Texte intégral
P. Lapousterle - R. Hue a indiqué, hier soir, que malgré les négociations en cours, en l'état actuel, il voterait encore contre le projet de loi anti-licenciements. Comprenez-vous, vous ministre situé à gauche, son attitude ou joue-t-on avec le feu ?
- "Je peux comprendre qu'on veuille faire avancer un texte de cette nature, même si je regrette un peu que cet aspect de la loi efface tous les autres parce que dans cette loi, il y a des choses importantes et progressives. Par exemple, dans mon domaine, il y a tout ce qui concerne la validation des acquis de l'expérience. Donc, dans ma spécialité de ministre, je ronge mon frein, je me dis : "pourvu que cela passe." Sur le plan politique, je comprends qu'on veuille améliorer cette loi. Le mieux, et le plus prudent, est de ne rien dire en tant que membre du Gouvernement sauf une chose: malheur à qui provoquerait la désunion et la chute de la Gauche sur un point de son programme."
Est-ce que la majorité plurielle et le Gouvernement résisteraient à un vote négatif du Parti communiste, étant entendu que les MDC et les Verts ont déjà dit qu'ils voteraient contre ?
- "Il faut sortir par le haut de tout cela. La division, la désunion par incapacité à s'accorder sur ce qui pourrait rassembler, c'est la fin de la gauche et la catastrophe pour tout le monde. Ensuite, chacun peut avoir raison dans son coin. On a vu, en Italie, ce que cela a donné : la gauche commence à se diviser. Je crois qu'il faut, dans l'intérêt du pays d'abord, parce que ce serait un gros trouble, que l'on trouve le moyen de sortir par le haut. Chacun doit essayer de mettre du sien."
Vous n'avez pas le sentiment que vous avez une grande crise politique ?
- "J'espère que non. Ce serait totalement déraisonnable, disproportionné à la fois compte tenu de ce qu'est la politique du Gouvernement en général et de ce que représente ce Gouvernement en Europe et dans le monde. Il faut aussi avoir conscience de cela ! Nous sommes une espèce de drapeau qui marche devant.
Un dernier mot de politique : le Premier ministre vous a décerné une espèce de diplôme lors du colloque socialiste. Il a dit "J.-L. Mélenchon dit lui-même que nous sommes le Gouvernement socialiste le plus avancé en Europe, le plus socialiste d'Europe."
- "C'est un fait absolument fondé. Par contre, cela ne vaut blanc-seing pour personne parce que le niveau moyen de la sociale-démocratie internationale est tout de même lamentablement bas. Il faut bien se rendre compte de cela et la réélection de T. Blair ne me fait pas changer d'avis sur ce qu'est l'orientation de ce parti et le nombre de partis de la sociale-démocratie. La sociale-démocratie internationale est souvent le seul parti progressiste dans les différents pays. Je pense donc que c'est globalement la gauche de transformation qui est peut-être en panne de projets, qui ne sait pas de quel côté aller. Car cette affaire de mondialisation nous prend à revers. On ne sait pas très bien comment l'empoigner pour essayer de la retourner car l'adversaire est malin, fort, puissant et il semble aller de soit. C'est un défi. Mais là, c'est le siècle qui commence et on va bien trouver une solution."
Dans ce cadre-là, L. Jospin est-il le meilleur candidat de la gauche pour la présidentielle ?
- "De la gauche, je ne vais pas dire une chose pareille, tous les autres vont s'énerver. Mais pour les socialistes, oui, cela me paraît tout à fait évident."
Plus de 630 000 candidats au Bac - on devrait dire d'ailleurs aux Bacs ?
- "Oui, dites les Bacs ..."
Finalement, les Bacs techniques et professionnels c'est plus que le Bac général ?
- "Non, ils sont en train de rattraper le bac général : on est à 47-48 % pour 52 % pour le Bac général - les Bacs généraux d'ailleurs, parce qu'il y a des Bacs dans toutes les catégories. Il y a progressivement une inversion de tendance qui est en train de se faire, parce qu'il y a une montée en puissance des Bacs techniques et des Bacs professionnels qui correspond à l'élargissement du nombre de jeunes de la classe d'âge qui vont atteindre le Bac. On s'était donné pour objectif 80 %. On est à 60 % et l'essentiel de la progression est fait par le Bac technique et le Bac professionnel."
Est-ce qu'il n'y a pas deux Bacs en fait ? Je vous entends encore - à l'époque vous n'étiez pas ministre - dire : "qu'est-ce que c'est que cette histoire culturelle ? Il y aura deux Bacs, les petits Bacs et les grands Bacs, l'égalité des chances, etc."
- "Je n'ai jamais dit cela. Si je l'avais dit - mais vraiment je ne l'ai pas dit - je me taperais sur les doigts rétrospectivement parce que la montée en puissance des Bacs techniques et des Bacs professionnels, c'est un vrai bol d'air pour toute la jeunesse française. Tout le monde n'est pas taillé dans le même moule, tout le monde n'est pas fait forcément pour avoir le goût de l'académisme et des matières générales telles qu'elles sont enseignées dans la voie générale. Il faut que cela existe, c'est bien, mais il y a quand même une masse de jeunes qui va s'affirmer, se construire à travers une autre pédagogie, d'autres méthodes."
Il n'y a pas de sous-Bac dans cette affaire ?
- "Non. Dans la tête d'un certain nombre de mandarins et de petits prétentieux, oui. En général, on a souvent tendance à considérer que c'est le Bac du voisin qui est un sous-Bac, et que celui qu'on a est le bon. C'est vrai qu'il y en a qui considèrent que le Bac professionnel et le Bac technique ne sont pas des Bacs. Qu'on les laisse dans leur sottise.... Qu'est-ce que vous voulez ? Comme on dit, il faut laisser faire et laisser braire."
On entendait aussi très souvent dans les congrès du Parti socialiste que l'enseignement ne doit pas avoir pour objectif de permettre de trouver du travail immédiatement - vous vous souvenez de ces débats à n'en plus finir -, que l'enseignement devait permettre à chacun d'avoir une culture générale. Est-ce compatible ?
- "Il faut que le Bac fasse les deux choses. Il faut qu'il permette à chaque jeune de continuer aussi loin qu'il en a le talent, le mérite, dans tous les Bacs - c'est d'ailleurs un problème pour moi, parce que le passage de Bac professionnel à + Bac ne se fait pas facilement."
On dit qu'il y a des passerelles, mais en fait, les gens disent que quand ils veulent les emprunter, elles ne sont jamais sous leurs pieds ?
- "Cela ne marche pas fort, cela ne marche pas assez. J'ai 17 % seulement des jeunes qui continuent ; mais il faut tenir compte de leurs goûts aussi, s'ils n'ont pas envie, on ne va pas leur mettre une baïonnette dans le dos. Le Bac professionnel est un Bac où vous débouchez tout de suite sur l'emploi ; je dois même me battre pour empêcher qu'on prenne les jeunes avant même qu'ils aient fini le Bac. Je ne cesse de leur dire : "soyez raisonnables, terminez le Bac, ayez la qualification." Mais je trouve que ce n'est pas au point. Mon travail consiste donc à améliorer les passerelles. J'espère, avant la fin de la législature, avoir mis au point un système qui fasse que chacun puisse aller le plus loin possible. Donc, pour revenir à votre question, il faut que les diplômes fassent les deux choses : à la fois permettre aux jeunes de continuer, et puis avoir une sortie sur l'emploi, quand la vie ou son goût personnel vous pousse à aller dans la vie active."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 11 juin 2001)
- "Je peux comprendre qu'on veuille faire avancer un texte de cette nature, même si je regrette un peu que cet aspect de la loi efface tous les autres parce que dans cette loi, il y a des choses importantes et progressives. Par exemple, dans mon domaine, il y a tout ce qui concerne la validation des acquis de l'expérience. Donc, dans ma spécialité de ministre, je ronge mon frein, je me dis : "pourvu que cela passe." Sur le plan politique, je comprends qu'on veuille améliorer cette loi. Le mieux, et le plus prudent, est de ne rien dire en tant que membre du Gouvernement sauf une chose: malheur à qui provoquerait la désunion et la chute de la Gauche sur un point de son programme."
Est-ce que la majorité plurielle et le Gouvernement résisteraient à un vote négatif du Parti communiste, étant entendu que les MDC et les Verts ont déjà dit qu'ils voteraient contre ?
- "Il faut sortir par le haut de tout cela. La division, la désunion par incapacité à s'accorder sur ce qui pourrait rassembler, c'est la fin de la gauche et la catastrophe pour tout le monde. Ensuite, chacun peut avoir raison dans son coin. On a vu, en Italie, ce que cela a donné : la gauche commence à se diviser. Je crois qu'il faut, dans l'intérêt du pays d'abord, parce que ce serait un gros trouble, que l'on trouve le moyen de sortir par le haut. Chacun doit essayer de mettre du sien."
Vous n'avez pas le sentiment que vous avez une grande crise politique ?
- "J'espère que non. Ce serait totalement déraisonnable, disproportionné à la fois compte tenu de ce qu'est la politique du Gouvernement en général et de ce que représente ce Gouvernement en Europe et dans le monde. Il faut aussi avoir conscience de cela ! Nous sommes une espèce de drapeau qui marche devant.
Un dernier mot de politique : le Premier ministre vous a décerné une espèce de diplôme lors du colloque socialiste. Il a dit "J.-L. Mélenchon dit lui-même que nous sommes le Gouvernement socialiste le plus avancé en Europe, le plus socialiste d'Europe."
- "C'est un fait absolument fondé. Par contre, cela ne vaut blanc-seing pour personne parce que le niveau moyen de la sociale-démocratie internationale est tout de même lamentablement bas. Il faut bien se rendre compte de cela et la réélection de T. Blair ne me fait pas changer d'avis sur ce qu'est l'orientation de ce parti et le nombre de partis de la sociale-démocratie. La sociale-démocratie internationale est souvent le seul parti progressiste dans les différents pays. Je pense donc que c'est globalement la gauche de transformation qui est peut-être en panne de projets, qui ne sait pas de quel côté aller. Car cette affaire de mondialisation nous prend à revers. On ne sait pas très bien comment l'empoigner pour essayer de la retourner car l'adversaire est malin, fort, puissant et il semble aller de soit. C'est un défi. Mais là, c'est le siècle qui commence et on va bien trouver une solution."
Dans ce cadre-là, L. Jospin est-il le meilleur candidat de la gauche pour la présidentielle ?
- "De la gauche, je ne vais pas dire une chose pareille, tous les autres vont s'énerver. Mais pour les socialistes, oui, cela me paraît tout à fait évident."
Plus de 630 000 candidats au Bac - on devrait dire d'ailleurs aux Bacs ?
- "Oui, dites les Bacs ..."
Finalement, les Bacs techniques et professionnels c'est plus que le Bac général ?
- "Non, ils sont en train de rattraper le bac général : on est à 47-48 % pour 52 % pour le Bac général - les Bacs généraux d'ailleurs, parce qu'il y a des Bacs dans toutes les catégories. Il y a progressivement une inversion de tendance qui est en train de se faire, parce qu'il y a une montée en puissance des Bacs techniques et des Bacs professionnels qui correspond à l'élargissement du nombre de jeunes de la classe d'âge qui vont atteindre le Bac. On s'était donné pour objectif 80 %. On est à 60 % et l'essentiel de la progression est fait par le Bac technique et le Bac professionnel."
Est-ce qu'il n'y a pas deux Bacs en fait ? Je vous entends encore - à l'époque vous n'étiez pas ministre - dire : "qu'est-ce que c'est que cette histoire culturelle ? Il y aura deux Bacs, les petits Bacs et les grands Bacs, l'égalité des chances, etc."
- "Je n'ai jamais dit cela. Si je l'avais dit - mais vraiment je ne l'ai pas dit - je me taperais sur les doigts rétrospectivement parce que la montée en puissance des Bacs techniques et des Bacs professionnels, c'est un vrai bol d'air pour toute la jeunesse française. Tout le monde n'est pas taillé dans le même moule, tout le monde n'est pas fait forcément pour avoir le goût de l'académisme et des matières générales telles qu'elles sont enseignées dans la voie générale. Il faut que cela existe, c'est bien, mais il y a quand même une masse de jeunes qui va s'affirmer, se construire à travers une autre pédagogie, d'autres méthodes."
Il n'y a pas de sous-Bac dans cette affaire ?
- "Non. Dans la tête d'un certain nombre de mandarins et de petits prétentieux, oui. En général, on a souvent tendance à considérer que c'est le Bac du voisin qui est un sous-Bac, et que celui qu'on a est le bon. C'est vrai qu'il y en a qui considèrent que le Bac professionnel et le Bac technique ne sont pas des Bacs. Qu'on les laisse dans leur sottise.... Qu'est-ce que vous voulez ? Comme on dit, il faut laisser faire et laisser braire."
On entendait aussi très souvent dans les congrès du Parti socialiste que l'enseignement ne doit pas avoir pour objectif de permettre de trouver du travail immédiatement - vous vous souvenez de ces débats à n'en plus finir -, que l'enseignement devait permettre à chacun d'avoir une culture générale. Est-ce compatible ?
- "Il faut que le Bac fasse les deux choses. Il faut qu'il permette à chaque jeune de continuer aussi loin qu'il en a le talent, le mérite, dans tous les Bacs - c'est d'ailleurs un problème pour moi, parce que le passage de Bac professionnel à + Bac ne se fait pas facilement."
On dit qu'il y a des passerelles, mais en fait, les gens disent que quand ils veulent les emprunter, elles ne sont jamais sous leurs pieds ?
- "Cela ne marche pas fort, cela ne marche pas assez. J'ai 17 % seulement des jeunes qui continuent ; mais il faut tenir compte de leurs goûts aussi, s'ils n'ont pas envie, on ne va pas leur mettre une baïonnette dans le dos. Le Bac professionnel est un Bac où vous débouchez tout de suite sur l'emploi ; je dois même me battre pour empêcher qu'on prenne les jeunes avant même qu'ils aient fini le Bac. Je ne cesse de leur dire : "soyez raisonnables, terminez le Bac, ayez la qualification." Mais je trouve que ce n'est pas au point. Mon travail consiste donc à améliorer les passerelles. J'espère, avant la fin de la législature, avoir mis au point un système qui fasse que chacun puisse aller le plus loin possible. Donc, pour revenir à votre question, il faut que les diplômes fassent les deux choses : à la fois permettre aux jeunes de continuer, et puis avoir une sortie sur l'emploi, quand la vie ou son goût personnel vous pousse à aller dans la vie active."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 11 juin 2001)