Interview de M. Thierry Mandon, secrétaire d'Etat à l'enseignement supérieur et à la recherche à I-Télé le 20 juillet 2015, sur les difficultés liées aux inscriptions à l'université des bacheliers et les effectifs étudiants.

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Média : Itélé

Texte intégral


JEAN-JEROME BERTOLUS
Thierry MANDON, bonjour.
THIERRY MANDON
Bonjour.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Est-ce que les agriculteurs sont en colère, ils manifestent à Caen encore ce matin, est-ce qu'il faut que Stéphane LE FOLL, le ministre de l'Agriculture se rende sur place pour apaiser les esprits ?
THIERRY MANDON
C'est lui qui verra, en tout cas ce qui est sûr c'est qu'il faut qu'il continue les efforts qu'il mène depuis maintenant deux mois pour faire remonter les prix et ça il le fait sans arrêt, 17 juin au ministère, la semaine dernière en Europe avec des résultats dans un marché qui doit être régulé, maitrisé par la puissance publique.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Mais quand il y a un secteur en ébullition il faut que le ministre aille sur place ou pas ?
THIERRY MANDON
Il faut qu'il soit au contact des agriculteurs, c'est ce qu'il fait à longueur de journée puisqu'il les reçoit, puisqu'il se déplace, après vous ne pouvez pas courir derrière les foyers d'incendies toute la journée, vous devez traiter les problèmes. Voilà vous ne devez pas éteindre les incendies, vous devez traiter les problèmes quand vous êtes ministre et c'est ce qu'il s'attache à faire.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Alors nouvelle semaine cruciale en Grèce, les banques vont ouvrir prudemment, les guichets effectivement vont être accessibles, la TVA coup de poing va augmenter pour tous les Grecs, est-ce que cet accord est viable, est-ce que finalement cet accord, c'était quoi, c'était finalement comme ça un petit sparadrap, ou alors c'est un moindre mal pour les Grecs ?
THIERRY MANDON
Cet accord, il était indispensable, deux fois indispensable. Il était d'abord et avant tout indispensable pour les Grecs, parce qu'il n'y avait plus de banque, on pouvait tirer 30 euros, les gens faisaient la queue toute la journée.
JEAN-JEROME BERTOLUS
60.
THIERRY MANDON
60 ensuite, l'économie était en panne, et ce pays allait à la catastrophe. Mais il était aussi indispensable pour l'Europe, parce qu'il ne faut pas se tromper, une catastrophe en Grèce, ça veut dire qu'une zone euro est incapable d'intervenir sur les événements et ça implique forcément des conséquences européennes. Donc il était indispensable. Est-ce qu'il est viable, c'est ça votre question ? Moi, je pense qu'il faut le prendre pour ce qu'il est, c'est-à-dire une première marche vers une redéfinition des formes de solidarité en Europe qui ira au-delà vis-à-vis des Grecs. La question de la dette a été mentionnée, elle va être reprofilée, ça veut dire qu'il y a donc d'autres sujets qui sont sur la table et qui sont indispensables. Mais c'était le préalable.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Hier soir Nicolas SARKOZY à Nice a comparé François HOLLANDE à Alexis TSIPRAS, il les accuse tous les deux de mentir à tout prix, Alexis TSIPRAS sur le référendum et François HOLLANDE de s'être élire effectivement sur des mensonges, mensonge sur le chômage, mensonge sur les retraites, etc…
THIERRY MANDON
Paroles de spécialiste, Nicolas SARKOZY passe son temps à critiquer durement le président. Moi, ce qui m'aurait intéressé, c'est qu'on connaisse la position réelle de Nicolas SARKOZY sur la Grèce, car comme il en changé.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Vous trouvez qu'il est un peu faseyé sur la Grèce ?
THIERRY MANDON
Non mais pas faseyé, il en a changé trois fois en trois jours, on aurait aimé qu'il passe le temps qu'il a passé hier à critiquer ceux qui ont pris des décisions courageuses, pour nous dire ce que lui pense et pensait qu'il aurait fallu faire.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Est-ce que votre ami Arnaud MONTEBOURG quand il invite VAROUFAKIS, l'ex ministre des Finances à la fête de la Rose en septembre, c'est du courage ?
THIERRY MANDON
Ca a un côté provocation, mais il est fidèle à ce qu'il pense lui.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Il est dans le débat ?
THIERRY MANDON
Il est dans le débat, ça fera du bruit, je pense d'ailleurs que c'est un peu fait pour ça, il est fidèle à ce qu'il pense voilà, il est sur une position de plus en plus critique… Non, mais je crois que c'est ce qu'il pense, enfin je n'ai pas parlé avec lui de ça depuis des mois, mais je pense que c'est…, il est proche sur le fond de ce que pense VAROUFAKIS. Voilà donc il défend des positions sur un espace politique quand même à la fois très encombré et très restreint parce qu'un discours qui soit anti allemand, quasi anti européen, quelque part très nationaliste, c'est quand même difficile à tenir.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Ca lui laisse peu de chance de revenir finalement.
THIERRY MANDON
Ca c'est lui qui verra, je ne sais pas où il en est, il a dit qu'il faisait des études en économique, donc on verra bien, peut être à Frangy s'il a changé de position.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Hier, le président de la République était aussi dans les médias, via une tribune dans le Journal du Dimanche, il demande, lui, plus d'Europe, plus d'Europe dans la zone euro avec un budget, un Parlement, un gouvernement économique. Cela veut dire plus… moins de souveraineté pour la France, on abandonne un peu de souveraineté pour une Europe qui deviendrait quasi-fédérale ?
THIERRY MANDON
Ça veut dire que quand on a une monnaie, qu'on partage avec d'autres pays, il est illusoire de croire que c'est juste un billet de banque comme ça sur une table, et que chacun peut continuer à faire exactement comme il l'entend. Quand vous avez une monnaie, Jacques DELORS le disait très bien il y a maintenant presque vingt-cinq ans : vous devez avoir un certain niveau de coordination des politiques économiques, de comportements communs, parce que sinon, la monnaie, elle ne tient pas, ce n'est pas une idée nouvelle, Jacques DELORS ; il y a quelques mois, je tiens à le rappeler, Emmanuel MACRON et Sigmar GABRIEL, qui est le premier vice-chancelier en Allemagne, ministre de l'Economie, avaient fait avancer cette idée, donc ce n'est pas une idée qui est française, et bien évidemment, le président HOLLANDE la reprend avec force, et c'est bien, parce qu'il faut bouger en Europe.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Non, mais, Thierry MANDON, ce n'est pas une idée qui est française, mais en même temps, la veille de cette tribune dans Le JDD, eh bien, dans le Monde, Donald TUSK, le président du Conseil européen, indiquait : aucun Etat européen ne veut modifier le traité, autrement dit, c'est un coup d'épée dans l'eau de la part de François HOLLANDE.
THIERRY MANDON
Il y a eu des textes, encore une fois, qui prônaient cette position, et j'en ai cité un, qui date du mois de mai de cette année, donc avec le premier vice-chancelier allemand, donc ce n'est pas rien, mais de toute façon, il fallait réagir, parce que, qu'est-ce qui s'est passé ? On a vu une Europe quand même quasi-incapable de décider, qui a dû prendre une décision grâce à la France, en dernière minute, et après des heures, des nuits de palabres, bon, ça ne peut plus marcher comme ça. Mais l'Europe est condamnée si elle continue à fonctionner comme ça. Eh bien oui, on va être broyé par les grands empires américains, chinois, ça ne peut plus marcher comme ça ! C'est ça que dit le président. Et il ajoute une deuxième chose : il faut pouvoir décider, mais il faut pouvoir décider démocratiquement, c'est-à-dire qu'il y a un Parlement européen qui associe les peuples aux décisions que prennent les dirigeants, moi, ça me semble être vraiment indispensable.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Thierry MANDON, on en revient à votre empire à vous, c'est-à-dire l'université, les bacheliers retardataires peuvent encore théoriquement s'inscrire en fac, et pourtant, on le sait, il y a de la sélection, les facs ne peuvent pas accueillir tous les bacheliers. Il y a par exemple un système en ce moment, le tirage au sort sur les masters, est-ce que vraiment, ça, c'est la France moderne ? Est-ce qu'on arrive, on est tiré au sort, ah ben, non, finalement, on fera de la socio et pas de l'éco ?
THIERRY MANDON
Non, alors, vous avez raison de dire qu'il reste des difficultés sur l'inscription, elles sont centrées sur quelques disciplines bien particulières, je pense aux STAPS par exemple, aux activités physiques et sportives ou à la psycho…
JEAN-JEROME BERTOLUS
L'ULF dit 54 universités sur 74, c'est beaucoup quand même…
THIERRY MANDON
Qui sont des filières absolument sur-demandées, et pour lesquelles les capacités d'accueil et d'encadrement et de professeurs restent limitées. Alors, il y a plein de réponses à tout ça, on ne va pas rentrer – on n'a pas le temps – dans le débat de fond, soyons précis, premièrement, nous avons mis en place un dispositif qui permet aux étudiants refusés de se réinscrire sur APB, le site après bac, jusqu'au 15 septembre. Deuxièmement, nous avons demandé à tous les recteurs de traiter au cas par cas les situations difficiles. Ça ne fait pas disparaître des problèmes de fond, qui sont qu'on a une explosion du nombre d'inscrits dans les universités, 50.000 par an, l'équivalent de la création de deux universités chaque année…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Mais justement, Thierry MANDON, pourquoi n'avez-vous pas le courage d'augmenter par exemple les frais d'inscription, deux rapports de Bercy, successifs, vous le demandent, cela voudrait dire effectivement plus de ressources pour les facs, et puis un système plus égalitaire, peut-être plus de bourses, pourquoi, effectivement ? Bercy dit : il faut multiplier par cinq les frais d'inscription.
THIERRY MANDON
Ça ne serait pas du courage, ça serait de la bêtise. Pourquoi ça serait de la bêtise, parce qu'on n'est pas les seuls en France à avoir des droits d'inscription très faibles. En Allemagne, c'est le cas, aux Pays-Bas, au Danemark, en Suède, en Norvège. Le modèle européen, c'est un modèle de droits d'inscription bas, parce qu'on veut élever le niveau de qualification de notre jeunesse, et donc on sait très bien, études OFCE de l'année dernière, que dès qu'on monte un peu les droits d'inscription, ça donne un message très négatif aux couches, notamment aux couches les plus fragiles. En revanche…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Ce n'est pas parce qu'on est à la veille de la présidentielle ?
THIERRY MANDON
Non, ça n'a rien à voir avec ça, je vous dis, c'est le modèle anglo-saxon qui fait payer cher les études. En revanche, vous avez raison, il y a un problème de modèle économique de nos universités. Il y a trois types de ressources, l'Etat, les droits d'inscription, et la formation professionnelle par exemple. Aujourd'hui, à l'évidence, l'Etat dans la durée va avoir besoin d'augmenter l'argent qu'il met dans son système universitaire et de recherche, parce que vous ne pouvez pas vouloir 50 % d'une classe d'âge au niveau licence, et pas inscrire durablement les efforts. Et deuxièmement…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Vous préemptez ma question, donc ça veut dire : est-ce que vous pouvez prendre ce matin l'engagement face au milieu universitaire, les présidents d'université, les étudiants, qu'il y aura bien un budget en hausse en 2016, on est en pleine préparation du budget ? Vous prenez l'engagement ?
THIERRY MANDON
Oui, mais alors, moi, ce qui m'intéresse, ce n'est pas le budget qu'on va voter seulement, c'est le budget qu'on va voter et celui qu'on va appliquer, parce que ces dernières années…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Oui, l'année dernière, 200 millions de ponction…
THIERRY MANDON
Voilà, ces dernières années, il y a une différence trop importante entre ce qu'on vote et qu'on applique…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Donc pas de ponction ?
THIERRY MANDON
Moi, ce que je voudrais, c'est qu'on vote un peu plus, voilà, mais qu'on applique beaucoup plus.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Merci beaucoup Thierry MANDON d'avoir été l'invité de I-TELE ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 juillet 2015