compatriote.
ROLAND SICARD
Alors le sommet de Bruxelles sur la Grèce, les créanciers seront là, la Banque Centrale sera là, surtout les chefs de gouvernements, les chefs d'Etat seront là. Est-ce que c'est vraiment la réunion de la dernière chance ?
HARLEM DESIR
C'est une journée décisive, parce que comme vous l'avez dit tout au long de cette journée il va y avoir une série de réunions pour déboucher ce soir par un conseil de la zone euro, c'est-à-dire un sommet des chefs d'Etats et de gouvernements de la zone euro auquel participera le président de la République, François HOLLANDE, pour maintenant trouver un accord parce que la position de la France est claire, la Grèce doit rester dans la zone euro. Tout autre solution, celle d'une sortie, d'un défaut provoquerait une crise dont les conséquences sont incalculables et inconnues, mais ça serait terrible…
ROLAND SICARD
Ca fait des semaines et des semaines qu'on négocie.
HARLEM DESIR
Oui mais une crise qui serait terrible d'abord pour l'économie grecque mais aussi qui pourrait avoir des risques pour l'économie européenne et même pour l'économie internationale. Donc maintenant il faut que ces négociations se concluent, qu'elles débouchent et que chacun fasse le dernier pas pour trouver un accord qui est indispensable.
ROLAND SICARD
Alors le dernier pas c'est un pas de chaque côté j'imagine. Qu'est-ce que la Grèce doit faire de plus ?
HARLEM DESIR
Ben oui un pas de chaque côté parce que d'un côté il y a effectivement un pays, la Grèce, qui a des besoins de financements et qui doit pouvoir continuer à bénéficier de la solidarité de ses partenaires, de l'Union européenne, d'un certain nombre d'institutions comme la Banque Centrale Européenne et donc il y a un certain nombre de réformes qui doivent être engagées par exemple sur le plan de la fiscalité, s'assurer que tous payent des impôts y compris les plus riches et que les dépenses ne sont pas supérieures aux ressources. Et puis de l'autre côté il doit y avoir la volonté de la part de l'ensemble des partenaires de donner à la Grèce la possibilité de disposer de stabilité, de temps. Il y a un choix qui a été fait par le peuple grec au moment des élections au mois de janvier qui était d'en finir avec une politique d'austérité qui a été extrêmement dure, qui a aggravé la crise.
ROLAND SICARD
Justement, est-ce qu'on peut de …
HARLEM DESIR
Et de l'autre côté il y a des règles…
ROLAND SICARD
D'en fait encore plus ?
HARLEM DESIR
Je crois que les Grecs ont déjà subi une politique extrêmement difficile sur le plan social, la Grèce a payé un très lourd tribu à la fois à la crise et à des politiques restrictives qui n'ont pas permis de retrouver la croissance, donc aujourd'hui l'objectif c'est à la fois d'assainir la situation financière et des finances publiques en Grèce, mais c'est aussi de faire redémarrer l'économie, de faire en sorte que les investissements reviennent, de faire en sorte que les secteurs comme le tourisme qui sont créateurs d'emplois puissent redémarrer, pour cela il faut la stabilité, il faut que la Grèce reste dans l'euro. Et puis dans ce moment d'instabilité générale, dans cette région en Méditerranée, et un peu partout autour de l'Europe on a besoin d'unité européenne, on a besoin de stabilité européenne, donc de ce point de vue il faut que chacun fasse un pas vers l'autre et il faut donc que l'ensemble des partenaires de la zone euro eux aussi fassent en sorte qu'il y ait ce soir un accord.
ROLAND SICARD
Est-ce qu'il n'y a pas trop d'intransigeance de l'Europe, notamment de l'Allemagne ?
HARLEM DESIR
Je pense qu'il ne faut pas distinguer les pays, tout le monde veut avoir évidemment la garantie, la certitude que puisque de nouvelles aides peuvent être accordées pour permettre à la Grèce de se financer, encore une fois on va quand même avoir un budget par exemple qui permet de réduire à terme l'endettement, de réduire le déficit, donc il y a deux principes, il y a un principe de responsabilité et un principe de solidarité, comme dans d'autres dossiers en ce moment en Europe. Responsabilité de chacun, responsabilité en Grèce dans les propositions qui sont faites pour qu'elles soient viables, responsabilités du point de vue des partenaires et solidarité vis-à-vis de la Grèce. Chaque jour perdu est un jour dangereux. Et donc aujourd'hui doit être le jour de la conclusion d'un accord.
ROLAND SICARD
Au coeur de cette affaire il y a le rôle du fonds monétaire international, est-ce que c'est logique que le FMI intervienne dans des affaires européennes ?
HARLEM DESIR
En principe s'agissant d'une affaire qui concerne un pays de la zone euro, cela aurait dû être réglé par les institutions de la zone euro et la Banque Centrale Européenne, et donc il y a eu une décision qui a été prise en 2010 de faire en sorte que le FMI soit partie prenante des aides et de la recherche d'une solution, je crois que c'est une exception et qu'il serait préférable de revenir à la règle et que surtout il faut que chacun respecte l'autre et que donc la directrice de cette institution quand elle s'exprime à propos des représentants de la Grèce et d'un gouvernement qui est légitimement élu.
ROLAND SICARD
Quand elle dit par exemple qu'il faut discuter entre adultes, est-ce que ce n'est pas insultant pour les Grecs ?
HARLEM DESIR
Je pense qu'il faut se garder de toute déclaration qui soit inutilement condescendante, qui soit insultante, qui soit méprisante vis-à-vis d'un gouvernement qui a une légitimité démocratique et donc si on veut être respecté, il faut respecter les autres, donc si cette institution, le FMI, veut être respecté, elle doit elle-même cette institution respecter le gouvernement de la Grèce.
ROLAND SICARD
Mais la Grèce doit de l'argent justement au FMI, comment est-ce que le FMI peut sortir de cette négociation s'il n'est pas remboursé ?
HARLEM DESIR
Je le disais à un moment il y a eu une décision en 2010 de faire participer le FMI au plan de sauvetage, je pense que ça n'était pas une décision ordinaire puisque pour un pays de la zone euro, normalement le FMI ne devrait pas intervenir et que donc à l'issue de l'actuel plan de sauvetage parce qu'on est en train en fait de discuter de donner les derniers financements du deuxième programme d'assistance à la Grèce, je pense qu'il faudra collectivement en Europe qu'il y ait une discussion parce que la logique ne serait pas de continuer avec le FMI. Je pense qu'il est mieux que les Européens assument leurs responsabilités. Dans le monde de demain si l' Europe veut peser, si elle veut être une puissance, si elle veut affirmer son modèle il faut qu'elle soit capable de prendre elle-même ses affaires en main et qu'elle soit capable s'agissant de la Grèce de trouver elle-même une solution pour sortir la Grèce de sa crise.
ROLAND SICARD
Si la Grèce sort de l'euro, quelles conséquences notamment pour le contribuable français ?
HARLEM DESIR
Nous ne pouvons pas travailler sur cette hypothèse, la France évidemment sera toujours prête à toutes les situations, mais nous nous ne travaillons que sur une option, c'est le maintien de la Grèce dans la zone euro, parce que toute autre situation serait une catastrophe pour la Grèce elle-même d'abord, pour son économie, l'euro aujourd'hui est solide, nous avons créé un mécanisme européen de stabilité, c'est-à-dire que nous avons notre propre fonds monétaire européen, finalement nous avons fait en sorte qu'il puisse y avoir des pare-feux si jamais un pays se retrouvait en difficulté, mais il faut que nous ayons une ambition pour l'Europe, c'est celle de maintenir tous ces membres unis ensemble pour faire face aux grands défis et aujourd'hui l'objectif c'est de faire repartir la croissance, elle est là, elle redémarre mais encore trop lentement en Europe, ce n'est pas de replonger dans la crise.
ROLAND SICARD
On revient en France avec les élections municipales partielles qui ont eu lieu hier soir, trois élections, trois défaites pour le Parti socialiste. Inquiétant à deux ans de la présidentielle ?
HARLEM DESIR
Ce sont des élections partielles, plusieurs de ces villes étaient déjà passées à droite lors des élections municipales et s'agissant d'élections partielles je crois que ça n'est pas une surprise et que cela évidemment n'a pas de signification pour ce que sera un autre rendez-vous national, celui-là dans deux ans.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 juin 2015