Déclaration de M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, sur les grandes lignes du projet de loi en faveur de l'innovation et de la recherche notamment l'instauration d'un cadre fiscal et juridique favorable aux entreprises innovantes et la collaboration entre les personnels de la recherche, à l'Assemblée nationale le 3 juin 1999.

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Circonstance : Présentation du projet de loi sur l'innovation et la recherche, à l'Assemblée nationale le 3 juin 1999

Texte intégral

Monsieur le Président, Mesdames les Députés, Messieurs les Députés,
Le projet de loi sur l'innovation : un impératif catégorique sur le plan économique, un objectif politique partagé
Le projet de loi sur l'innovation et la recherche que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui porte sur un sujet qui représente un enjeu décisif pour notre pays. Il s'agit du transfert de technologie de la recherche publique vers les entreprises. Il s'agit de la diffusion des résultats de cette recherche dans le monde économique. Il s'agit tout simplement de l'accroissement de la capacité d'innovation et de création de richesses de notre pays par et grâce à la recherche publique.
Innovation et recherche, les deux mots sont bel et bien liés. Regardons la croissance américaine de ces dernières années. Elle est tirée par les nouvelles technologies de l'information et de la communication, pour environ un tiers, et pour plus de la moitié par les industries de haute technologie. Ces nouvelles technologies sont à l'origine d'une croissance plus soutenue et plus durable, car indépendante des fluctuations des monnaies et des cycles conjoncturels. Elles permettent d'accroître le progrès technique dans des proportions jusqu'ici inconnues, de créer de nouveaux produits, d'inventer de nouveaux procédés.
Ce phénomène commence à se manifester en France, mais d'une façon plus timide puisque c'est le tiers, et non la moitié de notre croissance, qui s'explique aujourd'hui par les industries de haute technologie. Aussi faut-il accélérer ce mouvement afin d'arriver à ce "nouvel âge" de l'économie mondiale que certains économistes commencent à décrire dans des revues savantes, un âge où l'innovation stimule de façon permanente la productivité et où elle est à la source d'une création ininterrompue de richesses et d'emplois.
Dans cette "nouvelle économie" à venir, la recherche est appelée à jouer un rôle fondamental. Ne nous trompons pas, si le processus d'innovation a vocation à se diffuser dans l'ensemble de l'économie, c'est dans les résultats de la recherche qu'il puise sa source. C'est dans la recherche qu'il trouve ses racines.
Quelques exemples suffisent à le montrer : dans le secteur pharmaceutique, ce sont plus de 85% des nouveaux médicaments qui sont découverts dans les laboratoires ; dans le secteur des biotechnologies, la plupart des sociétés ne doivent leur essor que grâce à une collaboration fructueuse avec la recherche publique ; dans le domaine de l'agroalimentaire, c'est l'excellente position de l'INRA qui permet aux entreprises de ce secteur de jouer un rôle moteur. Et ne je parle pas de l'aéronautique, des transports terrestres, des technologies de l'information .
Ce que tous ces exemples montrent, c'est que l'apport des travaux de la recherche publique est de plus en plus fondamental pour le dynamisme de l'économie. Il est loin, le temps où plusieurs années pouvaient s'écouler entre une découverte et son application. Désormais, le temps mis à exploiter une idée est très rapide, et il y a la plupart du temps concomitance entre recherche fondamentale et application industrielle. Quand Pierre-Gilles de Gennes étudie comment une goutte d'huile se déplace sur un métal, non seulement il met en évidence un phénomène fondamental de la physique des polymères, mais, du même coup, il résout un problème très difficile de la lubrification des moteurs. De même, quand Matthias Finck travaille sur la réversibilité du temps, il opère une avancée fondamentale sur la propagation des ondes, mais il améliore aussi les scanners à ultrasons. Enfin, les travaux de Jean-Marie Lehn permettent non seulement de faire progresser de façon considérable la chimie moléculaire mais également de bouleverser de fond en comble les techniques d'intervention chirurgicale.
Le rapprochement entre la recherche publique et les entreprises correspond ainsi à un objectif économique et à une réalité scientifique incontestables à l'aube du XXIème siècle : je parlerai presque d'impératif catégorique.
Il répond également à un objectif politique partagé, par la droite comme par la gauche, et fait l'objet d'un large consensus depuis plusieurs années.
C'est en effet un gouvernement de gauche qui, en 1982 pour les établissements de recherche et en 1984 pour les universités, a explicitement défini parmi les missions de la recherche publique la valorisation de ses résultats et de ses travaux.
C'est ensuite un gouvernement de droite qui, en 1994 avec la consultation nationale organisée par F.FILLON, puis en 1997 avec le projet de loi de F.d'AUBERT, a relancé la question de la création d'entreprises à partir des résultats de la recherche publique.
C'est enfin le gouvernement de Lionel Jospin qui, à partir du constat effectué lors des Assises de l'innovation tenues en mai 1998 sur l'ensemble du territoire, s'est attelé au vaste chantier du lien entre recherche publique et entreprises et de la diffusion de l'innovation.
Le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui constitue ainsi l'aboutissement d'une longue série de travaux et de propositions d'hommes et de femmes de divers horizons qui, tous, n'ont désiré qu'une seule chose : faire profiter l'économie de tout le capital d'intelligence et de savoir que représente la recherche publique.
Il constitue un des derniers maillons dans la politique que D. STRAUSS-KAHN et moi-même menons en faveur de l'innovation.
Présenté d'abord au Sénat, car la majorité sénatoriale avait déjà adopté des dispositions analogues, il a fait l'objet d'un large consensus, en dehors de certaines dispositions fiscales, et a été enrichi par l'apport de tous les groupes. C'est donc dans un esprit d'ouverture et de consensus que j'aborde la discussion parlementaire aujourd'hui.
Un projet de loi global qui vise à transformer la science et la technologie en croissance et en emplois
Ce projet de loi s'organise autour de quatre volets, qui constituent un ensemble cohérent de dispositions en faveur de la création d'entreprises innovantes et qui visent, tous, à transformer la science et la technologie en croissance et en emplois :
· un volet sur les collaborations entre les personnels de la recherche et les entreprises ;
· un volet sur les relations entre les établissements de recherche et d'enseignement supérieur et les entreprises ;
· un volet sur l'instauration d'un cadre fiscal favorable pour les entreprises innovantes ;
· un volet sur la création d'un cadre juridique adapté pour la création d'entreprises innovantes. Ce volet est nouveau, puisque le gouvernement a décidé de reprendre un amendement présenté par plusieurs parlementaires en ce sens.
Le premier volet concerne les collaborations entre les personnels de la recherche et de l'enseignement supérieur et les entreprises
Celles-ci restent en effet insuffisantes, du fait de contraintes statutaires nombreuses. Aujourd'hui, et de façon paradoxale, les personnels de la recherche peuvent être détachés, mis en disponibilité voire mis à disposition dans une entreprise pour effectuer des travaux de recherche. Mais ils ne peuvent ni participer à la création d'une entreprise qui valorise leurs travaux, ni apporter leur expertise à celle-ci. Du coup, le nombre d'entreprises créées par ou avec des chercheurs est extrêmement faible, de l'ordre de 50 par an : cela fait 1entreprise créée par an pour 1 000 chercheurs ou enseignants-chercheurs.
Le projet de loi entend lever ces obstacles statutaires et substituer à une interdiction générale un régime d'autorisation transparent et encadré par la commission de déontologie, adapté aux spécificités de la recherche et respectueux des intérêts publics. Il reprend sur ce point, en les complétant par d'autres dispositions, l'avant-projet de loi préparé en 1997 par M. d'AUBERT, alors Secrétaire d'Etat à la recherche.
Au terme de cette loi, les personnels de recherche pourront être autorisés à quitter momentanément le service public et à participer à la création d'une entreprise qui valorise leurs travaux, pendant une durée de six ans.
Ils pourront également apporter leur concours scientifique à une entreprise, participer à son capital, être membre de son conseil d'administration, tout en restant dans le service public.
Ces dispositions sur les personnels de recherche sont complétées par une mesure portant sur les personnels enseignants du premier et du second degré, afin de leur donner la possibilité d'effectuer des périodes de mobilité au sein d'une entreprise ou d'un organisme public. L'expérience montre en effet l'apport que les enseignants peuvent fournir au développement d'un secteur comme le multimedia éducatif et l'intérêt que les entreprises trouvent à l'expérience pédagogique et aux qualités professionnelles des enseignants.
Le deuxième volet de ce projet de loi est consacré aux relations entre les universités et organismes de recherche et les entreprises.
Il s'agit de compléter le cadre juridique des lois de 1982 et 1984 par la création de structures plus adaptées au soutien de petites et moyennes entreprises de haute technologie.
Au terme de la loi, les universités et les organismes de recherche pourront créer des services d'activités industrielles et commerciales afin de gérer les contrats de recherche dans un cadre budgétaire plus souple et avec des règles contractuelles adaptées.
Ils pourront également constituer des incubateurs afin d'accueillir et d'accompagner le développement d'entreprises de haute technologie.
De tels incubateurs apportent un soutien irremplaçable aux entreprises innovantes en mettant à disposition de ces entreprises, moyennant rémunération bien entendu, les équipements, les connaissances, le savoir-faire de la recherche publique.
Afin de favoriser la constitution d'incubateurs et de fonds d'amorçage, Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons d'ailleurs débloqué plus de 200 MF qui permettront de soutenir une vingtaine de projets.
Le transfert de technologie aux entreprises ne concerne cependant pas seulement les universités et les organismes de recherche. Aussi une disposition du projet de loi prévoit-elle que les lycées technologiques et professionnels pourront réaliser des prestations de service pour les entreprises, moyennant rémunération et dans le cadre bien entendu du projet d'établissement. Cette disposition permettra de dynamiser au niveau local le plus fin le tissu de PME-PMI particulièrement décisif pour l'avenir de notre pays.
Le troisième volet du projet de loi concerne l'instauration d'un cadre fiscal favorable aux entreprises innovantes.
Dès son arrivée aux affaires, le gouvernement de Lionel Jospin a décidé de favoriser les entreprises innovantes en leur permettant de fidéliser leurs collaborateurs et de les intéresser à la croissance de leurs résultats. Les salariés de ces entreprises acceptent en effet des rémunérations inférieures et un risque plus important en acceptant de travailler au sein de ces sociétés. Il est normal qu'ils puissent partager les espérances de succès comme les risques de l'échec.
A cette fin, Dominique Strauss-Kahn a créé dans la loi de Finances pour 1998 les bons de souscription de parts de créateur d'entreprises (BSPCE), soumis à un traitement fiscal et social favorable. Ces bons ont été progressivement étendus aux sociétés de moins de quinze ans.
Toutefois, la part du capital de la société qui devait être détenue par des personnes physiques pour que l'entreprise puisse émettre de tels bons restait trop élevée pour que des entreprises créées notamment par des chercheurs puissent en bénéficier.
Aussi Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons souhaité que le dispositif soit encore assoupli afin que toutes les jeunes entreprises de croissance puissent en bénéficier. C'est ainsi que la part du capital détenue par des personnes physiques passera de 75% à 25% et que les entreprises du Nouveau Marché pourront en bénéficier. Dans la logique de cette avancée, le dispositif des BSPCE est prolongé au-delà de 1999.
Dans le même ordre d'idées, le gouvernement a décidé d'assouplir le régime des fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI), créés par M. d'Aubert en 1996. Ces fonds communs de placement investissent dans des petites et moyennes entreprises de haute technologie et complètent utilement en amont l'action des fonds de capital risque. Il paraissait logique d'ouvrir largement les critères d'éligibilité aux FCPI afin de leur permettre de couvrir l'ensemble des entreprises innovantes.
Enfin, le gouvernement a décidé de reprendre l'amendement sur le crédit d'impôt recherche proposé par le groupe communiste au Sénat et voté à l'unanimité. Cet amendement permet d'orienter dans un sens encore plus favorable à l'emploi des jeunes scientifiques le dispositif du crédit d'impôt recherche. Il complète l'amélioration du crédit d'impôt recherche qui a été effectuée dans la dernière loi de Finances.
En revanche, le gouvernement a décidé de demander la suppression de tous les articles fiscaux votés par le Sénat, principalement sur les stock options, car elles ne concernent pas le cur du projet de loi.
En effet, de telles dispositions concernent l'ensemble des entreprises, et pas seulement les entreprises innovantes, et elle relèvent à ce titre davantage de l'objet d'une loi déposée et défendue par le ministre de l'économie et des finances que par moi-même.
Surtout, les stock options sont un sujet trop complexe, trop délicat et trop passionnel pour être traité de façon convenable dans le cadre d'une loi sur l'innovation. C'est d'ailleurs pour cette raison que Lionel Jospin a demandé en janvier 1999 à Dominique Strauss-Kahn de dresser un bilan du système actuel - tout à la fois opaque, inégalitaire et peu compétitif - et de transformer radicalement le dispositif des stock options afin d'aboutir à la création de véritables "bons de croissance" largement diffusés auprès de tous les salariés.
Cette réflexion n'est à ce jour pas encore achevée et il est inopportun d'en parler aujourd'hui.
Le quatrième volet de ce projet de loi concerne la constitution d'un cadre juridique adapté aux entreprises innovantes.
Le statut actuel des sociétés anonymes est en effet peu adapté aux jeunes entreprises à risques mais à fort potentiel de croissance. Ce statut comporte ainsi un certain nombre de contraintes importantes en matière de conditions de création (capital, nombre d'actionnaires et d'administrateurs, formalités administratives) et de conditions de direction et de fonctionnement.
Or, les sociétés innovantes ont besoin de disposer d'une très grande liberté contractuelle dans leurs statuts. Elles doivent avoir la possibilité de modifier rapidement la géométrie de leur capital et les relations entre les actionnaires. Elles doivent également avoir la possibilité d'émettre des actions de priorité sans droits de vote afin d'attirer des capitaux sans pour autant aboutir à une perte de contrôle de la société.
Pour donner l'ensemble de ces possibilités aux entreprises innovantes, la meilleure solution consiste à ouvrir largement le régime de la société par actions simplifiée (SAS), aujourd'hui réservé aux filiales de sociétés importantes. La forme juridique de la société par actions simplifiée répond en effet aux besoins des jeunes entreprises innovantes car elle permet une très grande liberté contractuelle et une souplesse juridique réelle.
Ainsi, dans une société par actions simplifiée, les statuts définissent, au choix des actionnaires, le mode de fonctionnement de la société. Ils peuvent prévoir par exemple que les assemblées générales et les conseils d'administration sont tenus par vidéoconférence ou par internet, afin de tenir compte de l'évolution moderne des techniques de communication.
De même, le statut de la SAS permet à une entreprise d'émettre différentes classes d'actions, ce qui a pour effet de dissocier le contrôle de l'entreprise et la participation au capital et ce qui favorise l'appel à des investisseurs et à des capitaux risqueurs.
Un amendement a été déposé par le rapporteur de la commission des affaires culturelles et sociales, M. BRET, que je remercie au passage de son travail patient et attentif sur le texte de loi, qui vise à ouvrir largement le régime juridique de la SAS pour en faire bénéficier les entreprises innovantes. Cet amendement a d'ailleurs été repris par des parlementaires de bord politique très divers, de droite comme de gauche.
J'ai le plaisir de vous annoncer qu'après discussion avec E. GUIGOU et D. STRAUSS-KAHN, le gouvernement a décidé de retenir cet amendement, qui correspondait effectivement à un de ses projets.
Avec cet amendement, c'est donc un projet de loi global et cohérent qui vous est proposé aujourd'hui, et qui vise à encourager dans toutes ses dimensions la création d'entreprises innovantes. Les dispositions sur les personnels et sur les structures de recherche favoriseront le transfert de technologie vers les entreprises. Les dispositions fiscales et sur le droit des sociétés doteront notre pays d'un environnement juridique et fiscal parmi les plus compétitifs des pays industrialisés en faveur des entreprises innovantes.
Un projet de loi équilibré
Cette ouverture de la recherche aux entreprises, ce mariage des compétences pour accroître le dynamisme de l'économie s'accompagnent toutefois de garanties et de contreparties.
On caricature trop souvent mon action en la prétendant inspirée, voire calquée du modèle américain.
C'est faux.
Je suis le premier à reconnaître, certes, le défaut traditionnel du système français : celui d'une recherche publique trop coupée des préoccupations industrielles et des retombées économiques. Mais je sais également les risques de dérive du système américain : celui d'une recherche publique trop dépendante du secteur privé, tant dans la définition de ses objectifs que dans l'obtention de ses moyens. Aussi toute mon action a t-elle tendu, depuis deux ans que je m'occupe de la recherche, à faire avancer ensemble la qualité de la recherche publique et la diffusion de ses résultats dans l'économie. Le second objectif n'est pas pensable sans le premier.
Je ne développerai pas ici, car ce n'est pas l'objet de notre débat, tout l'effort entrepris pour accroître la capacité de la recherche fondamentale : l'augmentation des moyens accordés à la recherche depuis deux ans ; le développement nouveau de l'emploi scientifique ; le renforcement de la coordination entre les organismes de recherche (conseil national de la science, comité des sciences du vivant ) ; et, plus récemment, la définition de domaines de recherche scientifique prioritaires (CIRST).
J'insisterai tout simplement sur les facteurs d'équilibre du projet, ce qui fait que l'ouverture de la recherche aux entreprises n'équivaut pas à un " pillage ", mais au contraire à un enrichissement et à un renforcement de la recherche publique.
L'intervention de la commission de déontologie des fonctionnaires pour les collaborations entre les personnels de recherche et les entreprises, d'abord. Cette commission, où siègent des magistrats et des personnalités qualifiées et où participent des représentants des organismes intéressés, aura pour mission de veiller à la protection des intérêts matériels et moraux du service public. Elle sera tenue informée des conventions passées entre l'entreprise et l'organisme dont relève le fonctionnaire. A la demande de M. CUVILLIEZ , j'accepterai tout à l'heure un amendement du parti communiste visant à introduire un véritable pouvoir de saisine du ministre par le commission.
L'intervention du conseil d'administration pour les relations entre les universités et les organismes de recherche et les entreprises, ensuite, constituera une seconde garantie. Le gouvernement a en effet décidé de retenir un amendement du groupe communiste visant à faire approuver par le conseil d'administration les prises de participation dans des sociétés, les créations de filiales, le recours à l'arbitrage, les conventions de longue durée conclues entre les établissements d'enseignement supérieur et de recherche et les entreprises. Cela aussi est une garantie.
La concentration des moyens apportés par les incubateurs sur les PME de haute technologie permettra également d'éviter les détournements et les abus. Le décret d'application limitera à trois ans, éventuellement renouvelables une fois, la mise à disposition de moyens aux entreprises accueillies dans les incubateurs. Il plafonnera les aides reçues et les conditionnera à une contrepartie en terme de rémunération pour l'organisme public, ce qui répond, je crois, à quelques inquiétudes légitimes que soulèvent certains syndicats. Surtout, il ciblera sur les PME de haute technologie l'aide apportée par les incubateurs et exclura toutes les grandes entreprises installées ou leurs filiales.
L'octroi d'un statut pour les personnels contractuels embauchés par les universités dans le cadre de l'exécution de contrats de recherche, enfin, répond à l'attente légitime d'une sécurité et d'une vraie protection pour des personnels aujourd'hui sans statut. La création de services d'activités industrielles et commerciales (SAIC) a pour but d'éviter aux universités d'avoir recours à des associations, qui emploient du personnel de droit privé dans des conditions souvent précaires. Les personnels qui travaillent au sein de ces associations ont vocation à être peu à peu intégrés au sein des universités où ils disposeront d'un véritable statut d'agents contractuels de droit public.
Enfin, j'ajoute parmi les dispositifs d'encadrement et de contrôle le renforcement des pouvoirs de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale (IGAEN). Le gouvernement a ainsi décidé de déposer un amendement visant à permettre le contrôle par l'IGAEN de tous les organismes qui bénéficient d'un concours financier du Ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Cette extension du champ de contrôle de l'IGAEN est cohérente avec les possibilités de collaborations nouvelles entre la recherche publique et les entreprises qui sont offertes par la loi.
Je le souligne au passage, ce sont ces garanties, ce sont ces contreparties légitimes qui ont permis à ce texte d'avoir un avis favorable du Conseil d'Etat, du Conseil supérieur de la fonction publique, et de l'ensemble des ministères, y compris la Chancellerie et la Fonction publique.
L'objectif du gouvernement n'était pas en effet de casser le service public pour le vendre aux entreprises, mais au contraire, pariant sur sa force et sur ses compétences, de le mettre en état de concourir efficacement au dynamisme de l'économie.
Avec cette loi, nous avons donc l'occasion de montrer que la France, au delà des clivages politiques, et avec ses traditions et ses spécificités, peut être présente au premier rang de la compétition de l'intelligence au XXIè siècle.
Et ne je peux pour finir résister au plaisir de vous citer la phrase d'un philosophe ami des sciences, Henri Bergson, dans " l'Evolution créatrice " à propos du caractère mystérieux de l'innovation : "Quant à l'innovation proprement dite, qui est pourtant le point de départ de l'industrie elle-même, notre intelligence n'arrive pas à la saisir dans son jaillissement, c'est-à-dire dans ce qu'elle a d'indivisible, ni dans sa génialité, c'est-à-dire dans ce qu'elle a de créateur. L'expliquer consiste toujours à la résoudre, elle imprévisible et neuve, en éléments connus ou anciens, arrangés dans un ordre différent".
Je vous remercie.
(Source http://www.education.gouv.fr, le 7 juin 1999)