Texte intégral
GILLES BORNSTEIN
Bonjour à tous, bonjour Marisol TOURAINE.
MARISOL TOURAINE
Bonjour.
GILLES BORNSTEIN
Merci dêtre là, à quoi rime un séminaire de rentrée sur 2025 quand on ne sait pas ce qui va nous arriver dans quelques semaines sur les retraites, jespère que vous nous le direz, sur le budget ou sur lemploi ?
MARISOL TOURAINE
La meilleure façon de préparer les décisions daujourd'hui c'est de réfléchir à ce que nous voulons être la France de demain. On ne peut pas inscrire une action avec simplement le nez sur le guidon et voir le prochain tournant. La droite elle a tellement été dans la réaction immédiate, clic-clac, un fait divers, une loi quelle ne peut pas comprendre que nous réfléchissions à lavenir pour préparer précisément cet avenir et quil sagisse de lemploi, de la réorientation de notre activité économique, des décisions sociales à prendre, on voit bien que cest en fonction de ce que nous voulons être la France de demain que nous devons prendre les décisions daujourd'hui.
GILLES BORNSTEIN
Alors il y en a un qui a brisé le consensus manifestement, c'est Jean PISANI-FERRY, le nouveau Commissaire général à la stratégie, là où tout le monde promettait le plein emploi, un logement pour tout le monde, lui il a promis une France plus vieille, plus petite et moins riche, ce qui ne fait pas vraiment rêver. Comment cette France-là pourra-t-elle préserver son modèle social dont vous avez la charge ?
MARISOL TOURAINE
C'est une des grandes questions que vous posez là et c'est ce sur quoi dailleurs, je suis intervenue hier au séminaire gouvernemental. Au fond, notre pacte social il fait partie de notre patrimoine républicain et un des grands enjeux, cest de savoir comment ce pacte social, cette solidarité peut résister aux défis qui existent, le défi du vieillissement, la question du financement par exemple. Vous avez deux approches : soit vous vous dites, au fond, je dois tout faire pour maintenir ce qui est en létat ; soit vous vous dites et cest ce que nous préconisons, nous devons adapter ce modèle social pour faire en sorte quil prenne davantage en compte les réalités quotidiennes des gens. Je vous prends un exemple, vous évoquiez tout à lheure la question de la retraite, mais je pourrais évidemment, évoquer dautres sujets. Sur la question de la retraite, la réforme à laquelle je travaille aujourd'hui, à laquelle travaille le gouvernement cest quoi ? Ca nest pas simplement de dire je dois colmater des brèches et trouver du financement pour les quelques années qui sont devant nous, ça cest ce qua fait la droite et on voit que, année après année, il faut y revenir. Ce que nous voulons faire cest inscrire une nouvelle perspective et donner de la visibilité à lensemble des Français. Concrètement comment ? En disant il nest pas normal que tout le monde parte à la retraite dans les mêmes conditions si les conditions de travail ne sont pas les mêmes. Eh bien une manière dadapter, de moderniser, de sauver notre modèle social, cest de faire en sorte quil prenne davantage en compte la réalité de la vie de chacun de nos concitoyens. Il y a des Français qui ont eu des carrières pénibles, jen ai rencontrés, la semaine dernière jétais avec le Premier ministre à rencontrer des salariés dune entreprise qui creuse des tunnels, ils nous ont tous ces salariés, dit à la fois leur enthousiasme et leur passion pour leur travail et en même temps, jai pu constater quils travaillent au quotidien dans des conditions pénibles. Il est donc normal que ces salariés ne partent pas dans les mêmes conditions à la retraite que vous ou moi.
GILLES BORNSTEIN
On parlera des retraites un peu plus tard, mais dune manière générale, puisque la France sera plus petite et moins riche, est-ce quelle pourra garder son niveau de protection sociale ou est-ce quinéluctablement, nous serons moins protégés dans dix ou douze ans ?
MARISOL TOURAINE
Nous devons tout faire pour sauver le modèle social et cest précisément pour cela, ce que je vous disais
GILLES BORNSTEIN
Oui mais le sauver en ladaptant par le bas.
MARISOL TOURAINE
Non, pas en ladaptant par le bas, en faisant en sorte quil réponde mieux aux préoccupations des gens et quil réponde mieux au défi quil nous faut prendre en compte. Notre système de santé ne peut pas se reproduire sans transformation. Très concrètement, quelquun aujourd'hui qui est malade nest pas malade comme létait quelquun il y a trente ans. Il a besoin dêtre suivi dans la durée, dêtre davantage accompagné. Nous devons concentrer les moyens en direction précisément dune réorganisation de notre système de santé, faire que le médecin généraliste près de chez vous travaille main dans la main avec lhôpital par exemple. Nous devons faire en sorte que les services durgence soient réorganisés pour quils puissent mieux prendre en charge ceux qui sy présentent et donc nous avons des défis à relever. La droite elle au fond, elle peut saccommoder dune dérive du système social parce que si nous ne faisons rien, si nous ne ladaptons pas, alors vous aurez ceux qui iront sassurer chez des assureurs privés ou ceux qui iront vers des fonds de pension pour garantir leur retraite. La volonté de ce gouvernement, cest précisément de prendre aujourd'hui les décisions qui permettront que dans dix ans, eh bien les Français puissent toujours compter sur un système social fort, rassembleur et protecteur.
GILLES BORNSTEIN
Alors dans une semaine, pas dans dix ans, cest lannonce de la réforme sur les retraites, un certain nombre de choses paraissent acquises, en particulier lallongement de la durée de cotisation, est-il acquis, Marisol TOURAINE, quil y aura pour financer cette réforme, une augmentation de la CSG ?
MARISOL TOURAINE
Les décisions aujourd'hui ne sont pas encore prises, le Premier ministre rencontrera les organisations syndicales et patronales
GILLES BORNSTEIN
Pour leur faire part des décisions du gouvernement, donc jimagine quelles sont prises.
MARISOL TOURAINE
Pour faire part de larchitecture de la réforme. Nous sommes en train, ces derniers jours, de déterminer les choix qui doivent être présentés, la CSG est une des options, cest une option qui a sa cohérence, il y a dautres options sur la table. En tout cas lessentiel de la réforme est évidemment dapporter un financement qui consolide nos régimes de retraite dans la durée, mais on nen restera pas là et nous ne pouvons pas en rester là. Ce qui serait dangereux précisément cest de mettre sur la table une réforme des retraites qui se contente comme je vous le disais il y a un instant, de chercher à boucher les trous financiers que la droite nous a légués. Il sagit véritablement dengager une réforme dans la durée, pour lavenir, pour donner de la confiance aux jeunes générations qui aujourdhui, ne nous le cachons pas, sont interrogatives sur le fait de savoir si demain, lorsque viendra leur tour de partir à la retraite, elles pourront compter sur la solidarité nationale. Lorsque vous parlez avec des jeunes générations, vous entendez très souvent le sentiment que le moment venu, il ny aura plus de régime de retraite. Notre responsabilité cest de garantir que dans dix ans, dans vingt ans, il y aura toujours des régimes de retraite et que les Français contribuent aujourd'hui mais demain pourront compter sur la solidarité nationale.
GILLES BORNSTEIN
Hier au séminaire, des propos de Manuel VALLS rapportés dans la presse : lIslam doit démontrer quil est compatible avec la démocratie, il faut sinterroger sur la question du regroupement familial. Est-ce que vous êtes daccord avec ces propos ?
MARISOL TOURAINE
Des interventions ont eu lieu hier au séminaire, chacun a présenté des orientations en fonction de son propre champ de compétences, je crois que nous devons rappeler évidemment, que nous sommes dans un cadre républicain et que ce cadre républicain doit être réaffirmé, il y a des lois, il y a des règles, elles doivent être respectées par tous. Pour ma part je ne crois pas que la mise en cause du regroupement familial serait une manière de faire vivre notre cadre républicain. Pour autant, des règles existent et elles doivent être appliquées, cest-à-dire quil ne sagit pas de dire que les mouvements de populations peuvent se faire comme bon semble à chacun. La France, la République a des règles, limmigration doit être encadrée, pour autant, cet encadrement est connu, il est précisé et au fond il doit nous permettre de vivre tous ensemble.
GILLES BORNSTEIN
Mais vous lavez dit, le regroupement familial na pas vocation à être remis en cause. Jai une dernière question : labolition des peines plancher est une proposition du président de la République donc vous nallez pas me dire que vous êtes contre, ma question : est-ce quil faut le faire tout de suite, est-ce que cest une priorité du gouvernement ou est-ce quon a un peu le temps pour le faire ?
MARISOL TOURAINE
La garde des Sceaux présentera un projet de loi dans quelques semaines en Conseil des ministres qui viendra en discussion, lenjeu c'est quoi ? C'est de faire en sorte que la récidive soit davantage prévenue, nous ne pouvons pas accepter quil y ait des récidivistes qui au fond se sentent impunis ou se sentent en situation de ne pas pouvoir être arrêtés. La question est, est-ce que la prison, est-ce que les peines plancher sont la meilleure façon dy répondre ? C'est à cela que travaille la garde des Sceaux et je suis convaincue que le temps
GILLES BORNSTEIN
Pour tout de suite ou pour après les municipales pour dire les choses clairement ?
MARISOL TOURAINE
un projet de loi, un projet de loi sera présenté prochainement en Conseil des ministres, aujourdhui nous en sommes au temps du débat et cest évidemment à la garde des Sceaux de faire ses propositions.
GILLES BORNSTEIN
Merci Marisol TOURAINE, bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 août 2013