Interview de M. Matthias Fekl, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, à la promotion du tourisme et aux Français de l'étranger, avec RFI le 23 septembre 2015, sur les relations économiques franco-iraniennes et sur la sécurité des ressortissants français au Burkina Faso.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral

FRÉDÉRIC RIVIERE
RFI, il est 07h50 à Paris, notre invité ce matin : Matthias FEKL, secrétaire d'Etat chargé du Commerce extérieur, du Développement du Tourisme et des Français de l'Etranger. Bonjour Matthias FEKL.
MATTHIAS FEKL
Bonjour.
FREDERIC RIVIERE
Avant de revenir sur votre voyage en Iran, quelques mots du Burkina Faso, puisque vous êtes aussi en charge des Français de l'étranger. On parle d'apaisement ces dernières heures, mais une semaine après le coup d'Etat, cette situation semble quand même très instable. Est-ce qu'il y a un risque, ce matin, aujourd'hui, dans les jours qui viennent, pour les quelques 3 500 Français qui vivent au Burkina ?
MATTHIAS FEKL
Nous suivons bien sûr la situation de très près, heure par heure, à la fois sur le plan diplomatique et sur le plan de la sécurité des Français, avec à la fois nos ressortissants, leurs enfants. Aujourd'hui il y a des consignes de confinement, c'est-à-dire qu'ils sont invités à rester chez eux, à ne pas sortir. Les établissements culturels français sont également fermés, de même que les écoles, deux écoles, l'école Malraux et l'école Saint-Exupéry, et nous en sommes là aujourd'hui. Le centre de crise du Quai d'Orsay, qui est composé, comme vous le savez, de très grands professionnels, est heure par heure en contact avec notre ambassade, sur place, pour suivre la situation et adapter, si besoin était, les consignes, mais qui sont aujourd'hui des consignes de sécurité et de confinement.
FREDERIC RIVIERE
Consignes de sécurité, de prudence, pas plus pour le moment. Pas question d'organiser, ne serait-ce qu'à moyen-terme, une évacuation des ressortissants ?
MATTHIAS FEKL
Pas à ce stade. Encore une fois, nous suivons les choses, heure par heure, au vu de la situation réelle sur place, mais s'il y avait besoin, à un moment, d'adapter les choses, elle le serait évidemment en temps réel.
FREDERIC RIVIERE
Parce que c'est ce qu'ont demandé par exemple les Etats-Unis à leurs ressortissants, de partir, et une partie du personnel de l'ambassade américaine est parti déjà.
MATTHIAS FEKL
Mais je vous dis, nous suivons les choses heure par heure, avec les meilleurs experts de la situation sécuritaire sur place, et aujourd'hui l'évaluation est de rester chez soi, de ne pas sortir et donc bien sûr d'être très prudent, mais il n'y a pas de consignes d'évacuation à ce stade.
FREDERIC RIVIERE
Matthias FEKL, vous rentrez tout juste de Téhéran, avec le ministre français de l'Agriculture et 150 entrepreneurs. Vous étiez en mission économique en Iran. Les entreprises françaises, on l'a compris, veulent profiter de la prochaine levée des sanctions contre Téhéran. Est-ce que vous revenez ce matin avec du concret, avec déjà des idées, des possibilités de contrats ?
MATTHIAS FEKL
Nous sommes dans le cadre de l'accord de Vienne du 14 juillet, qui fixe le cadre sur le nucléaire iranien, et une nouvelle étape s'ouvre, donc j'étais hier et avant-hier avec Stéphane LE FOLL en Iran, et effectivement de nombreuses entreprises. Alors l'idée c'est d'abord de renouer des liens. Ça fait 12 ans qu'il n'y avait pas eu de visites de ministres en charge de dossiers économiques dans ce pays. Laurent FABIUS s'y est rendu à la fin du mois de juillet, maintenant s'ouvre une étape économique. Mais ce que nous souhaitons, c'est d'ouvrir des partenariats de long terme, de travailler sur le fond, et les iraniens, on peut le comprendre, n'ont pas envie d'être considérés par le monde entier comme une grande part de gâteau qu'il faudrait se partager. Donc il faut…
FREDERIC RIVIERE
C'est un peu l'impression que ça donne, quand même, quand on débarque avec 150 entrepreneurs, c'est pas juste pour faire des bisous aux autorités iraniennes.
MATTHIAS FEKL
Non, mais il y a eu un grand forum économique, avec de nombreux échanges, mais la France n'a pas tout mélangé, et il y a les aspects politiques, et c'était la visite de Laurent FABIUS au mois de juillet. Il y a le respect et la mise en oeuvre de l'accord de Vienne sur le nucléaire et il y a le fait de renouer des accords économiques. Mais nous proposons un partenariat global. J'ai proposé, au nom du gouvernement français, que la France puisse apporter son soutien à l'Iran, s'il souhaitait adhérer à l'OMC pour préparer les dossiers, voir comment accompagner ce processus, pour inscrire l'Iran dans un contexte multilatéral, et vous connaissez l'attachement de la France au système de l'ONU et au système multilatéral économique. Nous avons aussi mis en place de nouvelles instances de coopération économique, ce que l'on appelle une commission mixte bilatérale entre les deux pays, dans laquelle seront évoqués les dossiers. Et donc nous mettons en place les cadres, nous mettons en place les contacts, et ensuite, dans le cadre de la visite du président ROHANI à la mi-novembre, il y a aura de nouvelles étapes et de nouveaux travaux, mais après 12 ans, il est important d'abord de rebâtir les liens, de rebâtir la confiance, de rebâtir les institutions qui permettront ensuite de travailler sur le fond, et les entreprises, de leur côté…
FREDERIC RIVIERE
Ça veut dire que les entreprises françaises ont du retard aujourd'hui sur le terrain économique en Iran ? C'est ce qu'on entend à demi-mots dans la bouche…
MATTHIAS FEKL
Du retard sur qui ?
FREDERIC RIVIERE
Sur les Américains, par exemple, sur les Chinois.
MATTHIAS FEKL
Les sanctions sont en train d'être levées. L'accord a à peine deux mois…
FREDERIC RIVIERE
Oui, mais les entreprises ont déjà repris pied, semble-t-il.
MATTHIAS FEKL
Quand vous vous déplacez dans Téhéran, vous ne voyez à peu près que des voitures françaises, et donc la France elle est physiquement, concrètement, très présente en Iran, et elle a vocation à le rester, comme vous le disiez. 150 entreprises françaises ne viennent pas, parce que ça n'a pas d'intérêt, au contraire, toute la diversité de notre économie était présente sur place, avec des grands groupes, avec de nombreuses PME aussi. Il y a des besoins de consommation et de biens de consommation et de biens d'équipement très importants en Iran, des besoins d'infrastructures…
FREDERIC RIVIERE
80 millions d'habitants, hein.
MATTHIAS FEKL
80 millions d'habitants, avec tout ce que cela implique, une volonté de s'équiper en infrastructures de transport, en infrastructures d'énergie, d'adapter aussi la ville à tous les enjeux de la ville durable. Bref, sur tous ces secteurs, en matière de santé, en matière agricole et agroalimentaire, Stéphane LE FOLL était aussi là spécifiquement là-dessus, il y a énormément de choses à faire. Mais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, et nos entreprises auront d'autant plus leur rôle à jouer en Iran, que les Iraniens se sentiront respectés et sentiront aussi qu'il y a un dialogue politique, qu'il y a la mise en oeuvre de l'accord de Vienne, et qu'il y a par ailleurs des partenariats de fond qui sont construits.
FREDERIC RIVIERE
Matthias FEKL, vous parlez du dialogue politique. Justement, est-ce que les entreprises françaises ne risquent pas de payer la fermeté affichée par Paris, durant les négociations sur le nucléaire ?
MATTHIAS FEKL
La France a été constante, et elle est dans son rôle, de membre permanent du Conseil de sécurité, en mettant tout en oeuvre pour que la paix, la stabilité, la sécurité, soient assurées dans cette région, comme partout dans le monde. Et là-dessus, Laurent FABIUS, le président de la République, ont été parfaitement clairs, et d'ailleurs, vous savez, les Iraniens, préfèrent avoir un langage clair, savoir à quoi s'en tenir, et maintenant le cadre est très précis, avec l'accord de Vienne, avec une levée progressive des sanctions.
FREDERIC RIVIERE
Mais vous ne pensez pas que les…
MATTHIAS FEKL
Non, on a…
FRÉDÉRIC RIVIERE
… entreprises, on va dire, que les Iraniens, s'il y a des contrats à obtenir, des marchés à ouvrir, vont se dire : « Eh bien les Français, vu l'attitude suspicieuse pendant tout le dossier nucléaire, on ne va pas leur donner des contrats ».
MATTHIAS FEKL
Il n'y a pas eu suspicion, il y a eu un regard très précis sur la situation et des critères d'opposés, mais rien, ni dans mes contacts au niveau du gouvernement, ni dans mes contacts au niveau économique, ni dans les retours qu'on a des entreprises, ne permet de dire ça. Il n'y a eu aucune allusion faite à cela, c'est une nouvelle étape qui s'ouvre maintenant. Il faut regarder vers l'avenir, écrire la suite, et c'est ça qui se joue maintenant en Iran.
FREDERIC RIVIERE
Et vous avez des objectifs chiffrés, en termes de volumes de contrats, en termes de nombres de contrats ? Parce que vous dites 80 millions d'habitants, on en a bien conscience, alors, combien de contrats à la clef, combien de milliards ?
MATTHIAS FEKL
La volonté c'est de positionner les entreprises françaises dans les secteurs d'excellence, pour qu'elles remportent les offres. Il n'y a pas, aujourd'hui, encore une fois, après 12 ans c'était des reprises de contacts, des liens, de nombreuses entreprises ont toujours été en Iran, et d'autres y sont venues maintenant. Un forum économique s'est tenu, qui a permis énormément d'échanges, de discussions, de contacts. Il y a une visite présidentielle, du président ROHANI en novembre, qui sera un moment très important, mais nous avançons progressivement. On a…
FREDERIC RIVIERE
On en est au redémarrage.
MATTHIAS FEKL
Oui, mais en installant un bureau de Business France à Téhéran, nous l'avons ouvert avant-hier, en étoffant le service économique, en mobilisant totalement les services de l'Etat et de la puissance publique, et au service de nos entreprises là-bas.
FREDERIC RIVIERE
Matthias FEKL, un mot, on ne peut pas l'éviter, du scandale du moment, le scandale VOLKSWAGEN, le constructeur automobile allemand qui a triché pour contourner les tests de pollution aux Etats-Unis, 11 millions de véhicules concernés. Est-ce que par ricochet, de façon un peu cynique, ce n'est pas une bonne nouvelle pour les constructeurs français ?
MATTHIAS FEKL
Non, nous on ne considère pas les choses comme ça, c'est une situation très grave, d'ailleurs les responsables sont convoqués à la chancellerie, à Berlin, donc la France, là-dessus, ne se réjouit pas des déboires des autres et surtout, de la gravité d'une telle situation, c'est-à-dire qu'on est à une époque où les gens ont droit à de la transparence, à une information fiable sur la réalité des risques de pollution, des risques de santé, c'est un enjeu absolument fondamental et donc il y a certainement pas matière, là, à s'en réjouir de quelque manière que ce soit.
FREDERIC RIVIERE
Et est-ce qu'on est certain que les constructeurs français n'ont pas eux aussi triché à un moment ou à un autre ?
MATTHIAS FEKL
Mais il y a des règles extrêmement rigoureuses, il y a des institutions, et françaises, et européennes, qui sont en charge de suivre cela, et nous nous conformons rigoureusement à cela, en tout cas c'est l'attitude de la France.
FREDERIC RIVIERE
Voilà. Vous n'avez aucun écho à ce propos ?
MATTHIAS FEKL
Aucun, aucun.
FREDERIC RIVIERE
Merci Matthias FEKL d'être venu ce matin sur RFI.
MATTHIAS FEKL
Merci à vous.
FREDERIC RIVIERE
Secrétaire d'Etat français chargé du Commerce extérieur, du Développement du Tourisme et des Français de l'Etranger. Un entretien que vous retrouvez en vidéo et en audio, sur notre site Internet rfi.fr.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 septembre 2015