Interview de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, à "RTL" le 1er juillet 2015, sur la recherche d'un accord avec la Grèce par l'Eurogroupe.

Prononcé le 1er juillet 2015

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

PHILIPPE CORBE
Jean-Michel APHATIE, vous avez invité, ce matin, sur RTL, le ministre des Finances.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et il a accepté de venir. Bonjour Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
La Grèce n'a pas honoré hier soir l'échéance qui l'obligeait à verser 1,5 milliard d'euros au Fond monétaire international. La Grèce n'a pas non plus trouvé à cette heure-ci, vous ne me démentirez pas, Michel SAPIN, d'accord avec ses créanciers pour la poursuite du programme d'aides venu à échéance, lui aussi hier soir à minuit. L'Eurogroupe, c'est-à-dire le groupe des ministres des Finances de la zone euro, se réunit ce matin, et le prochain rendez-vous annoncé, c'est le référendum, organisé dimanche, en Grèce, par le gouvernement d'Alexis TSIPRAS. Est-ce que le but, Michel SAPIN, c'est de trouver un accord d'ici au référendum, pour éviter, précisément, ce référendum à Athènes ?
MICHEL SAPIN
Le but, c'est de trouver un accord.
JEAN-MICHEL APHATIE
Avant le référendum ?
MICHEL SAPIN
Avant le référendum, si c'est possible.
JEAN-MICHEL APHATIE
Pour éviter le référendum.
MICHEL SAPIN
Non, pas forcément pour éviter le référendum. Le référendum, c'est une décision du gouvernement grec, du Parlement grec, ce n'est pas à nous de dicter, de l'extérieur, s'il faut en organiser un, s'il ne faut pas le faire, s'il faut l'arrêter ou pas.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord.
MICHEL SAPIN
Bon, ça c'est le gouvernement grec qui doit décider. Nous, moi, mon rôle, notre rôle, et je le dis tout particulièrement s'agissant de la France qui a maintenu le dialogue pendant toute cette période, c'est jusqu'à la dernière minute, voir s'il est possible de trouver un accord qui montre la voie, pour une Grèce qui retrouve de la stabilité, et une Europe qui se rassure, et un monde qui se rassure.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est possible, à votre avis, de trouver un accord ? Vous sentez… parce que ça a l'air tellement compliqué tout ça.
MICHEL SAPIN
C'est évidemment effroyablement compliqué. C'est compliqué en Grèce, c'est compliqué dans la relation avec l'ensemble des partenaires. Il y a beaucoup de partenaires, qui ont des points de vue qui peuvent être légitimement différents…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous pensez à l'Allemagne.
MICHEL SAPIN
Le Fonds monétaire international a un point de vue, parce que le Fonds monétaire international, il ne parle pas à 19 pays, il parle…
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce que l'Allemagne est un problème, Michel SAPIN… ?
MICHEL SAPIN
...il parle à l'ensemble des pays du monde.
JEAN-MICHEL APHATIE
Parce que vous dites…
MICHEL SAPIN
L'Allemagne a aussi…
JEAN-MICHEL APHATIE
Je vous coupe, juste, vous avez dit : « La France a maintenu le dialogue », sous-entendu, l'Allemagne non.
MICHEL SAPIN
Nous sommes 19…
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc, l'Allemagne, non.
MICHEL SAPIN
Je peux vous assurer que les plus durs, c'est pas l'Allemagne.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est qui ? C'est la Croatie.
MICHEL SAPIN
Les plus dur, c'est les petits pays – la Croatie n'est pas encore dans l'euro – mais les…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah c'est…
MICHEL SAPIN
Oui, vous pouvez dire la Slovénie, on peut dire…
JEAN-MICHEL APHATIE
La Slovénie, voilà.
MICHEL SAPIN
Les plus durs, les plus durs sont les petits pays qui ont fait au cours de ces dernières années, des efforts considérables, et qui disent à la Grèce : j'ai fait les efforts, ça va beaucoup mieux chez moi, fais des efforts chez toi, mais ne demande pas, ne demande pas à mon peuple de venir encore t'aider, alors que ton smic est plus élevé que le mien, alors que tes pensions sont plus élevées que les miennes…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais l'Allemagne aussi est plus dure que la France, convenez-en, Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
L'Allemagne est dans une posture…
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce que c'est un facteur de blocage ?
MICHEL SAPIN
Non, ce n'est pas un facteur de blocage. Est dans une posture, qui est une posture compréhensible, y compris compte tenu de l'opinion allemande. L'opinion allemande est une opinion qui n'a pas la même relation avec la Grèce, que ce qu'a le peuple français. On a une relation historique, on a une manière de regarder la Grèce, compte tenu de beaucoup de choses, et la Grèce a aussi une manière de nous regarder, quels que soient les partis politiques en Grèce, ils se tournent vers la France pour dire : est-ce qu'il y a une solution ? Est-ce que vous pouvez nous aider à trouver une solution aujourd'hui ? C'est ça, aujourd'hui, le rôle de la France, mon rôle.
JEAN-MICHEL APHATIE
L'hypothèse d'un accord, est faible, avant le référendum de dimanche ?
MICHEL SAPIN
L'hypothèse existe, c'est déjà beaucoup.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais elle est faible.
MICHEL SAPIN
Cette hypothèse existe, c'est déjà beaucoup.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et c'est déjà beaucoup. A quel moment allez-vous constater le défaut de paiement de la Grèce, s'il n'y a pas d'accord ?
MICHEL SAPIN
Ah mais ça, la question du défaut de paiement, vous l'avez d'ailleurs dit très bien en commençant cette émission, vous l'avez constaté vous-même, donc on constate…
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, par rapport au FMI.
MICHEL SAPIN
Par rapport au FMI.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais vous avez dit vous-même : c'est sans grande conséquence, le FMI.
MICHEL SAPIN
C'est sans grande conséquence immédiate. C'est sans grande conséquence, je veux dire, le lendemain, aujourd'hui, il n'y a pas de conséquences particulières.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il ne se passe rien.
MICHEL SAPIN
Ça aura des conséquences dans l'avenir, la première des conséquences, c'est qu'un pays qui doit de l'argent au Fonds monétaire international, ne peut plus recevoir de l'argent du Fonds monétaire international. Or, il y a des engagements qui avaient été pris, qui permettraient à la Grèce de recevoir de l'argent du Fonds monétaire international. Un peu, beaucoup, de l'Europe, et un peu du Fonds monétaire international. Le coeur…
JEAN-MICHEL APHATIE
Et la Grèce doit rembourser.
MICHEL SAPIN
Le coeur de la question, c'est la relation dans l'Europe, c'est la relation avec la Grèce et les autres pays d'Europe.
JEAN-MICHEL APHATIE
Dans l'Europe. La Grèce doit rembourser, aussi, aux pays européens, au mois de juillet.
MICHEL SAPIN
Il y a aussi des remboursements qui ne sont pas immédiats, au mois de juillet, là aussi c'est un peu technique, mais c'est plutôt à la Banque centrale européenne, si elle peut avoir de l'argent à rembourser.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et là, si elle le rembourse pas à la Banque centrale européenne, c'est vers le 20 juillet je crois, là on peut parler de défaut de paiement ?
MICHEL SAPIN
Le terme de défaut de paiement, je ne sais pas ce qu'il dit dans le langage des uns et des autres…
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord.
MICHEL SAPIN
Ça peut être extrêmement grave, parce que ça veut dire qu'on ne peut plus payer personne. Ça peut être peu grave, si on trouve une solution. Si vous allez voir votre banquier, et que vous lui dites : « Je ne suis pas capable de payer le 20 du mois, mais je vous payerai le 5 du mois suivant », ce n'est pas gravissime. Le banquier il fait la tête, mais bon. Là c'est un peu de même nature. Aujourd'hui il n'y a pas de gravité, et il faut qu'on trouve des solutions, dès maintenant, si c'est possible, des solutions au lendemain du référendum, si ce référendum se tient et quelque soit, au fond, la réponse donnée par le peuple grec, nous aurons besoin de dialogue. Les conséquences sont différentes. Si le oui l'emporte…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce que vous souhaitez ?
MICHEL SAPIN
Je n'ai pas à souhaiter…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah !
MICHEL SAPIN
Mais j'ai à éclairer.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais, je ne sais pas, par exemple…
MICHEL SAPIN
Je n'ai pas à souhaiter, vraiment.
JEAN-MICHEL APHATIE
Jean-Claude JUNCKER, président de la Commission européenne, dit : « Je souhaite la victoire du oui ».
MICHEL SAPIN
Je n'admettrais pas…
JEAN-MICHEL APHATIE
Excusez-moi…
MICHEL SAPIN
Je n'admettrais pas, s'il y avait un référendum en France, que je ne sais qui, à l'extérieur ou à l'étranger, vienne me dire : « voilà quel est le bon choix ».
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors, je vais vous poser la question autrement, Michel SAPIN : les intérêts de la France, pour les intérêts de la France, il vaut mieux que le oui gagne, ou que le non gagne ? Vous défendez les intérêts de la France, quand même.
MICHEL SAPIN
Bien sûr. Les conséquences, pour les Grecs, du oui et du non, sont différentes. Avec le oui, c'est la négociation qui reprend, qui continue, dans des conditions plus difficiles, plus délicates, mais qui continuent, et nous sommes en capacité, me semble-t-il, de trouver assez rapidement un accord. Avec le non, il y a un risque, et c'est ce risque-là que tout le monde doit avoir en tête, que les Grecs, bien sûr, mais que nous aussi nous devons avoir en tête. Le risque, c'est qu'on glisse, il n'y a pas d'automatisme, on glisse vers la sortie de la Grèce, de l'euro. On glisse. C'est un risque, un risque avéré. Moi je pense que…
JEAN-MICHEL APHATIE
Le non, c'est un risque de sortie de la Grèce de l'euro.
MICHEL SAPIN
Oui, ça n'est pas une décision…
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc vous souhaitez la victoire du oui.
MICHEL SAPIN
… ça n'est pas une certitude, mais même si le non l'emportait, le rôle de la France serait de faire tout pour que la Grèce reste dans l'euro. Parce que c'est l'intérêt de la Grèce, et c'est l'intérêt, au sens plus large du terme, de la France, parce que la France est un des piliers de la construction européenne. Vraiment, je veux que chacun le comprenne bien, ce qui se passe aujourd'hui en Grèce est dramatique pour la Grèce, et rien que cela, ça mérite qu'on y fasse attention et que l'on essaie de faire en sorte d'avoir une sortie honorable pour les uns et les autres.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est de la faute de l'entêtement grec ?
MICHEL SAPIN
C'est une difficulté pour l'Europe.
JEAN-MICHEL APHATIE
On peut dire, on peut parler de l'entêtement du gouvernement grec ?
MICHEL SAPIN
Le gouvernement grec il a sa position, et il a fait appel au peuple, il est dans la négociation, c'est compliqué pour lui, il a une majorité complexe, tout cela est très compliqué, mais ça c'est la Grèce. Moi, je regarde plus loin, mais peut-être avec un peu plus de perspicacité, où sont les intérêts globaux d'un pays comme la Grèce et les intérêts globaux d'une Europe et de la France. Mais la France n'a aujourd'hui rien à craindre de l'immédiat, d'une crise en Grèce, par contre c'est le projet politique européen. L'Europe, elle n'est pas là pour être dans l'échec, elle est là pour apporter quelque chose. Déjà aujourd'hui elle nous protège, cette Europe, elle nous protège beaucoup mieux qu'il y a quatre ans, de toute crise comme celle qu'on peut connaitre en Grèce.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc, Eurogroupe à 11h30, et on verra bien si à l'issue de cette réunion des ministres des Finances de la zone euro, une lueur d'espoir s'allume. Une petite question : le déficit de la France continue de s'accroitre, 51 milliards de plus au premier trimestre, ça fait le titre d'un peu tous les journaux, ça ne s'arrange pas, la dette de la France.
MICHEL SAPIN
Parfois il y a des titres…
JEAN-MICHEL APHATIE
Des choses qui vous étonnent.
MICHEL SAPIN
Non non, ça ne m'étonne pas, mais parfois il y a des titres qui disent des banalités.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ben oui.
MICHEL SAPIN
Donc tous ces chiffres là sont connus, sont depuis tout le temps, je suis sûr qu'ils ont été déjà annoncés ici il y a six mois, donc il n'y a absolument rien de nouveau de ce point de vue là, mais enfin…
JEAN-MICHEL APHATIE
Rien de nouveau, la dette continue d'augmenter…
MICHEL SAPIN
Non non, je ne dis pas qu'il faut le banaliser…
JEAN-MICHEL APHATIE
Rien de nouveau sous le soleil.
MICHEL SAPIN
… mais ce n'est pas une information, par contre, ce qui est certain, c'est qu'aujourd'hui, nous sommes en train de stabiliser la dette de la France, au cours de l'année qui s'écoule, et à partir de l'année prochaine, nous ferons diminuer le poids de la dette de la France, donc, par rapport à son PIB.
JEAN-MICHEL APHATIE
On a vu hier à l'Assemblée nationale, Michel SAPIN, que la gauche, les députés, les ministres, vous-même, aviez du mal à vous lever pour honorer la mémoire de Charles PASQUA, il a fallu que le Premier ministre vous fasse signe : « allez, on se lève », et là vous vous êtes levés. C'était difficile à faire ?
MICHEL SAPIN
Non, vous décrivez une situation telle que je ne l'ai pas vécue, mais…
JEAN-MICHEL APHATIE
Moi je l'ai vu à la télé, je ne suis pas le seul.
MICHEL SAPIN
Moi j'ai, vous savez, dans la vie d'un homme il y a beaucoup beaucoup d'aspects, donc moi j'ai retenu l'aspect du jeune résistant, et celui-là, on a le droit de l'applaudir et de l'honorer.
JEAN-MICHEL APHATIE
Michel SAPIN, ministre des Finances, était l'intérêt de RTL… était l'invité de RTL ce matin, l'intérêt c'est autre chose. L'invité de RTL.
PHILIPPE CORBE
Oh, c'est avec beaucoup d'intérêt. Merci beaucoup à tous les deux.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 juillet 2015