Déclaration de Mme Pascale Boistard, secrétaire d'Etat aux droits des femmes, sur la lutte contre le harcèlement et les violences dans les transports en commun, Paris le 9 juillet 2015.

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Le plan national de lutte contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports en commun est sur les rails depuis aujourd'hui. Seul plan à envergure nationale, il est le fruit d'un travail collégial que j'ai tenu à impulser. C'est un aboutissement. Mais c'est aussi le commencement d'une prise de conscience – politique et sociétale -, qu'il y a urgence à réagir. Le Gouvernement en a pleinement conscience.
C'est une vraie satisfaction car, depuis plus de 6 mois, nous avons ministères, associations, transporteurs, institutions, travaillé conjointement, en nous écoutant et en apprenant les uns des autres. J'ai souhaité que nous prenions ce problème à bras-le-corps, avec la ferme intention de faire évoluer les choses. Car le harcèlement ne doit pas rester un état de fait ; c'est une violence faite aux femmes, aux jeunes filles. Et c'est une tentative de privation de liberté qu'on ne peut tolérer.
REMERCIEMENTS :
Je veux saluer les associations, (notamment OLF, Stop Harcèlement de rue, la FNAUT) pour leur rôle de lanceurs d'alerte. Témoignages, enquêtes, discussions : les informations délivrées, issues du terrain nous ont aidés à élaborer ce plan. Je vais vous en détailler les principales mesures. Les principales avancées, je dirais même.
Mais avant, je tenais à remercier l'ensemble des transporteurs SNCF, RATP, UTP (Union des Transporteurs Publics) et le GART (Groupement des autorités responsables des transports), qui ont accepté de « jouer le jeu » et ont participé aux réflexions et aux groupes de travail sur ce sujet. Il en va évidemment de leur réputation, mais pas seulement. Leur implication dans cette « aventure » montre bel et bien que le sujet dépasse la question du genre ! Nous ne pouvons pas, pour nous tous, (hommes et femmes) laisser ces agressions quotidiennes et insidieuses perdurer.
LE CONTEXTE :
Car il n'est pas admissible que les femmes mettent en place des stratégies d'évitements de certaines lignes, à certaines heures et soient exclues de l'espace public. Il n'est pas admissible que dans notre pays, certaines d'entre nous soient privées de cette liberté fondamentale, qui est de pouvoir se déplacer en sécurité, parce que femmes.
Où commence le harcèlement ? C'est bien simple : là où chaque femme fixe sa limite, intime et individuelle. Mais ce qui est sûr, c'est que se faire insulter, peloter ou coller de trop près est une agression. Il n'y a pas de tergiversation possible. Parce que ce phénomène concerne TOUTES les femmes – Le HCE parle de 100% des femmes ayant déjà subi une situation de harcèlement- . Et pour ceux qui trouvent que j'exagère, je vous propose une sorte de « Vis ma vie» et on en reparle.
Bien sûr, ce problème n'est pas spécifique à la France. Nous avons tous entendu qu'ailleurs dans le monde, les conditions pour les femmes sont dures, dans l'espace public (je pense à l'Inde, à l'Egypte…). Mais il n'empêche, comment admettre que chez nous, des femmes, des jeunes filles, aient intériorisé ces violences ? Comment admettre que de jeunes Américaines – c'est un témoignage que l'on m'a livré – renoncent à venir faire leurs études en France par peur de ces harcèlements ? Nous ne l'admettons pas, bien évidemment. Car nous prônons et défendons les valeurs de mixité et de vivre ensemble.
LE TRAVAIL :
Durant ces 6 derniers mois, nous avons donc travaillé main dans la main, nous sommes écoutés et avons avancé ensemble. Un travail collectif et collégial qui s'est avéré fructueux.
Lors du Conseil National de Sécurité dans les Transports en Commun du 16 décembre 2014, Bernard Cazeneuve, Ministre de l'Intérieur, Alain Vidalies, Secrétaire d'Etat aux Transports, à la Mer et à la Pêche et moi-même avons lancé un groupe de travail sur les violences faites aux femmes dans les transports en commun, en partenariat avec la SNCF, la RATP et l'UTP (Union des Transporteurs Publics) et le GART (Groupement des autorités responsables des transports). Ce groupe de travail, qui s'est réuni tous les mois depuis, a permis à chacun d'enrichir son diagnostic, de partager, et de commencer à réfléchir à des solutions innovantes et pragmatiques. J'insiste sur ce point, car c'est la première fois que les autorités publiques s'emparent de ce sujet dans notre pays. Etonnant, mais pourtant…
Ce groupe a donc été chargé de mettre en place un plan de prévention et de lutte contre ces violences. Et, dans le même temps, Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et moi-même avons saisi le Haut Conseil à l'Egalité, qui m'a rendu son avis le 16 avril dernier.
Les associations auditionnées ont toutes dit la même chose : il est temps d'agir. Pour ne pas laisser s'installer une impunité qui bannirait encore plus les femmes de l'espace public. Et laisserait le champ libre à des comportements de plus en plus agressifs, niant la personne humaine. Ce constat d'insécurité, le Président de la République l'a entendu, le 8 mars.
Aujourd'hui, nous sommes en mesure de vous présenter un plan innovant, qui satisfait toutes les parties prenantes. C'est le sens même de notre mission : travailler collectivement et faire évoluer politiquement et concrètement les choses.
Le plan comporte 12 engagements, qui se déclinent sur 3 axes : Prévenir, réagir et accompagner.
LES MESURES :
Pour mieux prévenir, nous avons décidé de lancer une grande campagne de sensibilisation à l'automne 2015. Son but : informer les usagers et les usagères et rappeler que le harcèlement et les violences sexistes sont punies par la loi.
Cette campagne d'affichage et sur internet sera également pédagogique. Car il faut permettre à tous de réagir de manière adaptée à chaque situation. Le ministère de l'Education Nationale relayera également le message, dans un souci d'information et de prévention, auprès des collégiens et lycéens.
Des « marches participatives » d'usagères, pour améliorer la sécurité des femmes dans les transports seront mises en place. Il s'agit de visites de terrain des gares, des stations… avec des élus et des transporteurs, afin de réfléchir concrètement aux aménagements indispensables à réaliser, en fonction de chaque cas. Ces dispositifs ont déjà été expérimentés dans plusieurs gares SNCF et seront généralisés. La RATP pour sa part, mettra ce service en place avec l'Etat, les mairies concernées et l'association France Médiation.
Je pourrais également vous parler, dans ce volet prévention, des expérimentations de l'arrêt à la demande des bus de nuit, qui seront mises en place à Nantes, grâce à la maire, Johanna Rolland, et la TAN (Transports de l'agglomération nantaise). Et de l'intégration de messages explicites sur la question du harcèlement et des violences sexuelles dans l'affichage et les outils de communication permanents des transporteurs.
Ces sujets feront l'objet d'une mobilisation de tous les services de l'Etat concernés, en devenant un objectif de toutes les stratégies locales de prévention de la délinquance.
Concernant la réaction, des outils existent, d'autres seront développés.
Les numéros d'urgence de la SNCF (31 17) et de la RATP (3246), déjà opérationnels, s'ouvriront aux signalements. Et, véritable nouveauté, l'alerte par SMS verra bientôt le jour. C'est une demande pressante des associations et des femmes, le SMS permettant plus d'instantanéité et de discrétion. C'est une grande avancée.
D'autres outils numériques d'alerte et de signalement vont également être développés. Notre ambition, à travers ce plan, est d'être à la fois plus réactif et d'instaurer un travail continu de suivi.
Et, parce que le facteur humain est primordial, les personnels devront être formés et sensibilisés. Ils pourront alors mieux réagir et accompagner les femmes victimes comme il se doit. La mixité dans les entreprises de transports sera également renforcée. Enfin, un travail sera engagé pour éliminer les messages sexistes (notamment publicitaires) des transports en commun.
Vous le constatez par vous-mêmes, nous nous sommes saisis de cette question, restée jusque-là invisible, car il en va de notre dignité et de notre capacité à vivre ensemble. Si l'espace public est confisqué par certains, il est plus que temps de le reconquérir. Dorénavant, il n'y aura plus de tolérance, plus d'indifférence, plus d'yeux fermés. Nous serons, ensemble, solidaires pour un meilleur partage de l'espace commun. Ces mesures ont fait consensus, je m'en réjouis. Nous y sommes arrivés, grâce à l'implication de toutes et de tous.
Nous avons réalisé un travail fondamental : dire non et donner les moyens de lutter contre ces violences quotidiennes.
Mais ce travail n'est qu'un début. Car ce sont bel et bien les comportements qui devront se modifier. Nous avons cette responsabilité de faire en sorte que ce plan national serve de première pierre. La lutte et la sanction sont une chose ; la prévention en est une autre, aussi fondamentale. C'est donc à la société dans son ensemble et à travers ses différentes composantes, de porter ce message. Agissions vite et inscrivons ces actions dans le long terme car, encore une fois, ce sont les mentalités que nous devons changer. Rien de moins.
Source http://femmes.gouv.fr, le 17 juillet 2015