Interview de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé à RTL le 28 août 2013, sur la réforme des retraites, notamment l'augmentation de la durée des cotisations.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Marisol TOURAINE.
MARISOL TOURAINE
Bonjour Jean-Marie APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le Premier ministre a présenté hier à Matignon une nouvelle réforme des retraites, nous allons essayer ce matin, si vous en êtes d’accord, avec les auditeurs tout à l’heure et puis nous deux tout de suite, d’en parler concrètement. Tout d‘abord la hausse des cotisations retraite pour les salariés du privé et du public, plus 0,3 point, ce qui se traduira par 4,50 euros de moins sur un salaire pour un SMIC, donc plus si on gagne plus évidemment. C’est une nouvelle ponction sur les salariés, ce n’est pas un problème ?
MARISOL TOURAINE
En 2017 seulement. Mais permettez-moi d’abord de revenir sur la volonté qui a été celle du gouvernement, la mienne, celle du Premier ministre, de mettre en place…
JEAN-MICHEL APHATIE
Rapidement alors, pour en parler concrètement.
MARISOL TOURAINE
Oui mais parce qu’il s’agit d’une réforme de fond et pour longtemps. Ne rien faire…
JEAN-MICHEL APHATIE
On nous dit ça chaque fois vous savez.
MARISOL TOURAINE
Jean-Michel APHATIE, ne rien faire aurait abouti à mettre en danger les retraites de ceux qui aujourd’hui sont déjà retraités, et de ceux qui vont prendre leur retraite dans les prochaines années. Si nous voulons garantir aux Français que leurs retraites seront payées, nous devons prendre des mesures et certaines de ces mesures sont difficiles. Alors j’entends…
JEAN-MICHEL APHATIE
Tout le monde en est d’accord qu’il faut faire quelque chose.
MARISOL TOURAINE
Tout le monde en est d’accord, il n’empêche qu’il y avait beaucoup d’inquiétude… Mais ce que j’entends c’est que au fond pour être sérieuse une réforme devrait être douloureuse, violente, brutale, et nous nous avons fait la démonstration qu’on peut mettre en place une réforme de fond qui ne soit ni brutale, ni violente. Je prends là l’exemple…
JEAN-MICHEL APHATIE
Nouvelle ponction sur le pouvoir d’achat.
MARISOL TOURAINE
Je prends l’exemple de la réforme de 2010, cette réforme a été brutale, eh bien on voit qu’elle n’a pas donné de résultat. Alors quel est le choix que nous avons fait ? Je parle de la hausse des cotisations …
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, non, s’il vous plait, non, ma question c’est est-ce qu’une nouvelle ponction sur le pouvoir d’achat est un problème ou pas ?
MARISOL TOURAINE
Une hausse de cotisation de 0,15 point l’année prochaine, pour quelqu’un qui est au SMIC représentera 2,15 euros qui va augmenter petit à petit, et donc aboutira en 2017, comme vous l’avez dit, au double, 4,40 euros.
JEAN-MICHEL APHATIE
Psychologiquement c’est une taxe de plus, c’est un prélèvement de plus, c’est ça le problème.
MARISOL TOURAINE
C’est une contribution de plus, c’est une cotisation. Mais nous n’avons pas caché que des efforts étaient nécessaires ; on ne peut pas d’un côté nous dire « votre réforme n’est pas assez douloureuse et brutale et de l’autre considérer que tout effort demandé serait un effort injustifié ». Il y avait des choix à faire, ces choix nous les avons fait en responsabilité, une hausse de cotisations mesurée et progressive tout de suite et un allongement de la durée de cotisations à partir de 2020, là encore très progressive, parce que comme cela a été dit sur votre antenne cela commencera à partir de 2020, 41,75 années en 2020 pour monter petit à petit et atteindre 43 ans en 2035.
JEAN-MICHEL APHATIE
Les cotisations des employeurs seront aussi augmentées, mais le Premier ministre…
MARISOL TOURAINE
Du même montant.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le Premier ministre a dit hier qu’une réforme serait engagée pour compenser cette hausse afin, a-t-il dit, que le cout du travail en 2014 n’augmente pas pour les entreprises. Est-ce que vous pouvez nous dire comment la compensation va intervenir pour les entreprises ?
MARISOL TOURAINE
C’est un enjeu différent de celui de la réforme des retraites. Et ça n’est pas parce que nous mettons en place une réforme des retraites que nous n’entendons pas les enjeux liés à la compétitivité de la France et de l’économie française. Des mesures ont déjà été prises en ce sens notamment le crédit d’impôt, le fameux CICE qui permet aux entreprises françaises d’être plus compétitive.
JEAN-MICHEL APHATIE
Comment on compense la hausse des cotisations des employeurs ?
MARISOL TOURAINE
Nous allons discuter de cela, vous savez qu’il y a dans la politique sociale ce que l’on appelle des politiques, par exemple la politique familiale, qui relèvent davantage de la solidarité que de ce qui tient au travail, et donc il y a une réflexion depuis longtemps qui est engagée dans le cadre maintenant du haut conseil pour les finances sociales, l’avenir de la protection sociale pardon, pour voir comment on pourrait rééquilibrer ces mécanismes…
JEAN-MICHEL APHATIE
Quel est le montant nécessaire de compensation ?
MARISOL TOURAINE
Ca, ça dépend. L’année prochaine les entreprises seront amenées à contribuer pour la réforme des retraites d’un tout petit peu plus d’1 milliard d’euros…
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous allez compenser tout de suite ?
MARISOL TOURAINE
Nous allons travailler pour voir comment nous pouvons faire évoluer ce système.
JEAN-MICHEL APHATIE
Qu’est-ce qui va augmenter, où vous allez trouver ce milliard pour compenser pour les entreprises ?
MARISOL TOURAINE
La discussion est engagée aujourd’hui. Nous mettons sur la table la réforme des retraites….
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc ça c’est une nouvelle charge que vous allez sans doute faire peser, je ne sais pas, par la TVA ou un autre mécanisme.
MARISOL TOURAINE
Nous avons toujours dit que nous n’étions pas favorables à une augmentation de la TVA pour financer la politique sociale…
JEAN-MICHEL APHATIE
Il va bien falloir les payer les cotisations familiales.
MARISOL TOURAINE
La discussion s’engage et cela aura lieu dans le cadre de ce haut conseil pour l’avenir de la protection sociale.
JEAN-MICHEL APHATIE
Dans le cadre de cette réforme des retraites, un fonds de pénibilité va être crée en 2015. Là aussi assez concrètement, on l’évalue à 2 milliards d’euros ce fonds.
MARISOL TOURAINE
Oui, un compte. En 2035. Donc ça va monter en puissance progressivement puisque de quoi s’agit-il ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Comment vous allez le financer ?
MARISOL TOURAINE
Par une cotisation des entreprises…
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc là les charges des entreprises vont augmenter ?
MARISOL TOURAINE
Une cotisation, une petite cotisation des entreprises qui interviendra à partir de 2016 puisqu’il faut le temps que se mette en place ce dispositif. Et de quoi s’agit-il ? Il s’agit de faire en sorte que chaque salarié qui est exposé à un facteur de pénibilité, ces facteurs ils sont connus, les syndicats et le patronat se sont mis d’accord il y a quelques …
JEAN-MICHEL APHATIE
Travail de nuit, travail debout, il y a des critères.
MARISOL TOURAINE
Voilà, le travail de nuit, l’exposition avec ….
JEAN-MICHEL APHATIE
Combien de travailleurs, on évalue à combien le nombre de travailleurs ?
MARISOL TOURAINE
On évalue à environ 1 salarié sur 5, celui qui est exposé à de tels risques de pénibilité. 20 %, ça fait à peu près, ça dépend des années, pour ceux qui partent à la retraite vous avez à peu près 700 000 personnes qui partent à la retraite chaque année donc c’est plus de 100 000 personnes …
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc 150 000 personnes. D’accord.
MARISOL TOURAINE
Mais, il faudra donc que pour tous les salariés qui sont concernés, l’entreprise les inscrive à un compte, chaque trimestre permettra d’accumuler des points et au bout de dix ans vous aurez acquis la possibilité d’avoir une année, alors une année de formation, une année de retraite progressive ou tout simplement une année de retraite anticipée.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et ça, on en convient, c’est une charge de plus pour les entreprises. On en convient ou pas ?
MARISOL TOURAINE
Il y aura une contribution des entreprises pour le financer…
JEAN-MICHEL APHATIE
C’est contradictoire avec ce que dit le Premier ministre, le cout du travail n’augmentera pas. Donc il augmentera ?
MARISOL TOURAINE
Pour les retraites, pour la mise en place …
JEAN-MICHEL APHATIE
On est d’accord sur la contradiction ?
MARISOL TOURAINE
Il n’y a pas de contradiction. Nous avons d’un côté le financement des régimes de retraite, et de l’autre côté nous avons la mise en place de quelque chose qui est tout à fait nouveau, et qui est un compte pénibilité. J’attire l’attention sur le fait que c’est la première fois que nous bouleversons la manière de concevoir les départs en retraite. J’entendais qu’au fond il n’y avait pas de réforme de fond. Ca c’est une réforme de fond, parce que pour la première fois on va tenir compte des conditions de travail, de ‘l’évolution des carrières pour définir les conditions de départ en retraite. Vous savez Jean-Michel APHATIE, un ouvrier a une espérance de vie qui est inférieure de six ans à celle d’un cadre. Et il n’est pas normal que cela n’aboutisse pas à des différences dans les conditions de départ en retraite.
JEAN-MICHEL APHATIE
La grande critique Marisol TOURAINE concerne l’immobilisme sur la fonction publique, vous ne touchez pas notamment au mode de calcul de pension des fonctionnaires, calculée sur les six derniers mois alors que celle du secteur privé est sur les vingt cinq meilleures années, pourquoi ?
MARISOL TOURAINE
Les fonctionnaires, comme les salariés d’ailleurs des régimes spéciaux, vont être concernés par l’évolution qui est engagée…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous ne touchez pas au mode de calcul des pensions.
MARISOL TOURAINE
Attendez j’y viens, allongement de la durée de cotisations, ça les concerne ; augmentation des cotisations, ça les concerne ; je veux dire….
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais pas le mode de calcul des pensions, pourquoi ?
MARISOL TOURAINE
Je veux dire qu’aujourd’hui un fonctionnaire part à la retraite avec un niveau de retraite équivalent à celui d’un salarié du privé.
JEAN-MICHEL APHATIE
C’est pour ça que vous ne touchez pas au mode de calcul ?
MARISOL TOURAINE
Pourquoi ? Parce que ce qui compte c’est que pour un travail donné le niveau de la retraite soit de même montant. Pourquoi est-ce que c’est de même montant malgré une différence de calcul ? Parce qu’il y a beaucoup d’éléments qui n’entrent pas en ligne de compte dans le calcul de la retraite des fonctionnaires, en particulier les primes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Maintenant vous ferez face Marisol TOURAINE aux questions des auditeurs de RTL à partir de 8h15.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 août 2013