Interview de M. Thierry Mandon, secrétaire d'Etat à l'enseignement supérieur et à la recherche à Sud Radio le 2 septembre 2015, sur la situation économique, le chômage et la popularité de François Hollande.

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Média : Emission La Tribune Le Point Sud Radio - Sud Radio

Texte intégral


CHRISTOPHE BORDET
Thierry MANDON, bonjour.
THIERRY MANDON
Bonjour.
CHRISTOPHE BORDET
Merci d'être avec nous ce matin, si je vous dis que François HOLLANDE baisse de deux points dans le baromètre IFOP Fiducial pour Sud Radio et Paris match, il y a seulement 25 % des personnes interrogées qui approuvent l'action du chef de l'Etat contre 27 % au mois de juillet dernier, est-ce que ça vous étonne encore ?
THIERRY MANDON
Non, on est toujours dans des plus deux, moins deux selon les mois, mais ce n'est pas étonnant parce que quand on regarde le détail du sondage, on se rend compte qu'il y a deux traits d'image. Il y a des traits d'image qui relèvent de, est-ce que le président défend bien la France au niveau international et là ce sont plus de 50 % de gens qui disent oui. Et puis il y a le trait d'image, est-ce que le président gère bien la politique économique, les problèmes de la France et le trait d'image est négatif. Il n'y a pas de raison que ça change tant qu'il n'y a pas de résultat et c'est ça qui manque aujourd'hui, croissance insuffisante, chômage qui ne baisse pas, il n'y a pas de résultat, il n'y a pas de raison qu'on dise, le président est formidable.
CHRISTOPHE BORDET
Alors ce qui est quand même formidable, c'est que vous ^tes ministre de ce gouvernement, du gouvernement de Manuel VALLS, et vous dites ce matin, oui il n'y a pas de résultat.
THIERRY MANDON
Non je ne dis pas ça.
CHRISTOPHE BORDET
Voilà c'est comme ça, bon …
THIERRY MANDON
Non, je ne dis pas ça de manière dilettante et en disant oui… en commentateur, pour nous c'est un énorme problème et c'est une obsession permanente, il faut réfléchir aux raisons pour lesquelles, qu'est-ce qu'il faut encore faire pour améliorer les choses pour qu'on ait les résultats qui nous manquent ? Comment se fait-il que le début de croissance, certes insuffisant, mais ne produise pas plus d'effet emploi ? C'est toutes ces questions-là qui sont en permanence sur la table de travail du gouvernement et notamment sur la mienne.
CHRISTOPHE BORDET
Alors Thierry MANDON pour être complet avec ce baromètre, Manuel VALLS perd trois points, il passe de 47 à 44 % d'opinions favorables, enfin seulement 25 % des sondés estiment effectivement que François HOLLANDE dit la vérité sur la situation du pays, plus personne ne croit le chef de l'Etat, c'est quand même un vrai problème Thierry MANDON, François HOLLANDE n'a plus aucune crédibilité. Vous allez me dire, qui pouvait encore douter de ça, en est-il conscient à votre avis ?
THIERRY MANDON
D'abord il lit les sondages j'imagine comme vous et comme nous tous et donc ça le préoccupe, mais on ne sait jamais qu'elle est la poule, quel est l'oeuf ? On lui reproche de ne pas dire la vérité parce que les problèmes continuent ou c'est parce que les problèmes continuent qu'on lui reproche de ne pas dire la vérité ? Moi, mon analyse, c'est simple, c'est tant qu'il n'y a pas de résultat, la parole présidentielle a du mal à passer. Il pourrait parler beaucoup plus, expliquer beaucoup plus, ça ne changerait rien s'il n'y a pas les résultats et donc le vrai sujet, c'est pourquoi aujourd'hui ça ne marche pas, qu'est-ce qu'il faut encore faire pour que ça marche ?
CHRISTOPHE BORDET
Je vous pose la question, tiens, qu'est-ce qu'il faut encore faire pour que ça marche, alors la question est large ? Elle est très large la question.
THIERRY MANDON
J'ai une conviction dont j'ai parlé au ministre du Travail sortant, dont je parlerai dès que le ministre du Travail nouveau viendra, c'est qu'en matière d'emploi aujourd'hui dans les secteurs qui redémarre doucement, je pense par exemple à la construction et le logement où les hausses d'achats sont importantes ou dans les travaux publics, on a un énorme problème de travailleurs qu'on appelle les travailleurs détachés, c'est-à-dire quand on se promène sur les chantiers aujourd'hui, on voit que la main d'oeuvre…
CHRISTOPHE BORDET
Donc il faut les virer pour embaucher des Français, c'est ça que vous êtes en train de dire ?
THIERRY MANDON
Non, mais ça veut dire que cette question du travail détaché qui a été soi-disant réglée au niveau européen, qui a fait l'objet d'une loi en France aujourd'hui est insuffisante, voilà. Or sur les secteurs qui sont fortement pourvoyeur d'emploi en France, s'il n'y a pas plus de salariés qui trouvent du boulot, il n'y a pas de raison que le chômage baisse. Voilà première piste, il faut qu'on multiplie les contrôles sur les chantiers, qu'on regarde si tous les gens qui sont sur ces chantiers sont en conformité avec la loi et plus généralement qu'on se réinterroge y compris au niveau européen aujourd'hui pour savoir si certaines branches particulières, je pense construction, les travaux publics, il n'y a pas quand même un abus, une perversion des règles existantes en matière de travailleurs détachés.
CHRISTOPHE BORDET
Vous dites, il faut voir ça au niveau européen et quand on sait le temps que cela prend à chaque fois, la complexité que c'est etc, on n'est pas près d'y arriver Thierry MANDON.
THIERRY MANDON
D'abord oui il faut le faire, c'est toujours pareil si des problèmes qui existent on ferme les yeux dessus parce qu'on se dit c'est tellement compliqué à faire bouger, on ne les fait pas bouger, il ne faut pas s'étonner qu'après on nous dise, on ne croit pas à ce que vous dites. Moi mon sentiment c'est que tous les témoignages que j'ai autour de moi c'est pareil, vous allez sur les chantiers aujourd'hui et vous ne comprenez pas pourquoi il y a autant de travailleurs potentiellement « détachés », entre guillemets. Donc ça c'est une piste. Là on parle de plusieurs dizaines de milliers d'emplois, et on parle des emplois qui peuvent être occupés demain par des gens qui cherchent du travail.
CHRISTOPHE BORDET
Mais donc il faut que les textes soient plus durs et qu'on renvoie ces gens-là chez eux ?
THIERRY MANDON
En tout cas… mais non, il ne s'agit pas de les renvoyer chez eux, ils sont chez eux. Les travailleurs détachés qu'est-ce que c'est ? C'est quelqu'un qui habite dans tel pays européen…
DEBE
Oui parce que c'est légal à la base, donc on fait comment ?
THIERRY MANDON
C'est totalement légal, sauf que dans quelques branches professionnelles, les règles légales européennes sont perverties par des usages qui sont différents des raisons pour lesquelles on a fait ces règles. Voilà. On n'a pas fait ces règles pour développer des emplois low cost avec des gens qui viennent de l'étranger occuper ces emplois-là, on a fait ces règles pour permettre à des gens qui normalement sont expatriés d'exercer pendant un certain temps à l'étranger. Ce n'est pas la même chose.
CHRISTOPHE BORDET
Thierry MANDON, popularité en berne pour le chef de l'Etat, on l'a dit, la solution c'est peut-être le mea culpa, nouvel exercice pratiqué par François HOLLANDE à travers le livre de la journaliste Françoise FRESSOZ « le stage est fini » aux éditions Albin Michel. Dans ce livre, François HOLLANDE regrette de ne pas avoir mis en oeuvre la TVA sociale de Nicolas SARKOZY. Il faut avouer, à moitié pardonné, Thierry MANDON ?
THIERRY MANDON
Ecoutez, moi je n'ai pas lu, je crois que ce n'est même pas sorti, donc commenter des livres qui ne sont pas encore sortis … il fait des mea culpa avec…
CHRISTOPHE BORDET
Mais enfin les extraits sont dans l'Express, tout le monde peut les lire.
THIERRY MANDON
Non, mais ok, non mais tout ça je ne conteste pas ce qu'il dit, je découvre ce qu'il dit, moi mon sentiment c'est qu'en début de quinquennat, il y a des décisions qu'on a prises qu'il fallait réinterroger, j'avais mis l'accent moi sur la question des heures supplémentaires fiscalisées, qui je crois, elles, nous ont coupé d'une partie de notre électorat. La TVA, ça ne m'a pas semblé aussi évident mais si ça semble évident pour le président, je vais lire avec intérêt son argumentation.
CHRISTOPHE BORDET
Alors François HOLLANDE va même plus loin dans ce livre puisqu'il reconnait que Nicolas SARKOZY n'avait pas que de mauvaises idées, quand on lit ça, on se dit en 2017, il va finir par voter SARKO.
THIERRY MANDON
Non, je ne crois pas que ce soit la tournure et le livre doit être quand même un peu plus balancé que ça. Je pense quand même que c'est plus équilibré.
CHRISTOPHE BORDET
Non, mais il reconnait que Nicolas SARKOZY n'avait pas que de mauvaises idées, c'est quand même…
THIERRY MANDON
Moi, je reconnais que tout le monde… de toute façon il ne faut jamais partir de l'idée que celui qui est en face de vous, qui n'est pas d'accord avec vous a forcément de mauvaises idées. Vous voyez il vaut mieux écouter ce qu'il raconte et bien chercher dans ce qu'il dit, s'il y a un regard qui peut vous permettre de progresser.
CHRISTOPHE BORDET
Alors HOLLANDE fait son mea culpa alors qu'il est encore au pouvoir, ça c'est quand même assez étonnant parce que même François MITTERRAND quand on y regarde de près n'a jamais osé faire ça et SARKOZY encore moins. Alors il y a deux solutions, c'est ce que je me disais ce matin en préparant cette interview, ou bien il est sincère, ou bien il est dans la tactique pour 2017, il se dit, je reconnais mes erreurs, les deux premières années avec AYRAULT, on n'a pas pris le bon chemin. Alors c'est quoi Thierry MANDON à votre avis, sincérité ou tactique ?
THIERRY MANDON
D'abord c'est très ponctuel, je ne crois pas qu'il remette en cause l'ensemble de son action sur les deux ou trois premières années, au contraire à mon avis, d'après ce que, là encore ces quelques extraits, il assume pleinement les choix qu'il a fait au niveau européen, la réorientation de la politique en direction des petites et moyennes… des entreprises et de l'emploi…
CHRISTOPHE BORDET
Il dit j'ai pris des mesures de droite…
THIERRY MANDON
Donc ce n'est pas une remise en cause de tout, c'est ponctuellement deux ou trois éléments d'autocritique, après tout franchement qu'un homme politique ose dire, peut-être que là finalement je n'ai pas tout à fait fait ce que j'aurais du faire, moi je trouve que ça c'est plutôt pas mal.
CHRISTOPHE BORDET
C'est pas mal, c'est bien.
THIERRY MANDON
L'illusion du président omniscient, qui sait tout, qui d'ailleurs sur un quinquennat comme c'était le cas avec Nicolas SARKOZY fait tout, puis le contraire de tout, mais sans jamais dire que tout ça… ça ne marche plus, que des gens soient autocritiques et en recherche permanente d'amélioration, c'est plutôt bien.
CHRISTOPHE BORDET
A travers ce qu'il dit dans ce livre, est-ce qu'à votre avis il s'éloigne un petit peu plus encore de la gauche de la gauche, de MONTEBOURG, des verts, est-ce qu'il ne se place pas un peu plus au centre ?
THIERRY MANDON
Plus c'est difficile, on ne peut pas dire que les relations soient extrêmement étroites, chaleureuses entre ce que vous appelez la gauche de la gauche et le président de la République et ça a commencé le premier jour. ca a commencé avant même le quinquennat, ça a commencé le premier jour, ça a commencé par la campagne présidentielle, bref ça c'est malheureusement pour la gauche actuellement irréversible.
CHRISTOPHE BORDET
Dites-moi Thierry MANDON, HOLLANDE fait son mea culpa sur la TVA sociale de SARKO, reconnaît avoir pris certaines mesures de droite, et la jeunesse Thierry MANDON, et la jeunesse. Vous l'avez dit à François HOLLANDE, « priorité à la jeunesse », « n'oublie pas ta promesse de campagne. » Vous l'avez rappelé à François HOLLANDE, est-ce qu'il a oublié la jeunesse, est-ce qu'il a oublié les étudiants ?
THIERRY MANDON
Ecoutez, moi, depuis que je m'occupe de ce secteur, c'est-à-dire très peu de temps…
CHRISTOPHE BORDET
Sans langue de bois !
THIERRY MANDON
Oui, oui, bien sûr, c'est la règle avec vous, de toute façon. Je suis frappé de l'intérêt qu'il porte à ce que je lui raconte.
CHRISTOPHE BORDET
Ça ne coûte pas cher de porter de l'intérêt.
THIERRY MANDON
Non, non, non, mais pas seulement. Un budget qui était parti sur des mauvaises bases, budget pour 2016, qui est en train d'être corrigé sur des bases qui me vont mieux, considérant, je considère qu'il y a un énorme problème budgétaire dans le long terme pour former, par des formations de qualité, les jeunes Français. Pas seulement l'école, le collège et le lycée, mais après, c'est là où ça se passe, ce que devient l'emploi aujourd'hui, il faut être qualifié, et qu'il va falloir mettre beaucoup plus de moyens, dans le long terme, qu'on en met aujourd'hui, et ça, ça doit commencer maintenant.
CHRISTOPHE BORDET
Vous allez les obtenir ces moyens ?
THIERRY MANDON
Oui.
CHRISTOPHE BORDET
Vous êtes sûr ?
THIERRY MANDON
Oui.
CHRISTOPHE BORDET
Parce que les agriculteurs ils obtiennent des sous, par exemple…
THIERRY MANDON
Oui, je suis sûr, je suis sûr, on en reparlera à la fin du mois, là on a la rentrée…
CHRISTOPHE BORDET
Qu'est-ce qui se passera à la fin du mois ?
THIERRY MANDON
Je vais vous dire, là on a la rentrée universitaire qu'il faut réussir, parce qu'il y a encore quelques étudiants qui n'ont toujours pas de place, ce qui est, j'allais dire normal, totalement anormal, mais qui doit être géré d'ici la fin du mois, ça c'est mon obsession pour le moment, voilà. Comme je vous l'avais dit avant l'été, je vous le confirme, les étudiants qui n'ont pas de place en auront une avant la fin du mois de septembre.
CHRISTOPHE BORDET
7500 ils étaient.
THIERRY MANDON
Oui, donc là c'est quand même beaucoup moins, heureusement…
CHRISTOPHE BORDET
On en est à combien, vous ne savez pas ?
THIERRY MANDON
Là c'est difficile, parce que jour après jour on trouve des solutions individualisées, tous les recteurs sont mobilisés, et j'ai nommé quelqu'un, à mon cabinet, chargé de veiller à ce que l'ensemble des étudiants aient la solution qui leur va, donc ça se règle d'ici fin septembre. Et fin septembre…
CHRISTOPHE BORDET
Et les sous ?
THIERRY MANDON
Les sous qui vont avec, mais fin septembre, justement, je vous présenterai les grands chantiers. Il y en a sept, huit, de l'année 2015-2016, qui sont, eux, très concrets, qui commencent par le budget, par les sous qui vont vers le système, mais qui sont ensuite comment on renforce la réussite scolaire, comment on oriente mieux, comment on trouve des moyens pour empêcher des pratiques de sélection, de fait, qu'il y a dans les universités, bref, des choses très concrètes qui doivent répondre à la difficulté actuelle des universités françaises. Et ça, le président est complètement derrière, il me soutient à fond, comme le Premier ministre, pour régler ces problèmes.
CHRISTOPHE BORDET
Vous reviendrez pour nous en parler. En deux mots vraiment. Najat VALLAUD-BELKACEM, elle a réussi sa rentrée selon vous ?
THIERRY MANDON
Ecoutez, ça se passe bien. Enfin je veux dire, ça se passe bien, ça dépend quels critères, mais…
CHRISTOPHE BORDET
En deux mots.
THIERRY MANDON
Eh bien oui, la réponse est absolument oui. Il y a des professeurs partout, il y en a plus que l'année dernière…
CHRISTOPHE BORDET
Il en manque encore dans certains endroits, peu importe ?
THIERRY MANDON
On est dans l'ajustement, les enfants sont rentrés dans les écoles, tout ça, ça va.
CHRISTOPHE BORDET
Merci beaucoup Thierry MANDON d'avoir été avec nous ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 septembre 2015