Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement, à "RMC/BFMTV" le 6 juillet 2015, sur la victoire du non au référendum grec et sur le malaise chez les agriculteurs producteurs de lait et de viande.

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Média : BFM TV - Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Stéphane LE FOLL est notre invité, porte-parole du gouvernement, ministre de l'Agriculture et proche de François HOLLANDE. Stéphane LE FOLL, bonjour.
STEPHANE LE FOLL
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le vote grec, le non l'emporte, victoire de la démocratie. Est-ce que c'est un acte de résistance de la part des Grecs selon vous ?
STEPHANE LE FOLL
En tout cas, c'est une volonté d'exprimer, une manière de dire non a ce qui a été une politique qu'ont subie les Grecs depuis cinq ans. Ça, on l'a parfaitement compris. C'est aussi, et ç'a beaucoup été répété par les dirigeants grecs, en tout cas les tenants du non hier soir, une manière aussi de dire à tous les autres : « Respectez-nous en tant que peuple. Il y a une dignité, ça a été dit, qu'on doit retrouver ». Il a été dit beaucoup de choses d'ailleurs très désagréables sur lesquelles il faut que chacun ait conscience qu'on a besoin aujourd'hui de se respecter. Ça vaut aussi d'ailleurs pour les Grecs et j'ai vu que le ministre des Finances qui a eu des propos qui n'étaient pas acceptables sur le terrorisme qui aurait été exercé par certains créanciers.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il devait partir ? Pour qu'une solution soit trouvée, est-ce qu'il devait partir, VAROUFAKIS ?
STEPHANE LE FOLL
Je pense que dans ces négociations on va chercher, pour négocier, à trouver des compromis, de ne pas se renvoyer comme cela des arguments qui n'en sont pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que la France ce matin demande la reprise des négociations ?
STEPHANE LE FOLL
La France a souhaité avec la chancelière allemande convoquer un conseil de la zone euro mardi soir. C'est pour à la fois faire une analyse et discuter. La France et le président de la République rencontrera ce soir Angela MERKEL. Le président de la République, donc la France, a consulté hier soir un certain nombre d'acteurs pour voir où chacun souhaitait aller et, je le dis ce matin, la France aussi souhaite maintenant que la Grèce et que les dirigeants, et en particulier son Premier ministre, fassent des propositions pour qu'on puisse discuter.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous repose la question, est-ce que la France souhaite la reprise des négociations ?
STEPHANE LE FOLL
Je viens de vous expliquer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ou non ?
STEPHANE LE FOLL
Mais oui, puisque chacun – je viens de vous le dire – à la fois mardi soir un conseil européen, ce soir une rencontre avec Angela MERKEL : on est dans un processus, mais cette discussion, elle doit d'abord aussi s'appuyer sur une proposition de la Grèce pour voir si c'est compatible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais la Grèce a fait des propositions.
STEPHANE LE FOLL
Ah bon ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
La semaine dernière. La semaine dernière et l'Europe a dit non.
STEPHANE LE FOLL
Non, l'Europe a fait des propositions. Vous êtes en train d'inverser des choses. L'Europe avait fait des propositions qui ne convenaient pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le peuple grec a dit non aux propositions de l'Europe.
STEPHANE LE FOLL
Ecoutez, tout le monde a parfaitement entendu ce qu'a dit le peuple grec. Chacun doit se respecter, c'est ce que j'ai dit tout à l'heure : chacun doit se respecter. On est dans un enjeu où il va falloir prendre à la fois ce qui a été exprimé par le peuple grec, à la fois l'intérêt de l'Europe dans son ensemble et puis aussi les intérêts de chacun des peuples. C'est ça l'enjeu. Trois dimensions à tout ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il faut à tout prix garder la Grèce dans la zone euro ?
STEPHANE LE FOLL
Je pense qu'aujourd'hui personne, et en tout cas pas chez les dirigeants responsables, n'a exprimé de souhait qui consisterait à dire qu'on mettait la Grèce dehors. D'ailleurs ça n'existe pas ni dans les traités, personne n'a de possibilité de pouvoir dire à un pays : « On ne veut plus de vous », donc il faut se remettre dans une situation où on doit discuter. Faut-il que chacun, je l'ai dit, prenne la mesure de l'enjeu et accepte le respect mutuel.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Aléxis TSÍPRAS exige une renégociation de la dette grecque, il l'a dit. Il l'a dit avant le référendum.
STEPHANE LE FOLL
Il l'a dit après le référendum. De quoi s'agit-il ? Quelles sont les propositions ? Il parle comme ça, ce n'est pas si simple : quelle dette ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Réduction de la dette de trente pourcent et plusieurs années d'aide.
STEPHANE LE FOLL
Oui, mais il y a déjà eu des rééchelonnements et même des effacements de dette.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors c'est non, l'Europe dira non.
STEPHANE LE FOLL
Je ne vous dis pas définitivement ce qui se passera, je vous dis ce matin, au nom du gouvernement français, que chacun doit prendre ses responsabilités et en particulier le Premier ministre grec, parce qu'il y a quand même aussi urgence.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que l'Europe ne bougera pas de sa position initiale.
STEPHANE LE FOLL
Cessez de vouloir nous emmener sur un terrain. J'ai dit les choses telles qu'elles devaient se faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Stéphane LE FOLL, le président de la République française doit-il prendre et va-t-il prendre une initiative particulière ?
STEPHANE LE FOLL
Ce soir il verra Angela MERKEL, donc c'est dans ces discussions qu'il y aura une analyse de la situation et peut-être ou pas des propositions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout à l'heure j'ai reçu COSTA-GAVRAS sur RMC Découverte et RMC. Nous allons écouter et regarder ce qu'il me disait.
COSTA-GAVRAS, REALISATEUR FRANCO-GREC
Je voudrais faire un appel au président de la République. Je le prie de faire tout ce qu'il peut pour sortir le pays de cette épouvantable situation. Il n'y a que lui qui peut le faire en France, il n'y a que la France parce qu'il y a une sorte de parenté entre les Grecs et les Français, il y a une confiance que les Grecs ont en la France et qu'ils n'ont pas pour les autres pays. Parce que le pays ne peut plus continuer dans la situation dans laquelle il est. Vous vous rendez compte, un quart de la population se réveille tous les matins et ne sait pas quoi faire, n'a pas un euro dans la poche et ils attendent que leur journée se passe. Il n'y a que monsieur HOLLANDE : s'il-vous-plaît, monsieur HOLLANDE, si vous pouvez vraiment, faites tout ce que vous pouvez.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Voilà l'appel lancé ce matin par COSTA-GAVRAS.
STEPHANE LE FOLL
C'est ce qui a été fait par la France depuis le départ.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais alors pourquoi par exemple ce soir ne pas convoquer, ne pas demander à TSÍPRAS de venir et de venir discuter avec d'un côté Angela MERKEL, et de l'autre côté François HOLLANDE ? Pourquoi pas ?
STEPHANE LE FOLL
Chaque chose en son temps, chaque chose en temps ; en même temps, le temps est compté. Il y a un conseil mardi soir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans trois jours, la Grèce n'a plus rien dans ses caisses.
STEPHANE LE FOLL
C'est vrai que le temps est compté donc il faut qu'on soit à la fois capable de se concerter. La France et l'Allemagne sont les deux grandes économies de l'Europe, ce sont aussi les deux pays qui détiennent le plus, une large majorité de la dette grecque souveraine aujourd'hui et donc il faut qu'il y ait une concertation. En même temps, c'est mardi soir qu'il y a un conseil européen.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce que l'Europe peut dire non à TSÍPRAS ? peut dire non aux demandes d'Aléxis TSÍPRAS ?
STEPHANE LE FOLL
Vous voulez toujours, je comprends, aller dans la radicalité d'une solution. Vous avez bien compris que tout ça est plus compliqué que de dire oui ou non. On est dans un compromis. Les Grecs ont exprimé quelque chose.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas ce que disent Sigmar GABRIEL ou d'autres responsables politiques allemands, vous le savez bien.
STEPHANE LE FOLL
Mais Sigmar GABRIEL s'est exprimé hier soir, ce soir il y aura une rencontre avec Angela MERKEL et demain, il y a un conseil européen.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les conséquences politiques en Europe. Imaginons qu'aucun accord n'est trouvé – c'est possible qu'aucun accord ne soit trouvé.
STEPHANE LE FOLL
C'est possible. Je ne suis pas là pour faire de la spéculation, je n'en sais rien. On fera tout pour faire en sorte que les choses se passent bien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Imaginons les conséquences. Est-ce que c'est le nationalisme ? A vos yeux, est-ce que c'est le nationalisme qui l'a emporté hier en Grèce ?
STEPHANE LE FOLL
A mes yeux, je vous dis ce que je pense. Aujourd'hui en Europe, contrairement à ce que j'entends, aujourd'hui dans beaucoup de pays européens, et ceux qui se réjouissent en particulier du non et qui sont nationalistes, que ce soit le Front national en France mais dans tous les autres pays…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais Jean-Luc MELENCHON se réjouit du non. Il n'est pas le seul, au Parti socialiste aussi.
STEPHANE LE FOLL
C'est ce que je vais vous dire et vous expliquer. Ceux qui pensent ça et qui disent en même temps qu'il faut sortir et mettre à bas l'Europe, il y en a qui le pensent dans l'Europe du Sud mais il y en a aussi qui le pensent dans l'Europe du Nord. Les derniers résultats des élections le montrent, il y a une forme de retour à une forme de nationalisme qui est inquiétante. La responsabilité des hommes et des femmes politiques dans ces moments-là c'est d'être capable justement de dépasser ce qui est la manière la plus radicale, de trouver ou de chercher à trouver des solutions. Je le dis et c'est ça qui fait aussi la place particulière de la France et du président de la République François HOLLANDE ce soir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Stéphane LE FOLL, quel est selon vous le sentiment d'une bonne partie de la population en Europe mais en France aussi ? Quel est le sentiment vis-à-vis de l'Europe ? Que l'Europe, c'est la finance qui gouverne ; c'est ça le sentiment, vous le savez bien.
STEPHANE LE FOLL
Il y a un sentiment qui est très partagé, je l'ai parfaitement compris. Je l'ai parfaitement compris.
JEAN-JACQUES BOURDIN
François HOLLANDE l'avait dit au Bourget.
STEPHANE LE FOLL
Mais depuis qu'on a eu ces discussions au Bourget et ce discours du Bourget, la Banque centrale européenne dont on disait qu'elle n'intervenait jamais, qu'elle était indépendante et qu'elle ne faisait pas le travail qu'elle devait faire, elle ne l'a pas fait ? Elle fait le travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi ne prête-t-elle pas directement à la Grèce ?
STEPHANE LE FOLL
Elle l'a fait, mais ça la Banque centrale c'est sa responsabilité. Mais l'outil qui était celui de la Banque centrale, qui était critiqué par les mêmes aujourd'hui qui disent qu'il faut quitter l'euro ou l'Europe, sont : la Banque centrale est aujourd'hui un acteur majeur dans la gestion de cette crise. Elle a son indépendance, donc c'est elle qui décidera. Les politiques dans les choix qui ont été faits à partir des élections de François HOLLANDE et de Matteo RENZI en Italie, ont commencé à changer. La preuve, c'est que monsieur JUNCKER a fait la proposition d'un plan de trois cent quinze milliards d'euros d'investissements. On a changé la perception, la ligne politique ; ça ne va peut-être pas assez vite certes, mais ces changements sont profonds et il faut qu'on soit capable ensemble mais ça se fait ensemble. Ceux qui cherchent à diviser et à abattre l'Europe font une erreur colossale devant l'histoire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est les socialistes, des députés socialistes vont soutenir TSÍPRAS et vont soutenir le non.
STEPHANE LE FOLL
Mais bien sûr, mais moi je l'ai dit. Les députés socialistes qui jouent – mais ces députés-là ne sont pas, je l'ai dit, à la hauteur de la responsabilité qui est la nôtre. On doit rester dans la capacité justement qui est celle de la France d'être un interlocuteur, ç'a été dit tout à l'heure, d'être en capacité de faire en sorte qu'il y ait un compromis et pas de s'engager directement. Heureusement qu'il y a une large majorité de socialistes qui est sur cette position.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Stéphane LE FOLL, est-ce que François HOLLANDE au-delà de la rencontrer avec Angela MERKEL, va prendre l'initiative, s'adresser à la France, s'adresser aux Français ?
STEPHANE LE FOLL
Je ne ferai aucune annonce ce matin parce que ce soir il y aura le rendez-vous que vous évoquez, et c'est le président de la République qui prendra sa décision. C'est le président de la République qui prendra sa décision, elle lui appartient.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord. Et le débat ? Le débat au Parlement n'est-il pas indispensable maintenant sur l'affaire grecque ?
STEPHANE LE FOLL
On va voir ce qui va se passer mais attendons là aussi les moments cruciaux qui vont se jouer et en particulier jusqu'à demain soir la réunion du conseil de la zone euro.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il y a un risque financier pour la France si aucun accord n'est trouvé ? Non ?
STEPHANE LE FOLL
Il y a trois ans, il y avait un risque et on le voit bien d'ailleurs avec les banques grecques et la situation des banques grecques aujourd'hui, tout le système bancaire. J'entends aussi ceux qui disent : « Le système financier, c'est celui qui nous a mis dans la difficulté ». Sauf que quand les banques n'ont pas de liquidités – vous avez vu ce qui se passe en Grèce -, le système, l'économie ne fonctionne plus et ce n'est pas l'économie de ceux qui spéculent, c'est l'économie de tous les Grecs aujourd'hui donc il faut aller préserver et on a mis en place les outils qui permettent de préserver le système financier. Ce n'est donc plus du tout la même situation que celle qu'on a connue et ça, c'est très important de le dire, même si la situation reste une situation d'urgence sur laquelle il faut trouver des solutions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes ministre de l'Agriculture. Est-il vrai que parfois vous êtes un peu à bout ? Je vous dis ça parce qu'il y a un mois à peu près, vous étiez en Bretagne et vous avez eu un dialogue assez rude avec des producteurs. Je crois que c'étaient des producteurs de porc. Vous étiez même exaspéré, je sentais, exaspéré face à leur désespoir, face aux réponses que vous ne leur apportiez pas, Stéphane LE FOLL.
STEPHANE LE FOLL
J'étais exaspéré parce qu'on me portait une responsabilité que je ne pouvais pas assumer à la hauteur de ce qu'était la demande. En gros, on disait : « Au ministre de déterminer les prix. Si vous ne le faites pas, ça veut dire que vous ne pouvez pas ».
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que vous n'avez aucune influence sur les prix ?
STEPHANE LE FOLL
Vous vous rendez compte de ce que vous dites, monsieur BOURDIN ? On est dans une économie qui s'appelle une économie de marché. Si je décidais des prix, ça s'appellerait comment ? Allez-y, monsieur BOURDIN, allez jusqu'au bout : dirigée, dirigée. On n'est pas dans une économie dirigée ni administrée, mais j'ai une responsabilité et c'est ce que j'avais dit. Vous ne pouvez pas me mettre toutes les responsabilités parce que chacun a une part de la responsabilité, moi et l'ensemble des acteurs. L'ensemble des acteurs que ce soit la grande distribution, que ce soit la transformation. Je l'ai dit et c'est ce que j'ai dit, et je le répète.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous savez ce que m'a dit ce matin un producteur de lait de Loire-Atlantique que j'avais en ligne ce matin ? Il ne se paye plus parce qu'il travaille à perte dans son exploitation et il veut la vendre d'ailleurs. Son voisin s'est suicidé il y a quelques mois.
STEPHANE LE FOLL
Ça, alors là écoutez, monsieur BOURDIN, là écoutez… Oui, oui, oui, j'entends parfaitement. Ce n'est pas la peine de… Ces gens-là, je les rencontre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous savez ce qu'il m'a dit ? Laissez-moi finir. Il m'a dit : « Moi je ne me paye pas, LACTALIS a fait plus vingt pourcent de bénéfices l'année dernière. C'est LACTALIS qui vient chercher mon lait ».
STEPHANE LE FOLL
Oui, LACTALIS ou d'autres entreprises. Il y a cinq grands opérateurs dans le lait et sur la viande et sur la viande de porc. Il y a des acteurs, il y a la grande distribution, il y a des acteurs de la transformation. Qu'est-ce que j'ai fait ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que la grande distribution travaille à perte ? Est-ce que LACTALIS travaille à perte ?
STEPHANE LE FOLL
Non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais le producteur, lui, travaille à perte.
STEPHANE LE FOLL
Une partie de ceux qui produisent aujourd'hui, je vous signale quand même que le prix du lait l'an dernier, vous savez à combien il était en moyenne ? Trois cent soixante-cinq euros la tonne. Aujourd'hui, on est à peine à trois cents, trois cent deux, trois cent trois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, et ça lui coûte trois cent trente-cinq, la production.
STEPHANE LE FOLL
Je vous ai rappelé ce qu'était le prix l'an dernier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il perd trente-cinq euros.
STEPHANE LE FOLL
Quelle est ma responsabilité ? J'ai fait plusieurs tables rondes, comme on explique, pour mettre tout le monde d'accord, que chacun prenne des engagements parce qu'on est dans des négociations commerciales entre la grande distribution et les transformateurs. C'est eux qui négocient entre eux. On a fait passer des lois, je rappelle qu'on a fait passer une loi d'avenir avicole qui permet aux producteurs de s'organiser, ce qu'on appelle les organisations de producteurs. On a fait passer aussi la loi Hamon qui fait qu'on renégocie les prix lorsque le coût de production augmente. Tout ça, c'est à la disposition d'une négociation. Faut-il que des acteurs aient envie de négocier et prennent la mesure de la situation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qu'est-ce que vous pouvez faire s'ils n'ont pas envie de négocier ?
STEPHANE LE FOLL
Mais on pousse, on les oblige, on cherche à faire prendre à chacun la responsabilité et en même temps qu'on fait ça, on essaye de promouvoir une identité à la viande française, parce que je suis sûr que les consommateurs français sont prêts à payer un peu plus cher pour valoriser…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous lancez une identité.
STEPHANE LE FOLL
Oui, on l'a lancée il y a déjà un an et je veux que les Français sachent que lorsqu'il y a ces difficultés et vous les avez énoncées, des éleveurs qui sont aujourd'hui dans l'incapacité de dégager un revenu, il y a une possibilité au travers d'un logo viande française qui concerne la viande de porc, qui concerne la viande bovine, qui concerne l'ensemble des viandes de pouvoir acheter en ayant la garantie que les animaux sont nés en France, ont été élevés en France, ont été abattus en France, ont été transformés en France. C'est ça aussi l'enjeu, donc moi je fais les deux. Ça, c'est ma responsabilité ; ça, je l'assume et je vais le faire toute la semaine. Entre aujourd'hui et mercredi avec la médiateur de la République qui est sous la responsabilité du ministre, on va faire le point sur l'ensemble des engagements qui ont été tenus ou pas tenus par ceux…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mercredi, vous faites donc le point.
STEPHANE LE FOLL
Mercredi, on fera un point parce que dès aujourd'hui, et ça a commencé la semaine dernière, le médiateur a commencé son travail qui, après la table ronde qu'on a organisée, que ce soit sur le porc ou la viande bovine, a joué le jeu ou ne l'a pas joué. On va donc faire un point très clair et il y aura des engagements à prendre, et chacun devra assumer sa responsabilité. C'est ça que j'ai dit aux éleveurs. Vous pouvez demander au ministre mais on ne peut pas lui dire à lui : « C'est vous, il n'y a que vous ».
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un ministre ne peut pas tout.
STEPHANE LE FOLL
Mais bien sûr ! Il faut au moins qu'on se mette ça dans la tête parce que sinon on laisse penser, j'ai même entendu sur un certain nombre de commentaires, que le ministre aurait pris directement des engagements. Non ! J'ai fait en sorte que tout le monde prenne des engagements et maintenant il faut qu'ils soient respectés et je les ferai respecter. En même temps, j'essaye de me dire : « Si le prix, en particulier sur un certain nombre de produits à l'échelle européenne ou mondiale est plus bas, il faut qu'on soit capable de dire aux consommateurs français : Ces produits-là viennent de France, donc vous pouvez les payer un peu plus chers et ça permettra aux éleveurs de pouvoir dégager du revenu ».
JEAN-JACQUES BOURDIN
La ferme des Mille Vaches, vous allez sanctionner ou pas ?
STEPHANE LE FOLL
Il y a un décret préfectoral qui a été sorti. Il a eu un accord sur cinq cents vaches, ça a été dépassé en dehors de toute règle qui avait été là aussi négociée avec ce propriétaire, donc les sanctions sont appliquées.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et puis, dernière question sur le traité Transatlantique. Vous revenez des Etats-Unis. Il y a eu ce qu'on sait, l'espionnage, et cætera, et cætera, notamment économique. Notamment économique, j'oublie la politique. Est-ce qu'aujourd'hui certains ont demandé la suspension des négociations sur le traité ?
STEPHANE LE FOLL
Oui, certains ont demandé la suspension.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous ?
STEPHANE LE FOLL
Je suis allé aux Etats-Unis, parce que je ne me contente pas simplement de dire : « On ne fait plus, on ne négocie plus » parce que les Etats-Unis c'est quand même aussi un grand pays et qu'on a intérêt d'avoir des relations où on est capable de négocier et on ne se renvoie pas tout à la figure, mais j'ai rappelé trois choses qui étaient essentielles à mes yeux. La première, c'est que nous avons des productions sur lesquelles on ne peut pas accepter le libre échange, parce qu'elles sont fragiles. Je pense à la production de viande et animale aujourd'hui et que les règles non tarifaires, c'est-à-dire tout ce qui concerne le sanitaire, ne sont pas les mêmes en Europe et en France, et en France et aux Etats-Unis, et que ça on n'est pas prêt à accepter ce que sont les règles des Etats-Unis alors que les nôtres sont complètement différentes. Un troisième point que j'ai rappelé, et celui il est aussi le plus important, c'est sur les indications géographiques protégées. L'Europe et la France ont une stratégie et une conception de l'agriculture qui est différente de celle des Etats-Unis et qui marche autour des marques. Nous, nous avons des IGP.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Que vous a-t-on répondu ?
STEPHANE LE FOLL
Mais moi, j'ai expliqué ce que j'avais à expliquer, les Américains ont retenu, OBAMA, la possibilité de négocier avec en particulier un accord sur le Pacifique. Je leur ai dit tout simplement ce qu'était la position de la France, ce que la France défendait et qu'à partir de là, les choses étaient claires. Eux peuvent penser différemment mais j'ai rencontré des agriculteurs aussi, je leur ai expliqué les choses parce que je cherche aussi à convaincre les uns en particulier qui sont a priori les plus éloignés de la position européenne. Et j'ai cherché et j'ai rencontré et j'ai discuté, mais j'ai rappelé les positions qui étaient les nôtres.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Stéphane LE FOLL d'être venu nous voir.Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 juillet 2015