Interview de M. Thierry Mandon, secrétaire d'Etat à l'enseignement supérieur et à la recherche à BFM Business le 6 août 2015, sur les problèmes d'inscriptions universitaires des bacheliers et la rentrée universitaire.

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Média : BFM TV

Texte intégral


GUILLAUME PAUL
Thierry MANDON, le Secrétaire d'Etat à l'Enseignement supérieur, est avec nous ce matin au téléphone. Bonjour, monsieur MANDON.
THIERRY MANDON
Bonjour.
GUILLAUME PAUL
Merci d'être avec nous ce matin sur BFM Business. On va parler un petit peu des dix à quinze mille bacheliers qui ne savent pas encore où ils vont atterrir dans quelques semaines lors de la rentrée universitaire ; vous avez rappelé vous-même le chiffre avant-hier. Mais d'abord un mot, parce qu'on est évidemment rattrapé par l'actualité ce matin, sur cette décision du Conseil constitutionnel qui retoque cette idée de plafonner les indemnités de licenciement en fonction notamment de la taille de l'entreprise. Ça, le gouvernement s'y attendait quand même quelque part, monsieur MANDON.
THIERRY MANDON
Oui. Il y a très peu, finalement deux à trois pourcent du texte, qui sont sanctionnés par le Conseil constitutionnel. Souvent c'est, comme cette disposition, des dispositions qui ont été introduites en cours de discussion parlementaire voire même parfois à la fin de la discussion parlementaire. Ce qui, en gros, montre quand même qu'il faut qu'on réfléchisse beaucoup plus à la fabrique de la loi et que les textes qui sont modifiés, modifiés, modifiés jusqu'à l'ultime minute, c'est plus fragile juridiquement bien souvent.
GUILLAUME PAUL
Il faudra revenir sur ce point ? On nous parle d'une loi Macron II dans quelques mois. Est-ce que vous croyez que ça pourrait être le cadre d'une nouvelle discussion plus apaisée ce coup-ci ?
THIERRY MANDON
Sur la question du licenciement et des indemnités de licenciement quand il n'y a pas de motif ou de cause sérieuse et réelle, il y a trois dispositions de fait. D'abord, le Conseil constitutionnel reconnaît qu'on peut encadrer désormais les indemnités et donc sécuriser le montant qui sera demandé aux entreprises dans ce cadre-là. Ça, c'est positif. Deuxièmement, il reconnaît qu'on peut lier ce matin à l'ancienneté du salarié dans l'entreprise. Ça aussi c'est nouveau et c'est positif. Ce qu'en revanche il refuse, c'est que la taille de l'entreprise joue dans le montant des indemnités. C'est cette troisième disposition-là qui ne peut pas s'appliquer, les deux premières peuvent s'appliquer et c'est plutôt positif.
GUILLAUME PAUL
Voilà effectivement sur ce dossier dont on reparlera bien sûr à la rentrée. En attendant la rentrée, c'est aussi pour cela qu'on voulait vous avoir ce matin, vous-même avez rappelé le chiffre hier ou avant-hier : entre dix et quinze mille jeunes bacheliers ne savent pas encore où ils vont atterrir lors de la rentrée universitaire dans quelques semaines. Dans le jargon journalistique, c'est un petit peu un marronnier, monsieur MANDON ; tous les ans on fait le procès entre autres de ce fameux logiciel Admission post-bac. Il n'est peut-être pas responsable de tout mais comment on en arrive malgré tout, année après année, à ce genre de situation, Thierry MANDON ?
THIERRY MANDON
Le problème est extrêmement simple. Le dernier chiffre publié hier matin encore est inférieur à dix mille.
GUILLAUME PAUL
Pardon, pardonnez-moi mais on vous entend très, très mal, Thierry MANDON. Peut-être un problème de ligne.
THIERRY MANDON
Le dernier chiffre est à peu près inférieur à dix mille. On est à sept mille cinq, huit mille situations sans solution et d'ici le 15 septembre, toutes ces solutions seront réglées à la fois parce que APB a été rouvert pour la période complémentaire jusqu'au 15 septembre et parce que les recteurs régleront les cas individuels. La vraie question que vous posez, c'est comment on sort de ce psychodrame qui, même s'il concerne cinq pourcent des inscriptions – il y a trois cent mille inscriptions nouvelles chaque année, donc on est sur des chiffres très faibles - mais tout… pour les familles, et c'est à ça qu'il faut s'attaquer désormais.
GUILLAUME PAUL
C'est-à-dire, par quel biais ? Vous avez dit, je crois, hier ou avant-hier, par plus de moyens, c'est ça ?
THIERRY MANDON
Eh bien il y a plusieurs sujets. Il est évident qu'avec le choc démographique, c'est-à-dire le nombre d'inscriptions qui progresse chaque année d'environ 50 000, l'équivalent de deux universités et demie, créées, mais en fait elles ne le sont pas, créées, fictivement créées, il faut des moyens supplémentaires pour l'enseignement supérieur, on ne peut pas accueillir des vagues de nouveaux inscrits, souhaitable pour l'économie, souhaitable pour le pays, mais sans y consacrer les moyens indispensables.
GUILLAUME PAUL
Ça veut dire quoi ? C'est un cri, c'est un message passé au gouvernement avant les derniers arbitrages pour 2016 ? L'UNEF, notamment, a réagi vivement à ces chiffres dernièrement, ils vont vous regarder de très près, donc ça veut dire, est-ce qu'il y aura de nouveaux moyens dès 2016, monsieur MANDON ?
THIERRY MANDON
Ça veut dire, c'est très simple, les effectifs progressent de 2,5 à 3 % par an. Les dotations aux universités sont en gros, sont protégées des économies, n'évoluent que pas ou extrêmement peu, eh bien donc, 2,5 par an sur plusieurs année, ça fait vite des grosses sommes, qu'il faudra, dans la durée, il ne faut pas se précipiter, mais dans la durée, compenser. La Nation veut faire un effort pour scolariser, au niveau licences, 50 % d'une classe d'âge, dans les années qui viennent, mais immanquablement, ça lui demandera des efforts financiers.
GUILLAUME PAUL
Vous savez comme moi, et mieux que moi, bien sûr, ce que disent beaucoup de bacheliers sur ce processus de sélection de la part des universités, les mêmes critiques reviennent très régulièrement : manque de transparence, système peu intuitif, on ne sait pas comment les universités départagent finalement les candidats, et certains ont l'impression de faire les frais du fait qu'ils ont opté pour un Bac Pro ou un Bac Technique. Est-ce que c'est vrai pour vous, est-ce qu'il peut y avoir des abus dans le processus de sélection des universités ?
THIERRY MANDON
Il y a un problème d'orientation, je pense, il y a un problème d'orientation. Il faut dire la vérité aux étudiants ou aux futurs étudiants. Le taux d'échec d'un certain nombre de bacs professionnels à l'université, est absolument considérable, considérable, on est à 3 % de succès au niveau licence. Est-ce que des orientations plus appropriées, plus efficaces, je pense aux BTS, par exemple, qui sont de très bonne qualité, qui permettent de trouver un emploi, est-ce que dans un certain nombre de cas ça ne serait pas préférable ? Voilà, c'est sur cela qu'il faut travailler, il ne faut pas considérer que tout le monde peut aller à l'université, ce qui est le cas en théorie et en pratique, mais tout le monde va y réussir, il y a et peut-être un travail d'ajustement des compétences et des enseignements à mettre en place.
GUILLAUME PAUL
On vous entend un petit peu moins bien, Thierry MANDON, mais j'ai quand même une question à vous poser, supplémentaire, parce que ça gronde du côté des bacheliers, des universités, mais ça gronde aussi du côté des écoles de commerce, alors que bien sûr l'Etat ne finance pas, là, directement, mais depuis quelques jours circulent en tout cas, sur Internet, les hausses de tarifs qui vont être appliquées sur cette rentrée 2015, et on se rend compte que sur certains établissements, sur deux ans, la hausse pourrait être de 10, 15, voire 20 %. Est-ce que vous pensez que les étudiants peuvent faire… les frais peuvent être éternellement la variable d'ajustement dans la fixation des tarifs, finalement, de ces grandes écoles de commerce ?
THIERRY MANDON
Eh bien d'abord, c'est des enseignements supérieurs privés…
GUILLAUME PAUL
Oui.
THIERRY MANDON
Ils ont liberté de fixer leurs « tarifs », parfois ça me semble en effet absolument considérable, et puis il y a une très grande diversité, très grande variété d'enseignement supérieur privé, d'écoles de commerce privées, certaines sont excellentes, d'autres le sont probablement moins, et il y a donc un baromètre qualité à mettre en place, qui permettra à chacun de se rendre compte que certaines études sont parfois extrêmement chères, avec des niveaux de qualité qui restent à améliorer.
GUILLAUME PAUL
Leur idée de dire : oui on doit rester compétitif, donc ça va passer par des investissements conséquents, il faut payer le corps professoral et il faut les équipements, mais est-ce que les étudiants, encore une fois je vous pose la question, même si bien sûr l'Etat ne finance pas les écoles de commerce, est-ce que les étudiants peuvent rester la variable d'ajustement dans cette histoire ?
THIERRY MANDON
Non, je ne crois pas, je pense même que ça c'est le modèle typiquement anglo-saxon, il existe des modèles différents dans le monde, avec des coûts plus maitrisés, encadrés sur plusieurs années, et à mon avis c'est dans ce sens que ces établissements seraient invités à réfléchir. C'est facile d'avoir un budget prévisionnel sur cinq ans, d'anticiper son niveau d'investissements sur cinq ans, et de réguler des évolutions de frais d'inscription, pour qu'elles soient possibles à financer pour les étudiants.
GUILLAUME PAUL
Merci beaucoup, merci Thierry MANDON d'avoir été avec nous ce matin, petits problèmes de lignes, mais enfin, on a saisi votre message, secrétaire d'Etat à l'Enseignement supérieur. Merci d'avoir été avec nous ce matin, sur BFM Business.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 août 2015