Déclaration de M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'Etat aux anciens combattants et à la mémoire, en hommage aux soldats victimes de la bataille de Mers el Kebir, à Plougonvelin le 2 juillet 2015.

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Circonstance : Commémoration de la bataille de Mers el Kebir, à Plougonvelin (Finistère) le 2 juillet 2015

Texte intégral


Permettez-moi avant toute chose de saluer les rescapés de Mers el-Kebir ainsi que les familles des victimes qui perpétuent avec fidélité le souvenir des marins français,
Monsieur le préfet,
Monsieur l'attaché naval près l'Ambassade du Royaume-Uni, Commandant,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Monsieur le maire,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le président de l'Association des Anciens Marins et Familles des Victimes de Mers el-Kebir,
Monsieur le président du syndicat mixte,
Mesdames et messieurs,
Il y a 75 ans, alors que la France vient de signer l'Armistice avec l'Allemagne, Winston Churchill, le Premier ministre britannique, donne l'ordre à la Navy d'attaquer la flotte française pour qu'elle ne tombe pas aux mains des Allemands. Le 3 juillet 1940, l'opération Catapult est lancée.
Dans le port de Mers el-Kebir, le cuirassé Bretagne, atteint par une salve, prend feu puis explose. Il coule en quelques minutes, entraînant avec lui 997 marins de son équipage. Le croiseur de bataille Strasbourg ainsi que cinq contre-torpilleurs, dissimulés par la fumée des combats, réussissent à franchir le barrage de mines et appareillent rapidement sans être touchés.
À 18h, l'amiral Gensoul demande un cessez-le-feu. Les tirs britanniques ont déjà cessé. Le Dunkerque est lui aussi touché et sera à nouveau torpillé le 6 juillet par l'aviation.
Aujourd'hui, et pour la première fois, un membre du gouvernement vient rappeler cette histoire sur ce lieu de mémoire.
Au total, 1 297 soldats sont morts dans cette bataille.
La plupart d'entre eux soldats reposent au cimetière de Mers el-Kebir en Algérie, où je me suis rendu en avril dernier, à vos côtés, monsieur Grall, pour m'incliner avec respect devant ceux qui ont disparu en juillet 1940.
J'ai ressenti à cet instant l'histoire d'un drame. Un drame pour la marine nationale. Un drame pour la France entière. J'ai mesuré aussi combien il était essentiel de faire vivre cette mémoire.
C'est tout le sens de ma présence aujourd'hui. Je suis venu dire que ces marins sont morts alors qu'ils ne faisaient que leur devoir.
Un devoir devenu en quelques minutes un sacrifice. Celui de la vie pour 1 297 d'entre eux.
1 297 soldats dont plusieurs centaines reposent sans nom mais à qui nous rendons aujourd'hui une histoire, une mémoire, presqu'un visage.
1 297 soldats dont la mémoire est bien vivante en France, et tout particulièrement en Bretagne qui est si attachée à perpétuer le souvenir de ces marins.
Leur mémoire vit au carré militaire de Kerfautras à Brest où fut inhumé en 2000 le corps d'un marin inconnu tué à Mers el-Kebir. Quel fut son nom, son âge, s'il fut engagé ou réserviste, nous ne le savons pas mais il est le symbole de l'hommage que nous devons rendre à tous les marins sacrifiés à Mers el-Kebir.
Leur mémoire vit également ici, au mémorial de la Pointe Saint Mathieu, qui accueille cette cérémonie.
75 ans après, nous commémorons cette histoire sans taire les souffrances. Je sais que ces souvenirs ravivent des douleurs pour beaucoup d'entre vous, rescapés et familles de victimes, mais c'est dans une démarche d'apaisement que nous sommes, Français et Britanniques, rassemblés ce jour.
Monsieur l'attaché naval, votre présence témoigne du long chemin parcouru depuis cette guerre pour façonner ensemble, dans un même élan, l'Europe de la paix.
Elle témoigne aussi que ce drame de Mers el-Kebir ne peut se lire qu'à l'aune de l'histoire du début de la Seconde Guerre mondiale rappelée brièvement tout à l'heure et des années qui ont suivi.
Le 8 juillet 1940, le général de Gaulle, alors installé à Londres, réagit à l'attaque de Mers el-Kebir en ces termes :
« Quoi qu'il arrive, même si l'un des deux est, pour un temps, tombé sous le joug de l'ennemi, nos deux vieux peuples, nos deux grands peuples demeurent liés l'un à l'autre. Ils succomberont tous les deux ou bien ils gagneront ensemble ».
L'histoire lui donna raison. Français Libres et Britanniques ont lié leurs destins l'un à l'autre en livrant à l'épreuve de la guerre leurs idéaux et leur courage.
Ils ont lié leurs destins à celui de leur continent à qui ils ont rendu la liberté.
75 ans après, nous rappelons combien ces gestes de rapprochement sont nécessaires, combien l'amitié franco-britannique est précieuse mais aussi combien nous souhaitons continuer de faire vivre ensemble la mémoire de ces marins français morts pour la France.
Je vous remercie.Source http://www.defense.gouv.fr, le 3 août 2015