Déclaration de Mme Annick Girardin, secrétaire d'État au développement et à la francophonie, sur la promotion de la Francophonie, à Saint-Malo le 24 mai 2015.

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Circonstance : Ouverture de la matinée francophonie du Festival Etonnants Voyageurs, à Saint-Malo le 24 mai 2015

Texte intégral

Monsieur le directeur, cher Michel Le Bris,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le Délégué général du Québec,
Madame la Directrice, représentante de l'Organisation Internationale de la Francophonie,
Mesdames et messieurs,
Je souhaite avant tout féliciter les organisateurs et leurs soutiens pour le succès de ce festival. C'est déjà la 25e édition, et cela marche toujours aussi bien. Pour ce qui me concerne, je n'imaginais pas ne pas venir. Il y a plusieurs raisons à cela :
Tout d'abord parce que je suis née à Saint-Malo. Revenir dans sa ville natale est toujours source d'une grande joie. Ça l'est d'autant plus pour la Saint-Pierre-et-Miquelonaise que je suis. Vous n'ignorez pas les liens qui unissent Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Malo. Ce sont des liens forts, tissés au travers de l'histoire et de lamer.
Je suis aussi une habituée de ce festival et je prends toujours beaucoup de plaisir à y retourner.
Enfin, en tant que secrétaire d'État en charge de la Francophonie, je suis moi-même une voyageuse étonnée... mais pas trop étonnante j'espère ! Plus sérieusement, je tenais absolument à être présente pour célébrer le quart de siècle de votre festival, qui a su se décliner dans de nombreux pays du Sud, au Maroc, au Mali, à Haïti, au Congo, et devenir un rendez-vous incontournable pour débattre, lire et rencontrer des écrivains du monde entier.
Votre festival, plus que tous les autres, a su montrer que le livre est un vecteur de promotion du français, des idées et de valeurs communes à l'espace francophone.
Je sais que plusieurs thèmes et discussions de ce festival portent sur notre identité, à la suite des attaques contre la liberté d'expression et de la formidable réponse que les Français leur ont apporté. Face à cette épreuve, notre pays s'est relevé. Il s'est aussi révélé sous un jour très différent de celui fantasmé et péroré par beaucoup. Au lieu de répondre par la crispation identitaire et le repli, les Français ont manifesté dans la rue leur dignité et leur attachement aux valeurs fondatrices du pacte républicain. En ces jours, les Français ont crié « solidarité ». Et l'identité de la France s'est révélée dans toute sa diversité.
La diversité, c'est justement vous, Etonnants Voyageurs.
La multitude de livres présentés durant ces trois jours, ceux que vous nous offrez, cher Michel Le Bris, c'est l'expression même de la diversité culturelle.
- Ces livres, ce sont l'expression: de la diversité grâce à la multitude de ses formes, de la fiction à l'essai, de la bande-dessinée au polar,
- de la diversité grâce à la polyphonie de leurs émotions,
- de la diversité grâce aux idées et aux sujets qu'ils portent.
A l'image de ce festival, ils sont sources de dialogue, de partage, de plaisir, et nous rassemblent aujourd'hui autour des principes de liberté, d'humanisme, de tolérance, de démocratie.
Et derrière ces livres, ce sont vous, les écrivains, qui jouez un rôle fondamental dans la réflexion sur le monde de demain. Vous interrogez notre vivre-ensemble, notre devenir, notre cheminement ; toutes ces questions que pose aujourd'hui ce festival de manière remarquable.
La Francophonie constitue aussi une réponse à ces questions. Car la Francophonie, c'est l'expression de la diversité des cultures, des idées, à travers l'usage de la même langue. La Francophonie, c'est un véritable espace de partage.
La langue française permet aujourd'hui de relier des réalités diverses tout autour du monde. Cette langue-monde est un héritage de sociétés qui doivent rester unies pour la faire prospérer.
Le développement de notre langue est un enjeu majeur. Et c'est ce que je m'emploie à faire au sein du gouvernement.
On l'ignore trop souvent : la France dispose, au travers de son réseau diplomatique, d'un suivi de promotion et de diffusion du livre français à l'étranger, dont peu de pays peuvent s'enorgueillir.
Différentes aides visent à soutenir le développement et le renouvellement de la création littéraire et intellectuelle francophone, la circulation et la promotion de cette création en assurant la venue d'auteurs de langue française dans les manifestations littéraires d'envergure la diffusion des œuvres par le soutien aux réseaux des librairies francophones à l'étranger et le soutien à des coéditions Nord-Sud.
La Francophonie, c'est concret ! Il y a deux semaines, j'étais à Cuba avec le Président de la République. Nous avons inauguré le Palacio Gomez qui sera le plus grand site de l'Alliance française à l'étranger. Rendez-vous compte : l'antenne de l'Alliance française à Cuba est la plus importante du monde en nombre de jeunes apprenants. Plus de 10 000 Cubains y viennent apprendre le français.
Mais cela n'aura échappé à personne : le français est malmené. En France bien évidemment, où les anglicismes sont partout. Par paresse ? Par snobisme ? Par bêtise ? Il y a un mois, pour le jour de la Francophonie, je me suis amusée à écrire une lettre en franglais au monde de l'entreprise, avec le plus possible d'anglicismes. Pour que tout le monde se rende bien compte du ridicule ! C'est un terrible appauvrissement de la langue parlée.
Malheureusement, le français est aussi malmené à l'étranger. Pourtant, les prévisions font état de 700 millions de locuteurs francophones en 2050. C'est beaucoup : c'est deux fois plus que la population des États-Unis ! Mais ce n'est qu'un potentiel. Car qui voyage, comme nombre d'entre vous, sait que rien n'est gagné. Trois leviers d'action me semblent indispensables :
1. Premièrement, renforcer notre action en faveur de l'éducation. La majorité des pays francophones d'Afrique voient arriver chaque année plus de jeunes dans les classes. Et la classe est, bien souvent, le maillon essentiel de transmission de la langue dans ces pays. La France s'y engage pour soutenir les systèmes éducatifs, avec tous ses instruments : l'AFD, le réseau des Instituts français et des Alliances françaises, le CIEP...
2. Deuxièmement, démocratiser et démultiplier l'accès au français par les nouvelles technologies. Le numérique achève de supprimer les distances culturelles déjà diminuées par les livres. Il facilite l'apprentissage à distance et permet d'élargir l'offre universitaire. Nous déclinons cela pour la formation des professeurs de français, à travers le programme « 100 000 professeurs pour l'Afrique. Nous allons, le 5 juin prochain, réfléchir avec l'ensemble des ministres francophones de l'enseignement supérieur au potentiel de ces technologies pour le renforcement d'une offre universitaire francophone de qualité et diplômante en ligne.
3. Troisièmement, encourager la mobilité internationale des jeunes. Si nous voulons que la francophonie soit un espace-monde, elle doit aussi s'inscrire dans la matérialité, dans le vécu. Parce que nous partageons cette ambition d'une francophonie vivante, qui ne soit plus celle des salons et des élites, je souhaite que nos dispositifs de volontariat puissent être accessibles à plus de jeunes, d'horizons plus divers. Cela nécessitera un dialogue avec toutes les parties prenantes. Cette ambition doit être partagée à l'ensemble de l'espace francophone.
J'ai dit trois leviers d'action. En fait, je crois qu'il y en a un quatrième. Mais pour le dernier, je dois avouer que l'action d'une secrétaire d'Etat est limitée. Ce levier, c'est le talent des écrivains. Car si le français attire tant, si le français continue d'être tant appris dans le monde, c'est parce que ses auteurs, ceux qui jouent avec ses mots, avec sa sonorité, avec son âme, sont si talentueux. Leurs écrits créent la surprise, la curiosité, l'attrait.
Et ce qui me touche le plus, c'est que les écrivains français partagent de plus en plus la francophonie avec des écrivains d'autres pays. Le Français a atténué les frontières bien avant Maastricht ! Et ce n'est qu'un début : alors que certains s'interrogent sur le rôle des États, sur la pertinence des unions régionales, voici que le français continue de se propager à travers le monde.
Mesdames et Messieurs, à l'heure où le mercantilisme et les nationalismes sont de retour, voici que le français continue sa diffusion. Grâce à vous. Pas seulement les auteurs. Pas seulement les éditeurs. Mais aussi grâce à tous les lecteurs, qui font vivre la littérature et se rassemblent autour d'événements comme celui d'Etonnants Voyageurs. Bravo à tous ! Et merci à chacun d'entre vous pour rendre le français et la francophonie aussi vivants.
Je vous remercie.
Source http://www.ille-et-vilaine.pref.gouv.fr, le 30 juillet 2015