Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur la lutte contre le groupe terroriste Daech, à Paris le 8 septembre 2015.

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Circonstance : Conférence internationale sur les victimes de violences religieuses et ethniques au Moyen-Orient, à Paris le 8 septembre 2015

Texte intégral

Mesdames et Messieurs
La Conférence de Paris vient de s'achever, conférence sur les victimes de violences ethniques et religieuses au Moyen-Orient que nous avons co-présidée avec mon ami le ministre des affaires étrangères de Jordanie, Nasser Judeh.
Vous savez dans quelles conditions nous avons réuni cette conférence, avec 60 États, 15 organisations internationales. L'idée, qui je crois a été respectée, c'est d'adresser un message de détermination. Nous ne laisserons pas la diversité millénaire du Moyen-Orient disparaître sans réagir parce qu'il y a des terroristes qui s'appellent Daech ou d'autres noms.
Nous voulions, à travers cette réunion et les travaux qui ont été ceux de cette réunion, à la fois les travaux préparatoires et les conclusions, montrer une détermination de tous les participants à dire que le Moyen-Orient est une région où la diversité historique, millénaire, doit être respectée. C'est le premier message.
Le deuxième message est un message d'action. Nous avons arrêté un plan d'action qui recense, sur trois aspects, ce que différents intervenants peuvent et doivent faire. Les rapports ont été établis dans des tables rondes présidées par l'Italie, le Liban et l'Irak. Un aspect porte sur l'accompagnement humanitaire pour permettre le retour des déplacés. Un autre aspect, très important, porte sur la lutte contre l'impunité des terroristes. Enfin un aspect, avec toute une série de propositions, porte sur la promotion d'un cadre politique qui est nécessaire à la réconciliation et la pérennisation de cette diversité.
Le Plan d'action de Paris trace une voie d'action, avec toute une série de mesures concrètes et de principes qui visent à inspirer l'action de la communauté internationale pour répondre à la menace qui pèse sur les populations au Moyen-Orient.
Détermination donc, actions concrètes et aussi urgence parce que le terrorisme n'attend pas, malheureusement, et les populations, au moment même où nous parlons, sont soumises à des exactions extrêmement graves.
De nombreuses contributions nationales sont faites ou vont être faites. À titre national, la France a décidé la création d'un fonds national d'urgence d'un montant de 10 Meuro pour financer des actions en matière de logement, d'éducation, de santé, de déminage et de lutte contre l'impunité. Cela vise notamment la réhabilitation du camp de déplacés de Bardarash, qui accueille près de 9.000 personnes ; la construction d'une école destinée à accueillir plusieurs centaines d'enfants ; la mise à disposition de logements pour des déplacés à Erbil, en appui d'un projet de l'OEuvre d'Orient ; et différentes actions d'aide au déminage en appui des forces irakiennes et à Kobané.
L'AFD, notre agence française de développement, consacrera 15 Meuro supplémentaires à des projets au Liban, en Jordanie et en Irak au bénéfice des réfugiés et des communautés hôtes. Bien évidemment, ce fonds peut être abondé : je pense en particulier aux collectivités territoriales de France qui sont très sensibles à ce thème de la lutte contre les violences ethniques et religieuses et qui peuvent nous aider.
Nous sommes très engagés en faveur de la protection et la sauvegarde du patrimoine culturel en Irak et Syrie. Il y a des travaux de cartographie du patrimoine des communautés d'Irak et de Syrien, avec des financements de la mission de l'UNESCO sur la préservation du patrimoine en danger.
De la même façon, nous avons décidé, au plan judiciaire, de ne pas baisser les bras et de poursuivre, dans toute la mesure du possible, les responsables de ces crimes en justice, à titre national quand cela est de notre compétence, et en facilitant la documentation sur ces crimes. Nous poursuivrons notre effort pour que la Cour pénale internationale soit saisie.
Enfin, au plan politique, vous connaissez notre engagement en faveur de la réconciliation nationale irakienne et en faveur d'une transition politique en Syrie.
Je vais maintenant donner la parole à mon ami Nasser Judeh, mais je voudrais dire ma satisfaction, à la fois d'avoir pu accueillir tant de personnalités civiles et religieuses venues de tant d'horizons différents, ma satisfaction d'avoir pu mettre sur pied, grâce au travail des uns et des autres, ce véritable plan d'action. Je voudrais aussi dire ma satisfaction d'être certain qu'à travers la nouvelle conférence qui aura lieu en Espagne, l'an prochain, cette action sera suivie d'effets, évaluée en permanence et permettra, nous l'espérons, de porter aide aux victimes de violences ethniques et religieuses au Moyen-Orient.
Q - Est-ce qu'un calendrier a été défini dans l'immédiat, notamment pour le versement de la somme que vous a donnée l'État français ?
R - Le plan d'action ne comporte pas de calendrier précis. Il comporte une série de chapitres. Ensuite, c'est à chacun de piocher dans ces chapitres pour appliquer ce plan d'action. En ce qui concerne les engagements de la France, ils seront tenus sans délais.
Q - Vous nous avez dit, avec effet d'annonce, que vous allez débloquer 10 Meuro d'euros au plan d'urgence et 15 Meuro de l'AFD. Est-ce qu'il y a eu d'autres annonces aujourd'hui ? Est-ce que vous avez eu d'autres engagements ? On se demande d'où viendra l'argent pour le plan d'action ou est-ce que le travail commence maintenant ?
R - Le travail est au commencement. L'objet de cette réunion n'était pas de faire une conférence des donateurs. Simplement, la France en tant que pays hôte a estimé utile d'apporter son écot mais, bien évidemment, comme cela a été souligné, le plan d'action nécessitera des engagements financiers. Pas toutes les actions, il y a des actions qui ne nécessitent pas d'engagement financier mais il y en a d'autres qui nécessiteront des engagements financiers. Comme l'a dit Nasser Judeh, nous pourrons faire le point sur tout cela, le bilan, lorsque nous nous réunirons l'an prochain en Espagne.
Q - Monsieur le Ministre, deux Rafales ont fait ce matin un premier vol de reconnaissance au-dessus de la Syrie. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus sur le calendrier de frappes éventuelles françaises sur ce territoire ?
R - Certainement pas. Je peux vous confirmer qu'une décision prise et annoncée par le président de la République, hier, est suivie d'effets. Il avait été dit qu'il y aurait des vols de reconnaissance mais il a ajouté que ces vols de reconnaissance détermineraient le moment venu telle ou telle action qui devra être prise. Le moment sera venu lorsque nous le dirons.
Q - Monsieur le Ministre, je suis du Kurdistan irakien. Je voudrais savoir comment la France peut aider le Kurdistan sur le plan militaire et humanitaire ? C'est très important car les Peshmergas luttent contre Daech. Nous avons besoin de davantage d'aide de la part de tous les pays. La France a aidé le Kurdistan, mais c'est insuffisant. Comment pouvez-vous nous aider davantage ainsi que la Syrie ?
R - Le problème se pose d'une façon plus générale. Nos amis kurdes iraquiens font un travail très important. Vous savez que les relations entre la France et l'Irak et entre la France et les Kurdes d'Irak sont excellentes. Nous apportons effectivement des aides et il y en aura d'autres sur le plan humanitaire. Je fais allusion à un certain nombre d'actions que nous pourrons développer à Erbil. D'autres pays agissent aussi dans le sens.
Ce qui est en question, c'est que tout le monde se rassemble. C'était le sens de notre réunion d'aujourd'hui pour adopter les actions convergentes dans la lutte contre le terrorisme, contre Daech, pour permettre à la diversité des communautés, des composantes, pour reprendre l'expression que Nasser a utilisée, de se sentir à l'aise et de pouvoir être respectées. Cela vaut bien sûr pour les Kurdes d'Irak.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 septembre 2015