Texte intégral
Q - Le gouvernement grec a jusqu'à ce soir pour formuler de nouvelles propositions en échange d'un troisième plan d'aide. Est-ce que, comme Manuel Valls, vous pensez qu'un accord est à portée de main aujourd'hui ?
R - Je crois qu'un accord est toujours possible et qu'il est nécessaire. Notre objectif, c'est que la Grèce puisse rester dans la zone euro. L'unité européenne est importante. Elle est même indispensable dans ce moment où l'Europe est confrontée à beaucoup d'instabilité dans son environnement. Les risques d'une sortie de la Grèce de la zone euro seraient extrêmement importants sur le plan économique, pour la Grèce elle-même mais aussi pour la zone euro, ainsi que sur le plan politique pour le projet européen, pour sa solidité, et sur le plan géopolitique parce que la Grèce est dans les Balkans, dans l'est de la Méditerranée un poids stratégique pour notre sécurité confrontée à des défis considérables : ceux de l'immigration liée aux crises en Syrie, en Libye. Le chaos politique qui pourrait résulter d'une aggravation de la situation économique et sociale aurait forcément des conséquences sur la stabilité de cette région.
Q - Accord encore possible, vous le dites, mais on a senti ces derniers jours que la France était peut-être l'un des derniers pays en Europe à y croire encore et à manoeuvrer pour tenter de parvenir à un compromis.
R - La France est le pays qui s'est le plus mobilisé, c'est son rôle. C'est le rôle de la France que de faire en sorte qu'en Europe, quand il y a des positions différentes, on puisse continuer à se parler, on puisse se rassembler. La France a joué un rôle très important dans l'histoire des liens entre la Grèce et la construction européenne. On se souvient que c'est sous un président français, Valéry Giscard d'Estaing - et parce qu'il avait défendu cette option - que la Grèce, sortant de la dictature des colonels, était entrée dans ce qui s'appelait la Communauté européenne. C'est aussi nous qui avons souhaité, pour arrimer la Grèce au coeur de l'Europe, qu'elle puisse être dans l'euro.
Ensuite, il y a un bilan à tirer sans aucun doute de l'insuffisance de l'accompagnement de ce pays et des réformes qui y ont été faites pas simplement depuis cinq mois mais depuis très longtemps. Je pense que notre objectif doit être d'aider maintenant ce pays à mettre en oeuvre les réformes structurelles de l'État, de la fiscalité, de son économie, qui lui permettent d'être en conformité avec le fonctionnement de la zone euro. On ne réglera pas le problème grec en expulsant ce pays de la monnaie unique.
Q - Vous parlez de réformes structurelles. On dit que la lettre qui a été envoyée par Alexis Tsípras ou son ministre des finances plus exactement au Fonds de secours européen dénote un changement de ton, d'approche du gouvernement grec avec la promesse d'engager les réformes en question et la promesse de respecter les règles de la zone euro. Ce courrier, vous l'avez lu ? Vous confirmez que le changement de ton est notable ?
R - Oui. C'était une étape très importante. Cette lettre adressée hier marque un engagement très fort de la part du gouvernement grec de mettre en oeuvre précisément ces réformes qui sont attendues et qui ont fait l'objet des négociations de ces derniers mois. Elle marque l'engagement de la Grèce de vouloir rester dans l'euro, d'en respecter les règles de fonctionnement, de respecter ses échéances de remboursement d'emprunt vis-à-vis des créanciers, de mettre en oeuvre toute une série de réformes qui peuvent porter sur la fiscalité, sur le système des retraites - sans toucher aux petites retraites - pour assurer sa soutenabilité. Et de faire tout cela, pour certaines de ces réformes, immédiatement en les adoptant dès les prochaines semaines et, pour d'autres, sur une durée de moyen terme de deux ans parce que ce sont des réformes en profondeur du fonctionnement de l'économie, pour en finir avec les cartels, avec des rigidités qui sont un obstacle au redémarrage de la croissance. Évidemment, il faut maintenant que cette lettre soit complétée par un document de propositions précises. C'est celui dont on attend la transmission aujourd'hui.
Q - Cela peut suffire si ces promesses se concrétisent dans les propositions qui sont attendues aujourd'hui, cela peut suffire à infléchir la position allemande, mais aussi la position des pays européens qui sont très durs, je pense aux pays baltes, aux pays scandinaves, qui jusque-là sont sur une position tout aussi dure que la position allemande, vis-à-vis des Grecs ?
R - C'est bien ce à quoi il faut aboutir, à ce que les engagements pris par la Grèce soient le signe d'une volonté de responsabilité vis-à-vis des autres partenaires de la zone euro, vis-à-vis de la situation très dégradée, non seulement des comptes publics, mais de l'économie de ce pays, et que puisse en contrepartie être mise en oeuvre la solidarité. Ce document qui va être transmis aujourd'hui va faire l'objet d'un examen très attentif des institutions européennes, des institutions créancières - je pense aussi au FMI. Sur la base de cette évaluation, qui sera donc faite par la Banque centrale européenne, la Commission, le mécanisme européen de stabilité, les ministres des finances se réuniront samedi en Eurogroupe et prendront une décision.
Ce que nous souhaitons, c'est que ce document soit de nature à garantir que les réformes, qui sont la contrepartie du financement, seront mises en oeuvre. Ce que nous voulons obtenir, c'est un plan complet, global et durable pour sortir la Grèce de sa situation : un plan qui comprenne à la fois un engagement sur des réformes, des financements pour faire face à des échéances de remboursement ainsi qu'aux besoins liés au fonctionnement de l'administration et des systèmes sociaux grecs, qui sont aujourd'hui totalement bloqués, un plan de soutien aux investissements, tel que proposé Jean-Claude Juncker, parce qu'il faut faire redémarrer la croissance, et il est considérable, il représente 35 milliards d'euros d'ici à 2020 ; et puis, qu'il n'y ait pas de tabou sur l'examen de la soutenabilité de la dette à long terme.
Q - Il est question de la renégociation de la dette, du rééchelonnement de la dette grecque...
R - En tout cas, il est question d'un examen de sa soutenabilité. Ce n'est en réalité pas la question la plus urgente, mais on voit bien qu'elle est posée. D'ailleurs, ceux qui proposent que la Grèce sorte de la zone euro sous-estiment totalement les conséquences, ne serait-ce que sur ce plan. Les principales conséquences, ce serait le chaos économique, des risques considérables sur le plan géopolitique. Il y aurait aussi une réalité, c'est qu'à ce moment-là, la Grèce ne serait plus en mesure de rembourser ses créances qui sont libellées en euros, alors que la nouvelle monnaie serait fortement dévaluée.
Q - À la faveur de cette crise, de cette séquence, et quel que soit le résultat des négociations qui aboutiront dimanche, est-ce qu'il faut engager un nouveau chantier institutionnel, européen ? Est-ce qu'il faut remettre à plat la gouvernance économique ? Vous êtes un de ceux qui réclament à gauche une nouvelle gouvernance plus sociale, plus démocratique, au-delà des mots, ça veut dire quoi concrètement ? Ça passe par quel type de mesures ?
R - Bien sûr, il y aura des leçons à tirer sur la gouvernance de la zone euro. On voit que la surveillance budgétaire n'a pas été suffisante, pendant des années, vis-à-vis de la Grèce, mais il ne faut pas s'en tenir à cela, parce que cette crise est aussi la conséquence de déséquilibres structurels au sein de la zone euro. Or, nous avons réussi à créer des mécanismes de stabilisation depuis la crise, pour éviter qu'une crise dans le système bancaire ou dans un des États membres ne se propage trop dans le reste de la zone euro. C'est le mécanisme européen de stabilité, c'est l'union bancaire, c'est aussi le « quantitative easing » et l'OMT que peut utiliser la Banque centrale européenne. Mais il ne faut pas se contenter de cela, je crois que nous devons travailler sur la convergence économique, ainsi que sur la convergence fiscale et sociale au sein de la zone euro. Nous devons avoir une gouvernance et un pilotage de l'économie de la zone euro, qui ne se contentent pas d'être une surveillance budgétaire, mais qui optimisent le potentiel de croissance de la zone euro, en faisant en sorte que la combinaison des réformes structurelles, du soutien à l'investissement et de la politique monétaire permette d'atteindre l'objectif du plein emploi.
Q - Le président Hollande prendra des initiatives de ce type dans les jours qui viennent ?
R - Je pense qu'aujourd'hui il y a une urgence, c'est d'arriver enfin, d'ici à la fin de la semaine, à un accord avec la Grèce. Cet accord est indispensable parce que cela ne peut plus durer. Vous voyez bien la situation où les banques sont fermées, où l'économie est totalement bloquée, où les importations ne sont plus possibles. Sur un plan politique aussi cet accord est maintenant une urgence absolue parce qu'il y a une confiance à rebâtir entre la Grèce et ses partenaires. C'est ce à quoi la France et le président de la République travaillent. Je crois que, dans un deuxième temps, il faudra finalement ouvrir dès la réunion des chefs d'État et de gouvernement de dimanche, le chantier de la nouvelle étape de la coordination ainsi que de la gouvernance économique au sein de la zone euro.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 juillet 2015
R - Je crois qu'un accord est toujours possible et qu'il est nécessaire. Notre objectif, c'est que la Grèce puisse rester dans la zone euro. L'unité européenne est importante. Elle est même indispensable dans ce moment où l'Europe est confrontée à beaucoup d'instabilité dans son environnement. Les risques d'une sortie de la Grèce de la zone euro seraient extrêmement importants sur le plan économique, pour la Grèce elle-même mais aussi pour la zone euro, ainsi que sur le plan politique pour le projet européen, pour sa solidité, et sur le plan géopolitique parce que la Grèce est dans les Balkans, dans l'est de la Méditerranée un poids stratégique pour notre sécurité confrontée à des défis considérables : ceux de l'immigration liée aux crises en Syrie, en Libye. Le chaos politique qui pourrait résulter d'une aggravation de la situation économique et sociale aurait forcément des conséquences sur la stabilité de cette région.
Q - Accord encore possible, vous le dites, mais on a senti ces derniers jours que la France était peut-être l'un des derniers pays en Europe à y croire encore et à manoeuvrer pour tenter de parvenir à un compromis.
R - La France est le pays qui s'est le plus mobilisé, c'est son rôle. C'est le rôle de la France que de faire en sorte qu'en Europe, quand il y a des positions différentes, on puisse continuer à se parler, on puisse se rassembler. La France a joué un rôle très important dans l'histoire des liens entre la Grèce et la construction européenne. On se souvient que c'est sous un président français, Valéry Giscard d'Estaing - et parce qu'il avait défendu cette option - que la Grèce, sortant de la dictature des colonels, était entrée dans ce qui s'appelait la Communauté européenne. C'est aussi nous qui avons souhaité, pour arrimer la Grèce au coeur de l'Europe, qu'elle puisse être dans l'euro.
Ensuite, il y a un bilan à tirer sans aucun doute de l'insuffisance de l'accompagnement de ce pays et des réformes qui y ont été faites pas simplement depuis cinq mois mais depuis très longtemps. Je pense que notre objectif doit être d'aider maintenant ce pays à mettre en oeuvre les réformes structurelles de l'État, de la fiscalité, de son économie, qui lui permettent d'être en conformité avec le fonctionnement de la zone euro. On ne réglera pas le problème grec en expulsant ce pays de la monnaie unique.
Q - Vous parlez de réformes structurelles. On dit que la lettre qui a été envoyée par Alexis Tsípras ou son ministre des finances plus exactement au Fonds de secours européen dénote un changement de ton, d'approche du gouvernement grec avec la promesse d'engager les réformes en question et la promesse de respecter les règles de la zone euro. Ce courrier, vous l'avez lu ? Vous confirmez que le changement de ton est notable ?
R - Oui. C'était une étape très importante. Cette lettre adressée hier marque un engagement très fort de la part du gouvernement grec de mettre en oeuvre précisément ces réformes qui sont attendues et qui ont fait l'objet des négociations de ces derniers mois. Elle marque l'engagement de la Grèce de vouloir rester dans l'euro, d'en respecter les règles de fonctionnement, de respecter ses échéances de remboursement d'emprunt vis-à-vis des créanciers, de mettre en oeuvre toute une série de réformes qui peuvent porter sur la fiscalité, sur le système des retraites - sans toucher aux petites retraites - pour assurer sa soutenabilité. Et de faire tout cela, pour certaines de ces réformes, immédiatement en les adoptant dès les prochaines semaines et, pour d'autres, sur une durée de moyen terme de deux ans parce que ce sont des réformes en profondeur du fonctionnement de l'économie, pour en finir avec les cartels, avec des rigidités qui sont un obstacle au redémarrage de la croissance. Évidemment, il faut maintenant que cette lettre soit complétée par un document de propositions précises. C'est celui dont on attend la transmission aujourd'hui.
Q - Cela peut suffire si ces promesses se concrétisent dans les propositions qui sont attendues aujourd'hui, cela peut suffire à infléchir la position allemande, mais aussi la position des pays européens qui sont très durs, je pense aux pays baltes, aux pays scandinaves, qui jusque-là sont sur une position tout aussi dure que la position allemande, vis-à-vis des Grecs ?
R - C'est bien ce à quoi il faut aboutir, à ce que les engagements pris par la Grèce soient le signe d'une volonté de responsabilité vis-à-vis des autres partenaires de la zone euro, vis-à-vis de la situation très dégradée, non seulement des comptes publics, mais de l'économie de ce pays, et que puisse en contrepartie être mise en oeuvre la solidarité. Ce document qui va être transmis aujourd'hui va faire l'objet d'un examen très attentif des institutions européennes, des institutions créancières - je pense aussi au FMI. Sur la base de cette évaluation, qui sera donc faite par la Banque centrale européenne, la Commission, le mécanisme européen de stabilité, les ministres des finances se réuniront samedi en Eurogroupe et prendront une décision.
Ce que nous souhaitons, c'est que ce document soit de nature à garantir que les réformes, qui sont la contrepartie du financement, seront mises en oeuvre. Ce que nous voulons obtenir, c'est un plan complet, global et durable pour sortir la Grèce de sa situation : un plan qui comprenne à la fois un engagement sur des réformes, des financements pour faire face à des échéances de remboursement ainsi qu'aux besoins liés au fonctionnement de l'administration et des systèmes sociaux grecs, qui sont aujourd'hui totalement bloqués, un plan de soutien aux investissements, tel que proposé Jean-Claude Juncker, parce qu'il faut faire redémarrer la croissance, et il est considérable, il représente 35 milliards d'euros d'ici à 2020 ; et puis, qu'il n'y ait pas de tabou sur l'examen de la soutenabilité de la dette à long terme.
Q - Il est question de la renégociation de la dette, du rééchelonnement de la dette grecque...
R - En tout cas, il est question d'un examen de sa soutenabilité. Ce n'est en réalité pas la question la plus urgente, mais on voit bien qu'elle est posée. D'ailleurs, ceux qui proposent que la Grèce sorte de la zone euro sous-estiment totalement les conséquences, ne serait-ce que sur ce plan. Les principales conséquences, ce serait le chaos économique, des risques considérables sur le plan géopolitique. Il y aurait aussi une réalité, c'est qu'à ce moment-là, la Grèce ne serait plus en mesure de rembourser ses créances qui sont libellées en euros, alors que la nouvelle monnaie serait fortement dévaluée.
Q - À la faveur de cette crise, de cette séquence, et quel que soit le résultat des négociations qui aboutiront dimanche, est-ce qu'il faut engager un nouveau chantier institutionnel, européen ? Est-ce qu'il faut remettre à plat la gouvernance économique ? Vous êtes un de ceux qui réclament à gauche une nouvelle gouvernance plus sociale, plus démocratique, au-delà des mots, ça veut dire quoi concrètement ? Ça passe par quel type de mesures ?
R - Bien sûr, il y aura des leçons à tirer sur la gouvernance de la zone euro. On voit que la surveillance budgétaire n'a pas été suffisante, pendant des années, vis-à-vis de la Grèce, mais il ne faut pas s'en tenir à cela, parce que cette crise est aussi la conséquence de déséquilibres structurels au sein de la zone euro. Or, nous avons réussi à créer des mécanismes de stabilisation depuis la crise, pour éviter qu'une crise dans le système bancaire ou dans un des États membres ne se propage trop dans le reste de la zone euro. C'est le mécanisme européen de stabilité, c'est l'union bancaire, c'est aussi le « quantitative easing » et l'OMT que peut utiliser la Banque centrale européenne. Mais il ne faut pas se contenter de cela, je crois que nous devons travailler sur la convergence économique, ainsi que sur la convergence fiscale et sociale au sein de la zone euro. Nous devons avoir une gouvernance et un pilotage de l'économie de la zone euro, qui ne se contentent pas d'être une surveillance budgétaire, mais qui optimisent le potentiel de croissance de la zone euro, en faisant en sorte que la combinaison des réformes structurelles, du soutien à l'investissement et de la politique monétaire permette d'atteindre l'objectif du plein emploi.
Q - Le président Hollande prendra des initiatives de ce type dans les jours qui viennent ?
R - Je pense qu'aujourd'hui il y a une urgence, c'est d'arriver enfin, d'ici à la fin de la semaine, à un accord avec la Grèce. Cet accord est indispensable parce que cela ne peut plus durer. Vous voyez bien la situation où les banques sont fermées, où l'économie est totalement bloquée, où les importations ne sont plus possibles. Sur un plan politique aussi cet accord est maintenant une urgence absolue parce qu'il y a une confiance à rebâtir entre la Grèce et ses partenaires. C'est ce à quoi la France et le président de la République travaillent. Je crois que, dans un deuxième temps, il faudra finalement ouvrir dès la réunion des chefs d'État et de gouvernement de dimanche, le chantier de la nouvelle étape de la coordination ainsi que de la gouvernance économique au sein de la zone euro.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 juillet 2015