Déclaration de M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur le dispositif et les mesures mises en place pour résorber le chômage de longue durée, Paris le 9 février 2015.

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Aujourd'hui, la France compte 1,1 million de chômeurs de longue durée au sens du BIT, soit 4 demandeurs d'emploi sur 10. 1,1 million de chômeurs de longue durée, ce sont autant de souffrances, de perte de confiance en soi, de désespoirs, parfois. Ce sont aussi des difficultés qui s'accumulent, jour après jour. Recherche d'emploi, logement, santé, garde d'enfant, mobilité, tout est, ou tout peut devenir rapidement un obstacle. L'ennemi, c'est alors le temps qui passe. Parce qu'il abîme, qu'il stigmatise, le chômage de longue durée est une menace pour la cohésion sociale. Renforcer son action en direction des chômeurs de longue durée est l'un des engagements que le Président de la République et le Premier ministre ont pris à l'issue de la Grande Conférence sociale. L'objectif est simple : tout faire pour rapprocher du marché du travail ceux qui en sont éloignés. Le risque qu'il faut combattre est en effet celui d'une exclusion durable du marché du travail, difficilement réversible même en cas de retour de la croissance. Il y a donc urgence. Une urgence à laquelle répondent les vingt mesures présentées aujourd'hui.
Cette bataille contre le chômage de longue durée, le Gouvernement ne peut la mener seul, c'est une évidence. Les obstacles qui éloignent le demandeur d'emploi du marché du travail sont, je l'ai dit, nombreux et de natures différentes. Il n'y pas de solution unique, et on ne peut s'attaquer à un seul de ces blocages sans s'attaquer à tous. Ce qu'il faut faire, c'est les lever, un à un, en multipliant les leviers d'action. C'est tout l'enjeu de la mobilisation qui a présidé à l'élaboration de ce plan. En 4 mois, l'ensemble des acteurs a apporté sa contribution à ce plan d'ensemble, par ses réflexions comme par les moyens et outils dont ils disposent : partenaires sociaux, collectivités territoriales, aux opérateurs de l'accompagnement vers l'emploi, aux acteurs de l'insertion.
Notre objectif commun : identifier, inventer et financer ces nouvelles solutions. Je veux saluer l'engagement de tous dans le processus de concertation.
L'Etat évidemment se mobilise. Les moyens consacrés aux emplois aidés sont maintenus en 2015 à un niveau élevé avec un effort de 3,2 Md€, soit plus de 445 000 emplois aidés, ciblés sur les jeunes en difficulté, les séniors, les handicapés et les chômeurs de longues durée. Par ailleurs, je souhaite que les contrats aidés du secteur marchand soient doublés en 2015 et passent ainsi de 50 000 à 100 000 orientés vers les chômeurs de longue durée, et plus particulièrement de très longue durée. Et l'Etat renouvelle son effort financier en direction de Pôle emploi sur quatre ans pour permettre l'augmentation des moyens de prise en charge des personnes les plus en difficulté.
Les autres acteurs se sont également engagés, comme on le verra dans la description des mesures, et je veux saluer ici particulièrement les partenaires sociaux, qui ont fait un effort notable.
Les mesures qui sont présentées aujourd'hui sont très concrètes et elles touchent toutes les dimensions de la vie d'un individu car le chômage de longue durée est un processus qui renvoie à une grande diversité de causes. Elles représentent une première étape et avec les partenaires de l'emploi et de l'insertion, nous ferons le suivi de leur mise en ouvre et de leur efficacité en continuant à travailler sans relâche pour les compléter ou les améliorer. Ces mesures, dont vous trouverez le détail dans le dossier de presse qui vous a été remis peuvent être classées en 3 catégories.
1. Premièrement des mesures concrètes pour aider à retrouver le chemin de l'emploi
Lorsqu'un demandeur d'emploi s'inscrit au chômage, il a :
- 2 fois plus de risques de tomber dans le chômage de longue durée s'il est âgé de plus de 55 ans ou s'il est sans diplôme
- 1,6 fois plus s'il est un parent isolé.
C'est dire l'importance du diagnostic précoce.
Détecter, pour mieux accompagner. Détecter, pour personnaliser les services proposés. Détecter, pour mieux concentrer les efforts. Or jusqu'à aujourd'hui, le diagnostic est trop souvent une variable d'ajustement de l'entretien d'inscription à Pôle emploi, la priorité étant donnée aux démarches administratives et au montage du dossier d'indemnisation. Pôle emploi va compléter ses dispositifs et innover :
- Le début de la prise en charge des demandeurs va être modifié et sera désormais consacré à un véritable diagnostic approfondi. Par la dématérialisation de l'inscription administrative et la création d'entretien de situation situé entre deux et quatre semaines après l'inscription au chômage, il sera possible d'enclencher tout de suite les solutions. Dégager du temps pour le conseiller, lui permettre de saisir les besoins réels du demandeur : là est la clé d'un accompagnement réussi.
- Par ailleurs Pôle emploi va doubler d'ici 2017 les places en accompagnement intensif. Ce nombre sera ainsi porté à 460 000 personnes exposées au chômage de longue durée ou au risque de chômage de longue durée, qui bénéficieront d'un suivi adapté (contre 230 000 fin 2014). Orienter les personnes en risque vers un accompagnement adapté réduit drastiquement leur exposition.
- De même, Pôle emploi expérimentera avec l'AFPA la mise en place d'un système de réservation « zéro place de formation inoccupée » permettant de connaitre en temps réel les places libres ou devenues vacantes dans les formations. C'est fondamental, parce que nous savons que la formation y compris en temps d'inactivité professionnelle, permet aux demandeurs de se rapprocher toujours plus des besoins du marché du travail. Nous avons également initié un travail avec l'UIMM pour que les centres de formation du secteur de la métallurgie, mettent à la disposition des demandeurs d'emploi des capacités d'accueil.
C'est pourquoi, 2015 sera également l'année de la mise en place d'un droit réel à une formation qualifiante gratuite pour les demandeurs d'emploi, mobilisable par chacun grâce au compte personnel de formation. C'est un effort sans précédent qui sera financé à hauteur de 220 millions d'euros par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels gérés par les partenaires sociaux, complété par Pôle emploi et les Conseils régionaux.
Enfin, deux contrats de professionnalisation sont mis en place soit pour réadapter des compétences au marché du travail, c'est le contrat « nouvelle carrière » soit pour acquérir les savoirs de base nécessaire à l'acquisition d'une qualification professionnelle, c'est le contrat seconde chance.
- Le contrat de professionnalisation « nouvelle carrière », est adapté aux demandeurs d'emploi ayant bénéficié d'une longue expérience professionnelle, mais ayant subi une rupture du contrat de travail à l'âge de 50 ans ou plus. Il est maintenant opérationnel.
- Le contrat de professionnalisation « nouvelle chance », est adapté aux demandeurs d'emploi de longue durée peu ou pas qualifiés. Il a une durée plus longue, parfois supérieure à 24 mois, que les contrats de professionnalisation classique, et comprend des formations permettant d'acquérir dans un premier temps le socle des compétences de base, puis une qualification.
Ces meures s'accompagneront d'un approfondissement de la réforme du financement des structures d'insertion par l'activité économique, en partenariat avec celles-ci. C'est notre engagement.
Un diagnostic précisé, un accompagnement intensifié, une offre de services personnalisés : voilà de nouveaux outils de lutte contre la spirale du chômage de longue durée !
2. Deuxièmement des mesures pour aider à surmonter les obstacles de la vie
Les demandeurs d'emplois connaissent souvent des freins à la recherche d'emploi propres à leur situation personnelle, indépendamment du métier qu'ils recherchent et des compétences dont ils disposent. Lever ces freins nécessite d'apporter une réponse globale, de ne pas occulter les difficultés pratiques des demandeurs.
- Parce que la garde d'enfants, en particulier pour les mères isolées, constitue un frein majeur au retour à l'emploi, un dispositif de réservation de places en crèche d'entreprise pour les demandeurs d'emploi parents isolés sera déployé sur l'ensemble du territoire. Un parent pourra désormais se rendre à un entretien professionnel sans que ne pèse sur lui le problème de la garde de son enfant. Une convention cadre va être signée entre la CNAF et Pôle emploi à cet effet.
- Par ailleurs, le logement est un des facteurs qui empêche des demandeurs d'emploi d'accéder à des opportunités. Les offres d'emploi se situent souvent dans les zones où les prix de l'immobiliser sont élevés. Pour permettre l'accès au logement locatif, le dispositif de garantie de loyer qui se substituera à l'actuelle garantie des risques locatifs. sera étendu aux demandeurs d'emploi retrouvant un emploi.
L'Etat se mobilise pour que les plus fragiles ne subissent pas une double-peine : celle de ne pouvoir accepter une offre d'emploi faute de ne pouvoir se loger.
- La santé des demandeurs fait bien sûr partie de nos préoccupations. Une période d'inactivité induit parfois des difficultés d'accès aux soins. C'est pourquoi nous allons renforcer la possibilité de déclencher un bilan de santé du demandeur d'emploi dans le cadre de son accompagnement. Au-delà de cela, je souhaite qu'un bilan global de la situation soit fait par l'inspection générale des affaires sociales et que des solutions soient proposées pour améliorer la prise en compte des problématiques de santé dans l'accompagnement vers l'emploi.
Nous mettons donc en place une offre de services partenariale sur la levée des freins à la mobilité dans les territoires parce que nous savons que le chômage appelle une réponse globale. Je tiens ici à souligner la collaboration des équipes de Sylvia Pinel, Ministre du Logement, de Marisol Touraine, Ministre des Affaires sociales, et de Laurence Rossignol, Secrétaire d'État chargée de la Famille et des Personnes âgées. Vous le voyez, nous mobilisons différents pans des politiques publiques pour traiter toute la dimension du problème.
3. Troisièmement des mesures pour aider et encourager les employeurs dans leur engagement
Les entreprises sont aussi des acteurs de l'insertion professionnelle, et si l'objectif ultime de celle-ci est l'accès à l'emploi de droit commun en entreprises, elles en sont même des acteurs tout à fait essentiels. Savoir recruter des publics parfois éloignés de l'emploi est un enjeu de plus en plus crucial pour celles qui rencontrent des difficultés de recrutement dans certains domaines d'activités ou de territoires.
J'ai donc souhaité les accompagner dans leur démarche.
L'immersion en entreprise constitue un outil privilégié de retour à l'emploi. La période de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP), introduite par la loi du 5 mars 2014, sera mise en place dès le début 2015.
Elle permettra au demandeur d'emploi de tester sa capacité à vivre dans un milieu de travail, à occuper un poste, à maitriser des compétences, et donc, à reprendre confiance en soi. D'ores et déjà, des grandes entreprises publiques et privées, dans le cadre du collectif FACE (GDF SUEZ, AG2R La Mondiale, la RATP, Bouygues Construction, etc.), se sont engagées à accueillir 5000 demandeurs d'emploi en 2015 dans le cadre de la PMSMP, en particulier au bénéfice de jeunes et de séniors. C'est une nouvelle dynamique qui s'engage, avec et pour les entreprises.
L'accompagnement de l'employeur est désormais une priorité car je sais qu'il est parfois plus compliqué de faire appel à une personne éloignée de l'emploi depuis très longtemps :
- Une nouvelle prestation « Suivi dans l'emploi » pour accompagner l'employeur et le salarié recruté à la fin de la période d'essai sera créée en 2015. Elle fera intervenir des experts compétents dans le champ de l'intervention sociale et professionnelle et aura pour objet d'aider l'employeur à réussir l'intégration durable du salarié dans l'entreprise. C'est ainsi inciter les employeurs, et notamment les PME et TPE, à s'engager dans le recrutement de certains publics alors qu'ils ne l'auraient pas fait sans appui particulier.
- Dans le cadre des contrats aidés, le dispositif « CASA », où des employeurs s'engagent à un effort particulier d'accompagnement des anciens chômeurs trés éloignés de l'emploi salariés en contrats aidés, sera expérimenté dans dix départements dès 2015. Dans ce cadre, les employeurs seront sélectionnés sur la base des caractéristiques des métiers et postes de travail proposés et sur l'accompagnement proposé (tutorat, modalités d'accueil, formation…).
- Les Groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ) seront développés grâce à une réforme de la labellisation et une revalorisation de la prime. C'est aussi un moyen de sensibiliser toujours plus d'employeurs à cette problématique.
Pour tirer parti de la multitude d'initiatives qui, sur le terrain, partent de besoins non couverts par le marché pour créer des activités nouvelles, adaptées à l'emploi de personnes éloignées du marché du travail, un accélérateur d'innovation sociale sera mis en place. Ce dispositif, géré par l'Agence nationale des solidarités actives (ANSA) aura pour objet d'identifier ces projets et de leur apporter appui méthodologique et financements pour s'étendre à d'autres territoires, voire se généraliser. De même, une plateforme collaborative des employeurs engagés dans l'insertion permettra de tisser un réseau et de partager les expériences.
Vous l'aurez compris, nous avons une pleine conscience de l'enjeu que représente le chômage de longue durée et nous y apportons une réponse globale, précise, concrète. Notre devoir est de poursuivre, d'intensifier, d'amplifier notre effort, pour toujours faire plus et mieux. Nous continuerons d'agir. La mobilisation ne faiblira pas, et c'est unis que nous gagnerons la bataille de l'emploi.
Je vous remercie.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 10 février 2015