Déclaration de Mme Pascale Boistard, secrétaire d'Etat aux droits des femmes, sur l'extrémisme religieux et les femmes, Paris le 17 septembre 2015.

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La question de l'extrémisme religieux s'est installée dans le débat politique français, européen et international. Ces extrémismes – car ils sont multiples- touchent toutes les religions et ne peuvent être ignorés.
Il s'agit d'un sujet toujours difficile à aborder car les fondamentalistes se réclament d'une religion, alors même que leurs actes sont en contradiction avec cette revendication.
L'opinion publique est donc tentée de stigmatiser une religion à cause des actions fanatiques qui sont perpétrées en son nom.
Je remercie Nicole Ameline pour cette initiative courageuse et ambitieuse.
Un choix qui fait d'ailleurs suite à un évènement auquel nous avions toutes deux pris part lors de la derrière convention du statut de la femme à l'ONU au mois de mars.
Aucune religion, aucune société, aucun pays n'est épargné. Les extrémismes, quels qu'ils soient, sont une violence. De par leur intolérance, ils sont un danger pour nos démocraties, pour la paix, pour les citoyens et en particulier pour les femmes.
Les fondamentalismes religieux ont cette particularité qu'ils prônent un dogme de soumission des femmes. Ils poussent à la remise en cause de leurs droits les plus élémentaires que sont le droit à l'éducation ou le droit à disposer de leur propre corps. Considérant l'émancipation des femmes comme la principale cause de tous les fléaux, ils imposent, par la violence et la terreur, un schéma de société patriarcal, où s'affirme la domination masculine. Dans ce schéma poussé à l'extrême, les femmes deviennent des objets, des marchandises.
« Du fanatisme à la barbarie, il n'y a qu'un pas », écrivait Diderot. Ce pas a été franchi, un peu partout ces dernières années, de la Syrie au Nigeria, en passant par l'Afghanistan ou le Pakistan.
Viols comme armes de guerre en Syrie, esclavage sexuel mis en place par Daech, enlèvements et asservissement des jeunes filles par Boko Haram : les femmes sont partout niées et humiliées parce que femmes.
Ces extrémistes ne reculent devant aucune exaction, utilisant même des enfants pour commettre des attentats-suicide. Ces crimes abominables révoltent la conscience humaine.
Permettez-moi alors de rendre hommage à toutes celles qui se battent.
Parce que sortir de chez soi est une résistance.
Parce qu'aller à l'école est une résistance.
Parce qu'être, tout simplement, est une résistance.
Lors de mon intervention à l'ONU j'avais tenu à parler des femmes kurdes d'Irak, les PESHMERGAs, qui combattent les intégristes de DAECH.
Je pensais aussi aux femmes imams en Algérie qui luttent avec succès contre les dérives fascistes. Je pensais enfin aux Tunisiennes qui se sont levées pour faire entendre leur voix et ont ainsi acquis des droits reconnus dans la Constitution tunisienne, adoptée l'année dernière.
Rassemblées, unies, associées, les femmes sont donc, elles aussi, un rempart face à l'expansion des intégristes.
Mais disons les choses : la plupart des femmes dans le monde n'ont pas les moyens de lutter à armes égales.
Elles sont les premières victimes de l'extrémisme. Les intégristes cherchent à les diminuer, à les cacher, à les asservir, à les déshumaniser. Et lorsqu'elles refusent de se plier à un nouveau dogme sectaire, ils les disent impures, ils les violent, ils les tuent.
Partout dans les enceintes internationales, la France condamne avec la plus grande fermeté les crimes et les exactions commis par les groupes intégristes dans le monde. Les extrémismes religieux remettent sans cesse en cause les droits les plus fondamentaux des femmes.
Mais je le dis ici, comme je le martèle ailleurs : ces droits fondamentaux ne sauraient souffrir d'aucune forme de relativisme culturel, quel qu'en soit le prétexte.
Non, l'imposition de normes alimentaires, vestimentaires, morales, intellectuelles, la privation de droits, de liberté, les mutilations ne sont pas des traditions. Ce sont des violences inacceptables, où qu'elles se passent.
Je n'oublie pas les droits sexuels et reproductifs : je pense bien sûr avant tout à l'avortement. En priver les femmes, au nom d'une idéologie religieuse est une autre violence.
La condamnation dogmatique de l'avortement peut mettre en danger les femmes qui le pratiqueront dans de mauvaises conditions.
De même, la condamnation du recours aux modes de contraception et de protection contre les Maladies sexuellement transmissibles peut mettre les femmes en danger. En 2014, 220 millions de femmes étaient dépourvues d'accès à la contraception. Et, chaque année, 20 millions d'interruptions volontaires de grossesse sont réalisées dans des conditions non sécurisées.
Elles causent 50 000 décès de femmes qui laissent souvent derrière elles, nombre d'enfants orphelins.
D'une manière plus globale et au-delà des aspects purement sanitaires, il s'agit ici d'une remise en cause d'un droit humain fondamental, celui de disposer de son propre corps. Dans l'histoire des combats des femmes, il a souvent fallu affronter un ordre moral ou religieux, parce que le corps des femmes est un enjeu politique pour beaucoup.
En France, nous devons rester vigilantes. De nombreuses associations sont engagées sur ce combat. Car nous sentons bien monter les conservatismes, les crispations.
Notre rempart, c'est la laïcité. C'est pourquoi il est primordial de la remettre au centre de nos valeurs, car elle est le principal fondement du vivre ensemble.
C'est elle qui nous unit, dans nos différences.
La laïcité, ce n'est pas, comme certains voudraient nous le faire croire, un dogme strict ou une notion à géométrie variable. Non, la laïcité c'est la liberté laissée à chacune et chacun de croire ou de ne pas croire. C'est la garantie d'une liberté de conscience et de culte, la garantie que chaque humain, individuellement et dans sa vie privée, est maître de ses choix.
C'est pour cela que le comité interministériel « Egalité Citoyenneté» réuni par le premier ministre en mars dernier comporte un volet dédié à l'égalité femme-homme.
J'aimerais, puisque nous parlons de laïcité, brièvement revenir sur les événements de ces derniers jours. J'ai examiné avec beaucoup d'attention la situation posée par le salon de la femme musulmane, qui s'est déroulé à Pontoise. Dès les premiers signalements, j'ai immédiatement demandé au ministère de l'Intérieur de saisir le préfet du Val d'Oise.
Je n'ai aucune indulgence pour les militants du sexisme et de la soumission des femmes sous couvert d'un ordre religieux, quel qu'il soit. Et parce que notre modèle de société est celui de la démocratie et de l'Etat de droit, je veux être précise sur ce que nous pouvons faire ou ne pas faire dans ces situations.
Rien ne serait pire que des effets d'annonce aux bases juridiques fragiles et qui donnent par la suite des victoires aux adversaires de l'égalité.
La loi ne nous permet pas d'interdire des événements de cette nature avant leur tenue puisqu'on ne peut pas présager avec certitude que des propos condamnables vont y être exprimés.
C'est une des différences importantes en droit avec la situation des spectacles de Dieudonné par exemple.
Il faut en revanche rester extrêmement vigilant pour que les propos contraires à la loi qui pourraient être tenus soient relevés et fassent l'objet de poursuites.
C'est l'attitude que nous avons adoptée au sujet du salon musulman du Val d'Oise qui était organisé ce week-end à Pontoise. Après avoir pris connaissance de la liste des intervenants dont certains ont tenu des propos répréhensibles par le passé, nous avons pris les dispositions nécessaires pour que des poursuites soient engagées si de tels propos étaient prononcés. Aucun propos contraire aux lois de la République ne peut être toléré.
La France est un pays laïc. C'est une évidence qu'il faut répéter, toujours expliquer. Faisons en sorte que l'égalité dans le choix, la liberté de parole et de conscience soient préservées pour chacune d'entre nous. C'est le gage de notre liberté, de notre égalité, de notre sororité et de notre fraternité.
Source http://femmes.gouv.fr, le 21 septembre 2015