Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur "Sentinelle", l'opération de l'armée française pour faire face à la menace terroriste et protéger les "points" sensibles du territoire, à Saint-Germain-en-Laye le 9 juillet 2015.

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Circonstance : Opération Sentinelle, à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) le 9 juillet 2015

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le chef d'état-major des armées,
Messieurs les chefs d'état-major,
Monsieur le gouverneur militaire de Paris,
Officiers, sous-officiers, soldats de l'opération SENTINELLE,
Je suis très heureux de vous retrouver aujourd'hui, au camp des Loges de Saint-Germain-en-Laye, d'où vous accomplissez votre mission de protection au profit de nos concitoyens de la région parisienne.
Ma visite intervient dans un contexte particulier. Il y a six mois, jour pour jour, notre pays était frappé en son cœur par l'attaque terroriste de la porte de Vincennes, après celle de Charlie Hebdo le 7 janvier. Cette menace a frappé de nouveau, récemment, à Saint-Quentin-Fallavier. Nous devons donc – vous devez donc – redoubler de vigilance, à l'approche de la période estivale qui sera notamment ponctuée par le grand rendez-vous du défilé du 14 juillet.
Je sais qu'une partie d'entre vous sont présents aujourd'hui au camp des Loges pour cet événement majeur, qui appelle cette année une attention toute particulière. Je veux d'ailleurs saluer tout particulièrement le général CHARPENTIER, qui cumule deux casquettes, celle de chef opérationnel de la zone de défense d'Ile de France et celle de gouverneur militaire de Paris et, à ce titre, prépare son dernier défilé, au moins comme grand chorégraphe. Je tiens à lui exprimer mes plus vifs remerciements pour le travail qu'il a accompli au cours de son mandat.
Plus que jamais, la Nation compte donc sur vous, pour la préserver de cet ennemi terroriste, d'autant plus dangereux qu'il est mondialisé, qu'il exerce une violence aveugle sur notre propre sol et qu'il utilise les manipulations les plus abjectes pour tenter d'inquiéter nos populations et saper nos valeurs.
Ici ou ailleurs, en France, en Europe, en Tunisie ou au Levant, partout où sévit cette terreur barbare, ce sont les fondements même de nos sociétés qui sont visés.
Mais ceux-là même qui menacent la sécurité de la Nation, celle de nos concitoyens, se heurtent en retour à notre détermination sans faille, et d'abord à l'excellence de nos armées. Car vous êtes aujourd'hui, sur le théâtre national comme sur les théâtres d'opérations extérieures, les sentinelles de ce combat qui nous concerne tous, parce qu'il en va de notre sécurité et de nos vies dans ce qu'elles ont de plus essentiel.
C'est tout le sens des décisions prises par le Président de la République à la suite des attentats de janvier.
Je pense d'abord au déploiement, dans l'urgence, c'est-à-dire en trois jours, de plus de 10 000 hommes pour sécuriser et protéger aux côtés des forces de sécurité intérieure les sites particulièrement visés par le terrorisme. C'était une mobilisation exceptionnelle.
Je pense ensuite à la prolongation de cette opération militaire, à un niveau d'engagement inégalé, soit 7 000 hommes, qui seront déployés aussi longtemps que la situation l'exigera et qui se surajoutent aux dispositifs permanents de sécurité aérienne et de sécurité maritime.
Je pense par ailleurs aux décisions particulièrement fortes, à la hauteur de la situation exceptionnelle que nous connaissons, qui ont été validées en conseil de défense, à la fois pour ralentir les déflations d'effectifs du ministère, pour accroître le périmètre des forces terrestres, pour pérenniser et augmenter le budget de la Défense, et mettre ainsi tout en œuvre pour que la sécurité des Français soit assurée à la mesure des menaces auxquelles ils sont confrontés. Ces choix, faits en cours de programmation militaire, n'ont pas de précédent dans notre histoire militaire récente. S'il faut s'en féliciter, j'observe que c'est aussi la juste reconnaissance de votre engagement pour notre sécurité.
Il y a près de six mois, j'étais venu au camp de Satory avec le Président Raffarin pour rencontrer les premiers détachements SENTINELLE. Depuis, j'ai eu l'occasion de mesurer à de nombreuses reprises l'immense professionnalisme dont vous faites preuve, votre dévouement, votre sang-froid, qui suscitent la fierté et l'admiration du plus grand nombre.
Ils vous font confiance. Nous vous faisons confiance. Et cette confiance, bien sûr, doit se traduire par des actes. J'ai évoqué les décisions du conseil de défense. Je viens aujourd'hui dans la même perspective, accompagné des principaux responsables du ministère, pour vous annoncer les mesures que j'ai décidées afin d'améliorer la condition des militaires engagés dans les opérations intérieures. Cette démarche était nécessaire, compte-tenu de l'importance nouvelle et cruciale de cet engagement, compte tenu de la durée que cette opération va engager et compte tenu aussi des conditions de vie difficiles qui peuvent être les vôtres.
Je veux en profiter pour remercier tous ceux qui ont travaillé, à ma demande, à la mise en œuvre de ces mesures. Je veux citer le chef d'état-major des armées, le secrétaire général pour l'administration, les trois chefs d'état-major d'armée, le directeur central du service du commissariat des armées, le directeur central du service d'infrastructure de la défense, la direction des ressources humaines et la sous-direction des bureaux du cabinet placée auprès de moi, et l'ensemble de leurs équipes.
Tout d'abord, comme je m'y étais engagé devant l'assemblée plénière du conseil supérieur de la fonction militaire, le 15 avril dernier, j'ai proposé au Président de la République la création d'un signe de reconnaissance fort, qui prenne en compte toutes les dimensions de la défense et de la protection du théâtre national. Il s'agira de la médaille de la Protection militaire du territoire. Elle pourra être attribuée aux soldats qui œuvrent dans le cadre d'une opération de protection militaire décidée par le gouvernement. Ces missions de défense sont déjà nombreuses et anciennes, outremer et en métropole, dans tous les milieux, maritimes, terrestres et aériens. C'est pourquoi cette décoration, demandée par vos chefs militaires, sera créée, pour Sentinelle bien évidemment, mais pas uniquement. Le décret portant création est à la signature du Président de la République et je me réjouis, pour ma part, que votre engagement pour la défense et la sécurité des Français dans cette forme inédite, reçoive cette récompense symbolique.
La reconnaissance de la Nation s'exprime de plusieurs façons. Il y a cette gratitude qui vous est spontanément témoignée dans les rues. Il y a bien sûr la mobilisation de tout le ministère, pour que le maximum soit fait aux fins d'améliorer vos conditions d'activité et de vie. Mais l'effort sans précédent que vous fournissez, votre mobilisation exceptionnelle sur le théâtre national comme en opérations extérieures, appelait également, de mon point de vue, une gratification effective.
Vous bénéficiez déjà de l'indemnité pour service en campagne, l'ISC, dont le montant moyen journalier s'élève à 40 €. J'ai décidé de vous attribuer une gratification supplémentaire. J'ai fait le choix de vous attribuer le bénéfice d'une prime existante, l'indemnité pour sujétion spéciale d'alerte opérationnelle, l'AOPER, qui s'ajoutera donc à l'ISC. Cette prime sera désormais attribuée jusqu'au grade de capitaine, aux militaires déployés pour SENTINELLE et CUIRASSE, afin de récompenser l'effort et les sujétions particulières qui vous sont demandés, dans la durée et en dépit de conditions encore souvent difficiles.
Une prime existante mais élargie parce que, d'une part, je ne voulais pas prendre le risque de créer une prime nouvelle que Louvois aurait été incapable de vous dispenser correctement. C'est aussi une façon de maintenir l'équité entre tous ceux qui sont déployés sur le terrain, quel que soit leur grade ou la couleur de leur uniforme. Je veux insister sur le fait que le support AOPER a été choisi de façon pragmatique, afin de pouvoir être mis en œuvre très rapidement. Je viens de signer l'arrêté qui met en œuvre cette mesure, avec effet rétroactif au 7 janvier dernier. Le montant de cette prime s'élèvera à 150 euros pour un déploiement de 30 jours, ou plus de 200 euros pour un déploiement de six semaines.
Je veux enfin, en troisième lieu, évoquer avec vous les conditions de vie et d'hébergement que connaissent nos soldats engagés dans l'opération SENTINELLE. Je sais les difficultés que vous avez rencontrées, surtout au début. Je sais les difficultés que vous continuez de subir. Il était urgent d'agir, pour soutenir votre engagement dans la durée.
Comme je m'y étais engagé avec le chef d'état-major des armées, l'ensemble du ministère est mobilisé pour finaliser un plan d'amélioration des conditions de vie et d'hébergement des militaires, essentiellement dans la région Ile-de-France, puisqu'elle concentre nos efforts avec près de 4 000 militaires déployés.
Ce plan comporte deux volets. Le premier, mis en œuvre pour l'échéance du 14 juillet, dont je suis venu me rendre compte ici-même, vise à améliorer les conditions de vie des soldats en région parisienne, par le déploiement d'infrastructures légères, par la réévaluation des standards d'alimentation ou encore par l'adaptation du rythme d'activité dans cette opération, en particulier par une diminution des horaires et une diminution des amplitudes, car je sais ce rythme particulièrement prégnant. J'ai également demandé que les transports, les activités culturelles et de loisir puissent être accessibles gratuitement pour nos soldats. C'est désormais le cas, puisqu'on me dit que vous pouvez maintenant vous rendre avec vos familles dans des parcs de loisirs. Je m'en félicite. Dans le même sens, j'ai signé la semaine dernière avec le président de la SNCF un nouvel avenant pour faciliter le transport des familles de militaires déployés.
Le deuxième volet de ce plan consiste à améliorer les conditions de stationnement et d'hébergement des forces au plus près des sites de l'opération SENTINELLE. L'idée est de limiter au maximum le temps de déplacement entre les lieux d'hébergement et les lieux de déploiement. L'idée est aussi de faire en sorte que ces hébergements se fassent dans des emprises défense. Il s'agit également de trouver des structures d'entrainement pour nos soldats, et de pérenniser par ailleurs votre mobilité sur le terrain, dans l'esprit des patrouilles dynamiques qui vous sont et, c'est souhaitable, désormais demandées. Ces réflexions-là sont en cours, des décisions majeures seront prises la semaine prochaine. Je m'engage à les faire aboutir rapidement.
Je suis satisfait des premiers résultats que j'ai pu voir ici, au camp des Loges. Depuis peu, certains ont quitté leurs chambrées dans les anciens bâtiments pour des bungalows neufs, avec des installations de qualité, et notamment le confort sanitaire que vous êtes en droit d'attendre. Ces nouvelles infrastructures changent concrètement la vie de nos soldats, et je suis heureux que l'exemple du camp des Loges soit bientôt suivi à Vincennes, au Fort de l'Est, au Kremlin-Bicêtre ou encore au camp de Satory.
Le chemin est encore long, mais ce premier bilan apparaît pour ma part positif. En ce qui me concerne, je ne peux laisser nos militaires accomplir une opération si importante pour notre pays sans leur garantir, en retour, tout le soutien dont ils ont ici besoin. Plus que jamais, je compte sur la mobilisation de chacun, pour que nos soldats puissent relever ce défi majeur, celui de notre sécurité et qu'ils puissent le faire dans les meilleures conditions.
Le contexte reste critique, il nous faut donc redoubler de vigilance. Et dans cet esprit, je vous assure de ma confiance totale et de mon soutien le plus entier.
Vive la République,
Vive la France !
Source http://www.defense.gouv.fr, le 3 août 2015