Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invité ce matin, Michel SAPIN, ministre du Travail. Michel SAPIN, bonjour.
MICHEL SAPIN
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je me tourne vers vous parce quexceptionnellement nous ne sommes pas face à face, Michel SAPIN, parce que je suis assisté dun homme qui sappelle Alain GUEZOU, qui a 56 ans.
ALAIN
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bonjour Alain, vous êtes notre grand témoin sur RMC depuis ce matin, Alain, 56 ans, vous cherchez du travail depuis 6 ans.
ALAIN
Je cumule les petits CDD depuis 6 ans on va dire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, vous cumulez les petits CDD, vous avez travaillé dans un cabinet dexpertise comptable.
ALAIN
Oui, pendant 20 ans.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pendant 20 ans. Vous êtes ce quon appelle un précaire.
ALAIN
Un travailleur pauvre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un travailleur pauvre. Vous touchez le RSA.
ALAIN
Par alternance.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Par alternance, et vous allez être notre grand témoin, vous avez préparé trois, quatre questions à poser au ministre du Travail Michel SAPIN. Michel SAPIN, 6300 chômeurs de plus en juillet, +0,2%, +1,1% si lon inclut les chômeurs ayant exercé une activité réduite, comment qualifier cette progression ? Quel mot emploieriez-vous ce matin ?
MICHEL SAPIN
La première chose, cest le premier reflex, cest de dire cest 6000 de trop, puisque cest 6000 de plus, et parmi ceux-là il y a peut-être quelquun qui vous ressemble, même si ceux-là viennent darriver au chômage alors que vous, la grande difficulté, cest que vous lêtes par intermittence, pour reprendre votre expression, depuis 6 ans.
ALAIN
Tout à fait.
MICHEL SAPIN
Donc cest le premier reflex, cest toujours 6000 de trop, et de ce point de vue là ce nest pas linversion de la courbe du chômage. Dailleurs, ce sont les chiffres de juillet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous savez, je vais vous arrêter tout de suite Michel SAPIN, moi, cette histoire dinversion de la courbe du chômage, je nen parle plus, parce que je considère que cest un artifice de communication, alors on va oublier cette inversion de la courbe du chômage.
MICHEL SAPIN
Eh bien je vais vous démentir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors allez-y, pourquoi ? Dites-moi.
MICHEL SAPIN
Et cest le gros avantage de vous avoir, Monsieur, en face de nous. Cest quil y a des statistiques qui sont totalement invisibles, hors du temps. Si je vous parle de taux de prélèvements obligatoires, personne ne la rencontré au coin de la rue. Si je vous parle de taux de croissance je préfère quil y ait de la croissance, il y a un retour de la croissance en France personne ne rencontre le taux de croissance au coin de la rue. Mais si je vous dis, hausse ou baisse du chômage, ça cest extrêmement concret. Cest quelquun, ici, là, sur ce plateau, ou cest quelquun dans une famille, cest quelquun autour de soi, qui est soit de plus au chômage, soit de moins.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais Michel SAPIN
MICHEL SAPIN
Donc ce nest pas un artifice de communication. Quand on dit cela, je pourrais le dire autrement, lobjectif du gouvernement cest que dici à la fin de lannée le nombre des chômeurs diminue. Moins de chômeurs, cest moins de personnes en difficulté. Moins de jeunes au chômage, ce sont des jeunes qui retrouvent lespoir de construire leur vie. Moins de personnes au chômage depuis très longtemps, et ça cest une des grandes questions daujourdhui, parce que dans les chiffres il y a laugmentation du nombre des chômeurs de très longue durée, comme vous Monsieur, donc voilà, cest concret. Ce sont des gens, ce sont des regards, ce sont des personnes. Donc, je comprends que vous disiez que cest un artifice de communication, ça ne lest pas, cest un objectif de politique économique et sociale, et nous atteindrons cet objectif. Donc pour reprendre comment je qualifie ce chiffre, pour reprendre votre question, je le qualifie dun ralentissement, et avant dinverser, avant de faire diminuer le nombre des chômeurs, il faut commencer par ralentir la hausse de ce chômage, cest ce qui se passe. Nous allons dans la bonne direction.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un ralentissement, ok, +0,2%.
MICHEL SAPIN
Et regardez pour les jeunes, la courbe du chômage
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, alors justement, il faut regarder les chiffres. Le nombre de jeunes au chômage diminue.
MICHEL SAPIN
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
0,8% pour juillet.
MICHEL SAPIN
Pour le troisième mois consécutif.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour le troisième consécutif, je suis daccord.
MICHEL SAPIN
Cest important, parce que ces chiffres du chômage ils sont, comme on dit dans leur jargon, assez volatiles, parce quil suffit que Pôle Emploi ait travaillé une journée de plus
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour les plus de 50 ans ça augmente
MICHEL SAPIN
Oui, bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais on va sattarder sur les jeunes. Emplois davenir, plus de 50 000.
MICHEL SAPIN
Oui, nous avons passé le cinquante millième lundi, mais là encore ce nest pas une course aux chiffres, on ne va pas être dans une sorte de je ne sais pas quoi de TELETHON.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Cest une course aux chiffres lorsque vous voulez inverser la baisse, la courbe.
MICHEL SAPIN
A chaque fois moi je me déplace énormément je ne lai pas fait au mois daoût, encore que si, je lai fait avec le président de la République, nous avons rencontré des jeunes en emplois davenir mais, à chaque fois que je rencontre un jeune qui vient signer un contrat, un emploi davenir, cest extraordinaire, il vous raconte ce quil a vécu, et ce quil a vécu cétait « je nai pas davenir », « on ne me fait pas confiance », « on ne me fait plus confiance », et là, à chaque fois ce sont 50 000 jeunes à qui la société a fait de nouveau confiance, ça change beaucoup de choses.
JEAN-JACQUES BOURDIN
100 000 à la fin de lannée, lobjectif sera tenu ?
MICHEL SAPIN
100 000 à la fin de lannée, il sera tenu, et je peux même dire que jespère quil sera dépassé. Mais là encore, je ne fais pas du TELETHON.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon.
MICHEL SAPIN
Cest 100 000 personnes, 100 000 jeunes, qui auront trouvé une solution, et une solution durable, pas pour les occuper pendant quelques mois, jentends parfois des critiques de cette nature, cest assez scandaleux comme critiques, ce sont des emplois qui sont durables, pour au moins 1 an ou 3 ans, avec ce quil y a de plus important pour un chômeur, de quelle que nature quil soit, quil soit jeune ou quil soit plus âgé, cest davoir la formation correspondante aux besoins actuels des entreprises.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Contrats de génération, combien ?
MICHEL SAPIN
Contrats de génération, ça a démarré fort, les petites entreprises, les moins de 50, et ça ne marche pas suffisamment bien dans les plus de 50, pour des raisons qui tiennent au fait quil faut des négociations, dabord, entre partenaires sociaux. La date limite
JEAN-JACQUES BOURDIN
On en est à combien ?
MICHEL SAPIN
Je nai pas le chiffre là, je vous le donnerai bien sûr, mais je vous le donnerai à la fin du mois de septembre, c'est-à-dire au moment où la date limite des négociations dans les entreprises sera atteinte, et là je suis persuadé quil y aura énormément de contrats de génération.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien demplois aidés créés en 2013, combien ?
MICHEL SAPIN
Alors ce sont des chiffres qui sont toujours difficiles, mais ce qui est programmé par le gouvernement cest quil y ait 330 000 emplois aidés classiques en plus, bien entendu, des emplois davenir. C'est-à-dire, pour le dire autrement
JEAN-JACQUES BOURDIN
ça fait 400 000.
MICHEL SAPIN
Pour le dire autrement, ce sont les chiffres
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça fait 500 000 sur lannée quoi !
MICHEL SAPIN
Là cest du... soyons très clairs. Je souhaite que dici à la fin de cette année, puisque cest ça que vous voulez me faire dire, il y ait 100 000 personnes de plus qui sont aujourdhui en difficulté, des jeunes ou des moins jeunes, et qui puissent retrouver un emploi et un espoir, voilà lobjectif
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc un emploi aidé.
MICHEL SAPIN
Un emploi quon appelle aidé, parce quà un moment donné il faut aider
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et qui coûte cher.
MICHEL SAPIN
Quand on est chômage
JEAN-JACQUES BOURDIN
A lEtat.
MICHEL SAPIN
Quand on est au RSA, est-ce quon ne coûte pas quelque chose dune manière ou dune autre ? Moi je préfère quelquun qui « coûte » - je naime pas beaucoup le terme de coûter quand on parle des hommes et des femmes
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est daccord.
MICHEL SAPIN
Mais je préfère quelquun qui « coûte » à la société quand il est au travail, plutôt que quelquun qui « coûte » à la société quand il est au chômage. Il ne faut pas avoir cette dévalorisation, que je ressens dans le terme de « emplois aidés. »
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est totalement daccord Michel SAPIN, mais alors oublions toutes les statistiques, parce que jai la sensation quaujourdhui, lorsquon parle emploi, on pense statistiques. Tiens, justement
MICHEL SAPIN
Je crois vous avoir dit le contraire ! Je vous ai dit que derrière la statistique je ne voyais que des visages, je suis heureux de le votre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alain GUEZOU, quest-ce que vous vouliez dire à Michel SAPIN ? Quelle question avez-vous envie de lui poser ?
ALAIN
Avant de poser une question je voulais juste vous dire que, en tant que travailleur pauvre, je suis très très loin de tout ce que vous dites. Je ne comprends pas, je suis désolé, je ne comprends pas votre discours. Etre un travailleur pauvre aujourdhui cest être un esclave, c'est-à-dire que, effectivement là je viens de finir un contrat aidé, pris en charge à 95% par lEtat pour mon employeur, jai été un esclave pendant 6 mois, mais véritablement un esclave, parce que je pense que, avec toute lintelligence que vous avez, parce que je pense que vous êtes quelquun dintelligent, parce que ça fait assez longtemps quon vous suit quand même, ce nest pas parce quon est précaire quon ne sintéresse pas à la vie politique française. Vous oubliez une chose importante, cest quavec les contrats aidés vous ne donnez plus lespoir aux précaires de la notion de travail mais uniquement la notion de revenu.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire, expliquez-nous.
ALAIN
Moi jai fini mon contrat de travail au mois davril
MICHEL SAPIN
Je suis prêt à répondre à ce point-là parce que cest une critique qui est tout à fait justifiée.
ALAIN
Je viens de finir mon contrat de travail le 15 avril, donc depuis le 15 avril je viens de redépendre de Pôle Emploi en fait, et parce que je suis à Pôle Emploi, je nai plus droit au RSA, parce que je ne suis plus considéré comme un travailleur, et donc, quand on va me proposer un ixième CDD, ma première réaction avant de dire « oui, bien sûr, je le prends, cest du travail, donc je retrouve un statut social, je retrouve de lélan, je retrouve », je vais dire « attendez, sur 12 mois, combien dargent je vais perdre ? » Parce quà côté de ça, cest ça où on en est aujourdhui. Quand vous vivez avec 600 euros par mois, que vous êtes quatre dans un foyer, le statut social nest plus important puisque de toute façon vous êtes dans le mépris depuis tellement longtemps. et ce que je trouve dommage de la part dun homme comme vous, enfin pas vous en tant quindividu, en tant que symbole dun gouvernement, cest que vous oubliez trop souvent, vous parlez toujours des jeunes, des jeunes, des jeunes, jai 56 ans, ça fait 6 ans quon me reproche dêtre trop diplômé, ça fait 6 ans quon me reproche de coûter, de effectivement ce quon disait tout à lheure, peut-être que quand jaurai pris ce travail-là je trouverai mieux ailleurs, mais si nous on a une expérience, et vous ne mettez pas à profit notre expérience. On a une valeur ajoutée dont personne ne se sert, et vous savez très bien, puisque vous êtes ministre du Travail, donc vous le savez pertinemment, quand on a 6 mois de présence à Pôle Emploi, on perd toute notion de réalité avec le monde du travail.
MICHEL SAPIN
Dabord je suis sensible à ces remarques, parce quelles correspondent aussi à des réflexions qui peuvent être les nôtres, et quand elles sont dites par celui qui le vit, ça a toujours beaucoup plus de force que par celui qui le regarde, même sil peut le comprendre, comme je le suis moi-même. Mais je voudrais donner quelques éléments dexplication rapide et très concrète. Vous me dites je sors dun contrat aidé de 6 mois, ça cétait les contrats aidés davant, dailleurs il vient de se terminer parce quil a été fait avant. Jai souhaité, jai dit, que je ne voulais plus de ces contrats de très courte durée, qui ne permettent pas à quelquun de sinscrire véritablement dans un nouveau devenir, dans une nouvelle jai demandé à ce que les contrats aidés soient, en moyenne, d1 an ou plus d1 an. Pas pour occuper plus longtemps, mais pour permettre à celui qui est dans ce contrat aidé, dans ce poste-là, de sinscrire dans la durée, comme vous le disiez vous-même, de ne pas simplement penser à ce quil va gagner, qui lui permet de survivre, mais de ce quil va faire derrière. Jai demandé aussi, peut-être nest-ce pas vrai forcément pour vous parce que vous avez par ailleurs une compétence extrêmement précise, quil y ait toujours de la formation, parce quil ne suffit pas, là encore, doccuper, il faut permettre à quelquun, aux sortir de cet emploi aidé, dêtre mieux à même de trouver un travail quavant quil ny rentre. Donc voilà ce à quoi nous travaillons. Après, ce que vous décrivez, qui est très compliqué, mais cest là aussi votre vie, cest quand on alterne des moments de travail et des moments où on nest pas au travail, avec, vous le savez, le mécanisme entre, on est payé, on a une allocation chômage et le RSA, le revenu que vous touchez, je crois, parfois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce quon est dans les statistiques du chômage ?
MICHEL SAPIN
Il lest parfois, il ne lest plus à dautres moments, par alternance, on parlait de cette alternance. Je ne sais pas exactement si vous êtes aujourdhui à Pôle Emploi
ALAIN
Si si, je suis à Pôle Emploi.
MICHEL SAPIN
Il est dans les statistiques du chômage, il est dans ce nombre beaucoup trop important de personnes de 45 à 55, ou un peu plus, qui sont au chômage depuis très longtemps, et auxquels nous voulons essayer dapporter des solutions. Je pense que ce nest pas votre esprit, mais quand on soccupe des jeunes de moins de 25 ans, on soccupe de tout le monde, on soccupe de la société, vous savez.
ALAIN
Dites-le. Dites-le.
MICHEL SAPIN
On soccupe de tout le monde, mais on soccupe de la société. Quand une société a un quart, un quart de ses jeunes de moins de 25 ans au chômage, ce nest pas acceptable, voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je voudrais quon parle des retraites maintenant Michel SAPIN, les retraites, cest assez simple, il y a dun côté les pensions, une réforme que vous avez engagée les pensions, le montant des pensions une réforme que vous avez engagée, et puis le financement de cette réforme. Alors, les grandes lignes, cest simple, on allonge la durée de cotisation.
MICHEL SAPIN
Après 2020.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, après 2020, 43 ans en 2035, qui va payer la hausse des cotisations, le salarié et le patron, 0,15% à partir de 2014, on est bien daccord. Les pensions, il y a un point, qui na pas été souligné, mais qui nous fait hurler, enfin pas moi, mais qui fait hurler beaucoup, beaucoup de retraités qui nous écoutent, majoration des pensions le 1er octobre au lieu du 1er avril, c'est-à-dire 6 mois après, 6 mois plus tard. Pourquoi ?
MICHEL SAPIN
Vous savez quil y a un système quon appelle général, cest celui dont on parle, est-ce que vous connaissez le montant de la pension maximale versée par le système de Sécurité Sociale ? Est-ce que vous lavez en tête ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non.
MICHEL SAPIN
Cest 1250 euros.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jallais dire autour de 1200.
MICHEL SAPIN
C'est-à-dire, ce dont nous parlons, cest toujours de petites et toutes petites pensions, toutes petites pensions. Et puis il y a un système à côté quon appelle le système complémentaire, au-delà. Les partenaires sociaux ont décidé seuls, seuls, sur le complémentaire, pour rééquilibrer, et ils ont été courageux, de geler les pensions, de les geler, pour le dire autrement, par rapport au pouvoir dachat, de les diminuer. Nous avons refusé de faire ainsi pour 1250 euros. Ça a été longtemps sur la table, on appelait ça, ce terme terrible, de désindexation
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez refusé pour les fameuses pensions de la Sécurité Sociale.
MICHEL SAPIN
Mais je vais vous le dire autrement, je vais le dire autrement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
MICHEL SAPIN
Nous garantissons le pouvoir dachat de lensemble des pensions qui sont versées.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais vous retardez de 6 mois laugmentation.
MICHEL SAPIN
On le retarde de 6 mois, mais on garantit lévolution des pensions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que laugmentation quon devait toucher au 1er avril on la touchera le 1er octobre.
MICHEL SAPIN
Mais vous la toucherez, et ce qui a été prévu par les partenaires sociaux
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et lEtat gagne combien en faisant ça ? LEtat, nous, le système
MICHEL SAPIN
Ce nest pas lEtat, cest vous et moi, et cest la Sécurité Sociale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, lEtat, cest vous et moi.
MICHEL SAPIN
Cest vous et moi, cest la Sécurité Sociale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais combien, combien ?
MICHEL SAPIN
Et donc nous avons
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien ça va permettre à lEtat déconomiser, quelle somme ?
MICHEL SAPIN
Monsieur BOURDIN, il y a quelques semaines, vous mauriez posé la question : « Est-ce que vous allez baisser le pouvoir dachat des retraités ? », je naurais pas pu vous répondre à ce moment-là puisque les choses étaient en discussion. Aujourd'hui je vous dis : le gouvernement refuse de baisser le pouvoir dachat des pensions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous baissez ce pouvoir dachat pendant six mois, puisque tout augmente pendant six mois !
MICHEL SAPIN
Pendant six mois, ce nest pas pendant toute la vie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais vous baissez pendant six mois.
MICHEL SAPIN
C'est donc la garantie qui est donnée pour lensemble des retraités français que leur pouvoir dachat ne baissera pas. Quand on disait : « Les retraités vont être touchés », non ! Les retraités voient la garantie de leur pouvoir dachat et de leurs pensions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Cest une remarque qui vient aussi partout, même de la gauche : pourquoi est-ce que vous ne touchez pas aux régimes spéciaux ? Pourquoi ? Répondez-moi.
MICHEL SAPIN
Franchement, ça cest la vision punitive de notre société punitive de notre société. Pourquoi faudrait-il du point de vue de la retraite toucher aux régimes spéciaux ? Est-ce que leur durée de cotisation sera la même que celle des autres cotisants ? La réponse est oui. C'est en cours dalignement et les mesures que nous décidons pour 2020 et au-delà sappliqueront à tous, y compris bien entendu à ceux qui sont ressortissants des régimes spéciaux. Est-ce que les cotisations seront différentes pour les régimes spéciaux que pour lensemble des Français ? La réponse est non. Ils payent les mêmes cotisations et les augmentations de cotisations dont vous avez parlé
JEAN-JACQUES BOURDIN
Seront pour tout le monde.
MICHEL SAPIN
Seront payées par tout le monde, régimes spéciaux, fonctionnaires ou privés. Ils sont donc exactement exactement traités comme les autres. Alors parfois, quest-ce quon dit ? Où est la différence ? C'est sur la question de lâge du départ à la retraite : ils peuvent partir plus tôt à la retraite. Il ny a plus un seul conducteur de train qui parte à lâge auquel il a le droit de partir à la retraite pour une raison très simple.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais ils partent plus tôt. Ils partent plus tôt.
MICHEL SAPIN
Non, non, monsieur BOURDIN. On peut le dire, on peut répéter cela sans fin, mais vous aurez tous les chiffres. Parce que certains de très bonne foi cest votre cas pensent cela et ils pensent que si
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous pose la question, je nen pense rien, moi, Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Vous avez le droit de penser quand même.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais je le garde pour moi.
MICHEL SAPIN
Vous avez le droit de penser, et je sais que vous le pensez. En tous les cas il y a des auditeurs, des téléspectateurs qui pensent de toute bonne foi quil y aurait en quelque sorte des privilégiés qui partiraient plus tôt, avec un montant plus élevé et en cotisant moins. Eh bien, ce nest pas exact ! Donc ça ne sert à rien de vouloir en quelque sorte punir telle ou telle catégorie de Français. Je vais vous le dire autrement. Pour quune réforme soit structurelle, elle na pas besoin dêtre cruelle.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Ce serait cruel que daligner tous les régimes ?
MICHEL SAPIN
Mais c'est là où vous êtes en train de changer
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils ne sont pas alignés.
MICHEL SAPIN
Ils sont alignés. La durée de cotisation sera la même, le montant des cotisations sera le même, les modalités de calcul de la pension on dit toujours dans le public ce sont les six derniers mois sur les vingt-cinq années
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils seront alignés en 2020.
MICHEL SAPIN
Ils le seront en 2020 et au-delà. C'est le processus. Donc tout le monde est traité de la même manière. Je crois quil faut en arrêter avec ces faux procès.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Très bien, très bien.
MICHEL SAPIN
Cest ce que je vous dis, en tous cas en ce qui me concerne, en toute conviction.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, bien. En ce qui concerne les entreprises, là aussi les chefs dentreprise disent : « On nous avait promis des baisses de charges, et voilà quon nous met une augmentation des cotisations retraite. Et voilà quon nous met une cotisation pour la pénibilité, pour financer la pénibilité ». Mais où est la baisse des charges ?
MICHEL SAPIN
On va en parler. On a parlé des cotisations retraite, on voit pour quoi c'est fait. Cest fait pour financer à court terme le dispositif, quil ne sécroule pas dans les cinq ans, dix ans qui viennent. Je crois que les Français sont plutôt attachés à ce que le dispositif puisse fonctionner. Pour ceux qui vont partir à la retraite, ils ont envie quand même de savoir sils vont toucher leur retraite. Ils la toucheront grâce à ce dispositif. Et puis au-delà de 2030 alors ce nest pas vous et moi qui sommes véritablement concernés mais enfin mes enfants, peut-être les vôtres eux se sentent concernés. Ils ont envie, même si ce nest pas leur préoccupation première, de savoir ce qui se passera lorsquils partiront à la retraite. Ils peuvent être rassurés. Les problèmes dits de pénibilité, c'est une réalité. Vous avez des gens qui travaillent de manière extrêmement dure et qui, sils ne partent pas plus tôt que les autres à la retraite, auront une retraite beaucoup plus courte que les autres. Parce que, il faut le dire et c'est terrible à dire, les statistiques montrent quils vont mourir plus tôt. Dans un premier temps, il faut bien pouvoir faire en sorte que ceux-là partent plus tôt à la retraite. Cest ça, la pénibilité. Au fond, cest ce qui se passe pour certaines catégories de fonctionnaires. Quand on dit que les pompiers ou les policiers partent plus tôt, enfin ils sont dans des métiers de nuit, ce sont des métiers risqués, et cætera
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans le privé aussi, on est de nuit aussi.
MICHEL SAPIN
Dans le privé aussi, oui. Vous savez ce qui se passe là ? Nous allons essayer progressivement, par une autre méthode, daligner ce qui se passe dans le privé sur ce qui se passe dans le public sur certaines catégories de postes. Cest ça la pénibilité. Alors ça a un coût, ça a un coût et c'est la question que vous me posiez.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que dans certains métiers du privé difficiles, on travaillera moins longtemps. On partira plus tôt.
MICHEL SAPIN
On partira plus tôt. Pour dix années de travail pénible, on aura droit à un an de départ plus tôt que les autres.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça, c'est une information importante. Pour dix années de travail pénible, on aura droit à un an de départ plus tôt.
MICHEL SAPIN
Oui, mais cest ça la pénibilité. Dix ans, un an.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça c'est très important, très important.
MICHEL SAPIN
Et voyez, vous nallez pas me dire : « Mais ce sont des privilégiés ». Non, vous allez me dire que c'est mérité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne porte aucun jugement. Je vous pose simplement des questions.
MICHEL SAPIN
Jessaye de raisonner avec lensemble des Français. Ce ne sont pas des privilégiés, ce sont des gens qui aujourd'hui vivent durement et donc ont le droit de partir un peu plus tôt.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça, c'est une très bonne information.
MICHEL SAPIN
Et ça coûte aux entreprises. Est-ce quil est anormal quun système de retraite ou un système de pénibilité soit financé aussi par les entreprises ? Les salariés, pour ce qui est des retraites, et lentreprise pour ce qui est des retraites et de la pénibilité ? Non, cest logique. Cest en lien avec le travail. Quand vous êtes à la retraite, c'est la suite de votre travail. Lorsque c'est de la pénibilité, c'est la conséquence de votre travail, donc il y a une logique et elle est reconnue par tous cette logique, y compris par le patronat. Simplement, et c'est là que je réponds à votre question, ça va coûter plus cher. Ça va coûter plus cher. Donc le gouvernement qui est quand même extrêmement conscient mais qui na pas attendu aujourd'hui pour parler de la compétitivité des entreprises il y a même eu un rapport là-dessus, il y a même eu le CICE, le Crédit dImpôt Compétitivité Emploi qui a été mis en place, vingt milliards pour les entreprises mais nous ne nous arrêterons pas là. Parce que c'est vrai que la compétitivité des entreprises, cest lemploi, c'est la capacité de créer des emplois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors quest-ce que vous promettez ce matin aux entreprises, aux chefs dentreprise ?
MICHEL SAPIN
On ne promet pas, on est en train de décider. On nest pas dans de la promesse. Ce n'est pas de la promesse.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est bien daccord. Parce que le Premier ministre a dit, a fait une promesse à Pierre GATTAZ : « Les charges vont baisser ».
MICHEL SAPIN
On nest pas dans la promesse, on est dans la décision. Et donc, nous sommes en train de travailler mais pas seulement avec le patronat ; ça concerne tout le monde.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc transfert des charges familiales ?
MICHEL SAPIN
Mais cest un sujet qui est sur la table depuis des années et des années. Je vous disais
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura un transfert des charges familiales ?
MICHEL SAPIN
Il faut financer autrement le système familial. Pourquoi ? Parce que le fait quil y ait
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il y aura transfert des charges familiales.
MICHEL SAPIN
Le fait que vous ayez des enfants nest pas en lien avec votre travail, donc il ny a pas de raison que ce soit financé par les entreprises. Il y aura transfert progressif dans des conditions quil faut discuter dune partie du financement de la famille et de la maladie vers dautres modes de financement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
CSG ? TVA ?
MICHEL SAPIN
À chaque fois quon vous donne une réponse, vous voulez la suivante ! Permettez-nous de considérer que c'est dans la discussion. De même que sagissant du régime de retraite on ne vous a pas tout dit tout de suite - on a attendu que toutes les concertations aient eu lieu pour quhier soir le Premier ministre vous présente le plan dans sa globalité il en ira de même, mais pas à la Saint Glin-glin. Ce nest pas des décisions pour dans quinze ans, cest des décisions pour dans trois semaines.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc dans trois semaines, les chefs dentreprise sauront...
MICHEL SAPIN
Sauront exactement ce quil se passe en termes dévolution de leurs charges, mais cest important. Il faut assurer le financement de la sécurité sociale et de la retraite, mais il faut assurer le financement des entreprises, il faut assurer le financement de la création demplois. On parlait des emplois aidés au départ : c'est indispensable. Il faut quils soient meilleurs, il faut quils soient plus intelligents, plus adaptés et vous avez eu raison de critiquer un certain nombre demplois aidés daujourd'hui, mais il faut aussi quil y ait des emplois qui se créent dans les entreprises. Les vrais emplois, les plus durables, celui que vous cherchez, c'est lemploi dans une entreprise qui a besoin de votre compétence et qui a besoin de votre expérience. Et jespère quil y aura un contrat de génération qui pourra être signé et dans lequel vous serez celui qui apporte lexpérience au plus jeune de moins de vingt-cinq ans auquel vous pensez aussi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Merci.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 août 2013