Texte intégral
ALLOCUTION DE M. JOSSELIN DEVANT LA COMMUNAUTE FRANCAISE
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Représentants de la communauté française,
Chers amis,
Laissez-moi d'abord remercier M. Boillot, notre ambassadeur, pour l'organisation de cette réception qui me permet de vous rencontrer.
J'avais de bonnes raisons de vouloir revenir au Yémen. J'en avais gardé un excellent souvenir lors de mon premier voyage en 1992. J'étais alors secrétaire d'Etat chargé de la Mer et c'était pour des accords de pêche que j'avais découvert ce pays. La seconde bonne raison, c'est la promesse que j'avais faite au président Saleh lors de son voyage à Paris. La troisième raison, c'est l'actualité.
Il était important que la France vienne dialoguer avec ses amis yéménites au moment où la situation internationale connaît une réalité particulièrement préoccupante. Le Yémen est au cur du monde arabe, avec une histoire et une géographie qui lui sont propres. Il a accompli des efforts que nous voulons saluer pour enraciner la démocratie et il se trouve confronté, comme nous tous, mais à certains égards plus encore que d'autres, à la question du terrorisme international.
Nous avons salué la condamnation par les autorités yéménites des attentats dont ont été victimes quatre à cinq mille innocents. Nous avons entrepris, le président de la République Jacques Chirac, le Premier ministre Lionel Jospin, le ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine et moi-même, une série de visites, de voyages, pour dire à nos interlocuteurs notre analyse de la situation, dire surtout notre volonté de lutter contre cette barbarie mais notre volonté aussi de faire prévaloir le plus vite possible des solutions politiques.
Solutions politiques d'abord à la crise du Proche-Orient dont nous sentons bien qu'elle a une part considérable dans la fracture, bien avant le 11 septembre, entre le Nord et le Sud mais aussi entre l'Orient et l'Occident ; solutions politiques en Afghanistan le plus vite possible et la prise en charge de la question humanitaire qui devient de plus en plus préoccupante. La semaine dernière, c'est avec le colonel Kadhafi et le président El-Bashir que j'ai parlé de cela à Tripoli et à Khartoum. Aujourd'hui, c'était avec le président Saleh et ses ministres. Tous sont conscients des efforts que la France déploie. Tous apprécient la part de liberté que la France entend préserver dans son action diplomatique. Partout j'ai ressenti en quelque sorte un désir de France. Cette image positive que notre pays donne, ce n'est pas seulement à l'action diplomatique que nous la devons. C'est plus sûrement au travail que les uns et les autres accomplissent ici au Yémen. Et nous avons aussi parlé beaucoup de notre coopération. Nous avons fait le point de ces développements sur le plan culturel, technique, scientifique. Nous avons parlé de Francophonie. Nous avons parlé du rôle des entreprises, de la participation que nous souhaitons dans le développement du Yémen. Nous avons surtout, les uns les autres, je crois, partagé ce sentiment que nous devons faire mieux et plus dans cette relation. Et je crois que cette coopération est la meilleure manière d'illustrer cette volonté de dialogue accompli, dialogue que j'aurai l'occasion de poursuivre dans quelques instants avec le ministre de l'intérieur.
Nous refusons le choc des civilisations mais pour le refuser, encore faut-il nourrir le dialogue des cultures. C'est à cette grande ambition que nous sommes tous appelés. Et puis il va bien falloir prendre la mesure des inégalités du monde, même s'il n'est pas question de trouver quelques circonstances atténuantes aux agissements d'Al Qaïda, il y a le sentiment de frustration, d'humiliation, des sentiments d'injustice qui nourrissent la haine ou le terreau sur lequel le terrorisme s'est développé. C'est à cette prise de conscience aussi que la France s'attache.
Je voudrais simplement vous dire, en conclusion, que nous pensons souvent à vous qui êtes loin, avec les difficultés que l'expatriation représente souvent. Mais, en ce moment, nous pensons encore un peu plus souvent à vous. Merci de m'avoir écouté.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 novembre 2001)
INTERVIEW DE M. JOSSELIN A "RFI"
Q - Monsieur le Ministre, pourquoi cette visite au Yémen ?
R - Ce voyage entre dans la stratégie que le ministère des Affaires étrangères, la France en général, développe en direction des pays arabes, convaincu que c'est surtout maintenant qu'il faut dialoguer avec eux. C'est avec eux qu'il faut analyser la situation. Il faut leur dire ce que pense la France de cette situation, ce qu'elle fait aussi pour forcer en quelque sorte la paix et notamment au Proche-Orient. Au Yémen, comme la semaine dernière en Libye ou au Soudan, j'ai pu mesurer la part que prend le conflit du Proche-Orient dans cette toute nouvelle situation.
Q - Quelle est la teneur du message que vous avez adressé à vos interlocuteurs yéménites ?
R - Un message d'amitié. Le Yémen, nous le disions à l'instant, est au cur du monde arabe. Il est face à la corne de l'Afrique. Il la regarde. Il est aussi au bord de l'Océan indien. Il est lui-même confronté à la question terroriste. N'oublions pas qu'il y a quelques mois, Aden a connu le premier attentat terroriste contre un bâtiment de guerre américain, le "USS Cole". Et il y a fort à parier que les auteurs de cet attentat sont, sinon les mêmes, du moins liés à ceux qui ont détruit les tours du World Trade Center. Et puis, d'une façon générale, nous savions bien et nous savons, peut-être mieux encore ce soir, qu'il y a par rapport à l'Afghanistan une sensibilité particulière au Yémen : même géographie, même réalité sociale ; la famille d'Oussama Ben Laden est d'ailleurs originaire du Yémen. C'est dire la sensibilité que le président Saleh, et avec lui les Yéménites, attache évidemment à cette question. Et comme tous les dirigeants arabes, ils sont soucieux d'expliquer aussi à leur population les raisons de leur mobilisation contre le terrorisme car, ici comme ailleurs, la population a quelques difficultés parfois à comprendre. Et ce travail d'explication qui est fait par les autorités yéménites - j'ai pu le vérifier ici à Sanaa - ne peut qu'être consolidé par le dialogue que nous-mêmes avons avec eux. Je crois que c'est cela aussi que le président Saleh a bien compris et c'est aussi pour cela qu'il aura, il me l'a dit, beaucoup apprécié la présence d'un ministre français dans cette période.
Q - Le président Saleh a-t-il évoqué avec vous le rôle des Nations unies en Afghanistan ? celui des Etats-Unis ? S'est-il montré réceptif aux propositions françaises ?
R - Le président Saleh, incontestablement, souhaite que ce soient les Nations unies qui organisent et qui mènent, en quelque sorte, la guerre contre le terrorisme international. Il est vrai que le président Saleh exprime ses réserves par rapport à une politique unilatérale américaine. Il est vrai aussi que, comme d'autres, il est soucieux du sort du peuple afghan et il craint, comme d'autres, que la poursuite des frappes ne vienne aggraver les souffrances de la population afghane. Il est donc sensible aux recherches de solutions politiques auxquelles la France se consacre. J'ai eu l'occasion de lui développer le plan français qui, vous le savez, accorde une très large part à la recherche d'une solution politique, et intègre aussi, d'ailleurs, les questions humanitaires. J'ai pu vérifier aussi, une fois encore, qu'il y a une relation privilégiée entre le Yémen et la France, que le Yémen reconnaît à la France sa part d'indépendance, de liberté, dans l'approche des ces grandes questions internationales. Mais il est vrai aussi que le Yémen a également une bonne coopération avec les Etats-Unis, ne serait-ce que sur le plan économique, mais pas seulement. C'est dire que le président Saleh doit être très attentif dans la gestion de cette très délicate question.
Q - S'agissant de coopération entre la France et le Yémen, quels sont les domaines que vous avez plus particulièrement abordés ? Le projet gazier ?
R - On a parlé de la coopération bilatérale en général, y compris de coopération culturelle, de coopération technique. Nous avons évoqué quelques dossiers économiques, dont celui-là puisque vous évoquez le projet gazier. Je lui ai dit les discussions que nous avions avec la compagnie française à laquelle le président Saleh a confié ce projet, les difficultés que l'actualité oppose à la mise en oeuvre de ce projet mais l'espoir que nous avons, et j'espère bien que cela va être concrétisé rapidement, de voir cette ressource importante pour le Yémen mise en oeuvre, et par des opérateurs français. C'est un projet important mais je comprends que le Yémen y attache une grande attention car n'oublions pas que le Yémen est aussi le pays le plus pauvre du monde arabe. C'est dire le besoin de développement qu'est le sien.
Q - Avez-vous parlé de coopération policière ?
R - Je dois rencontrer dans quelques instants le ministre de l'Intérieur. Je ne doute pas qu'il voudra me parler de cette coopération-là. La lutte contre le blanchiment d'argent a fait, quant à elle, l'objet de discussions cet après-midi.
( source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 novembre 2001)
RENCONTRE DE M. JOSSELIN AVEC LA PRESSE YEMENITE
Q - Concernant le plan pour l'Afghanistan, quelles sont les idées françaises et de quelle manière ont-elles été reçues ? Et la coopération franco-yéménite, dans le domaine de la sécurité, de quelle manière est-elle perçue ?
R - Les autorités yéménites avaient été destinataires du plan français pour l'Afghanistan, qui fait une large place à la recherche d'une solution politique. Nous sentons bien que c'est la mise en oeuvre rapide d'une solution politique qui permet aussi d'interrompre cette action de guerre. La France, avec d'autres, déploie ses activités diplomatiques pour essayer de faire aboutir un projet politique pour l'Afghanistan qui permette de rassembler et de réconcilier les Afghans. Le plan fait également référence aux besoins humanitaires. Un certain nombre d'ONG françaises sont d'ailleurs présentes et s'efforcent de soulager les souffrances du peuple afghan, en particulier grâce à l'aide française. En ce qui concerne notre collaboration avec l'armée yéménite, en réalité c'est surtout sur le plan policier que la coopération doit se développer, pas seulement avec la France mais avec l'Europe. Le président Saleh a souhaité, en effet, que l'Europe soit aux côtés des Yéménites dans la lutte engagée contre le terrorisme international, y compris pour lutter contre le financement du terrorisme. Je pense m'en entretenir dans quelques instants avec le ministre de l'Intérieur.
Q - Concernant le projet d'un Etat palestinien annoncé par les Etats-Unis, qu'est-ce que la France apportera comme soutien à ce projet ?
R - La France a fait le choix de soutenir la création d'un Etat palestinien depuis vingt ans. Nos partenaires européens se sont largement ralliés à ce projet. En réalité, c'est en 1999 que l'Union européenne s'est prononcée collectivement en faveur d'un Etat palestinien. Nous jugeons positives les déclarations du président Bush en faveur d'un Etat palestinien. Nous espérons que tous uniront leurs efforts pour convaincre l'Etat d'Israël qu'il est de son intérêt d'accepter cet Etat palestinien. Je peux ajouter que la France a déjà, grâce notamment à un certain nombre de villes et de départements français, engagé une coopération avec l'Autorité palestinienne. Je me suis moi-même rendu deux fois en Palestine pour rencontrer notamment Yasser Arafat.
Q - Quelle est la dimension de l'aide française au Yémen dans le domaine du développement ?
R - L'aide la plus importante que nous apportons au Yémen est l'aide alimentaire, depuis déjà de nombreuses années. Cette aide alimentaire nourrit, en quelque sorte, ce que nous appelons un fond de contrepartie qui sert lui-même à financer des projets de développement. La France participe à l'aide européenne pour à peu près 20 %, mais nous avons aujourd'hui exploré de nouvelles pistes de coopération et j'espère bien que nous allons pouvoir renforcer notre coopération, par exemple dans la formation des professeurs de français, dans la formation des magistrats mais aussi dans la mise en oeuvre d'un certain nombre de projets économiques. Je pense par exemple à la culture du café. Les entreprises françaises sont déjà présentes au Yémen et dont nous souhaitons qu'elles le soient davantage. Nous allons les encourager à s'intéresser davantage au développement du Yémen.
Q - Comment expliquez-vous le retard pris dans la mise en oeuvre du projet gazier de Total-Elf-Fina ? Est-ce pour des raisons de sécurité ?
R - Je ne crois pas que ce soit pour une question de sécurité que le projet de mise en valeur du gaz n'ait pas encore été mis en place. C'est pour des questions de bon équilibre économique. Total est une compagnie privée qui est libre de ses investissements mais nous suivons avec beaucoup d'attention l'évolution de ce dossier et nous souhaitons en effet que Total puisse mettre en valeur ces richesses dont le Yémen a besoin. J'ai l'intention, de retour en France, d'avoir un entretien avec les responsables de ce projet pour leur dire toute l'importance que les autorités yéménites y attachent.
( source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 novembre 2001)
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Représentants de la communauté française,
Chers amis,
Laissez-moi d'abord remercier M. Boillot, notre ambassadeur, pour l'organisation de cette réception qui me permet de vous rencontrer.
J'avais de bonnes raisons de vouloir revenir au Yémen. J'en avais gardé un excellent souvenir lors de mon premier voyage en 1992. J'étais alors secrétaire d'Etat chargé de la Mer et c'était pour des accords de pêche que j'avais découvert ce pays. La seconde bonne raison, c'est la promesse que j'avais faite au président Saleh lors de son voyage à Paris. La troisième raison, c'est l'actualité.
Il était important que la France vienne dialoguer avec ses amis yéménites au moment où la situation internationale connaît une réalité particulièrement préoccupante. Le Yémen est au cur du monde arabe, avec une histoire et une géographie qui lui sont propres. Il a accompli des efforts que nous voulons saluer pour enraciner la démocratie et il se trouve confronté, comme nous tous, mais à certains égards plus encore que d'autres, à la question du terrorisme international.
Nous avons salué la condamnation par les autorités yéménites des attentats dont ont été victimes quatre à cinq mille innocents. Nous avons entrepris, le président de la République Jacques Chirac, le Premier ministre Lionel Jospin, le ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine et moi-même, une série de visites, de voyages, pour dire à nos interlocuteurs notre analyse de la situation, dire surtout notre volonté de lutter contre cette barbarie mais notre volonté aussi de faire prévaloir le plus vite possible des solutions politiques.
Solutions politiques d'abord à la crise du Proche-Orient dont nous sentons bien qu'elle a une part considérable dans la fracture, bien avant le 11 septembre, entre le Nord et le Sud mais aussi entre l'Orient et l'Occident ; solutions politiques en Afghanistan le plus vite possible et la prise en charge de la question humanitaire qui devient de plus en plus préoccupante. La semaine dernière, c'est avec le colonel Kadhafi et le président El-Bashir que j'ai parlé de cela à Tripoli et à Khartoum. Aujourd'hui, c'était avec le président Saleh et ses ministres. Tous sont conscients des efforts que la France déploie. Tous apprécient la part de liberté que la France entend préserver dans son action diplomatique. Partout j'ai ressenti en quelque sorte un désir de France. Cette image positive que notre pays donne, ce n'est pas seulement à l'action diplomatique que nous la devons. C'est plus sûrement au travail que les uns et les autres accomplissent ici au Yémen. Et nous avons aussi parlé beaucoup de notre coopération. Nous avons fait le point de ces développements sur le plan culturel, technique, scientifique. Nous avons parlé de Francophonie. Nous avons parlé du rôle des entreprises, de la participation que nous souhaitons dans le développement du Yémen. Nous avons surtout, les uns les autres, je crois, partagé ce sentiment que nous devons faire mieux et plus dans cette relation. Et je crois que cette coopération est la meilleure manière d'illustrer cette volonté de dialogue accompli, dialogue que j'aurai l'occasion de poursuivre dans quelques instants avec le ministre de l'intérieur.
Nous refusons le choc des civilisations mais pour le refuser, encore faut-il nourrir le dialogue des cultures. C'est à cette grande ambition que nous sommes tous appelés. Et puis il va bien falloir prendre la mesure des inégalités du monde, même s'il n'est pas question de trouver quelques circonstances atténuantes aux agissements d'Al Qaïda, il y a le sentiment de frustration, d'humiliation, des sentiments d'injustice qui nourrissent la haine ou le terreau sur lequel le terrorisme s'est développé. C'est à cette prise de conscience aussi que la France s'attache.
Je voudrais simplement vous dire, en conclusion, que nous pensons souvent à vous qui êtes loin, avec les difficultés que l'expatriation représente souvent. Mais, en ce moment, nous pensons encore un peu plus souvent à vous. Merci de m'avoir écouté.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 novembre 2001)
INTERVIEW DE M. JOSSELIN A "RFI"
Q - Monsieur le Ministre, pourquoi cette visite au Yémen ?
R - Ce voyage entre dans la stratégie que le ministère des Affaires étrangères, la France en général, développe en direction des pays arabes, convaincu que c'est surtout maintenant qu'il faut dialoguer avec eux. C'est avec eux qu'il faut analyser la situation. Il faut leur dire ce que pense la France de cette situation, ce qu'elle fait aussi pour forcer en quelque sorte la paix et notamment au Proche-Orient. Au Yémen, comme la semaine dernière en Libye ou au Soudan, j'ai pu mesurer la part que prend le conflit du Proche-Orient dans cette toute nouvelle situation.
Q - Quelle est la teneur du message que vous avez adressé à vos interlocuteurs yéménites ?
R - Un message d'amitié. Le Yémen, nous le disions à l'instant, est au cur du monde arabe. Il est face à la corne de l'Afrique. Il la regarde. Il est aussi au bord de l'Océan indien. Il est lui-même confronté à la question terroriste. N'oublions pas qu'il y a quelques mois, Aden a connu le premier attentat terroriste contre un bâtiment de guerre américain, le "USS Cole". Et il y a fort à parier que les auteurs de cet attentat sont, sinon les mêmes, du moins liés à ceux qui ont détruit les tours du World Trade Center. Et puis, d'une façon générale, nous savions bien et nous savons, peut-être mieux encore ce soir, qu'il y a par rapport à l'Afghanistan une sensibilité particulière au Yémen : même géographie, même réalité sociale ; la famille d'Oussama Ben Laden est d'ailleurs originaire du Yémen. C'est dire la sensibilité que le président Saleh, et avec lui les Yéménites, attache évidemment à cette question. Et comme tous les dirigeants arabes, ils sont soucieux d'expliquer aussi à leur population les raisons de leur mobilisation contre le terrorisme car, ici comme ailleurs, la population a quelques difficultés parfois à comprendre. Et ce travail d'explication qui est fait par les autorités yéménites - j'ai pu le vérifier ici à Sanaa - ne peut qu'être consolidé par le dialogue que nous-mêmes avons avec eux. Je crois que c'est cela aussi que le président Saleh a bien compris et c'est aussi pour cela qu'il aura, il me l'a dit, beaucoup apprécié la présence d'un ministre français dans cette période.
Q - Le président Saleh a-t-il évoqué avec vous le rôle des Nations unies en Afghanistan ? celui des Etats-Unis ? S'est-il montré réceptif aux propositions françaises ?
R - Le président Saleh, incontestablement, souhaite que ce soient les Nations unies qui organisent et qui mènent, en quelque sorte, la guerre contre le terrorisme international. Il est vrai que le président Saleh exprime ses réserves par rapport à une politique unilatérale américaine. Il est vrai aussi que, comme d'autres, il est soucieux du sort du peuple afghan et il craint, comme d'autres, que la poursuite des frappes ne vienne aggraver les souffrances de la population afghane. Il est donc sensible aux recherches de solutions politiques auxquelles la France se consacre. J'ai eu l'occasion de lui développer le plan français qui, vous le savez, accorde une très large part à la recherche d'une solution politique, et intègre aussi, d'ailleurs, les questions humanitaires. J'ai pu vérifier aussi, une fois encore, qu'il y a une relation privilégiée entre le Yémen et la France, que le Yémen reconnaît à la France sa part d'indépendance, de liberté, dans l'approche des ces grandes questions internationales. Mais il est vrai aussi que le Yémen a également une bonne coopération avec les Etats-Unis, ne serait-ce que sur le plan économique, mais pas seulement. C'est dire que le président Saleh doit être très attentif dans la gestion de cette très délicate question.
Q - S'agissant de coopération entre la France et le Yémen, quels sont les domaines que vous avez plus particulièrement abordés ? Le projet gazier ?
R - On a parlé de la coopération bilatérale en général, y compris de coopération culturelle, de coopération technique. Nous avons évoqué quelques dossiers économiques, dont celui-là puisque vous évoquez le projet gazier. Je lui ai dit les discussions que nous avions avec la compagnie française à laquelle le président Saleh a confié ce projet, les difficultés que l'actualité oppose à la mise en oeuvre de ce projet mais l'espoir que nous avons, et j'espère bien que cela va être concrétisé rapidement, de voir cette ressource importante pour le Yémen mise en oeuvre, et par des opérateurs français. C'est un projet important mais je comprends que le Yémen y attache une grande attention car n'oublions pas que le Yémen est aussi le pays le plus pauvre du monde arabe. C'est dire le besoin de développement qu'est le sien.
Q - Avez-vous parlé de coopération policière ?
R - Je dois rencontrer dans quelques instants le ministre de l'Intérieur. Je ne doute pas qu'il voudra me parler de cette coopération-là. La lutte contre le blanchiment d'argent a fait, quant à elle, l'objet de discussions cet après-midi.
( source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 novembre 2001)
RENCONTRE DE M. JOSSELIN AVEC LA PRESSE YEMENITE
Q - Concernant le plan pour l'Afghanistan, quelles sont les idées françaises et de quelle manière ont-elles été reçues ? Et la coopération franco-yéménite, dans le domaine de la sécurité, de quelle manière est-elle perçue ?
R - Les autorités yéménites avaient été destinataires du plan français pour l'Afghanistan, qui fait une large place à la recherche d'une solution politique. Nous sentons bien que c'est la mise en oeuvre rapide d'une solution politique qui permet aussi d'interrompre cette action de guerre. La France, avec d'autres, déploie ses activités diplomatiques pour essayer de faire aboutir un projet politique pour l'Afghanistan qui permette de rassembler et de réconcilier les Afghans. Le plan fait également référence aux besoins humanitaires. Un certain nombre d'ONG françaises sont d'ailleurs présentes et s'efforcent de soulager les souffrances du peuple afghan, en particulier grâce à l'aide française. En ce qui concerne notre collaboration avec l'armée yéménite, en réalité c'est surtout sur le plan policier que la coopération doit se développer, pas seulement avec la France mais avec l'Europe. Le président Saleh a souhaité, en effet, que l'Europe soit aux côtés des Yéménites dans la lutte engagée contre le terrorisme international, y compris pour lutter contre le financement du terrorisme. Je pense m'en entretenir dans quelques instants avec le ministre de l'Intérieur.
Q - Concernant le projet d'un Etat palestinien annoncé par les Etats-Unis, qu'est-ce que la France apportera comme soutien à ce projet ?
R - La France a fait le choix de soutenir la création d'un Etat palestinien depuis vingt ans. Nos partenaires européens se sont largement ralliés à ce projet. En réalité, c'est en 1999 que l'Union européenne s'est prononcée collectivement en faveur d'un Etat palestinien. Nous jugeons positives les déclarations du président Bush en faveur d'un Etat palestinien. Nous espérons que tous uniront leurs efforts pour convaincre l'Etat d'Israël qu'il est de son intérêt d'accepter cet Etat palestinien. Je peux ajouter que la France a déjà, grâce notamment à un certain nombre de villes et de départements français, engagé une coopération avec l'Autorité palestinienne. Je me suis moi-même rendu deux fois en Palestine pour rencontrer notamment Yasser Arafat.
Q - Quelle est la dimension de l'aide française au Yémen dans le domaine du développement ?
R - L'aide la plus importante que nous apportons au Yémen est l'aide alimentaire, depuis déjà de nombreuses années. Cette aide alimentaire nourrit, en quelque sorte, ce que nous appelons un fond de contrepartie qui sert lui-même à financer des projets de développement. La France participe à l'aide européenne pour à peu près 20 %, mais nous avons aujourd'hui exploré de nouvelles pistes de coopération et j'espère bien que nous allons pouvoir renforcer notre coopération, par exemple dans la formation des professeurs de français, dans la formation des magistrats mais aussi dans la mise en oeuvre d'un certain nombre de projets économiques. Je pense par exemple à la culture du café. Les entreprises françaises sont déjà présentes au Yémen et dont nous souhaitons qu'elles le soient davantage. Nous allons les encourager à s'intéresser davantage au développement du Yémen.
Q - Comment expliquez-vous le retard pris dans la mise en oeuvre du projet gazier de Total-Elf-Fina ? Est-ce pour des raisons de sécurité ?
R - Je ne crois pas que ce soit pour une question de sécurité que le projet de mise en valeur du gaz n'ait pas encore été mis en place. C'est pour des questions de bon équilibre économique. Total est une compagnie privée qui est libre de ses investissements mais nous suivons avec beaucoup d'attention l'évolution de ce dossier et nous souhaitons en effet que Total puisse mettre en valeur ces richesses dont le Yémen a besoin. J'ai l'intention, de retour en France, d'avoir un entretien avec les responsables de ce projet pour leur dire toute l'importance que les autorités yéménites y attachent.
( source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 novembre 2001)