Texte intégral
1. Jintroduirai mon propos par quelques rappels sur la situation démographique de la France
* La France compte aujourdhui plus de 65 millions dhabitants. Elle en comptait 41 millions en 1900, autant en 1950 et 53 millions en 1970.
* Lindice de fécondité est resté soutenu depuis le lendemain de la seconde guerre mondiale. Il sélevait à 2.9 en 1950, 2.5 en 1970, et il est aujourdhui encore supérieur à deux.
Notons que malgré la crise économique, les naissances restent nombreuses, et ont même atteint leur plus haut niveau en 2008 depuis 30 ans, avec 796 000 naissances. La France contribue dailleurs aujourdhui à elle seule à plus de la moitié de laccroissement naturel des 27 pays de lUnion européenne.
Cest ainsi que la politique familiale française sadresse aujourdhui à 9 millions de familles avec enfants (de moins de 25 ans). Elle est une composante essentielle de notre pacte social : elle contribue en effet à maintenir à la fois le dynamisme démographique du pays et un fort taux dactivité des femmes, qui dépasse les 67 %.
En somme :
* La politique familiale française est le fruit dun compromis entre une logique universelle (tous les parents sont éligibles à certaines aides quel que soit le niveau de leur revenu) et une logique redistributive (de nombreuses prestations sont aujourdhui sous conditions de ressources). La France se distingue ainsi par lampleur de son investissement dans la politique familiale. Avec près de 4 % du PIB qui y sont affectés et 60 milliards deuros de prestations, elle se situe dans le peloton de tête des pays de lOCDE.
* Mais si elle fait lobjet dun large consensus, elle doit aujourdhui relever deux défis majeurs.
Dune part, la lutte contre les inégalités sociales. On dénombre aujourdhui plus de trois millions trois cent mille enfants pauvres, et une famille monoparentale sur trois est pauvre.
Dautre part, la lutte contre les inégalités territoriales. Pour ne citer quun seul chiffre, le nombre de solutions daccueil pour 100 enfants de moins de trois ans varie de 8 à 80 selon les départements.
Enfin, la politique familiale française est aujourdhui défavorable aux classes moyennes, trop riches pour bénéficier des prestations sous condition de ressources et trop pauvres pour bénéficier pleinement des avantages fiscaux. Cest ce que lon appelle la « courbe en U » des aides aux familles.
2. Jen viens maintenant à la question qui nous réunit ce matin : quel lien entre démographie et politique familiale ? Y a-t-il dailleurs un lien ? Pour répondre à cette question, je distinguerai différentes phases qui ont conduit à la politique familiale française.
Il faut remonter à la période de lentre deux guerres pour comprendre la genèse de cette politique. En effet, durant cette période, on assiste à une chute de la natalité.
On a affaire à une France vieillissante et on peut même parler de déclin démographique.
Cest véritablement au lendemain de la seconde guerre mondiale que la politique familiale a été formalisée et structurée dans le cadre plus général de la mise en place de notre système de protection sociale.
A côté de lassurance maladie et de lassurance vieillissement, les moyens qui y étaient consacrés représentaient à eux seuls la moitié des dépenses de la sécurité sociale. Lobjectif était alors clairement nataliste doù cette particularité française qui consiste à ne pas verser dallocations familiales au premier enfant.
Le versement des allocations familiales est complété par un système fiscal dautant plus avantageux que la famille compte beaucoup denfants. Le phénomène de baby boom a été ainsi amplifié : le taux de fécondité approche les 3 enfants par femme en 1950.
Mais pour parler dun éventuel lien entre politique familiale et démographie, il faut aussi évoquer un phénomène sociétal qui plonge ses racines dans lhistoire de la France.
Que ce soit avant la révolution française ou au 19ième siècle et ce jusquaux années cinquante, le travail féminin est lapanage des classes populaires (paysannes dabord, ouvrières ensuite puis employées).
A partir des années soixante, on peut parler démergence du féminisme et de volonté démancipation de la femme qui a connu des avancées considérables dans la seconde moitié du XXe siècle. Droit de vote octroyé en 1944, liberté dexercer un métier pour les épouses en 1965, légalisation de la contraception en 1967, autorité parentale conjointe en 1970, généralisation du congé maternité en 1971, dépénalisation de lavortement en 1975, loi sur légalité salariale en 1983, loi contre le harcèlement sexuel en 1992, loi sur la parité en politique en 2000.
La femme qui travaille devient le modèle moderne, ringardisant le modèle de la femme au foyer. Ces progrès traduisent et transforment lévolution du regard porté par la société sur les femmes. Le modèle traditionnel de lhomme pourvoyeur de revenus et de la mère au foyer ne correspond aujourdhui plus aux aspirations de la majorité des français. Et la qualité de la relation quentretien une mère avec son enfant nest plus aujourdhui jugée à laune du seul critère du temps quelle lui consacre.
Cela a eu pour effet, dans les années 1970 de contribuer à laugmentation massive du taux dactivité féminin, qui est passé de 53 % en 1975 à 67 % en 2011. Il sélève même aujourdhui à 84 % pour les femmes de 25 à 49 ans. Il apparait en effet que cest parce que les femmes nont pas eu à choisir entre « travail » et « enfant » que le taux de natalité est resté à un niveau proche du seuil de renouvellement des générations.
Cette dynamique daccroissement du taux demploi féminin a été encouragée par la politique familiale, et plus particulièrement par le développement des services daccueil du jeune enfant, permettant aux femmes de concilier vie familiale et vie professionnelle. La palette des instruments est aujourdhui extrêmement variée : crèches, scolarisation à trois ans, prestations pour lembauche dune assistante maternelle, aides fiscales pour lemploi dune garde à domicile, etc. La France consacre aujourdhui plus de 10 milliards deuros à laccueil des enfants des moins de trois ans, âge à partir duquel lensemble des enfants peuvent être scolarisés (ce qui constitue au passage une singularité française puisque cette scolarisation ne débute quà 5 ou 6 ans dans de nombreux pays de lOCDE). Un cercle vertueux sest donc instauré, permettant tout à la fois de promouvoir légalité entre les femmes et les hommes, de permettre la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale, et de garantir un indice de fécondité important.
3. Cest dans ce contexte que sinscrit la politique que notre gouvernement entend conduire pour toutes les familles Notre action portera plus précisément dans cinq domaines dans les mois qui viennent :
1/ Le développement des solutions daccueil du jeune enfant et de la préscolarisation dès 2 ans pour assurer légalité entre les femmes et les hommes mais également pour lutter contre les inégalités sociales. La socialisation précoce a en effet un impact déterminant sur le devenir des enfants les plus vulnérables.
2/ Le développement des services de soutien à la parentalité, pour aider les parents à élever leurs enfants, car quel que soit le milieu social dont ils sont issus, quelle que soit la configuration familiale, ils font part dun besoin croissant daccompagnement. Il sagit donc daider les parents à être parents.
3/ La conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, en impliquant les entreprises dans la reconnaissance de ce que jappelle le « temps parental » permettant de concilier bien être des salariés et performance économique (charte de la parentalité signée par les entreprises).
4/ La réflexion sur léventuelle réduction de la durée du congé parental (pouvant actuellement durer jusquà trois ans).
5/ La promotion dune plus grande justice sociale par une amélioration du caractère redistributif de larchitecture de nos prestations familiales. Cette politique familiale, à laquelle tous les français et tous les partis politiques sont attachés se doit aujourdhui de concilier prestations financières et nouveaux services.
Ces exigences sont dautant plus fondamentales compte tenu de la diversité des modèles familiaux existant en France : familles recomposées, familles homoparentales, familles monoparentales.
Ainsi que la politique familiale constitue un axe majeur du projet présidentiel qui vise, dans ce contexte de crise, à développer lemploi, investir dans la jeunesse et préparer lavenir.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 11 janvier 2013