Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Ségolène ROYAL est l'invitée d'I TELE ce matin. Bonjour.
SEGOLENE ROYAL
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Et merci d'être avec nous. On va parler de la Grèce dans un tout petit instant, mais juste avant, je voudrais vous demander, à propos de la canicule, voilà un sujet qui va intéresser voire préoccuper les Français, tout au long de la semaine, est-ce que nous sommes prêts à affronter ces températures exceptionnelles ?
SEGOLENE ROYAL
Oui, bien sûr nous sommes prêts, parce que l'expérience du passé a fait en sorte que les moyens de l'Etat, maintenant, sont très rapidement mobilisables, dès qu'il y a une alerte canicule, ce qui va être le cas cet après-midi, puisque Météo France, qui est, comme vous le savez, sous l'autorité du ministère de l'Environnement, dont j'ai la charge, publiera les cartes définitives des départements en alerte orange, mais il faut aussi de la vigilance, de toute façon, sur la totalité du territoire. Le Sud-ouest sans doute, sera frappé, le Limousin, et donc il va falloir en effet mobiliser les moyens, la vigilance.
BRUCE TOUSSAINT
Plusieurs départements seront mis en alerte.
SEGOLENE ROYAL
Plusieurs départements seront mis, je n'ai pas le chiffre exact, là, mais de toute façon, il faut être vigilant, puisqu'il va y avoir une vague de chaleur qui va durer plusieurs semaines, avec des alternances, également, de pluie, et malgré tout il faut être vigilant. Ça veut dire quoi « vigilance orange » ? Ça veut dire que désormais les préfets vont pouvoir mobiliser les moyens. Et puis ça veut dire aussi que tout à chacun doit accomplir des gestes simples. C'est quoi ces gestes simples ? C'est s'humidifier le corps. On dit souvent qu'il faut beaucoup boire, mais boire ça ne suffit pas, je pense notamment aux familles qui vont partir en vacances, avec des enfants dans les voitures, il faut humidifier les cheveux, la tête, la nuque, les épaules et même les vêtements, il ne faut pas hésiter à mouiller ses vêtements pour faire tomber la température du corps, pour les personnes vulnérables aussi, pour les personnes de grand âge, vulnérables, il faut vraiment mouiller son corps, c'est vraiment la solution la plus simple pour faire tomber la température et pour éviter le accidents graves de santé.
BRUCE TOUSSAINT
Diriez-vous que ce qui s'est passé en 2003 ne peut plus arriver aujourd'hui en France ?
SEGOLENE ROYAL
Je le pense vraiment, parce qu'il y avait une sorte d'inertie, d'impréparation. Aujourd'hui il y a un déclenchement immédiat de ce que l'on appelle le Plan blanc, c'est-à-dire que les hôpitaux, les structures d'accueil peuvent, sont immédiatement mis en alerte, avec des moyens complémentaires. Il y a aussi une mobilisation, je crois, des élus locaux, des associations locales, qui savent immédiatement, là il faut y penser dès maintenant, comment mettre à disposition des personnes vulnérables, les lieux qui bénéficient d'air conditionné, par exemple les grands magasins, les grandes surfaces, les cinémas l'après midi qui peuvent être ouverts, les bibliothèques qui peuvent être ouvertes, où les personnes peuvent venir s'assoir, passer deux ou trois heures dans un endroit frais dans la journée, et puis surtout les solidarités de voisinage, c'est-à-dire les personnes isolées, que les voisins s'inquiètent, notamment celles qui habitent en étages élevés, par exemple sous des combles qui sont mal isolés, c'est là où les accidents sont le plus fréquemment arrivés.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, vous avez rappelé à l'instant, vous étiez ministre de l'Ecologie, en effet, est-ce que cette canicule annoncée c'est un effet du réchauffement climatique que l'on doit combattre ?
SEGOLENE ROYAL
Alors, c'est une bonne question qu'on me pose souvent. Des canicules, il y en a toujours eu, des tempêtes il y en a toujours eu, des cyclones il y en a toujours eu, mais le réchauffement climatique entraine quoi ? Entraine deux choses nouvelles, c'est à la fois l'amplitude de ces phénomènes climatiques, c'est-à-dire que quand il y a une canicule, elle est beaucoup plus dure, quand il y a une tempête elle est beaucoup plus violente, quand il y a des pluies elles sont beaucoup plus violentes, quand il y a des inondations, elles sont beaucoup plus violentes, donc il y a une accentuation de l'amplitude et il y a une accélération de la successions de phénomènes climatiques contraires, c'est-à-dire que l'on peut passer plus rapidement, de la sécheresse aux inondations, ça c'est du au dérèglement climatique, du lui-même à ce que l'on appelle le réchauffement climatique.
BRUCE TOUSSAINT
Est-ce que ça doit nous sensibiliser davantage, du coup, à la COP21, la fameuse conférence environnementale que la France accueillera à la fin de l'année et que vous préparez actuellement ?
SEGOLENE ROYAL
Mais bien sûr, bien sûr. Pourquoi ? Parce que, pour trois raisons. D'abord, c'est parce que plus personne n'est épargné par le dérèglement climatique, que ce soit dans les pays tempérés, on va le voir avec la canicule, que ce soit dans les pays insulaires, qui risquent de disparaitre à cause de la montée du niveau de la mer, donc plus personne n'est épargné. Il faut savoir par exemple qu'à l'échelle de la planète, il y a 20 mégalopoles, 20 très grandes villes de plus de 10 millions d'habitants, qui sont placées sur le littoral des continents, or, les littoraux aujourd'hui sont menacés par la montée de la mer et par les typhons, les tempêtes, qui les frappent directement. Mais la deuxième chose, c'est un signe d'espoir, c'est dire qu'aujourd'hui on sait maintenant que le coût de l'inaction est plus élevé que le coût de l'action. Ça coûte plus cher de ne rien faire, que d'affronter et de trouver des solutions contre le réchauffement climatique, et enfin c'est un signe d'espoir, c'est-à-dire qu'aujourd'hui ça rapporte de lutter contre le réchauffement climatique, au sens où on est obligé d'investir dans les énergies renouvelables, dans les solutions liées aux biotechnologies, dans les travaux d'isolation sur les bâtiments, qui créent des emplois dans les métiers du bâtiment, c'est-à-dire que cette révolution écologique, c'est aussi un élément fort de levier de sortie de crise, dans les pays développés, et de sortie de la pauvreté dans les pays pauvres, comme le dit l'encyclique du pape, d'ailleurs.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, qui est votre nouvel ambassadeur
SEGOLENE ROYAL
Eh bien écoutez, oui, c'est un texte extraordinaire, parce que justement il dépolitise le sujet, il s'adresse à tous, c'est-à-dire aux peuples de tous les continents, que ce soit dans
BRUCE TOUSSAINT
Vous pourriez lui demander de venir, par exemple, à la COP21 ? C'est une idée qui vous a traversé l'esprit, de venir participer d'une façon peut-être symbolique, je n'en sais rien.
SEGOLENE ROYAL
Mais pourquoi pas, bien évidemment, parce que d'abord c'est une voix qui est écoutée dans le monde entier, et puis il trouve des mots tellement forts et tellement simples, c'est-à-dire qu'il parle de la terre comme notre maison commune, il dit qu'il faut réaliser à nouveau l'unité de la famille humaine, il dénonce très vigoureusement aussi les égoïsmes, les prédateurs financiers, et il dit quelque chose de très important, et c'est ça le grand signe d'espoir, il dit que si on agit, donc il appelle aussi les chefs d'Etat et de gouvernement à agir, mais que si on agit, on trouve aussi des solutions au problème de la pauvreté, qu'il y a un lien très étroit entre la destruction de la planète et la pauvreté, et donc les problèmes d'insécurité. Regardez toutes les migrations dues au climat, c'est-à-dire les gens qui vont fuir leur pays à cause de la sécheresse ou parce qu'il n'y a plus d'eau potable, parce qu'il n'y a plus d'agriculture possible, parce que la déforestation a entrainé un réchauffement climatique, et il dit ça, donc l'équilibre de la planète et l'intérêt des pays riches, comme celui des pays pauvres, c'est de régler le problème du dérèglement climatique.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, Ségolène ROYAL, je le disais, la Grèce, l'inquiétude dans toute l'Europe. On apprend ce matin que la Bourse de Paris et la Bourse de Francfort vont ouvrir à 09h00 en baisse d'au moins 5 %. A force de dire que la crise peut être évitée, que c'est la réunion de la dernière chance, est-ce qu'on n'y est pas, là, ce matin, on est au coeur de la crise, et qu'elle est grave cette crise ?
SEGOLENE ROYAL
Oui et non, c'est-à-dire que, regardez, il n'y a pas non plus de panique, il n'y a pas non plus d'effondrement des Bourses, l'Europe est solide, vous avez vu d'ailleurs que la Commission vient d'annoncer il y a quelques minutes, que des propositions nouvelles allaient être faites à la Grèce. De quoi s'agit-il au fond ? C'est vrai que la voie est étroite pour la sortie de crise pour la Grèce, parce que si on étale la dette ou si on annule la dette, ce qui n'est d'ailleurs pas envisagé, d'autres pays pourraient revendiquer la même chose, et à ce moment là les pays d'Europe se disent : mais finalement, ceux qui font finalement beaucoup d'efforts, eux, ne demandent rien, et donc il y a une espèce de regard des pays européens les uns sur les autres, pour équilibrer aussi les efforts de réduction de la dépense publique, et de réduction des déficits, qui empêche souvent un certain nombre d'actions. Mais ce que je crois profondément juste, dans cette démarche de la Grèce, c'est qu'il faut des signes d'espoir et le peuple grec est épuisé effectivement par une très mauvaise gestion, le nouveau gouvernement qui est en place, fait tout ce qu'il peut, il a besoin de redonner à son peuple de l'espoir, c'est-à-dire la chose suivante : si on continue les efforts, ça va permettre de s'en sortir, et souvent c'est déséquilibré.
BRUCE TOUSSAINT
Pardon Ségolène ROYAL, mais on n'en est plus là. Là il y a un référendum dimanche. Qu'est-ce que vous pensez de la tenue de ce référendum, d'ailleurs ?
SEGOLENE ROYAL
C'est le droit souverain du gouvernement grec et du peuple grec, de se prononcer.
BRUCE TOUSSAINT
Mais l'issue
SEGOLENE ROYAL
Et d'ailleurs le texte est assez beau, le texte d'appel au référendum, c'est-à-dire il ne tourne pas le dos à l'Europe, c'est une déclaration de foi dans l'Europe, d'une part, mais la demande d'un espace d'espérance et au fond d'une solution qui peut permettre de sortir vers le haut. D'ailleurs les négociations continuent jusqu'à demain soir, puisque vous savez que c'est jusqu'à mardi soir, jusqu'au 30 juin, donc je suis heureuse de voir que la Commission bouge, puisqu'on va mettre de nouvelles propositions sur la table
BRUCE TOUSSAINT
La France va participer à cet effort ? Est-ce que la France participe à ces négociations ? Quel rôle va jouer François HOLLANDE dans les prochaines heures ?
SEGOLENE ROYAL
Il a joué déjà un rôle considérable, le chef de l'Etat, avec Michel SAPIN. Je crois que la France joue par leur voix, un rôle de médiation, en disant : ne fermez pas la porte pas trop non plus d'arrogance du côté des institutions financières, pas trop de parfois, de ce qui est ressenti par le peuple, grec, comme une forme d'autisme, ou de mépris, ou d'incompréhension, à tort, parce que je crois que l'Europe fait vraiment ce qu'il faut, la Banque centrale européenne a vraiment fait des efforts considérables, mais ce qu'il faut voir, c'est que lorsqu'un peuple est humilié ou dans les cordes ou a le sentiment qu'on demande encore des efforts, sans voir où sont les ressorts de la croissance, c'est ça qui paie. Alors, par exemple, la Grèce, elle a des moyens considérables, c'est une grande puissance touristique, donc il y a des potentiels de développement dans ce pays magnifique.
BRUCE TOUSSAINT
Avec les banques fermées toute une semaine, ça n'incite pas, pardon, mais la situation, encore une fois, aujourd'hui, semble dramatique, mais à vous entendre ce matin, la Grèce ne sortira pas de l'euro, il y aura une solution.
SEGOLENE ROYAL
La Grèce ne veut pas sortir de l'euro, ni de l'Europe. Donc, il faut trouver
BRUCE TOUSSAINT
Oui, mais les Européens, eux, on voit bien qu'on est au bout d'un système, au bout d'une démarche.
SEGOLENE ROYAL
Je ne crois pas, je ne crois pas. On a jusqu'à demain soir pour trouver des solutions.
BRUCE TOUSSAINT
C'est court.
SEGOLENE ROYAL
C'est court et en même temps, ce, qu'il faut c'est trouver les ressors de sortie. Par exemple la Grèce est un pays qui est autonome en énergie, avec le solaire, avec l'énergie marine de la mer, avec le vent, donc il y a des innovations très fortes qui peuvent être impulsées en Grèce. Donc peut-être qu'il faut les deux, il faut à la fois réduire la dépense publique, parce que ça c'est indispensable, ça veut dire faire ce que les institutions européennes demandent et en même temps, peut-être, faire des plans d'investissement, vraiment rentables, qui permettent de remettre la Grèce sur le chemin de la croissance à partir du potentiel extraordinaire qu'a ce magnifique pays où est née la démocratie quand même.
BRUCE TOUSSAINT
Ségolène ROYAL, une dernière question, parce qu'effectivement l'actualité est très chargée, ce matin, mais j'aimerais quand même avoir votre sentiment que ce qu'a dit Manuel VALLS, hier matin, il a évoqué à propos de la lutte contre le terrorisme, une « guerre de civilisation ». Est-ce que vous auriez dit la même chose ?
SEGOLENE ROYAL
C'est une guerre conte les barbaries, c'est une guerre de riposte contre les attaques faites à la démocratie, ce n'est pas une guerre de l'Orient contre l'Occident, d'ailleurs Manuel VALLS a parfaitement expliqué ce qu'il voulait dire par ce mot, qui a suscité à tort un certain nombre de polémiques. Car que veulent faire les terroristes ? Ils veulent faire peur et ils veulent déstabiliser, ils veulent dresser les gens les uns contre les autres, ils veulent déstabiliser les pays démocratiques, et donc c'est pour ça qu'il faut faire preuve de beaucoup de force, savoir comme l'a dit le chef de l'Etat, qui a réuni, vous le savez, une cellule de coordination autour de lui, où nous avons échangé nos informations, compte tenu de chacune de nos compétences. Pour ma part, moi j'ai eu 1 200 sites classé Seveso, dont j'ai la responsabilité, sur lesquels j'ai renforcé, bien sûr, les mesures de contrôle et de vigilance, et cette vigilance permanente, cette force de l'Etat français, la capacité des services de renseignements, de la police, de la gendarmerie, de la défense nationale, je pense que c'est, vous savez, quelque chose qui est tout à fait sécurisant, et vraiment les
BRUCE TOUSSAINT
J'insiste, Ségolène ROYAL, vous assumez ce terme de « guerre de civilisation » ?
SEGOLENE ROYAL
Vous savez, je pense que dans le contexte actuel, les polémiques sur les mots n'ont pas de sens. Il y a une guerre de l'incivilisation, contre toutes les formes de barbarie. Les civilisations, elles sont en Occident, comme en Orient, elles ne s'opposent pas les unes aux autres, elles sont toutes unies, lorsqu'elles ont pris le chemin de la démocratie, elles sont toutes unies contre toutes les formes de terrorisme, de barbarie et d'attaques contre les principes fondamentaux, qui font que les hommes et les femmes veulent vivre ensemble et vivre libres.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Ségolène ROYAL, merci d'avoir été notre invitée.Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 juin 2015
Ségolène ROYAL est l'invitée d'I TELE ce matin. Bonjour.
SEGOLENE ROYAL
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Et merci d'être avec nous. On va parler de la Grèce dans un tout petit instant, mais juste avant, je voudrais vous demander, à propos de la canicule, voilà un sujet qui va intéresser voire préoccuper les Français, tout au long de la semaine, est-ce que nous sommes prêts à affronter ces températures exceptionnelles ?
SEGOLENE ROYAL
Oui, bien sûr nous sommes prêts, parce que l'expérience du passé a fait en sorte que les moyens de l'Etat, maintenant, sont très rapidement mobilisables, dès qu'il y a une alerte canicule, ce qui va être le cas cet après-midi, puisque Météo France, qui est, comme vous le savez, sous l'autorité du ministère de l'Environnement, dont j'ai la charge, publiera les cartes définitives des départements en alerte orange, mais il faut aussi de la vigilance, de toute façon, sur la totalité du territoire. Le Sud-ouest sans doute, sera frappé, le Limousin, et donc il va falloir en effet mobiliser les moyens, la vigilance.
BRUCE TOUSSAINT
Plusieurs départements seront mis en alerte.
SEGOLENE ROYAL
Plusieurs départements seront mis, je n'ai pas le chiffre exact, là, mais de toute façon, il faut être vigilant, puisqu'il va y avoir une vague de chaleur qui va durer plusieurs semaines, avec des alternances, également, de pluie, et malgré tout il faut être vigilant. Ça veut dire quoi « vigilance orange » ? Ça veut dire que désormais les préfets vont pouvoir mobiliser les moyens. Et puis ça veut dire aussi que tout à chacun doit accomplir des gestes simples. C'est quoi ces gestes simples ? C'est s'humidifier le corps. On dit souvent qu'il faut beaucoup boire, mais boire ça ne suffit pas, je pense notamment aux familles qui vont partir en vacances, avec des enfants dans les voitures, il faut humidifier les cheveux, la tête, la nuque, les épaules et même les vêtements, il ne faut pas hésiter à mouiller ses vêtements pour faire tomber la température du corps, pour les personnes vulnérables aussi, pour les personnes de grand âge, vulnérables, il faut vraiment mouiller son corps, c'est vraiment la solution la plus simple pour faire tomber la température et pour éviter le accidents graves de santé.
BRUCE TOUSSAINT
Diriez-vous que ce qui s'est passé en 2003 ne peut plus arriver aujourd'hui en France ?
SEGOLENE ROYAL
Je le pense vraiment, parce qu'il y avait une sorte d'inertie, d'impréparation. Aujourd'hui il y a un déclenchement immédiat de ce que l'on appelle le Plan blanc, c'est-à-dire que les hôpitaux, les structures d'accueil peuvent, sont immédiatement mis en alerte, avec des moyens complémentaires. Il y a aussi une mobilisation, je crois, des élus locaux, des associations locales, qui savent immédiatement, là il faut y penser dès maintenant, comment mettre à disposition des personnes vulnérables, les lieux qui bénéficient d'air conditionné, par exemple les grands magasins, les grandes surfaces, les cinémas l'après midi qui peuvent être ouverts, les bibliothèques qui peuvent être ouvertes, où les personnes peuvent venir s'assoir, passer deux ou trois heures dans un endroit frais dans la journée, et puis surtout les solidarités de voisinage, c'est-à-dire les personnes isolées, que les voisins s'inquiètent, notamment celles qui habitent en étages élevés, par exemple sous des combles qui sont mal isolés, c'est là où les accidents sont le plus fréquemment arrivés.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, vous avez rappelé à l'instant, vous étiez ministre de l'Ecologie, en effet, est-ce que cette canicule annoncée c'est un effet du réchauffement climatique que l'on doit combattre ?
SEGOLENE ROYAL
Alors, c'est une bonne question qu'on me pose souvent. Des canicules, il y en a toujours eu, des tempêtes il y en a toujours eu, des cyclones il y en a toujours eu, mais le réchauffement climatique entraine quoi ? Entraine deux choses nouvelles, c'est à la fois l'amplitude de ces phénomènes climatiques, c'est-à-dire que quand il y a une canicule, elle est beaucoup plus dure, quand il y a une tempête elle est beaucoup plus violente, quand il y a des pluies elles sont beaucoup plus violentes, quand il y a des inondations, elles sont beaucoup plus violentes, donc il y a une accentuation de l'amplitude et il y a une accélération de la successions de phénomènes climatiques contraires, c'est-à-dire que l'on peut passer plus rapidement, de la sécheresse aux inondations, ça c'est du au dérèglement climatique, du lui-même à ce que l'on appelle le réchauffement climatique.
BRUCE TOUSSAINT
Est-ce que ça doit nous sensibiliser davantage, du coup, à la COP21, la fameuse conférence environnementale que la France accueillera à la fin de l'année et que vous préparez actuellement ?
SEGOLENE ROYAL
Mais bien sûr, bien sûr. Pourquoi ? Parce que, pour trois raisons. D'abord, c'est parce que plus personne n'est épargné par le dérèglement climatique, que ce soit dans les pays tempérés, on va le voir avec la canicule, que ce soit dans les pays insulaires, qui risquent de disparaitre à cause de la montée du niveau de la mer, donc plus personne n'est épargné. Il faut savoir par exemple qu'à l'échelle de la planète, il y a 20 mégalopoles, 20 très grandes villes de plus de 10 millions d'habitants, qui sont placées sur le littoral des continents, or, les littoraux aujourd'hui sont menacés par la montée de la mer et par les typhons, les tempêtes, qui les frappent directement. Mais la deuxième chose, c'est un signe d'espoir, c'est dire qu'aujourd'hui on sait maintenant que le coût de l'inaction est plus élevé que le coût de l'action. Ça coûte plus cher de ne rien faire, que d'affronter et de trouver des solutions contre le réchauffement climatique, et enfin c'est un signe d'espoir, c'est-à-dire qu'aujourd'hui ça rapporte de lutter contre le réchauffement climatique, au sens où on est obligé d'investir dans les énergies renouvelables, dans les solutions liées aux biotechnologies, dans les travaux d'isolation sur les bâtiments, qui créent des emplois dans les métiers du bâtiment, c'est-à-dire que cette révolution écologique, c'est aussi un élément fort de levier de sortie de crise, dans les pays développés, et de sortie de la pauvreté dans les pays pauvres, comme le dit l'encyclique du pape, d'ailleurs.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, qui est votre nouvel ambassadeur
SEGOLENE ROYAL
Eh bien écoutez, oui, c'est un texte extraordinaire, parce que justement il dépolitise le sujet, il s'adresse à tous, c'est-à-dire aux peuples de tous les continents, que ce soit dans
BRUCE TOUSSAINT
Vous pourriez lui demander de venir, par exemple, à la COP21 ? C'est une idée qui vous a traversé l'esprit, de venir participer d'une façon peut-être symbolique, je n'en sais rien.
SEGOLENE ROYAL
Mais pourquoi pas, bien évidemment, parce que d'abord c'est une voix qui est écoutée dans le monde entier, et puis il trouve des mots tellement forts et tellement simples, c'est-à-dire qu'il parle de la terre comme notre maison commune, il dit qu'il faut réaliser à nouveau l'unité de la famille humaine, il dénonce très vigoureusement aussi les égoïsmes, les prédateurs financiers, et il dit quelque chose de très important, et c'est ça le grand signe d'espoir, il dit que si on agit, donc il appelle aussi les chefs d'Etat et de gouvernement à agir, mais que si on agit, on trouve aussi des solutions au problème de la pauvreté, qu'il y a un lien très étroit entre la destruction de la planète et la pauvreté, et donc les problèmes d'insécurité. Regardez toutes les migrations dues au climat, c'est-à-dire les gens qui vont fuir leur pays à cause de la sécheresse ou parce qu'il n'y a plus d'eau potable, parce qu'il n'y a plus d'agriculture possible, parce que la déforestation a entrainé un réchauffement climatique, et il dit ça, donc l'équilibre de la planète et l'intérêt des pays riches, comme celui des pays pauvres, c'est de régler le problème du dérèglement climatique.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, Ségolène ROYAL, je le disais, la Grèce, l'inquiétude dans toute l'Europe. On apprend ce matin que la Bourse de Paris et la Bourse de Francfort vont ouvrir à 09h00 en baisse d'au moins 5 %. A force de dire que la crise peut être évitée, que c'est la réunion de la dernière chance, est-ce qu'on n'y est pas, là, ce matin, on est au coeur de la crise, et qu'elle est grave cette crise ?
SEGOLENE ROYAL
Oui et non, c'est-à-dire que, regardez, il n'y a pas non plus de panique, il n'y a pas non plus d'effondrement des Bourses, l'Europe est solide, vous avez vu d'ailleurs que la Commission vient d'annoncer il y a quelques minutes, que des propositions nouvelles allaient être faites à la Grèce. De quoi s'agit-il au fond ? C'est vrai que la voie est étroite pour la sortie de crise pour la Grèce, parce que si on étale la dette ou si on annule la dette, ce qui n'est d'ailleurs pas envisagé, d'autres pays pourraient revendiquer la même chose, et à ce moment là les pays d'Europe se disent : mais finalement, ceux qui font finalement beaucoup d'efforts, eux, ne demandent rien, et donc il y a une espèce de regard des pays européens les uns sur les autres, pour équilibrer aussi les efforts de réduction de la dépense publique, et de réduction des déficits, qui empêche souvent un certain nombre d'actions. Mais ce que je crois profondément juste, dans cette démarche de la Grèce, c'est qu'il faut des signes d'espoir et le peuple grec est épuisé effectivement par une très mauvaise gestion, le nouveau gouvernement qui est en place, fait tout ce qu'il peut, il a besoin de redonner à son peuple de l'espoir, c'est-à-dire la chose suivante : si on continue les efforts, ça va permettre de s'en sortir, et souvent c'est déséquilibré.
BRUCE TOUSSAINT
Pardon Ségolène ROYAL, mais on n'en est plus là. Là il y a un référendum dimanche. Qu'est-ce que vous pensez de la tenue de ce référendum, d'ailleurs ?
SEGOLENE ROYAL
C'est le droit souverain du gouvernement grec et du peuple grec, de se prononcer.
BRUCE TOUSSAINT
Mais l'issue
SEGOLENE ROYAL
Et d'ailleurs le texte est assez beau, le texte d'appel au référendum, c'est-à-dire il ne tourne pas le dos à l'Europe, c'est une déclaration de foi dans l'Europe, d'une part, mais la demande d'un espace d'espérance et au fond d'une solution qui peut permettre de sortir vers le haut. D'ailleurs les négociations continuent jusqu'à demain soir, puisque vous savez que c'est jusqu'à mardi soir, jusqu'au 30 juin, donc je suis heureuse de voir que la Commission bouge, puisqu'on va mettre de nouvelles propositions sur la table
BRUCE TOUSSAINT
La France va participer à cet effort ? Est-ce que la France participe à ces négociations ? Quel rôle va jouer François HOLLANDE dans les prochaines heures ?
SEGOLENE ROYAL
Il a joué déjà un rôle considérable, le chef de l'Etat, avec Michel SAPIN. Je crois que la France joue par leur voix, un rôle de médiation, en disant : ne fermez pas la porte pas trop non plus d'arrogance du côté des institutions financières, pas trop de parfois, de ce qui est ressenti par le peuple, grec, comme une forme d'autisme, ou de mépris, ou d'incompréhension, à tort, parce que je crois que l'Europe fait vraiment ce qu'il faut, la Banque centrale européenne a vraiment fait des efforts considérables, mais ce qu'il faut voir, c'est que lorsqu'un peuple est humilié ou dans les cordes ou a le sentiment qu'on demande encore des efforts, sans voir où sont les ressorts de la croissance, c'est ça qui paie. Alors, par exemple, la Grèce, elle a des moyens considérables, c'est une grande puissance touristique, donc il y a des potentiels de développement dans ce pays magnifique.
BRUCE TOUSSAINT
Avec les banques fermées toute une semaine, ça n'incite pas, pardon, mais la situation, encore une fois, aujourd'hui, semble dramatique, mais à vous entendre ce matin, la Grèce ne sortira pas de l'euro, il y aura une solution.
SEGOLENE ROYAL
La Grèce ne veut pas sortir de l'euro, ni de l'Europe. Donc, il faut trouver
BRUCE TOUSSAINT
Oui, mais les Européens, eux, on voit bien qu'on est au bout d'un système, au bout d'une démarche.
SEGOLENE ROYAL
Je ne crois pas, je ne crois pas. On a jusqu'à demain soir pour trouver des solutions.
BRUCE TOUSSAINT
C'est court.
SEGOLENE ROYAL
C'est court et en même temps, ce, qu'il faut c'est trouver les ressors de sortie. Par exemple la Grèce est un pays qui est autonome en énergie, avec le solaire, avec l'énergie marine de la mer, avec le vent, donc il y a des innovations très fortes qui peuvent être impulsées en Grèce. Donc peut-être qu'il faut les deux, il faut à la fois réduire la dépense publique, parce que ça c'est indispensable, ça veut dire faire ce que les institutions européennes demandent et en même temps, peut-être, faire des plans d'investissement, vraiment rentables, qui permettent de remettre la Grèce sur le chemin de la croissance à partir du potentiel extraordinaire qu'a ce magnifique pays où est née la démocratie quand même.
BRUCE TOUSSAINT
Ségolène ROYAL, une dernière question, parce qu'effectivement l'actualité est très chargée, ce matin, mais j'aimerais quand même avoir votre sentiment que ce qu'a dit Manuel VALLS, hier matin, il a évoqué à propos de la lutte contre le terrorisme, une « guerre de civilisation ». Est-ce que vous auriez dit la même chose ?
SEGOLENE ROYAL
C'est une guerre conte les barbaries, c'est une guerre de riposte contre les attaques faites à la démocratie, ce n'est pas une guerre de l'Orient contre l'Occident, d'ailleurs Manuel VALLS a parfaitement expliqué ce qu'il voulait dire par ce mot, qui a suscité à tort un certain nombre de polémiques. Car que veulent faire les terroristes ? Ils veulent faire peur et ils veulent déstabiliser, ils veulent dresser les gens les uns contre les autres, ils veulent déstabiliser les pays démocratiques, et donc c'est pour ça qu'il faut faire preuve de beaucoup de force, savoir comme l'a dit le chef de l'Etat, qui a réuni, vous le savez, une cellule de coordination autour de lui, où nous avons échangé nos informations, compte tenu de chacune de nos compétences. Pour ma part, moi j'ai eu 1 200 sites classé Seveso, dont j'ai la responsabilité, sur lesquels j'ai renforcé, bien sûr, les mesures de contrôle et de vigilance, et cette vigilance permanente, cette force de l'Etat français, la capacité des services de renseignements, de la police, de la gendarmerie, de la défense nationale, je pense que c'est, vous savez, quelque chose qui est tout à fait sécurisant, et vraiment les
BRUCE TOUSSAINT
J'insiste, Ségolène ROYAL, vous assumez ce terme de « guerre de civilisation » ?
SEGOLENE ROYAL
Vous savez, je pense que dans le contexte actuel, les polémiques sur les mots n'ont pas de sens. Il y a une guerre de l'incivilisation, contre toutes les formes de barbarie. Les civilisations, elles sont en Occident, comme en Orient, elles ne s'opposent pas les unes aux autres, elles sont toutes unies, lorsqu'elles ont pris le chemin de la démocratie, elles sont toutes unies contre toutes les formes de terrorisme, de barbarie et d'attaques contre les principes fondamentaux, qui font que les hommes et les femmes veulent vivre ensemble et vivre libres.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Ségolène ROYAL, merci d'avoir été notre invitée.Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 juin 2015