Interview de M. Alain Richard, ministre de la défense, à "Terre Information Magazine" de juillet-août 2001, sur l'amélioration de la condition des militaires de l'Armée de terre, l'acquisition de véhicules blindés pour l'infanterie (VBCI) et la mise en place d'un système d'élection directe des représentants de l'Armée de terre.

Prononcé le 1er juillet 2001

Intervenant(s) : 

Média : Terre Information Magazine

Texte intégral

Terre Information Magazine : Monsieur le ministre, vous venez de passer aujourd'hui une journée avec le 16e GC. Pourquoi ?
C'est une occasion de visite d'unité dans le cadre de sa préparation opérationnelle, mais aussi de dialogue approfondi avec le personnel sur les conditions de recrutement, le déroulement de carrière, les problèmes de logement, d'emploi des conjoints, toutes questions qui sont au cur des préoccupations professionnelles des militaires. Alors que nous sommes très près de l'aboutissement de la professionnalisation, j'ai tenu à être à l'écoute du groupe professionnel et social que constitue l'armée de Terre, comme je le fais régulièrement.
Terre Information Magazine : Vous avez pu dialoguer avec des officiers, des sous-officiers et des soldats qui partent bientôt en opérations. Que tirez-vous de ce dialogue ?
D'abord, ce que je vérifie souvent, c'est que les soldats veulent partir en opérations extérieures et je crois qu'ils sont désormais satisfaits de la stabilisation du rythme des missions. Nous arrivons, en effet, à un délai moyen entre deux opérations d'un an à un an et demi.
En outre, je constate les efforts réalisés au niveau de la préparation opérationnelle. Ainsi, les unités risquent de moins en moins d'être prises au dépourvu par des situations de confrontation qu'elles n'auraient pas anticipées. Elles savent aussi que les conditions de vie et d'installation se sont améliorées. Je l'ai constaté dans les Balkans.
Il subsiste un problème d'évolution de la charge de travail qui pèse sur le quotidien de nos personnels. Quand on additionne l'entraînement, les opérations d'aide au service public, les stages de formation et les opérations extérieures, cela fait beaucoup de temps passé hors de chez soi et je m'efforce de préserver le meilleur équilibre possible pour la vie de famille de nos soldats.
Terre Information Magazine : Concernant les équipements de l'armée de Terre, peut-on envisager un rapprochement des standards OTAN avec en particulier l'acquisition du VBCI pour l'infanterie ?
Nous avons fait pendant plusieurs années un travail d'analyse des besoins en véhicules blindés de combat avec notamment nos partenaires britanniques et allemands et nous avons constaté que nos impératifs opérationnels n'étaient pas les mêmes. Alors que nos collègues de ces deux grands pays européens veulent principalement un véhicule de transport, la France fait du VBCI un élément du dispositif de combat. Il est directement lié au char Leclerc et le véhicule doit donc être plus protégé, mieux blindé et armé.
C'est dans ce domaine là une entorse à nos habitudes. Nous avons défini notre propre prototype et le marché a été passé avec un groupement de GIAT et de Renault véhicules industriels pour construire cette nouvelle gamme de véhicules de combat de l'infanterie. Je pense qu'elle intéressera d'autres pays, c'est-à-dire qu'une fois ce modèle en service, il sera vraisemblablement acheté par d'autres. Mais c'est vraiment un véhicule de combat qui sera en fabrication dans un an et demi. Les premiers seront livrés en 2006.
Terre Information Magazine : Quels sont les enjeux, pour les années à venir, de la politique de condition du personnel ?
Il y en a deux pour la prochaine ou les deux prochaines années. D'une part, réduire la charge d'activité du soldat. Il n'y a pas de durée officielle du travail et on voit bien que les tâches s'accumulent. Si nous voulons que les militaires puissent bénéficier, comme c'est leur droit, d'un temps libre suffisant, nous devons faire un effort de réorganisation des tâches, peut être en ayant recours à une collaboration extérieure, de manière à leur donner la possibilité de prendre leurs permissions dans des conditions qui leur conviennent et de récupérer une partie du temps de suractivité.
D'autre part, au moins dans certaines spécialités ou dans certaines phases de carrière, il y a probablement des améliorations de pouvoir d'achat à programmer. Nous y travaillons sérieusement et c'est en discussion au sein du gouvernement. De plus, maintenant que nous allons avoir un plus grand nombre de militaires du rang et de sous-officiers qui auront à quitter les rangs de l'armée de Terre en cours de carrière, il faut leur donner les meilleures bases pour réussir leur deuxième carrière dans le civil. C'est ainsi que nous arriverons à rassurer l'ensemble du personnel.
Terre Information Magazine : Les structures de concertation évoluent. Le CFMT a désormais pris ses marques. Les présidents de catégorie vont être élus. Va-t-on vers une représentation de type syndical ?
Non, c'est différent. Il s'agira d'une élection personnelle, sans campagne électorale. Ce seront les qualités de la personne et son expérience qui lui permettront de bien représenter ses camarades. Nous ferons en sorte que les représentants de catégorie aient bien les moyens de suivre non seulement les questions d'ambiance collective et les besoins à satisfaire dans les unités mais aussi de prendre en compte des cas individuels difficiles. A terme, l'élection confère une légitimité, un droit de parole indiscutable pour les représentants des militaires. Je crois que, dans la durée, c'est une habitude qu'il faut créer. Dans les armées, il est important que les gens soient assurés qu'ils ont des représentants qui peuvent parler en leur nom et sur lesquels ils ont un droit de regard, puisqu'ils les élisent. Ce système d'élection directe des représentants de catégories doit cependant être mis en uvre sans perturber le fonctionnement hiérarchique et la pleine responsabilité des commandants des formations. Il s'agit de mettre en place, dans ce groupe professionnel nombreux et complexe, un canal légitime et reconnu d'expression des besoins et des souhaits de la collectivité militaire.
Cette visite me permet d'ailleurs de vérifier que les messages que je reçois au sein des CFM sont en adéquation avec ce que ressentent les militaires dans leur vie quotidienne. Mon rôle est d'être à l'écoute des représentants qui ont une mission d'expression collective, mais aussi de donner le plus souvent possible, la possibilité aux militaires de me parler directement. Rien ne remplace le contact personnel.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 20 août 2001)