Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem à RMC le 23 mai 2013, sur le rapport de la Cour des Comptes , notamment sur les effectifs d'enseignants et les violences faites aux femmes.

Prononcé le

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral


JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez aller à Rouen samedi pour rendre hommage à Jeanne d’ARC. Alors j’ai lu sur les réseaux sociaux que c’était une honte, que c’était une insulte pour Jeanne d’ARC, une profanation même. Pourquoi ? Parce que vous êtes musulmane ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ah ! C’est une question intéressante qu’il faudrait poser plutôt à ceux qui rédigent ces messages.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous la pose. Vous pensez que ça compte, vous pensez que c’est la raison principale ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ecoutez, je l’ignore. En tout cas ce que je peux vous dire c’est que moi la raison principale pour laquelle j’ai accepté avec plaisir en plus d’aller à Rouen samedi, à l’invitation du maire de Rouen et de Valérie FOURNEYRON, c’est tout simplement que j’estime que la figure de Jeanne d’ARC ne doit être accaparée par personne, qu’elle appartient à tout le monde et qu’il y a même une vertu évidente , pédagogique, civique, citoyenne à faire en sorte que chacun se sentent concernés par cette partie de l’histoire française ; et pour la ministre des Droits des femmes que je suis, je pense que c’est cette ministre-là qui a été invitée avant toute chose. Evidemment la figure de Jeanne d’ARC représente aussi beaucoup de choses, c'est-à-dire cette figure d’une femme qui a su dépasser sa condition, qui a su aller contre tous les déterminismes, sociaux, culturels, militaires, religieux, de son équipe ; il ne faut pas faire d’anachronisme, mais cela a beaucoup de sens aujourd’hui, donc je me fais un plaisir d’être à Rouen samedi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous serez à Rouen samedi, et vous rendrez hommage à Jeanne d’ARC.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et voilà je rendrais ainsi hommage à une partie de histoire de France, qu’il faut que chaque citoyen aujourd’hui, quel que soit son parcours, quelles que soient ses diversités apprenne à s’approprier un petit peu car cette histoire appartient à tout le monde.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Savez-vous quelle est la femme la plus influente de France ? Selon vous, selon tous les classements ? Christine LAGARDE ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je crois bien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien c’est Christine LAGARDE. Alors justement Christine LAGARDE, parlons-en, puisqu’elle va être auditionnée par la Cour de justice de la République. Imaginons qu’elle soit mise en examen, est-ce qu’elle peut rester à la tête du FMI ou doit-elle quitter le FMI ? Que pense le gouvernement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C’est au FMI de fixer ses règles évidemment.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je m’attendais à cette réponse, mais…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce que je veux dire par là c’est que madame LAGARDE n’est pas membre du gouvernement comme vous le savez, si elle avait été membre du gouvernement nous aurions des règles extrêmement claires. Objectivement, connaissant le FMI et le fonctionnement des instances de ce type, j’ai tendance à considérer que si elle était mise en examen sans doute lui demanderait-on en effet de quitter ses fonctions. Mais ça n’est pas à moi de vous le dire, c’est au FMI de le dire. Aujourd’hui elle ne l’est pas encore. Donc présomption d’innocence…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que le gouvernement, le président de la République vont tout faire pour la préserver ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et pourquoi donc ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne sais pas.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, écoutez franchement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que c’est l’image de la France qui est peut-être en cause ? Parce que dites-moi le précédent président du FMI a dû démissionner. Si le président qui suit démissionne aussi, français qui plus est, ça fait … Ça donne une mauvaise image quand même non ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je ne dis pas le contraire, je ne dis pas le contraire. En revanche ce que je peux vous dire c’est que vous avez vu le gouvernement auquel j’appartiens à l’oeuvre sur ces questions de procédure juridictionnelle, on ne s’en mêle pas, on laisse la justice faire son travail et donc…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne vous en mêlez pas mais enfin vous êtes prêt à déposer un recours sur le fameux arbitrage dans l’affaire TAPIE-CREDIT LYONNAIS.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Que les choses soient plus claires que cela. S’il ressortait de la procédure juridictionnelle en cours que l’arbitrage avait été rendu dans des conditions, comment dire, empreintes de fraude, alors dans ce cas l’Etat devrait défendre en effet ses intérêts patrimoniaux et se constituer partie civile. C’est bien de cela qu’il s’agit.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais justement lorsque vous étiez dans l’opposition vous aviez crié au loup à l’époque. Vous aviez dit : « c’est un scandale cet arbitrage. 45 Millions d’euros accordés à Bernard TAPIE au titre de dommages et intérêts ». Vous arrivez au pouvoir, plus rien ; et là tout à coup l’affaire revient, et là vous dite « là on va peut-être déposer recours ». Vous auriez pu le déposer avant ce recours non ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Attendez, il y avait une procédure juridictionnelle qui était engagée de longue date, comme vous le savez. Donc encore une fois… Vous savez il faut partir de principes simples pour ne pas s’y perdre. Nous considérons qu’il y a une indépendance de la justice et donc lorsque la justice travaille nous la laissons faire. Et nous la laissons aboutir à ses conclusions avant de voir comment l’Etat peut en effet intervenir non pas pour contre attaquer ou mener une contre-enquête ou faire autre chose, mais simplement s’inscrire dans la décision de justice. Si la décision de justice dit qu’il y a eu un problème alors l’Etat devra encore une fois défendre ses intérêts, et se constituer partie civile puisque jusqu’à présent il n’a pas accès au dossier l’Etat, c’est en justice.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous avez des doutes sur ce qui s’est passé ? Franchement.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Encore une fois vous l’avez dit vous-même lorsque nous étions dans l’opposition, nous avons beaucoup dénoncé cette façon de procéder…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dénoncez toujours de la même manière j’imagine maintenant que vous êtes au pouvoir ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
En tout cas ce que nous avons décidé par exemple lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités c’est que le consortium de réalisation, celui qui traite de tout le passif du CREDIT LYONNAIS, on a fait en sorte que ne soit pas reconduit celui qui était à la tête de ce consortium de réalisation puisque la justice…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous aviez des doutes.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Puisque la justice semblait y mettre un certain nombre d’interrogations sur son sujet. Donc vous voyez l’Etat a fait en sorte finalement que les choses soient planifiées pour que la justice puisse faire son travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous pensez que Christine LAGARDE a agi sur ordre ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous m’en demandez beaucoup encore une fois. Pardonnez-moi Jean-Jacques BOURDIN, mais lorsqu’une procédure est juridictionnelle la commenter si vous voulez ça ne nous mène pas à grand-chose. Attendons les conclusions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors commentons autre chose. Commentons le rapport de la COUR DES COMPTES sur l’Education nationale …
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C’est autre chose.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous l’avez lu ce rapport évidemment. Moi aussi je l’ai lu. Il dit d’abord que finalement 60 000 personnels dans l’Education nationale en plus ce n’est pas vraiment utile, qu’on pourrait gérer autrement les personnels de l’Education nationale. Que dites-vous à monsieur MIGAUD, le président de la COUR DES COMPTES ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce que je vous dis d’abord à vous c’est que peut-être il faudrait le relire à nouveau le rapport parce qu’il ne dit pas exactement ça. D’abord le rapport c'est un réquisitoire extrêmement sévère contre ce qui s’est passé pendant l’ancien quinquennat, jusqu’en 2012 ; c’est à dire la disparition de 80 000 postes dans l’Education nationale d’une part, et aucune gestion fine, modernisation de l’Education nationale alors qu’elle s’impose en effet. Depuis que nous sommes aux responsabilités, nous avons fait l’exact inverse, là où il y avait du « ni ni », c'est-à-dire ni poste, ni modernisation, nous nous faisons du « et,et » et nous mettons des postes, 60 000 sur le quinquennat, près de 7000 à la prochaine rentrée 2013. Et nous modernisons le système. Comment le modernisons-nous ? Par exemple en remettant la formation des enseignants. C’est quand extraordinaire qu’on ait supprimé la formation initiale et continue des enseignants alors que c’est quand même a priori le métier qui en a le plus besoin. Comment le modernisons-nous ? En rénovant les concours de recrutement des enseignants pour faire en sorte d’attirer de plus en plus des gens et pas toujours les mêmes. Par exemple en faisant en sorte qu’une partie des emplois d’avenir, les fameux emplois d’avenir soient des emplois d’avenir professeurs, pour attirer des jeunes dans les zones urbaines sensibles etc., vers le métier, vers la vocation de professeur. Nous sommes en train de moderniser cela. A l’automne prochain Vincent PEILLON va conduire des discussions sur la question des métiers, des missions, des carrières des enseignants ; est-ce que ça n’est pas de la rénovation tout cela ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien nous allons voir parce que nous n’avons pas la même lecture alors du rapport de la COUR DES COMPTES, parce que dit la COUR DES COMPTES : des profs mal payés, mal répartis, mal évalués. Que dit–elle : myopie dans les recrutements, tyrannie de l’ancienneté ; désaffectations injustes ; etc, etc. Pas assez de polyvalence ; des salaires évidemment, évidemment trop faibles, beaucoup trop faibles. Est-ce que vous prévoyez d’ailleurs d’augmenter les profs ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ça fait partie des négociations encore une fois qui auront lieu. Mais …
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que les salaires des professeurs vont être augmentés, compte tenu des économies que l’Etat doit faire ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
On ne peut pas répondre de façon généraliste à cette question…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment se fait-il qu’un prof qui travaille bien, après quarante ans de carrière ne touche que 16 % de plus qu’un prof qui ne progresse qu’à l’ancienneté ? Comment ça se fait ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais là vous prêchez une convaincue. Le fait que certains enseignants…Mais encore une fois c'est pour ça qu’il ne faut pas généraliser les choses. Certains enseignants en effet sont j’allais dire rémunérés de façon …
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des fois ils voient un inspecteur tous les dix ans…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
…Assez insatisfaisante par rapport aux services qu’ils rendent à la société.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment voulez-vous qu’on les évalue correctement ? Pourquoi est-ce qu’il n’y a pas une autoévaluation dans les établissements ? C’est ce que propose la COUR DES COMPTES ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais, si vous m’écoutez…. Je vous dis que la question des rémunérations est une question à part entière, mais qui ne peut pas être exclusive de tout le reste. Parce que les conditions de travail des enseignants sont aussi liées au nombre d’enseignants qu’il y a dans les établissements. Lorsque, comme tous l’ancien quinquennat, on avait supprimé donc 80 000 postes, lorsqu’on avait des classes qui étaient de plus en plus grandes, de plus en plus nombreuses, vous aviez des enseignants qui avaient des agendas surchargés, qui étaient face à des classes qu’ils avaient du mal à gérer, à maitriser et des difficultés dans les conditions de travail. Aujourd’hui on leur facilite d’une certaine façon les conditions de travail, ça ne veut pas dire que ça répond à forcément la question du pouvoir d’achat, c’est pour ça que je vous dis que c’est une vraie question, mais qui sera abordée par le ministre de l’Education nationale dans le cadre des discussions de négociation…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce qu’il faut les augmenter ? Je vous pose la question ? A vos yeux.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moi je pense que ceux qui sont le plus en précarité en effet mériteraient d’être augmentés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous savez qu’un enseignant du primaire chez nous commence à 21 000 euros annuel, 6000 euros de moins que dans la moyenne de l’OCDE. Eh bien oui.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, oui, non, mais encore une fois c‘est le résultat quand même d’années de politique ….
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais oui…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais oui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On a donné de plus en plus de moyens à l’Education nationale avec des résultats qui sont de moins en moins bons. On doit se poser des questions quand même non ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Attendez, excusez-moi Jean-Jacques BOURDIN, mais c’est ça le problème, c’est que cette analyse qui est faite du rapport de la COUR DES COMPTES est tronquée, c'est-à-dire que c’est vrai que les résultats sont de moins en moins bons, on l’a constaté dans les classements Pisa, on est de moins en moins bien classé. Mais enfin c'est le résultat des politiques conduites ces dix dernières années. Et nous nous sommes là depuis un an et nous essayons de remettre en route la machine…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ou conduites depuis les trente dernières années !!
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et je peux vous dire de remettre en route la machine, et je peux vous dire que ça produira ses résultats ne serait-ce que par exemple vous savez la priorité qui est donnée aux primaires, le fait de chercher à re-scolariser les enfants avant l’âge de trois ans, ça prend du temps par définition, mais ça, ça va donner des résultats et on pourra juger dans quelques années si nous avons réussi de ce point de vue-là ou pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On change de sujet. Vous vous attaquez évidemment, puisque vous êtes ministre des Droits des femmes, aux violences faites aux femmes. Et vous nous annoncez une mesure ce matin. Vous allez généraliser ce numéro de téléphone qui permet dans l’urgence aux femmes battues d’appeler à l’aide, d’appeler au secours. C’est cela ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, c'est le « téléphone portage grand danger ». En fait ça a été une expérimentation d’un département qui était très en avance sur ces questions de lutte contre les violences faites aux femmes, qui est le département de la Seine Saint Denis, et qui consiste en gros à mettre ensemble des acteurs, c'est-à-dire que le problème d’une femme victime de violence c’est qu’elle en s’est jamais à qui s’adresser, quand elle ose s’adresser à quelqu’un. Et donc mettre ensemble à la fois le procureur, des associations d’aide aux victimes de violence, le commissariat, une assistante sociale, etc., tout cela fait que la femme a un guichet unique en guise d’interlocuteur pour dire les choses rapidement. Qui se manifeste concrètement par l’existence d’un téléphone portable dit de grand danger, qu’on lui remet lorsqu’on sait qu’elle est clairement susceptible de faire l’objet de nouvelles violences et qui lui permet, lorsque l’auteur des couts revient vers elle, en appuyant sur une touche de voir débarquer la police chez elle dans les dix minutes qui suivent. Et ça c’est très quand même assez extraordinaire, c’est très efficace parce que ça a permis d’éviter y compris des meurtres, parce que quand on parle de violence conjugale malheureusement ça se finit de façon tragique trop souvent. Je rappelle quand même les chiffres : une femme qui meurt sous les coups de son conjoint tous les deux jours et demi ; et donc ce téléphone portable grand danger, moi quand je suis arrivée je me suis dit : mais tout le monde voit bien que ça fonctionne, c'est quand même une injustice flagrante que ce soit réservé à quelques départements particulièrement proactifs, et donc nous avons décidé de le généraliser …
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans quatre départements.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà c’était quatre départements quand je suis arrivée. C’est en ce moment même … une vingtaine de départements sont en train de l’adopter sous notre impulsion, et d’ailleurs avec le Premier ministre cet après-midi dans l’Eure nous allons assister à la signature de l’adoption de ce téléphone par le département, et nous faisons en sorte que l’ensemble des départements français l’adopte d’ici le 1er janvier 2014, ce qui fait que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
D’ici la fin de l’année… donc tout le territoire sera couvert.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà, c’est important qu’une femme victime de violence ne soit pas traitée différemment en fonction du lieu où elle habite.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et ces téléphones, comment, c’est le procureur de la République ? Qui décide, c’est la justice qui décide de les attribuer ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C’est en effet, le procureur de la République, mais en lien avec une association qui donc connait la femme, qui connait la gravité de sa situation, en lien avec un commissariat, une assistante sociale. D’ailleurs vous voyez bien qu’en fait, c’est un…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça coûte combien ce dispositif ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C’est plusieurs millions d’euros, mais ça les vaut ! Vous savez, les violences faites aux femmes, quand on considère les dégâts et souvent irréparables, coûtent beaucoup plus…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien de téléphones seront distribués selon vous ? On sait à peu près ? On a des chiffres non ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, c’est difficile à dire. Cela dépend, évidemment des territoires, cela dépend encore une fois, de la susceptibilité de récidive qui est examinée au cas par cas. Donc on ne peut pas s’avancer sur des chiffres. Mais ce qui est fondamental derrière cela, c’est que s’organise une espèce de climat, de protection autour de la femme. Et par exemple, ce qui va de pair avec cela, c’est que désormais dans les commissariats et les gendarmeries on fera en sorte, qu’il y ait un assistant social qui soit là, qui soit présent pour que la femme, y compris lorsqu’elle ne veut pas déposer plainte, parce que beaucoup de femmes poussent la porte d’un commissariat, mais finissent par ne pas déposer plainte et laisse juste une main courante. Ces mains courantes jusqu’à présentes, elles atterrissaient souvent à la poubelle. Et donc aujourd’hui, nous disons et le premier signera une circulaire sur ce sujet aussi, les mains courantes doivent systématiquement données lieu à un suivi. La femme doit être reçue par un assistant social qui doit l’inciter finalement à raconter, à dire les choses, lui apporter des solutions pour éviter que lorsqu’une femme tire une sonnette d’alarme, eh bien, cela tombe dans le vide et qu’il ne se passe rien et qu’on la voie revenir 15 jours après, couverte d’hématomes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais si la victime ne peut pas parler. Si la victime, si elle appuie, elle lance ce message d’alerte, il va y avoir un système de géolocalisation, j’imagine ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui. Oui, c’est cela, on y travaille en effet, le perfectionnement du système du téléphone portable grand danger, passe par la géolocalisation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Par la géolocalisation. Deux mots encore, Sylvie ANDRIEUX qui est députée socialiste des Bouches-du-Rhône condamnée à 3 ans de prison dont 1 an ferme, pour détournement de fonds publics. D’accord, elle fait appel, mais doit-elle être suspendue du parti ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous savez que le Parti socialiste de toute façon, ne lui avait pas renouvelé son investiture, aux élections législatives de 2012. Donc le Parti socialiste de fait, s’est exprimé sur le cas de madame ANDRIEUX.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle n’est plus du tout socialiste à vos yeux ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
A ma connaissance, elle ne siège pas en effet, au sein du groupe socialiste à l’Assemblée nationale. Elle a été élue, mais ça, c’est une question qu’il faut poser aux électeurs. Elle a été élue malgré sa non-investiture donc par le Parti socialiste et elle ne siège pas au groupe socialiste.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que l’activité diplomatique de Nicolas SARKOZY en Israël, activité diplomatique que l’on peut qualifier de logique, est-elle logique à vos yeux pour un ancien président de la République ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous savez, encore une fois, Nicolas SARKOZY est libre de ses faits et gestes. Dont on ne va pas lui contester la possibilité de se déplacer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, je vous pose la question.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
En France ou en dehors. Non, simplement, je crois qu’il est clair pour tout le monde, que celui qui porte la voix de la France, aujourd’hui, c’est évidemment le président élu, en exercice, François HOLLANDE, voilà ! Donc lorsque Nicolas SARKOZY s’exprime, en quelle qualité le fait-il ? Celle d’ancien président, voilà !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne voyez rien à redire, si je comprends bien ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, il ne faut pas introduire de doute dans l’esprit, je pense des interlocuteurs étrangers, que l’on peut avoir. Et d’ailleurs, il y a une règle, républicaine qui prévaut généralement, dans ces cas-là, qu’on soit dans la majorité ou en exercice ou dans l’opposition lorsqu’on est à l’étranger, on évite de dire du mal de son pays, c’est tout !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et ce matin, que dites-vous à François OZON, le réalisateur, qui a dit, qui estime que beaucoup de femmes ont le fantasme de la prostitution ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il est revenu sur ses propos, en les qualifiant…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, d’accord, mais enfin, il les a dit !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
De maladroits. Vous savez, j’ai beaucoup réfléchi à ça, parce que j’étais, comment dire, j’ai organisé récemment une réunion avec un grand nombre d’acteurs du cinéma, notamment des réalisateurs, mais pas seulement, pour évoquer la question du manque d’équilibre entre les sexes, dans le palmarès à Cannes, qui était beaucoup commenté. Et mon propos à ce moment-là, c’était de dire, moi, je ne pense pas qu’il faille, vous voyez, fixer la contrainte d’un palmarès paritaire, parce qu’on sait bien, qu’il y a de l’arbitraire dans la sélection des oeuvres etc. et que c’est d’abord de créateur que l’on parle, quel que soit leur sexe. En revanche, c’est très important de s’assurer en amont, que toutes les garanties soient là, pour que homme comme femme puisse défendre leur projet, voilà, le faire connaître etc. Et pourquoi est-ce que c’est très important ? Parce que je pense que le regard sur le monde des femmes comme des hommes compte, que le cinéma ça nous présente un regard sur le monde. Or OZON finalement, il nous présente un regard sur le monde, en l’occurrence, un regard sur les femmes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça vous a choqué ? Cette phrase vous a choquée ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Un regard sur les femmes qui peut paraître pour le moins réducteur, ou alors trop généralisant, sur un sujet comme la prostitution….
JEAN-JACQUES BOURDIN
Luis BUNUEL avait fait la même chose…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Qui est un sujet grave, mais vous savez Luis BUNUEL, c’est marrant, parce que moi, j’ai beaucoup aimé « Belle de jour » je vais vous dire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, moi aussi.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
J’ai retrouvé un propos de Catherine DENEUVE qui jouait donc « Belle de jour » qui commentant son rôle dans « Belle de jour » disait : Mais vous savez, je ne m’identifie absolument pas à la vicieuse de « belle de jour » ça, c’est l’image de la femme telle que la voit Luis BUNUEL, ce n’est pas du tout la mienne. Et c’est intéressant, parce que ce que je veux dire par-là, c’est que ça démontre à quel point, il est important qu’on puisse entendre, aussi la voix de réalisatrice quand on parle de cinéma, parce que les femmes ont un regard sur les femmes, qui n’est pas forcément le même que celui que les hommes ont sur elles. Et si OZON lui-même, a reconnu que ses propos ont été maladroits, c’est parce que de fait, ils ont été forts maladroits. Parce que c’est terrifiant de finalement, de banaliser, de donner à croire qu’il y a une forme de légèreté, dans la question de la prostitution, qui n’existe pas. Il n’y a pas de légèreté. Légèreté et prostitution c’est antinomique.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 mai 2013