Texte intégral
Le retour de la formation initiale des professeurs, après sa suppression inconsidérée par la majorité précédente, constitue l'une des mesures emblématiques du quinquennat.
Je tenais d'abord à vous remercier pour lui donner vie et forme au quotidien.
C'était une réforme nécessaire, tant il est vrai que le métier de professeur s'apprend, tant il est évident qu'il n'y a pas de transmission des savoirs et des valeurs sans pédagogie adaptée, tant il est évident que la maîtrise d'un corpus de connaissances disciplinaires est essentielle mais non suffisante pour appréhender la réalité complexe des élèves, tant il est certain que nos professeurs doivent entrer progressivement dans le métier magnifique mais difficile qui est le leur.
Cette réforme contribue à concrétiser la priorité à la jeunesse et à l'Éducation, un axe fort de la politique menée depuis trois ans par le Président de la République.
En réinstaurant une formation initiale de qualité et en créant 60 000 postes supplémentaires d'ici à 2017, nous travaillons ensemble à redonner toute sa place à la fonction de professeur dans une société où le besoin d'Ecole se fait ressentir avec une force sans précédent.
Ils sont ainsi de plus en plus nombreux à pouvoir bénéficier des formations dispensés dans les ESPE : 57 160 étudiants cette année, avec une progression de 4% par rapport à l'année dernière en première année du master MEEF, qui se perçoit fortement pour le second degré notamment.
Cette réforme était nécessaire parce que nous savons que l'Ecole a besoin d'évoluer au rythme de la constitution des savoirs. Que ses professeurs, à quelque niveau qu'ils enseignent, doivent pouvoir bénéficier, dès le début de leur formation, des dernières avancées de la recherche, de ses innovations permanentes, tant disciplinaires que pédagogiques.
Elle était nécessaire aussi parce que les matières doivent dialoguer pour faire pleinement sens aux yeux de nos élèves, parce que les cloisons doivent tomber entre tous les pans du savoir.
Ce décloisonnement des savoirs, qui est au cœur de vos principes, cette volonté de rapprocher les enseignements et les professionnels, inspire également la réforme du collège et ses enseignements pratiques interdisciplinaires.
En permettant aux élèves de nouer des liens entre les matières, en adossant les savoirs les uns aux autres, la réforme rend plus solide l'acquisition de chacun d'entre eux, en renforce la transmission.
Les ESPE ont donc un rôle fort à jouer pour que cette interdisciplinarité, pour que cette capacité de dialogue, soient inscrites dans l'ADN même de nos professeurs afin de se déployer ensuite, naturellement, dans les classes.
C'est pourquoi un effort exceptionnel de formation continue sera fait tout au long de l'année 2015-2016 pour assurer la mise en œuvre de la réforme du collège. Mais la formation initiale a également tout son rôle à jouer pour que la nouvelle organisation des enseignements au collège se mette en place dans les meilleures conditions à partir de la rentrée 2016.
Au-delà des modifications de programmes, les ESPE doivent en effet s'associer à la diffusion des nouvelles pratiques d'enseignement : interdisciplinarité, je viens de le rappeler, mais également accompagnement pédagogique, différenciation pédagogique ou encore pédagogie de projet.
Vous devez donc jouer un rôle majeur pour que cette réforme, si nécessaire, si urgente, apporte tout ce qu'elle doit à nos élèves et permette à notre Ecole de tenir toujours davantage sa promesse.
Car, dans le contexte que nous savons, où la République et ses valeurs sont mises à si rude épreuve, les attentes vis-à-vis de l'Ecole sont plus fortes que jamais.
Le Premier Ministre l'a rappelé : dans la tourmente, dans ce combat qui va malheureusement durer, nous devons garder notre sang-froid.
C'est une œuvre longue, difficile, courageuse qu'il nous faut entreprendre pour consolider les bases mêmes de notre République, pour en renforcer les valeurs chez chacun des citoyens en devenir dont l'Ecole a en charge l'accomplissement.
Cette œuvre est nécessairement collective. Je n'avais pas hésité à parler devant vous de « famille » en janvier dernier pour évoquer le travail qui devait être le nôtre en faveur de la République.
Et je le redis aujourd'hui : les enseignants ne doivent pas être laissés seuls face aux défis qui se dressent face à eux, en termes de développement de l'esprit critique des élèves comme de transmission des valeurs.
Chacun d'entre eux doit se savoir épaulé, soutenu, écouté dans ces lieux que sont les ESPE, où l'ensemble des personnels d'encadrement sont formés avec eux. Chacun doit surtout être bien formé, pour répondre aux exigences du terrain en matière de citoyenneté, et notamment de laïcité.
Pour être transmises, ces valeurs doivent faire l'objet d'une pédagogie adaptée.
C'est ainsi qu'elles deviendront une seconde nature pour nos élèves.
Inscrits dans le tronc commun de la formation de tous les éducateurs et de tous les professeurs, nourris par de nombreuses ressources en ligne mobilisables à tout moment par l'ensemble des professionnels, la pédagogie de la laïcité, faite de dialogue, de développement de l'esprit critique et de temps forts, l'enseignement moral et civique plus largement, doivent constituer les leviers d'une citoyenneté durable.
Ces leviers, nos professeurs doivent être en mesure de les actionner au mieux.
C'est à cette fin, comme vous le savez, que 300.000 enseignants doivent être formés à cette pédagogie de la laïcité d'ici fin 2015 par les experts qui ont rapidement été mobilisés, conformément à ce que j'avais annoncé au lendemain des attentats de janvier.
Internet joue souvent un rôle central dans les processus de radicalisation de tous ordres. Internet est capable du pire comme du meilleur : il peut être un outil de liberté, de rapprochement et de fraternité comme un outil d'asservissement et de diffusion de la haine. Nous devons donner à nos élèves les moyens d'en faire le meilleur usage possible.
Cette question sera un des points importants du colloque du 8 juillet qu'organise l'ESPE de Lyon, que je remercie pour son invitation.
Nous devons continuer, et vous devez continuer de renforcer notre offre de formation aux usages des nouvelles technologies en direction des professionnels de l'éducation, en lien avec les référents « laïcité » et « mémoire et citoyenneté » que nous avons instaurés dans chaque établissement.
Bien entendu, les enjeux portés par le numérique dans l'éducation dépassent de loin la question de la prévention de la radicalisation ou de la seule éducation aux usages, si importantes soient-elles. Ces enjeux sont majeurs et nous devons œuvrer pour que notre école puisse prendre toute la mesure de la révolution qui se joue aujourd'hui, qu'elle en tire le meilleur, pour nos élèves. Pour l'ensemble de notre société.
Vous le savez, le Président de la République a annoncé un plan très ambitieux en faveur du développement du numérique, pour faire évoluer le système éducatif, en améliorer l'efficacité et l'équité, tout en l'adaptant aux besoins de la société d'aujourd'hui.
C'est dans cette perspective que s'inscrit également le prochain appel à projet sur les « territoires éducatifs d'innovation numérique », dont je vous fais l'annonce ce matin.
Destiné à éclairer la mise en œuvre du Plan numérique, il permettra de soutenir des « démonstrateurs d'innovation numérique » au sein du système scolaire, en lien avec les ESPE et des équipes de recherche.
Le lancement de cet appel à projet est une preuve, s'il en faut, que nous avons pris la mesure de l'importance du numérique pour l'éducation. Jean-Marc Monteil vous en parlera plus en détail cet après-midi.
Nous avons d'ores et déjà bien des sujets de satisfaction. Mais c'est dans le temps que cette réforme que nous menons portera ses fruits.
Tous ses acteurs, ainsi que mon Cabinet, sont à vos côtés pour permettre la réussite de cette réforme dans laquelle je sais que vous êtes totalement investi, ESPE mais aussi services académiques et universités.
Nous sommes à vos côtés pour vous aider à accomplir cette mission essentielle qui est la vôtre. Cela passe par la mise au jour de ce qui marche, mais aussi de ce qui ne fonctionne pas encore bien, comme nous allons le faire ce matin.
C'est également à cette fin que nous avons mis en place un dispositif de suivi s'appuyant sur le comité piloté par le Recteur Filatre, sur le travail des inspections générales ainsi que sur celui des directions générales, réunies au sein du comité de pilotage coordonné par Claude Fabre et François Louveaux.
Qu'ils soient d'ores et déjà tous remerciés pour la qualité remarquable de leur engagement.
Contenus des formations, gouvernance, profils des candidats et des lauréats, pédagogie : c'est grâce à des réglages permanents sur toutes ces questions et sur d'autres encore, alimentés par des remontées de terrain formulées en toute franchise que nous donnerons toute son ampleur à notre action pour la formation de nos professeurs et pour l'Ecole de la République.
Je vous remercie.
Source http://www.najat-vallaud-belkacem.com, le 16 juillet 2015