Texte intégral
Je suis heureuse d'être parmi vous aujourd'hui pour ouvrir la session Autisme du 13ème Congrès « soins somatiques et douleur en santé mentale ».
J'en suis ravie en tant que ministre en charge des personnes handicapées car, vous le savez, l'un des axes majeurs de mon action est justement de réduire les inégalités d'accès aux soins des personnes en situation de handicap. J'en suis ravie en tant que médecin, car votre présence nombreuse ici témoigne de l'implication de tous, et de cette alliance essentielle entre professionnels, associations et familles, afin de réduire les obstacles, encore nombreux, que rencontrent nos concitoyens en situation de handicap lorsqu'il s'agit de prévention ou d'éducation à la santé, de consultation libérale ou hospitalière et plus encore parfois lorsqu'une hospitalisation est nécessaire. Je veux vous dire aujourd'hui plusieurs choses.
Tout d'abord, je souhaite dire aux familles et aux personnes avec autisme que je connais la souffrance vécue au quotidien, ainsi que les difficultés majeures que vous rencontrez au quotidien pour accéder aux soins somatiques. Je veux vous dire aussi que je sais combien une douleur non diagnostiquée et non traitée peut entraîner des conséquences graves à la fois pour la santé de la personne avec autisme mais aussi pour son parcours de vie. Une douleur non traitée occasionne très fréquemment l'apparition de comportements/ problèmes qui, mis sur le compte de l'autisme de la personne, en font souvent oublier l'essentiel : effectuer un bilan, définir une stratégie thérapeutique puis la mettre en œuvre en tenant compte du contexte de vie de la personne et de ses proches, et des particularités de fonctionnement de la personne.
Je veux vous dire enfin qu'il nous reste encore beaucoup de travail pour que soit acquis par l'ensemble des professionnels et des établissement le réflexe de la prévention et de l'éducation à la santé, du suivi somatique de base que l'on doit garantir à toute personne en situation de handicap.
Lorsque des problèmes de santé viennent croiser l'autisme d'une personne, les professionnels et les équipes sont parfois déstabilisés et ne savent plus quelle conduite tenir. C'est tout l'objet de vos travaux aujourd'hui que d'apporter des réponses et valoriser les expériences probantes. Elles sont rares mais elles existent et je souhaite saluer la présence de l'ensemble des professionnels qui vont cet après-midi faire part de leur expertise et de leur expérience.
Je suis déterminée avec Marisol TOURAINE pour que les obstacles majeurs qui demeurent dans l'accès aux soins des personnes handicapées puissent être levés.
C'est tout le sens, comme vous le savez, des mesures prises lors de la Conférence Nationale du Handicap qui s'est tenue en décembre 2014 à l'Elysée en présence du Président de la République. Le Président de la République a fixé une feuille de route très claire :
Agir pour que l'information, la prévention et l'éducation à la santé se développent totalement vers les personnes en situation de handicap. Nous savons que les personnes en situation de handicap, et tout particulièrement les femmes, échappent à la prévention.
Agir sur les pratiques et le fonctionnement des établissements et services médico-sociaux afin que les soins courants, la prévention et l'éducation à la santé fassent pleinement partie des priorités d'accompagnement. Nous savons aussi que lorsqu'une personne a mal quelque part, qu'elle ne peut pas l'exprimer ou qu'elle n'est pas bien évaluée et traitée par nos professionnels, son état de santé s'aggrave, la personne est déstabilisée et son parcours ainsi que son entourage sont fragilisés.
Agir sur l'offre de soins également en développant des réponses à tous les niveaux et dès le premier recours car il faut pouvoir garantir, comme pour nous tous, l'accès à des soins de proximité (en santé physique et en santé mentale) et réserver au recours hospitalier ce qui relève de son expertise et de son plateau technique. Plusieurs établissements de santé ont su d'ores et déjà adapter leur fonctionnement. Il faut se servir de ces bonnes pratiques pour formaliser ce recours hospitalier.
Quelles sont les mesures concrètes dont j'assure la mise en œuvre dès à présent ?
Tout d'abord et c'est un enjeu majeur : la mise en œuvre progressive des préconisations du rapport « Zéro sans solution », remis par Denis PIVETEAU en juin 2014, à partir de la feuille de route proposée par Marie-Sophie DESAULLE que nous intitulons « une réponse accompagnée pour tous ». Les problématiques d'accès aux soins sont souvent au cœur des risques de rupture de parcours. Je sais que nombre d'entre vous ont largement contribué à ce rapport important. Je sais pouvoir compter sur vous pour sa mise en œuvre.
- Nous allons aussi promouvoir l'accès aux soins de premier recours dans le cadre des formes d'exercice regroupé en libéral (en mobilisant les maisons de santé pluri-professionnelles et les centres de santé). Marisol TOURAINE a adressé les instructions nécessaires vers les ARS.
- Mais nous n'oublions pas de garantir aussi l'accès à l'hôpital par la création d'unités spécialisées de consultations là où il en manque et en tenant compte de celles qui existent déjà (notamment pour la santé orale, soins bucco-dentaires).
La Circulaire FIR adressée aux ARS pour 2015 prévoit les moyens pour créer ou renforcer ces consultations. J'ai par ailleurs demandé à mes services d'organiser très rapidement une concertation avec les experts et les associations afin de définir un cadre général, souple et opérationnel, permettant de garantir la qualité de ces dispositifs hospitaliers.
- Toujours pour les établissements de santé, un guide méthodologique de la HAS va définir des critères et outils concrets pour l'accès aux soins des personnes en situation de handicap. Ces critères seront ensuite intégrés dans la procédure de certification des établissements.
- Enfin, il s'agit de soutenir la diffusion et la mise en œuvre généralisée de la charte Romain Jacob et je sais que de nombreux partenaires présents aujourd'hui sont très impliqués en ce sens et je les en remercie. Ces mesures concrètes s'adressent à l'ensemble des personnes en situation de handicap mais nous savons bien qu'une attention toute particulière doit être portée aux personnes qui, du fait de troubles graves de la communication, nécessitent que l'on adapte le contexte d'accueil et les pratiques de soins et d'accompagnement.
Mais, je souhaite également rappeler que le Plan Autisme 2013-2017 a prévu de travailler spécifiquement autour de deux sujets majeurs :
- La réponse coordonnée aux troubles du comportement sévères
- Le volet spécifique des soins bucco-dentaires Il s'agit de proposer une organisation graduée dans chaque région.
J'ai donc demandé au secrétariat général du Comité interministériel du handicap (SG-CIH) et à la CNSA d'ouvrir rapidement la concertation et les travaux sur ces sujets en prenant appui sur la feuille de route issue de la Conférence Nationale du Handicap.
Ces réponses, qu'un certain nombre d'entre vous présents aujourd'hui ont su développer, cumulent de façon pertinente : un plateau technique hospitalier expert, une approche fonctionnelle et adaptée de l'accompagnement des personnes avec autisme en cohérence avec les recommandations existantes, la réactivité et la mobilité des réponses mais aussi une capacité d'appui et de coordination auprès des partenaires médico-sociaux. J'ajouterais que le rapport de confiance avec les proches de la personne est essentiel. Sans cela, il ne peut y avoir d'efficacité de l'accompagnement et des soins.
Je connais la qualité du travail men au sein de ces dispositifs hospitaliers :
- Au centre régional douleur en santé mentale et autisme au sein de l'EPS Barthelemy Durand à Etampes, dirigé par le Docteur SARAVANE
Au sein de l'unité d'hospitalisation USIDATU du CHU Pitié-Salpêtrière, dirigée par le Docteur Vincent GUINCHAT
- Au Centre Expertise Autisme Adultes du CH de Niort, dirigé par le Docteur Dominique FIARD
Je vais également avoir le plaisir demain lors de mon déplacement en Savoie, de prendre connaissance du programme SOHDEV, développé par le Centre hospitalier du Vinatier, qui permet de rendre possible la prévention et l'accès aux soins bucco-dentaires pour les personnes avec autisme.
Il y a bien d'autres expériences intéressantes et ces pionniers sont notre meilleure chance de répondre aux besoins des personnes et aux attentes légitimes des familles. Il nous faut donc tirer tous les enseignements de ces expériences et les développer en tenant compte de l'offre et des initiatives locales existantes.
Bien évidemment, je souhaite que ces travaux nourrissent et s'intègrent pleinement dans la mise en œuvre progressive du rapport Zéro sans solution qui s'engage dès octobre 2015 sous le pilotage de Marie-Sophie DESAULLE.
Mesdames, Messieurs, je souhaite sincèrement vous remercier pour les réponses concrètes que vous apportez au quotidien et les propositions que vous seriez amenées à me faire à l'issue de vos travaux. Je souhaite adresser un message de soutien aux parents et aux personnes avec autisme qui font encore trop souvent face à un véritable parcours du combattant pour l'accès aux soins.
Je souhaite vous dire ma détermination pour que toutes les réponses concrètes se mettent en place rapidement. L'accès aux soins est un droit fondamental et c'est bien là, la moindre des choses.
Je vous souhaite d'excellents débats et travaux.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 26 juin 2015