Interview de M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, à "France ô" le 21 août 2015, sur le nouveau projet de fusée européenne (Ariane 6), sur la refonte du code minier.

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Circonstance : Déplacement en Guyane, du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, du 19 au 21 août 2015

Média : France ô

Texte intégral

CLAUDETTE VAITILINGOM, REDACTRICE EN CHEF ADJOINTE GUYANE 1ERE
Nous sommes effectivement au centre spatial guyanais en compagnie du ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique Emmanuel MACRON, bonsoir Monsieur le ministre.
EMMANUEL MACRON
Bonsoir.
CLAUDETTE VAITILINGOM
Merci d'avoir accepté notre invitation. Vous avez donc visité cet après-midi le centre spatial de Kourou, l'espace, une filière d'excellence pour la France, un label qui sera renforcé avec l'arrivée d'Ariane 6. La fusée européenne prend de plus en plus corps avec notamment la signature mercredi dernier des trois contrats importants, et notamment la construction du pas-de-tir, ici, à Kourou. Vous avez pu vous rendre compte de l'implication de la Guyane dans la conquête de l'espace.
EMMANUEL MACRON
Oui, vous avez raison de le dire. C'est une aventure qui a commencé il y a 50 ans, il y a 50 ans, c'était le rêve du Général de GAULLE, c'est devenu une réalité très vite, et nous avons assisté aujourd'hui au 67e succès consécutif d'Ariane 5, vous l'avez rappelé, on a pris des décisions extrêmement importante, en restructurant la filière, avec la décision européenne d'aller vers Ariane 6, de simplifier notre organisation, et le territoire guyanais a une place essentielle dans ce projet. C'est cette place qu'il y a 50 ans le Général de GAULLE avait voulue, qui est devenue une réalité, et c'est une réalité parce que ces succès partent de Guyane, parce que ce sont des emplois en Guyane et ce sont des emplois pour les Guyanaises et les Guyanais. Et donc, il y a aujourd'hui plus de 1700 emplois sur ce site du centre spatial de Guyane à Kourou, les deux tiers sont des Guyanaises et des Guyanais, on peut encore faire mieux, mais beaucoup a déjà été fait. Et je l'ai dit il y a quelques instants à toutes et tous en les félicitant pour ce succès, c'est une formidable histoire européenne, mondiale, et elle se fait d'ici, et il faut que ce soit un succès pour le territoire guyanais encore davantage. Et je veux qu'on puisse développer plus de liens avec l'université, avec la formation, et pour les jeunes, parce que les emplois qui se développent autour du centre spatial, et au centre spatial, il faut que ce soit des opportunités pour les jeunes Guyanaises et les jeunes Guyanais aussi. Mais c'est déjà un formidable succès pour le territoire de Guyane. Vous savez, en 64, le Général de GAULLE avait dit « c'est une grande oeuvre, de la France, en Guyane, et pour la Guyane, parce que toutes les régions du monde sauront où est la Guyane », et c'est aujourd'hui une réalité.
CLAUDETTE VAITILINGOM
Dans la vie économique de la Guyane il y a une autre activité très forte, c'est l'activité aurifère. Dans votre programme, deux visites sur sites miniers et une déjà ce matin, et l'autre demain. Dans ce domaine plusieurs interrogations. D'abord, la fiscalité de l'orpaillage, et la réforme du Code minier. Alors, relancé depuis 3 ans ce Code minier est aujourd'hui entre vos mains, quelle réponse allez-vous apporter puisqu'il va falloir allier économie et écologie ? Vous avez d'ailleurs présidé en avril dernier l'installation du groupe de travail chargé de définir « la Mine responsable. »
EMMANUEL MACRON
Alors, il y a en effet trois priorités, que nous portons, que je porte, sur ce sujet. Le premier c'est la réforme du Code minier. Pourquoi ? Pour mieux cadrer les projets, éviter de se retrouver bloqué par des oppositions locales, de dernière minute, et donner un cadre, une transparence, à tous ces projets aurifères. Et donc, la réforme du Code minier, qui sera finalisée pour la fin d'année, qui est aujourd'hui en concertation, elle donnera une place claire, mieux définie, aux collectivités territoriales, et lorsque les projets sont particulièrement sensibles, et qu'une sensibilité locale se manifeste, eh bien tout de suite il y aura un suivi renforcé pour le prendre en compte et éviter que les situations ne s'enveniment. La deuxième chose c'est en effet l'initiative « Mine responsable », et là ce n'est pas de la loi, c'est ce qu'on appelle de la « soft law », c'est-à-dire que je veux, pour la fin d'année, et nous avons lancé les travaux en avril avec plusieurs parlementaires, dont certains parlementaires guyanais, dont madame BERTHELOT, et des spécialistes, pour définir quelles sont les règles que doit respecter la mine d'aujourd'hui, et de demain, sur le plan environnemental, sur le plan social. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que quand on veut développer une mine, et l'exemple que j'ai vu ce matin était parfaitement illustratif de cela, eh bien il faut qu'on respecte la nature, l'environnement, qu'on ne pollue pas le cours d'eau. Donc, aujourd'hui on ne pollue pas les cours d'eau lorsqu'on exploite la mine que j'ai été voir ce matin. Il faut que dès que l'exploitation s'est terminée, on replante, on reboise, on revitalise le sol. Il faut ensuite qu'on emploie, des jeunes, et des moins jeunes, qui sont du territoire, mais qu'on les forme, il y a tout un enjeu de formation également, et de qualification. Eh bien tout ça c'est la charte « Mine responsable », qui sera une réalité pour la fin d'année, qui est déjà privilégiée par plusieurs exploitants, et demain nous officialiserons l'exploitation donnée à Colombus Gold, qui sera un de ces exemples de « Mine responsable. » Et enfin il y a le problème de la fiscalité. La fiscalité c'est un sujet extrêmement sensible, je le sais, en Guyane. Alors, moi je le dis tout de suite, il ne fait pas en attendre des monts et merveilles, par contre on peut mieux faire, et donc, en parallèle, on a lancé cette réflexion, à l'automne je donnerai des grands axes, ensuite on aura un travail très technique où j'associerai à la fois les professionnels et les élus, pour qu'on puisse, d'ici la fin de l'année, avoir des propositions concrètes. Je peux le dire d'ores et déjà aujourd'hui, notre volonté c'est de rebalancer un peu les choses pour que la part locale de cette fiscalité soit avantagée. Pourquoi ? Parce que c'est un peu plus juste retour pour les territoires. Mais vous l'avez dit, l'or est une filière d'avenir pour la Guyane, c'est une filière d'avenir si c'est une filière responsable, sur le plan environnemental, sur le plan de la formation, donc sur le plan social. Et pour se faire, notre volonté c'est vraiment d'encourager les petits orpailleurs guyanais, et maintenant les moyens ou les plus grands, qui réussissent, les encourager pour qu'ils développent cette activité légale qui est absolument essentielle, quand ils veulent passer de l'orpaillage en surface, alluvionnaire comme on dit, à l'orpaillage primaire, de les aider à investir. Et je continuerai, le préfet sur place est très impliqué en la matière, à ce qu'avec mon collègue de l'Intérieur on puisse lutter contre l'orpaillage illégal, et on a une action qui est beaucoup plus efficace, et en même temps tout faire pour aider les acteurs de cet orpaillage légal, parce qu'il est créateur d'emplois, parce qu'il est créateur de valeur ajoutée, et qu'il est l'une des filières d'avenir pour le territoire guyanais.
CLAUDETTE VAITILINGOM
Donner les moyens pour qu'ils puissent travailler autant que les grands groupes qui, eux, peuvent investir, puisqu'ils ont les moyens de le faire.
EMMANUEL MACRON
Complètement. Ça veut dire quoi ? Donner de la visibilité. L'exemple que j'ai ce matin le montre bien, quand on instruit vite les projets, quand ils sont bien conduits, quand il y a une expertise technique, une assistante technique, qui est donnée par l'Etat, comme par les collectivités, on peut aller plus vite, la vitesse c'est clé, surtout quand on est petit. Ensuite, les aider à investir. Les banques ne sont pas suffisamment en soutien…
CLAUDETTE VAITILINGOM
Les banques ne suivent pas, même pour une petite entreprise…
EMMANUEL MACRON
Les banques ne suivent pas dans ce secteur, et donc la Banque Publique d'Investissement doit jouer un rôle plus fort que celui qu'elle joue aujourd'hui. Deux projets ont été financés, l'un en cofinancement avec la région, et donc je souhaite qu'on puisse aller, sur ce volet, plus loin, et je l'ai dit, je veux que la Banque Publique d'Investissement soit plus présente dans ce secteur. Donc on va ouvrir un guichet, le structurer, à la fois pour aider celles et ceux qui le veulent, à investir dans des machines, dans des exploitations, mais aussi les aider à investir de manière concrète, en fonds propres, dans des projets, pour devenir plus grands.
CLAUDETTE VAITILINGOM
Les filières, les sources d'emplois. l'emploi justement, lors de son passage ici en Guyane le président HOLLANDE avait proposé un Pacte d'avenir, se donner une période de 10 ans pour répondre aux besoins de la Guyane afin de faire face à cette démographie qui est galopante ici. Vous avez dit hier que vous n'êtes venu avec des enveloppes pour en distribuer mais pour suivre les engagements, alors des propositions à propos de ce Pacte d'avenir ont été remontées jusqu'à Paris, mais depuis, plus rien, alors qu'en est-il exactement aujourd'hui ? Qu'en est-il de ce pacte qui devait accompagner la nouvelle collectivité territoriale ?
EMMANUEL MACRON
Vous avez raison, ce pacte il a fait l'objet d'un travail intense sur le terrain avec l'ensemble des élus et des forces économiques qui a été conduit par le préfet tout au long de l'année 2014, les arbitrages sont remontés, ils sont en train d'être finalisés. Ma collègue en charge de l'Outremer, madame PAU-LANGEVIN, viendra dans les prochains mois sur le terrain procéder aux annonces et aux finalisations. D'ores et déjà, ce que je peux vous dire c'est que la traduction concrète du Pacte d'avenir elle est en cours : 1°) c'est le contrat de plan Etat-Région qui passe de 120 millions à 180 millions d'euros pour la prochaine période et j'ai eu une discussion hier avec le président de la Région, monsieur ALEXANDRE qui a été très constructive et très positive et il m'a confirmé sa volonté dans les prochaines semaines de signer le contrat de plan Etat-Région - parce que l'Etat s'est engagé - et ça permettra en particulier pour le secteur du BTP de déclencher beaucoup de projets, il y a plusieurs dizaines de millions de financement qui attendent cette signature, et je crois qu'il a raison de signer dans les prochaines semaines avec l'Etat,, c'est une traduction concrète ; La deuxième, c'est l'augmentation des fonds européens qui aujourd'hui sont non seulement augmentés pour la Guyane mais fait que le retour de ces fonds européens par habitant il est 10 fois supérieur e, Guyane à ce qu'il est en France métropolitaine, et donc ça c'est une traduction de l'engagement du président de la République ; Enfin, c'est le désenclavement du territoire qui est au coeur de ce Pacte d'avenir, et là je veux que sans attendre de toute façon les annonces on puisse régler un problème qui est absolument fondamental qui est celui du numérique, sur lequel, dans les prochains jours, les toutes prochaines semaines, je serai en mesure là de confirmer des annonces et en particulier le fait que sur la 4G on va avancer beaucoup plus vite.
CLAUDETTE VAITILINGOM
C'était la dernière question que je voulais vous poser ! Pour revenir juste sur les engagements ou les annonces du président, il a dit ce matin : « en cas de croissance, on va baisser les impôts » ; vous avez dit aussi ici, avec nos confrères de France Antilles, que la Région Guyane est une région très dynamique, avec une croissance de 3 %. Ca veut dire quoi ? Qu'on a une dérogation, les impôts vont baisser en Guyane avant ailleurs ?
EMMANUEL MACRON
Non ! Vous savez les déclarations du président de la République elles valent pour les impôts d'Etat, la France est une République multiple mais indivisible et la politique fiscale et budgétaire – même s'il y a des spécificités locales – elle est conduite par le président de la République. Le Premier ministre aura à présenter dans les prochaines semaines un budget, il y a des mesures importantes à prendre : pour les entreprises, c'est le Pacte de responsabilité, c'est 40 milliards d'allègements entre 2015 et 12017 d'impôts et de charges ; pour les ménages il y a déjà des décisions concrètes qui sont visibles pour les ménages Guyanais, c'est neuf millions de foyers qui ont eu une réduction, une sortie de l'impôt sur le revenu. Ce qu'a dit le président de la République c'est que, compte tenu du fait que la croissance nous redonne des marges de manoeuvre, sa volonté c'est précisément de la redistribuer pour que la croissance, la consommation puisse repartir.
CLAUDETTE VAITILINGOM
La Guyane, votre premier voyage en Outremer, ça veut dire que vous donnez de l'importance à l'Outremer, vous allez visiter d'autres départements ?
EMMANUEL MACRON
Oui ! Dans les prochains mois j'en visiterai d'autres. Je donne de l'importance à l'Outremer pour deux raisons : la première, parce que ce sont des territoires qui ont une puissance régionale, là aussi la Guyane est un formidable exemple, c'est la France dans le continent sud-américain et donc avec le dynamisme démographique de croissance de ce continent, avec une jeunesse – et je veux ici le redire – qui est une chance inouï pour la Guyane. Et notre responsabilité, celle des responsables économiques, politiques guyanais comme celle des responsables métropolitains, c'est de faire que cette jeunesse, qui est un formidable potentiel d'avenir, soit une réussite, une réalité de réussite dans les prochaines années, ça c'est de notre responsabilité. Donc cette jeunesse il faut lui offrir les opportunités qu'elle mérite et le numérique est un parfait exemple - je vais finir sur ce point - dans les prochains jours, j'ai eu l'occasion d'en parler avec le président du Conseil général et du Conseil régional, j'ai reparlé avec l'ARCEP, donc je veux qu'on finalise dans les tous prochains jours, dans les prochaines semaines ce cahier des charges pour qu'on lance dès cette année l'appel d'offres pour la 4G pour améliorer la couverture du territoire, parce que donner des accès, permettre au territoire guyanais d'accéder aux nouvelles technologies, à la connexion, c'est ça donner ces nouvelles opportunités, dont je parlais, pour l'ensemble de l‘économie, et en particulier pour les jeunes.
CLAUDETTE VAITILINGOM
Le ministre du Travail a démissionné, on ne connaît pas encore, peut-être que vous allez nous le dire, qui est le nouveau ministre du Travail, avant de nous quitter.
EMMANUEL MACRON
Ecoutez, d'abord François REBSAMEN a présenté sa démission, mais il n'a pas quitté le gouvernement, et moi je veux saluer son travail, son engagement, et c'est à regret que je vois partir ce collègue avec qui je travaille formidablement bien. C'est le président de la République, en vertu de la Constitution, qui…
CLAUDETTE VAITILINGOM
Ça pourrait être vous ?
EMMANUEL MACRON
Vous savez, je ne sais pas si vous le sentez, mais j'aime avec passion ma tâche du moment, je ne fais pas partie de ces hommes et femmes qui pensent toujours au coup d'après, ou à leur situation personnelle, je suis heureux là où je suis parce que je peux faire. Et donc comptez sur moi pour faire le maximum, pour l'ensemble de l'économie française, et en particulier pour l'économie guyanaise.
CLAUDETTE VAITILINGOM
Merci Emmanuel MACRON.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 août 2015