Texte intégral
Je veux d'abord vous remercier de votre patience, pas seulement pour ce matin mais pour tous les jours et les nuits que vous avez passés à nous attendre.
La crise liée au nucléaire iranien a commencé en 2002 avec la découverte des sites clandestins de Natanz et d'Arak. Les discussions et les controverses ont duré 12 ans. L'accord qui est conclu aujourd'hui, 14 juillet 2015, entre les 3+3 et l'Iran achève ces négociations-marathon, que j'ai conduites depuis trois ans pour la France, en lien étroit avec le président de la République.
Cet accord comporte une préface, un document central, une proposition de résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, une lettre au Conseil de sécurité que je viens de co-signer, ainsi que plusieurs annexes, soit au total près de cent pages. Tout au long des négociations, notre ligne de fermeté constructive a été claire et je la résume en deux phrases : « le nucléaire civil pour l'Iran, oui ; l'arme nucléaire, non ».
Un accord international est toujours une coproduction des différentes parties. Je veux saluer chacun des négociateurs et leurs collaborateurs, en particulier toute ma très remarquable équipe. Le travail a été exceptionnellement long et complexe. Il est reconnu par tous que la France a joué un rôle important, en portant notamment trois exigences qui sont au coeur de l'accord de Vienne. C'est un accord historique à la fois par son objet et parce que - j'y reviendrai - il peut faciliter une normalisation des rapports internationaux de l'Iran.
La première exigence concernait les capacités nucléaires de l'Iran qui seront limitées, afin de garantir qu'il ne pourra pas accumuler rapidement la matière nécessaire à une arme nucléaire
En novembre 2013 à Genève, un premier accord avait été envisagé. Nous avions eu des discussions serrées. Au cours de ces discussions, nous avons proposé et obtenu la neutralisation effective du stock iranien d'uranium enrichi à 20%, le plus dangereux. Nous avons également proposé et obtenu à Genève que le réacteur plutonigène d'Arak ne produise plus de plutonium en quantité et qualité pour un usage militaire. C'est sur cette base que l'accord intérimaire de Genève a été conclu.
En avril 2015 à Lausanne, nous avons pu réduire le nombre des centrifugeuses. Au lieu d'environ 20 000 centrifugeuses installées aujourd'hui, dont 9 200 produisant de l'uranium, il n'y en aura plus pendant 10 ans que 5 060. L'accord de Vienne officialise ces chiffres pour lesquelles nous avons milité.
De même, sera ralentie la recherche et développement sur les centrifugeuses avancées : c'est la clé de la capacité à se rapprocher de la bombe atomique. Aucune centrifugeuse sophistiquée ne sera opérationnelle avant la fin de l'accord et les tests autorisés sur ces machines seront limités.
Nous sommes également convenus avec nos partenaires de renforcer les interdictions des activités sensibles liées à la militarisation de l'activité nucléaire, comme la métallurgie de l'uranium.
Tout cela, c'était la première exigence de la France et elle a été satisfaite.
La deuxième exigence, c'était la vérification du programme nucléaire iranien ; vérification qui s'opérera en transparence.
Il était essentiel d'obtenir un processus crédible permettant à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) de faire la lumière sur les activités passées suspectes de l'Iran - ce qu'on appelle la PMD «possible military dimension» -. Conformément aux accords passés, l'Agence pourra accéder aux sites et aux personnes. La PMD devra être clarifiée avant la levée des sanctions.
J'ai personnellement vérifié auprès du Directeur général de l'AIEA que l'accord permet à celle-ci de disposer des accès nécessaires pour la clarification du programme nucléaire iranien.
Enfin, la levée des sanctions est encadrée et des mécanismes sont prévus pour assurer le respect des engagements pris : c'était notre troisième exigence.
Nous avons veillé à ce que le respect par l'Iran de ses obligations nucléaires conditionne la levée des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies.
Sont définies dans les textes à la fois les modalités de levée progressive des sanctions et de retour automatique de celles-ci en cas de violation des engagements pris, ce qu'on appelle le «snap-back» pendant la durée de l'accord -15 ans.
Pendant dix ans, l'acquisition de biens nucléaires sensibles sera contrôlée par un mécanisme dit de «canal d'acquisition». Un examen de chaque cas et la prise des décisions à l'unanimité, au sein d'une «Commission conjointe» composée des représentants des Six + l'Iran, garantiront que tout État participant - donc la France - pourra s'opposer à un transfert estimé dangereux.
La levée des sanctions permettra à l'Iran de normaliser progressivement sa situation et à la France de rétablir notamment ses échanges commerciaux avec ce pays, sans risques - j'y insiste - de pénalités pour nos entreprises grâce à un échange de lettres spécifique entre les États-Unis et les pays européens.
Il a également été convenu que les activités liées aux missiles balistiques seront contrôlées et que le commerce des armes sera interdit pendant cinq ans sauf autorisation explicite du Conseil de sécurité.
Au total, Mesdames et Messieurs, dans un monde qui n'en comporte malheureusement pas beaucoup, cet accord du 14 juillet peut être un rayon d'espoir. La France s'y conformera bien sûr et elle veillera strictement à son application. Plus généralement, comme membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies nous continuerons d'agir avec détermination pour ce qui est le premier objectif de notre diplomatie : la sécurité et la paix.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 juillet 2015