Déclaration de M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'Etat aux anciens combattants et à la mémoire, en hommage aux anciens combattants belges de la Deuxième Guerre mondiale, à Bruxelles le 3 juillet 2015.

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Circonstance : Remise de LH à la Brigade Piron, à Bruxelles (Belgique) le 3 juillet 2015

Texte intégral


Permettez-moi avant toute chose de saluer les anciens de la brigade Piron ici présents car ils sont les témoins vivants de ce qui s'est passé il y a 70 ans,
Monsieur le Ministre de la défense,
Monsieur l'Ambassadeur,
Monsieur le Délégué général du Souvenir français, mon colonel,
Mesdames et Messieurs, Chers amis,
En 2014, la France a commémoré sa Libération : du débarquement de Normandie à l'Alsace en passant par les villes et les villages où la République fit son grand retour il y a 70 ans.
Nous avons rendu hommage aux libérateurs : aux Français Libres, aux résistants de l'intérieur et maquisards, aux Alliés venus des 4 coins du monde, aux soldats des anciennes colonies, aux métropolitains de tous les territoires. Parmi ces libérateurs figuraient les soldats de la brigade Piron.
C'est pour moi une grande satisfaction de vous remettre, ici à Bruxelles, les insignes de chevalier de la Légion d'Honneur, devant vos amis et vos familles réunis. Cette haute distinction témoigne de votre parcours exemplaire.
Messieurs, vous êtes 13 devant moi. Ce sont autant de trajectoires individuelles et de destins singuliers. Mais ce sont aussi autant d'histoires croisées qui font la belle et grande aventure collective de la brigade Piron.
Indignés par l'occupation de votre pays, vous vous êtes portés volontaires dès 1940 pour former le 1er groupement indépendant belge.
Le lieutenant-général Victor Baron Strydonck de Burkel établit un nouveau commandement militaire à Tenby en Grande-Bretagne. C'est à l'appel de cet homme, comme les Français ont répondu à celui du général de Gaulle, que vous traversez la manche. Vous y serez rejoint par des Belges en provenance du monde entier.
En janvier 1942, arrive le commandant Jean-Baptiste Piron, un officier belge chargé de coordonner votre participation à la lutte contre le régime nazi.
Deux ans plus tard, vous êtes plus de 2000 soldats animés par la volonté de libérer votre terre. Pas n'importe laquelle. Celle sur laquelle vous aviez grandi. Celle aussi sur laquelle certains de vos camarades sont tombés.
Vous êtes mis en alerte le samedi 29 juillet 1944. Dès le lendemain, les précurseurs belges débarquent sur les plages d'Arromanches. Le 4 août, vous montez à bord de 4 Liberty Ships, pour traverser la Manche le 6 août. La brigade, au complet dès le 8 août, est placée sous le commandement de la 6e division aéroportée britannique du général Gale.
Dans un premier temps, vous alternez entre combats de position et missions de reconnaissance. A partir du 13 août les escarmouches se multiplient, tout comme les duels d'artillerie.
Le 14, vous comptez vos premiers blessés, parmi lesquels Edouard Gérard, le plus jeune d'entre vous. Il avait alors 20 ans. C'était pour beaucoup l'âge de l'insouciance. Ce fut pour lui l'âge du sacrifice.
Le 17 août, vous participez à l'opération Paddle. Vous libérez alors la ferme du Buisson, les villages de Sallenelles, Merville et Franceville, Varaville le 20 août, Dives-sur-Mer et Cabourg le 21 août, Deauville le 22 août puis Honfleur le 25 août. Les Allemands détruisent les ponts durant leur repli mais vous ne cédez jamais, leur opposant votre courage et votre foi en l'avenir mais aussi un esprit de camaraderie noué avec les résistants français.
Le 26 août 1944, votre groupement est rattaché à la 49e division d'infanterie britannique. Le 29, la Seine est atteinte ; la brigade Piron est alors détachée du front.
Lors du retrait des forces belges, le général Gale auquel vous étiez rattachés témoigne de votre bravoure auprès de Jean-Baptiste Piron en lui écrivant un message dont je vous livre un extrait : « C'est avec un profond regret que votre magnifique brigade quitte mon commandement... Cela a été un honneur de combattre à vos côtés ».
Votre engagement en Normandie, pour lequel la France vous rend hommage, a coûté la vie à vingt-six de vos camarades. Je veux avoir une pensée pour eux. Seize autres furent blessés.
Le 2 septembre 1944, la brigade Piron s'engage au sein de la 2e armée britannique. Vous franchissez la frontière le 3 septembre et le lendemain, vous entrez dans Bruxelles.
Vous atteindrez même les Pays-Bas le 22 septembre.
Les combats se poursuivent sur ce territoire jusqu'au 17 novembre. Vous êtes placés en réserve à Leuven puis redéployés aux Pays-Bas après l'armistice en mai et juin 1945, en qualité de force d'occupation.
La brigade Piron, votre brigade, devient un modèle. Après la Seconde Guerre mondiale, c'est votre ordre de bataille qui sert d'inspiration pour la restructuration de l'armée belge.
La France n'oublie pas votre engagement et continue de préserver les nombreuses traces que le passage de votre brigade a laissé sur la Côte Fleurie, que ce soit des stèles commémoratives, des noms de rues ou encore des tombes.
Nous connaissons tous le « pont des belges », reconstruit entre Deauville et Trouville en votre souvenir.
La France tient aujourd'hui à vous remercier pour votre courage et votre engagement exemplaires, que vous avez mis, durant toutes ces années, au service des liens entre nos deux pays.
Des liens qui s'étaient déjà noués sur le front de la Grande Guerre où l'histoire commune de la France et de la Belgique est devenue une histoire de solidarité.
« La France a la mémoire du cœur, avait dit le président Poincaré à Sa Majesté le roi des Belges, en 1916. Elle se rappellera toujours que la Belgique a souffert, comme elle et avec elle, pour la liberté, pour le droit et pour l'honneur ».
C'est au nom de cette « mémoire du cœur », ravivée durant la Seconde Guerre mondiale par les soldats de la brigade Piron, que nous sommes rassemblés aujourd'hui.
Pour rendre hommage à des combattants devenus des libérateurs. A des hommes devenus des héros. Pour rappeler aussi que l'histoire de la Belgique et de l'engagement de ses fils font que votre pays sait mieux que quiconque combien la paix et l'Europe sont fragiles.
Cette Europe que nos deux Nations ont construite main dans la main et au sein de laquelle elles continuent de nouer leurs destins.
Vive la Belgique !
Vive la France !
Vive l'amitié franco-belge !
Messieurs,au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, nous vous faisons chevaliers dans l'Ordre National de la Légion d'Honneur.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 3 août 2015