Interview de M. Thierry Mandon, secrétaire d'Etat à l'enseignement supérieur et à la recherche à I-Télé le 10 juillet 2015, sur la situation en Grèce et le quotidien, la vie, le logement et les bourses des étudiants.

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Média : Itélé

Texte intégral


BRUCE TOUSSAINT
Thierry MANDON est l'invité d'I Télé ce matin. Bonjour.
THIERRY MANDON
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Merci d'être avec nous. Les propositions ont arrivées tard hier soir, un texte de 13 pages, présenté par la Grèce, pour essayer de mettre un terme à cette crise, on va y revenir dans le détail dans un instant, mais est-ce que vous avez le sentiment ce matin que les propositions d'Alexis TSIPRAS vont mettre fin à la crise grecque ?
THIERRY MANDON
En tout cas c'est un acte de foi dans l'euro, dans la zone euro et dans la nécessité de faire des compromis, c'est comme ça qu'il faut les prendre, à la fois sur le plan fiscal, sur le plan des dépenses publiques. Les efforts que la Grèce propose sont réels, et en même temps la Grèce ne lâche rien sur ce qui lui semble être le juste retour de ses efforts, notamment en matière de dette, ou sans être très précis, le texte demande quand même que la question soit évoquée, et en matière d'excédant primaire, c'est-à-dire de capacité à rembourser cette dette, là aussi il y a des exigences qui semblent un peu logiques.
BRUCE TOUSSAINT
Qu'est-ce qui vous parait le plus important ce matin, est-ce que c'est l'esprit, j'allais dire, c'est-à-dire la volonté de faire des propositions, de sortir de cette crise, ou est-ce que ce sont des propositions plus précises, par exemple l'âge de la retraite qui serait fixé à 67 ans, la hausse de la TVA, qui s'élèverait désormais à 23 % ?
THIERRY MANDON
Moi je trouve que ce qui est le plus frappant, c'est la lucidité de monsieur TSIPRAS. Qu'est-ce qu'il demande en fait ? Il montre le chemin des réformes que l'Europe attendait, sur la question fiscale, sur la question d'une fiscalité qui pèse sur les plus riches, sur la question de la baisse de certaines dépenses militaires, mais il demande du temps. C'est un Etat grec, ça fait plus d'un siècle que tout le monde s'étonne du fonctionnement de l'Etat grec. Lui il dit : « Je suis prêt à faire, je suis prêt à organiser mon administration, je suis prêt fiscalement à mettre en place une politique beaucoup plus juste, beaucoup plus sérieuse, mais il me faut un peu de temps ». Voilà. Il y a une forme de sagesse dans ses propositions, en même temps de foi dans l'Europe.
BRUCE TOUSSAINT
Le problème, c'est qu'on a vu ces derniers jours, ces dernières semaines, une intransigeance de nombreux pays européens, notamment l'Allemagne. Est-ce que vous avez le sentiment que cette fois-ci ça va passer ? Les Allemands, par exemple, vont-ils accepter ce plan ?
THIERRY MANDON
Alors, d'abord, on a vu que la position allemande avait légèrement évolué à la marge, mais…
BRUCE TOUSSAINT
Sous l'impulsion de François HOLLANDE ?
THIERRY MANDON
Ah oui, je crois que François HOLLANDE jouera un rôle, si accord il y a, jouera un rôle absolument majeur. La France est le pays qui cherche jusqu'à la dernière minute, et on le lui reprochait la semaine dernière, maintenant on commence à lui en donner acte, l'accord, non pas à tout prix, l'accord équilibré entre la France et la Grèce, mais un accord, et il aura joué un rôle très important si accord il y a.
BRUCE TOUSSAINT
Bon, maintenant la balle va être dans le camp des créanciers et dans le camp des Européens. Est-ce qu'on va effacer la dette grecque ?
THIERRY MANDON
Non, bon, effacer la dette grecque, je ne le crois pas. Il y a un sujet grec, il y a un sujet de soutenabilité de la Grèce, c'est-à-dire une capacité à la rembourser durablement. Est-ce qu'il y aura des restructurations, on allongera la durée de la dette, une partie sera annulée, c'est le coeur des négociations. Attention…
BRUCE TOUSSAINT
Une partie pourrait être annulée, selon vous ?
THIERRY MANDON
Ça fait partie des hypothèses que comme moi vous lisez, il y a des pays européens qui ne sont pas très enthousiastes à cette idée, et il y a une difficulté, c'est que la démocratie en Europe, c'est partout, c'est pas en Grèce seulement. Un bon nombre de pays européens de la, en tout cas de la zone euro, qui passeront un accord éventuel avec la Grèce, devront aller devant leur parlement pour faire voter par leur majorité, les compromis, et donc finalement les concessions que font ces pays. Donc c'est difficile, la ligne de crête est étroite. De ce point de vue là, encore une fois, réjouissons-nous que la France soit un peu l'huile dans les rouages.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, on va voir ce qui se passe dans les prochains jours, effectivement, il y aura un sommet probablement dimanche, évidemment, mais certains responsables politiques, européens et français, se sont déjà beaucoup avancés et ont d'ores et déjà demandé, avant même le résultat des propositions de monsieur TSIPRAS, la sortie de la Grèce de la zone euro. Ecoutez notamment de que dit ce matin Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, elle était sur France Info, l'invitée de, donc, ce matin, de la Matinale, et elle a évoqué la situation de la Grèce, écoutez bien ce qu'elle dit et la comparaison qu'elle fait.
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET, VICE-PRESIDENTE « LES REPUBLICAINS », - DOC FRANCE INFO
Ce n'est pas… il ne faut pas qu'on soit dans un système dans lequel celui qui gueule le plus fort, a gain de cause sur tout. Donc, qu'il y ait des efforts de deux côtés…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ça ne marche pas comme ça.
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET
Il ne faut pas que ça marche comme ça, il ne faut pas que la Grèce devienne, pardon, c'est un peu lapidaire dit comme ça, mais que la Grèce devienne la CGT de l'Europe.
BRUCE TOUSSAINT
Qu'est-ce que ça vous inspire ce commentaire de Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET : « Il ne faut pas que la Grèce devienne la CGT de l'Europe » ?
THIERRY MANDON
Je pense que Les Républicains, plus généralement, perdent un peu, enfin, on ne comprend plus rien à leurs positions sur la Grèce. On a entendu tout, le contraire de tout et d'ailleurs parfois par les mêmes orateurs. La Grèce, voilà, ils dansent le sirtaki, les indépendants, tous…
BRUCE TOUSSAINT
Les Républicains.
THIERRY MANDON
Les Républicains, tous. La droite perd un peu le Nord, heureusement que la France a su rééquilibrer sa relation avec l'Allemagne, retrouver une crédibilité grâce à ses efforts budgétaires de ses dernières années, et donner un la, qui soit un la de sagesse, de mesures, et qui dépasse les réactions un peu affectives. Monsieur TSIPRAS, ce qu'il a fait là, on se trompe sur ce qu'il va faire, il s'est donné les moyens de pouvoir voir une vraie majorité dans son peuple, l'amener à des efforts à partir du moment où ses efforts sont juste et où le compromis est passé avec l'Europe.
BRUCE TOUSSAINT
Arnaud MONTEBOURG, que vous connaissez bien, donne une interview ce matin au Monde, et il dit : « Il faut soutenir le peuple grec ». C'est ça l'essentiel, d'ailleurs, selon vous, c'est l'idée qu'il faut être aux côtés du peuple grec ?
THIERRY MANDON
Le peuple grec a fait des efforts considérables, d'ailleurs il y a quelques mois, la chancelière madame MERKEL, le disait elle-même, que les efforts… donc il est difficile d'en demander plus, mais il faut soutenir tout le monde, il faut soutenir l'Europe, parce que le désaccord entre les Grecs et l'Europe se paierait des risques économiques réels pour la croissance en Europe, et puis il faut aussi soutenir l'activité, partout dans tous les pays, il faut soutenir les engagements internationaux qui ont été pris, notamment au moment de la création de la zone euro, bref il faut un accord de stabilisation d'un dispositif fragile.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, la loi Macron a été définitivement adoptée hier. Il était temps que ça se termine, non ?
THIERRY MANDON
Eh bien, ça fait six mois qu'on en parle, c'est peu, finalement, cette loi dont on a beaucoup parlé, elle aura été adoptée…
BRUCE TOUSSAINT
Ça a semblé durer une éternité, honnêtement.
THIERRY MANDON
Et pourtant, le premier débat, c'était janvier, donc ça a duré six mois, et Emmanuel MACRON s'est mis en situation, ça ça doit être souligné, c'est remarquable, de passer ses premiers décrets d'application très rapidement. Généralement on attend six mois, un an, parfois plus, trop souvent trop longtemps, lui, tout de suite la loi est votée et elle va s'appliquer. C'est une bonne chose pour la croissance.
BRUCE TOUSSAINT
Bien. Vous avez été nommé il y a quelques jours, secrétaire d'Etat à l'Enseignement supérieur, et à la Recherche. Qu'est-ce que vous avez envie de dire aux nouveaux bacheliers ? Ceux qui ont appris qu'ils avaient leur diplôme, là, il y a quelques jours, et qui vont rejoindre l'enseignement supérieur, maintenant ?
THIERRY MANDON
J'ai envie de leur dire que la politique du pays, depuis des années, c'est d'aider les nouveaux bacheliers, et ils sont très nombreux, il y a 50 000 nouveaux étudiants, chaque année, à l'université, 50 000 de plus. J'ai envie de leur dire que le gouvernement fait tout, va tout faire pour leur donner un cadre de travail, d'apprentissage de qualité. La qualité. La qualité ça veut dire des amphithéâtres, avec des plans de rénovation qui sont indispensables. La qualité ça veut dire des simplifications dans la façon de se comporter quand on veut choisir tel ou tel enseignement, accéder à telle ou telle formation. La qualité, a veut dire des systèmes de bourses qui grâce à madame FIORASO ont été considérablement bonifiés ces dernières années. Bref, l'entrée à l'université, c'est un choix important pour eux, mais c'est aussi un choix important pour la Nation.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, qu'allez-vous faire aussi pour améliorer le quotidien des étudiants ? On sait que c'est difficile, il y a beaucoup de pauvreté, même, chez les étudiants. Qu'est-ce qu'on peut faire pour ça ?
THIERRY MANDON
Bon, alors, d'abord, sur les bourses, l'effort a été fait ces dernières années, donc je n'insiste pas, c'est très important, il y a 450 millions d'euros, il y a eu de très nombreux nouveaux boursiers, 130 000 nouveaux dossiers, donc sur les bourses, c'est fait. Sur le logement étudiant, il y a un plan de 40 000 constructions de logements, dont il faut vérifier la mise en oeuvre, et peut être l'accélérer, mais aussi et surtout sur les démarches de la vie quotidienne, sur la santé, sur l'accès au sport, sur le fait que quand on est étudiant, parfois, on s'arrête une année pour s'engager dans une association, pour partir à l'étranger. Sur l'ensemble de la vie quotidienne sur les campus, l'effort doit être absolument majeur.
BRUCE TOUSSAINT
Le logement, ça c'est un sujet crucial.
THIERRY MANDON
Le logement, 40 000 logements sont programmés en France…
BRUCE TOUSSAINT
Ça c'est ce que vous avez annoncé à l'instant, c'est du long terme.
THIERRY MANDON
Non non, ils ont été annoncés il y a deux ans.
BRUCE TOUSSAINT
Pour la rentrée.
THIERRY MANDON
Il y a deux ans et il faut que… Pour la rentrée, dès la rentrée cette année, un portail unique qui va être mis en place dans toutes les universités, qui renseignera les étudiants sur l'ensemble de leurs droits. Et je voudrais préciser une chose sur la vie quotidienne, c'est que ça ne concerne pas que les étudiants, les chercheurs c'est pareil. Les chercheurs aujourd'hui c'est un système absurde, ils passent leur temps à faire des dossiers pour demander des subventions, pour répondre à des projets, eux aussi ont droit à des simplifications et à être mis en situation de se concentrer sur leurs recherches.
BRUCE TOUSSAINT
Et parallèlement on a le sentiment que le niveau du bac baisse sans arrêt. Là, dernière proposition : on pourrait permettre aux élèves qui ont raté le bac, de conserver leurs bonnes notes, d'une année sur l'autre, pour leur éviter de repasser les matières.
THIERRY MANDON
Mais ça existe déjà. Ça existe déjà. Dans les bacs professionnels, c'est déjà le cas, ça c'est une mesure qui serait étendue aux bacs généraux, et pourquoi ? Parce que quand on rate le bac, il y a 11 000 lycéens, donc en terminale, qui disparaissent d'une année sur l'autre, on en perd 11 000 dans le système scolaire. Or, l'avenir de la France c'est d'élever la qualification de ses jeunes, donc il faut garder ces bacheliers.
BRUCE TOUSSAINT
Mais on n'a qu'à le donner à tout le monde à ce moment-là.
THIERRY MANDON
Non, il ne suffit pas de le donner, c'est un examen et c'est très bien que ce soit un examen et d'ailleurs tout le monde ne le réussit pas, comme vous le savez, et les chiffres c'est qu'il y a à peu près un quart des lycéens qui ne réussissent pas le bac. Mais qu'on facilite la capacité de conserver dans le système scolaire, ceux qui ont une difficulté au moment du bac, je trouve que c'est une bonne mesure.
BRUCE TOUSSAINT
Dernière question, Thierry MANDON. Bernard TAPIE réclame un milliard d'euros à l'Etat dans l'affaire ADIDAS, comme le disait Christophe BARBIER tout à l'heure à la fin de son édito, eh bien finalement il aurait peut être fallu lui laisser les 400 millions de l'arbitrage, non ?
THIERRY MANDON
Mais enfin, c'est surtout, dans le même article dont vous parlez, il dit qu'il a menti depuis des années. Il dit que l'arrangement qui a eu lieu, parce qu'on appelle ça une négociation, une médiation, c'est un arrangement, tout ça a été fabriqué, qu'il en a parlé de nombreuses fois avec Nicolas SARKOZY, c'est tout à fait étonnant. On a retenu de ses propos rapportés par un journal d'hier, Le Monde, en l'espèce, que la demande d'un milliard, qui est une farce, d'ailleurs il sait très bien, juridiquement, qu'il n'a pas droit à plus de 350 millions, puisque c'est le montant maximum…
BRUCE TOUSSAINT
Ses arguments ne vous ont pas…
THIERRY MANDON
Non, moi
BRUCE TOUSSAINT
Ses arguments sur…
THIERRY MANDON
Non mais TAPIE, nous dit hier, le contraire de ce qu'il nous dit depuis trois ans sur l'arbitrage. Hier il avoue que c'était probablement quand même un peu arrangé, que les gens qui avaient été choisis pour faire l'arbitrage, avaient été choisis par les avocats, enfin, je dis, une foule d'informations qui passent inaperçues, et sur lesquelles je crois qu'il serait bon que vous arrêtiez, parce qu'il y a des petites bombinettes.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Thierry MANDON. Merci d'avoir été notre invité ce matin sur I Télé.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 juillet 2015