Interview de Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social à I-Télé le 25 septembre 2015, sur le chômage la situation de l'emploi et l'éventualité de la croissance économique.

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Texte intégral


BRUCE TOUSSAINT
Myriam EL KHOMRI est l'invitée d'iTélé ce matin. Bonjour et merci d'être avec nous.
MYRIAM EL KHOMRI
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Est-ce que vous avez passé une bonne soirée ?
MYRIAM EL KHOMRI
Oui, j'ai passé une bonne soirée. J'étais sur le plateau de « Des paroles et des actes ».
BRUCE TOUSSAINT
On va regarder l'image ; c'est pour ça que je vous pose la question parce qu'effectivement on a vu l'ensemble du gouvernement. Vous voici entre Najat VALLAUD-BELKACEM et Stéphane LE FOLL.
MYRIAM EL KHOMRI
J'étais un petit peu fatiguée.
BRUCE TOUSSAINT
Oui. On se demandait d'ailleurs… Pour être très honnête, c'était déjà un peu long pour nous à la maison ; je me suis inquiété pour vous.
MYRIAM EL KHOMRI
Le format de l'émission était un petit peu long.
BRUCE TOUSSAINT
Au-delà de ça, quel intérêt ça a finalement de faire venir tout le gouvernement comme ça ? Manuel VALLS, il peut venir tout seul comme un grand, non ?
MYRIAM EL KHOMRI
Non, c'est important et il l'a dit, d'ailleurs : on est une équipe, une équipe France, et c'est important, c'était un moment important. Vous savez, cette émission était importante parce qu'il fallait donner du sens, expliquer plus, avoir le temps d'expliquer sur le fond quelle était la direction. C'était donc important pour les membres du gouvernement. L'émission était un petit peu longue, je vous le concède. Néanmoins, il y a quand même de fortes inquiétudes qui se sont exprimées dans notre pays et ça permet de rentrer dans le fond des sujets.
BRUCE TOUSSAINT
Oui. On peut aussi dire que ça donne le sentiment que le gouvernement passe son temps à communiquer, à faire de l'image. Est-ce qu'au fond vous ne seriez pas mieux, tous, dans vos ministères à travailler ? Pas le soir, vous me direz.
MYRIAM EL KHOMRI
Excusez-moi, à vingt-trois heures on ne va pas faire de visite de terrain. Non, je pense que pour expliquer, pour être face aux Français, je pense que c'était une belle image.
BRUCE TOUSSAINT
Vous étiez là hier soir, on va regarder l'audience d'ailleurs, ce sera aussi un élément. Est-ce que cette émission a convaincu les Français ? Est-ce que les gens se sont intéressés à cette grande explication de texte du Premier ministre ? L'audience, ce sera à neuf heures. Souvenez-vous, pour aborder maintenant le sujet du chômage, de ce que vous avait prédit François REBSAMEN, votre prédécesseur. Regardez.
? Document d'archive :
FRANÇOIS REBSAMEN, ANCIEN MINISTRE DU TRAVAIL
Tous les mois, il y a un rituel. Il y a pour le ministre, comment dire, un grand moment de solitude : la publication des chiffres de Pôle emploi.
BRUCE TOUSSAINT
Ça, c'était le 2 septembre, ça vous faisait un peu sourire. Le moment de solitude, c'était hier soir. Vous l'avez ressenti un peu comme ça ou pas ?
MYRIAM EL KHOMRI
Non. Je ne l'ai pas vécu comme un moment de solitude. C'est une évidence, je n'ai pas envie que mon ministère soit le ministère des statistiques mensuelles ni des pronostics. Je ne l'ai pas vécu comme un moment de solitude parce que le chômage, c'est vraiment l'affaire de tous, et que tous les membres du gouvernement sont mobilisés pour lutter contre le chômage. Quand le ministre Emmanuel MACRON décide de telle ou telle aide en direction des entreprises, cela nous permet justement de pouvoir créer des conditions favorables à la création de l'emploi. On voit bien qu'il faut un front uni, je ne l'ai pas vécu comme ça mais c'est vrai que je trouve que ce rituel des statistiques mensuelles, ce n'est pas à ça que sert un ministre du Travail et de l'emploi. Ce n'est pas dans l'analyse des chiffres du chômage, je pense que c'est plutôt dans la mobilisation des acteurs sur le terrain pour que ça fonctionne mieux.
BRUCE TOUSSAINT
Est-ce que ce rituel mensuel pourrait évoluer ? Est-ce que vous y pensez ? Est-ce qu'on pourrait passer par exemple à des chiffres trimestriels ou autre chose ?
MYRIAM EL KHOMRI
Les chiffres du BIT sont justement pour analyser les tendances. Mais écoutez, maintenant tous les mois, tout le monde attend les chiffres de Pôle emploi. Il faut de la transparence et je continuerai bien sûr. Ces chiffres de Pôle emploi seront donnés tous les mois. Ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut pas limiter l'action du ministre de l'Emploi et du Travail à la seule analyse des statistiques.
BRUCE TOUSSAINT
C'était votre baptême du feu. Vous espériez une baisse honnêtement.
MYRIAM EL KHOMRI
Bien sûr, on espère toujours.
BRUCE TOUSSAINT
Ç'aurait été mieux pour vous pour démarrer.
MYRIAM EL KHOMRI
Pas pour moi. On espère toujours. Derrière ces chiffres, il y a des femmes et des hommes, et on espère toujours que ces femmes et ces hommes trouvent un emploi.
BRUCE TOUSSAINT
Les chiffres ne sont pas bons, vous l'avez dit d'ailleurs dès hier soir. Il y avait eu une petite amélioration en juillet, une petite pause en juin et là, hop !, ça remonte.
MYRIAM EL KHOMRI
Ils ne sont pas satisfaisants en effet, plus vingt mille chômeurs dans la catégorie A. Si on regarde les trois catégories, ça fait + 0,6 %. ; si on regarde les trois catégories, ça fait + 0,2 puisqu'il y a une augmentation des personnes qui sont en activité réduite. Ils ne sont pas bons. Il y a un point positif, c'est le recul du chômage des jeunes. Sur les trois derniers mois, il y a près de dix mille jeunes qui sont sortis du chômage. Ça montre que les outils qu'on a posés depuis 2012 commencent à porter leurs fruits. Ça, c'est un point important.
BRUCE TOUSSAINT
Est-ce qu'on peut vraiment parler d'un recul du chômage des jeunes ? On sait que c'est une période un peu particulière, il y a les emplois saisonniers.
MYRIAM EL KHOMRI
Non, parce que les variations saisonnières sont enlevées dans les statistiques.
BRUCE TOUSSAINT
Pardon, mais c'est très peu. Si on fait le compte sur un mois, ça fait trois mille si on faisait une moyenne.
MYRIAM EL KHOMRI
J'entends, j'entends. Bien sûr, je préfèrerais qu'il y ait beaucoup plus de jeunes qui sont en emploi, c'est une évidence. Ce que je veux dire, c'est qu'on revient à un niveau de début 2013. C'est important, on est vraiment aujourd'hui sur une amélioration des choses. Il y a plusieurs choses qui l'ont permis. Il y a bien sûr les emplois d'avenir qui ont été mis de façon massive, notamment dans le secteur marchand et le secteur non-marchand. Il y a la Garantie jeunes qui permet d'aller chercher les jeunes qui sont en décrochage scolaire. Il y a plein d'outils, et aujourd'hui on voit bien que ces outils ont une cohérence et commencent à porter leurs fruits. Pas suffisamment, je vous le concède tout à fait, mais il faut continuer à amplifier dans ce domaine.
BRUCE TOUSSAINT
L'objectif, c'est toujours l'inversion de la courbe ou plutôt l'objectif c'est à nouveau l'inversion de la courbe du chômage ? Parce que l'expression n'était plus jamais utilisée par le gouvernement. Vous, vous le dites.
MYRIAM EL KHOMRI
Je vous confirme que mon objectif, c'est qu'il y ait moins de chômeurs en France.
BRUCE TOUSSAINT
Ce n'est pas tout à fait la même chose.
MYRIAM EL KHOMRI
Si. Donc, c'est l'inversion de la courbe, oui tout à fait.
BRUCE TOUSSAINT
Donc c'est clair. Il n'y a pas de problème avec ça, les mots ont un sens. Vous, vous le dites, vous assumez ça.
MYRIAM EL KHOMRI
Bien sûr.
BRUCE TOUSSAINT
Ce n'est plus une formule interdite. Et c'est quand ?
MYRIAM EL KHOMRI
Je ne suis pas le ministère des statistiques mensuelles, je ne suis pas non plus la ministre des pronostics. Vous avez plein d'instituts de prévisions et nous ferons des prévisions sur le climat des affaires qui font beaucoup d'évaluations.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, mais ils travaillent pour vous aussi et vous avez des indications. Vous avez un sentiment.
MYRIAM EL KHOMRI
Je ne suis pas là pour faire des pronostics. Je ne pourrai pas vous dire quand il y aura une inversion de la courbe. Ce qui est sûr, c'est que nous avons un climat des affaires, l'activité économique repart depuis le début de l'année. Nous avons des créations d'emploi telles que nous n'avons pas eues depuis 2011, donc nous sommes dans une bonne dynamique. La croissance repart mais elle n'est pas encore suffisante pour créer de nombreux emplois. On est là, on est dans une période un petit peu transitoire, donc maintenant il faut justement… On ne peut pas avoir la lutte contre le chômage sans regarder la question de la croissance dans notre pays.
BRUCE TOUSSAINT
Oui mais justement. Encore une fois, entendons-nous bien, je ne vous demande pas de faire l'horoscope du chômage, on est d'accord, mais vous avez bien une tendance. Vous avez des gens qui travaillent pour vous, des indicateurs qui vous donnent une idée de ce qui va se passer par exemple pour les quatre prochains mois. Il reste quatre mois pour 2015, est-ce que vous êtes rassurée ? optimiste ? résignée pour cette période qui va venir ?
MYRIAM EL KHOMRI
Je suis optimiste dans l'action. Je ne suis pas optimiste de façon naïve par rapport à la situation de notre pays. Ce que je crois aujourd'hui, c'est que nous sommes dans la bonne direction. Aujourd'hui les entreprises retrouvent des marges et nous avons mis des aides, notamment pour les TPE et les PME, pour qu'elles recrutent. Nous sommes donc dans un moment charnière. Je ne vais pas ici m'engager sur votre plateau, même si je sais que vous le souhaitez, sur quand cette courbe va s'inverser. Je n'ai pas d'élément qui me permet de vous dire quand cette courbe va s'inverser.
BRUCE TOUSSAINT
Myriam EL KHOMRI, à la fois c'est un peu injuste pour vous parce que vous venez d'arriver, tout juste trois semaines à ce poste.
MYRIAM EL KHOMRI
J'assume la mission qu'on m'a…
BRUCE TOUSSAINT
Mais quand vous dites : « On va dans la bonne direction », pardon mais ça fait trois ans et demi qu'on entend cette phrase, trois ans et demi que rien ne bouge et que ça s'aggrave même considérablement. Pardon mais la formule : « On va dans la bonne direction », on a du mal à l'entendre.
MYRIAM EL KHOMRI
Non. Plusieurs choses. Nous avons un recul des inégalités dans notre pays, ça a été confirmé par l'Insee il y a deux-trois jours, donc on ne peut pas dire que tout s'aggrave. Ça, c'est un élément déterminant. Nous avons un climat des affaires qui s'améliore, des marges des entreprises qui ont augmenté de plus de deux pourcents qui s'améliorent également. Nous avons mis en place quarante milliards d'euros dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité, donc nous avons ces outils-là qui commencent à porter leurs fruits. Pas suffisamment parce que la croissance n'est pas suffisamment forte. Beaucoup disent qu'il y a 1,5 % de croissance, c'est là où nous créons beaucoup plus d'emploi. Nous savons bien que nous sommes dans la bonne direction, que nous avons des choses qui sont bien ancrées du point de vue économique et du point de vue du climat des affaires, pas suffisamment mais nous sommes dans cette bonne direction. Ça, vous avez des indicateurs qui vous le montrent.
BRUCE TOUSSAINT
Oui. Il y aurait un moyen de réduire le chômage, ce serait de s'occuper de tous ces emplois non-pourvus en France. D'ailleurs, il y en a combien ? C'est quoi le bon chiffre ? Parce que François REBSAMEN m'avait dit sur ce plateau trois cent cinquante mille il y a plusieurs mois ; Nicolas SARKOZY, lui, dit cinq cent mille, le MEDEF a dit cent trente cinq mille il y a quelques jours. Votre chiffre à vous, c'est quoi ?
MYRIAM EL KHOMRI
C'est environ trois cent mille.
BRUCE TOUSSAINT
Trois cent mille ?
MYRIAM EL KHOMRI
C'est environ trois cent mille. Il faut savoir que dans ces emplois non-pourvus, il y a des emplois par exemple beaucoup dans la restauration, dans l'hôtellerie qui est dû aussi aux horaires qui sont particulièrement atypiques dans ce domaine-là. Vous avez quelques métiers comme les soudeurs, chaudronniers qui sont en difficulté aussi et beaucoup d'emplois liés à l'aide à la personne. Aujourd'hui notre volonté, et ça a été mis en place par François REBSAMEN, c'est de faire des formations prioritaires pour les chômeurs, pour les orienter vers ces métiers-là. Nous avons des bassins d'emploi qui sont différents. Ce sur quoi je me suis engagée hier, c'est que j'allais me rendre dans chacune des régions avec l'ensemble des acteurs : les acteurs de l'emploi, les acteurs de la formation et les acteurs du monde de l'entreprise, pour régler cette question. Parce qu'en effet, beaucoup de choses sont dites sur ces emplois non-pourvus. Certains nous annoncent que c'est deux heures par jour. Deux heures par jour, ce n'est pas satisfaisant, ce n'est pas un emploi à temps plein. Beaucoup de statisticiens regardent particulièrement cette question-là mais il est vrai – j'étais dans l'Isère récemment-, par exemple dans le cadre de la chimie, il y a des recrutements et on cherche des qualifications. C'est pour ça que la question de l'apprentissage est pour moi très importante.
BRUCE TOUSSAINT
Pardon, mais sur ces trois cent mille, vous avez un objectif ? Vous dites que vous allez vous rendre dans les régions pour essayer de faire du volontarisme. C'est quoi l'objectif ? C'est combien ? Passer de trois cent mille à deux cent mille, je ne sais pas. Est-ce que vous avez un objectif chiffré ?
MYRIAM EL KHOMRI
L'objectif est déjà chiffré en matière de formation pour aller vers ces métiers. On ne demande pas à un ingénieur de se transformer en un informaticien du jour au lendemain. Il y a des besoins parfois de formation et il y a des secteurs d'avenir. Les secteurs d'avenir, c'est la transition écologique, c'est la transition numérique. Nous avons un enjeu très important de formation aussi professionnelle, donc nous allons fixer des objectifs en matière de formation et également en mobilisant les branches professionnelles pour qu'elles analysent, qu'elles nous disent… Nous avons quand même un débat en France, c'est que nous avons des employeurs qui nous disent : « On cherche de jeunes apprentis » et des jeunes apprentis qui n'arrivent pas à trouver des employeurs.
BRUCE TOUSSAINT
Justement, la question suivante : est-ce que c'est une question tabou, une question interdite de se demander si tous les chômeurs veulent vraiment travailler ?
MYRIAM EL KHOMRI
Non, ce n'est pas une question tabou.
BRUCE TOUSSAINT
Je vous la pose.
MYRIAM EL KHOMRI
Moi, je vous le dis. La grande majorité des demandeurs d'emploi sont en recherche active d'emploi, mais nous avons parfois des personnes qui ont décroché.
BRUCE TOUSSAINT
Ce n'est pas la même chose, ce n'est pas ce que je voulais dire.
MYRIAM EL KHOMRI
Si, qui ont décroché, c'est-à-dire qui ne sont plus dans une recherche d'emploi. Il y a des personnes en effet qui ont décroché. Si Pôle emploi actuellement a réorganisé ses services, c'est déjà en lien avec l'aval de son conseil d'administration où il y a tous les partenaires sociaux où tout le monde a accepté cette nouvelle organisation. L'enjeu de la réorganisation de Pôle emploi, c'est justement de pouvoir avoir deux cents personnes qui ont déjà testé une expérimentation pour lutter contre ce décrochage. Ce décrochage, il y a des personnes qui parfois sont dans la démotivation, dans le dépassement, dans la désocialisation et qu'il convient justement d'avoir une action pro-active à leur attention.
BRUCE TOUSSAINT
Parler de décrochage, ce n'est pas tout à fait la même chose que dire qu'on lutte contre l'assistanat, et cætera. Vous avez un autre vocabulaire qui est le vôtre.
MYRIAM EL KHOMRI
Oui, mais parce qu'il y a des décrochages. Quand vous êtes chômeur de longue durée, il peut y arriver qu'il y a parfois un…
BRUCE TOUSSAINT
Donc le contrôle des chômeurs, c'est bien. Il faut le faire, ça va commencer lundi, les deux cents agents dont vous parliez.
MYRIAM EL KHOMRI
Mais ce n'est pas du contrôle.
BRUCE TOUSSAINT
Alors c'est quoi le bon mot ?
MYRIAM EL KHOMRI
C'est aller vers les demandeurs d'emploi qui sont sortis des radars depuis très longtemps. C'est ça, avoir une démarche pro-active en leur direction. Mais quand vous dites le contrôle des chômeurs, ça peut faire croire que la grande majorité des demandeurs d'emploi sont chez eux et ne font rien pour trouver un emploi.
BRUCE TOUSSAINT
Vous savez que c'est votre prédécesseur qui avait utilisé ce mot, ce n'est pas nous.
MYRIAM EL KHOMRI
La réalité, ce n'est pas celle-là. Non, ce n'est pas la question du tabou. C'est qu'il faut comprendre que dans certaines situations, il y a des personnes qui sont en décrochage et là, on doit être pro-actif parce qu'en effet, on a un modèle social et notre modèle social fonctionne si tout le monde en accepte les règles du jeu.
BRUCE TOUSSAINT
Je voudrais qu'on regarde ensemble celle qui a été la femme de la semaine. Evidemment, ça ne vous a pas échappé, Martine AUBRY. Du coup, la question que je voudrais vous poser c'est est-ce que vous aussi vous en avez ras-le-bol, Myriam EL KHOMRI ? Vous savez que c'est la phrase qu'elle a utilisée, espèce de cri du coeur au sujet de votre collègue Emmanuel MACRON. Qu'est-ce que ça vous a inspiré ce coup de gueule ?
MYRIAM EL KHOMRI
Je trouve que ce coup de gueule était très fort. Moi j'apprécie beaucoup Emmanuel MACRON, nous travaillons très bien ensemble. J'ai été secrétaire d'Etat à la politique de la ville, il s'est rendu avec moi dans de nombreux quartiers populaires et je trouve que c'est injuste, le procès qu'on lui fait de ce point de vue-là.
BRUCE TOUSSAINT
Hier il était tout près de vous, Emmanuel MACRON, pendant l'émission « Des paroles et des actes ». Il faut quand même signaler que c'est le grand écart entre Martine AUBRY, la dame des 35 heures, et Emmanuel MACRON, l'homme qui veut réformer le statut des fonctionnaires. Regardez ce petit échange qui a eu lieu hier soir pendant l'émission sur France 2 entre Manuel VALLS justement et le ministre de l'Economie.
? Extrait de l'émission « Des paroles et des actes » :
MANUEL VALLS, PREMIER MINISTRE
S'il faut faire évoluer tel ou tel secteur, moi j'y suis prêt. Mais je ne veux pas jeter l'opprobre sur l'ensemble des fonctionnaires.
DAVID PUJADAS
Ce n'est pas ce qu'avait fait une autre ministre aussi.
MANUEL VALLS
Non, je ne crois pas. (Il se tourne vers Emmanuel Macron) Emmanuel, tu n'as pas fait ça ? Bon, voilà. Vous voyez, il ne l'a pas fait.
BRUCE TOUSSAINT
Est-ce qu'il y a un rapport schizophrénique de la gauche à Emmanuel MACRON ? Vous voyez ce que je veux dire ? Hémisphère gauche, hémisphère droit.
MYRIAM EL KHOMRI
Non, mais je pense qu'Emmanuel MACRON pour moi, c'est aussi une chance dans ce gouvernement, parce que vous savez, on parle du renouvellement dans la vie politique. Pourquoi il y a besoin de renouvellement dans la vie politique ?
BRUCE TOUSSAINT
Vous l'incarnez d'ailleurs.
MYRIAM EL KHOMRI
Je peux l'incarner aussi. Pourquoi ? Parce qu'il y a une crise de confiance dans le personnel politique, et je pense que quand on nous demande à nous de venir, c'est aussi avec notre vision de la société, et c'est important. Nous n'avons pas eu la même construction idéologique et c'est important justement qu'on puisse venir comme on est. Je crois que le procès être de gauche, pas de gauche… Emmanuel MACRON est quelqu'un de gauche et qui a envie de faire avancer son pays. En effet, c'est un réformiste et je pense que nous avons besoin de cela. Après, il est évident que moi, je suis attachée aux 35 heures. Il est évident que parfois il y a des expressions quand on sort de son couloir qui ne sont pas utiles au débat public mais il me semble important que nous acceptions aussi d'avoir sa propre vision de la société et d'avancer ensemble. Ça ne veut pas dire qu'il n'est pas assez de gauche, moins de gauche.
BRUCE TOUSSAINT
La question se pose un peu quand même. Est-ce qu'il est socialiste ? Vous, vous êtes socialiste.
MYRIAM EL KHOMRI
Moi je suis socialiste. Lui n'est pas encarté au Parti socialiste. Est-ce que c'est un problème ?
BRUCE TOUSSAINT
Je vous pose la question, est-ce que c'est un problème ?
MYRIAM EL KHOMRI
Pour moi, ce n'est pas un problème. Moi je suis socialiste, j'ai mes convictions de gauche. Mon combat depuis toujours, ç'a été la lutte contre les inégalités et je viens avec mon expérience et mon envie de faire avancer mon pays.
BRUCE TOUSSAINT
Trois images pour terminer, on les commente ensemble, un petit commentaire rapide. Tout d'abord la Une du Parisien Magazine ; regardez, c'est François HOLLANDE avec quatre jeunes et l'effigie de Paris 2015, la COP21. C'est un président écolo ?
MYRIAM EL KHOMRI
Oui. C'est un président qui voit l'importance de cette conférence de Paris. Il faut que cette conférence soit bien sûr réussie et c'est important de mêler les jeunes générations parce que nous savons bien que c'est avec eux que ça va se jouer aussi. Je crois qu'il est important de faire ce type d'action avec les jeunes parce qu'il faut que les Français s'en parent et ce n'est pas un sujet facile à aborder, la transition écologique. Or la transition écologique, c'est une chance pour notre pays parce que c'est une chance en matière de formation et d'emploi.
BRUCE TOUSSAINT
Deuxième image, regardez. Vous la connaissez bien, c'est Anne HIDALGO. Certains commencent à dire que c'est la nouvelle star à gauche, qu'elle a peut-être un destin national et qu'après 2017, quand tout se sera effondré, il ne restera qu'elle.
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, Anne HIDALGO a beaucoup de qualité.
BRUCE TOUSSAINT
Oui. Elle a un destin national ?
MYRIAM EL KHOMRI
C'est une femme d'Etat, oui, on peut le dire. C'est quelqu'un qui est une femme – enfin, un destin national : elle est concentrée sur Paris.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, mais un jour ?
MYRIAM EL KHOMRI
C'est une femme qui est de grande qualité. En ce moment, c'est un peu compliqué notamment en lien avec Emmanuel MACRON, vous le concédez vous-même, mais je crois que nous allons trouver un chemin parce qu'il me semble que nous partageons beaucoup de valeurs communes.
BRUCE TOUSSAINT
Ce n'est pas elle la chef des frondeurs finalement ? Ils se cherchent un leader depuis quelques temps. C'est elle, non ?
MYRIAM EL KHOMRI
Non. Non, non. Anne HIDALGO croit beaucoup, pense que l'innovation aujourd'hui en politique se joue dans les grandes capitales, dans les villes. Il y a de plus en plus un réseau des villes européen et elle joue vraiment cette carte. En effet, il y a des modifications qui sont beaucoup plus faciles, de l'innovation et l'action publique est plus rapide à l'échelle des villes.
BRUCE TOUSSAINT
Dernière image, la journée sans voiture. C'est ce dimanche à Paris. C'est une idée d'Anne HIDALGO évidemment. La vraie révolution, ce serait de le faire en semaine, non, un jour ? Ça arrivera, vous croyez ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, ça va être un bonheur dimanche de pouvoir lâcher la main de ses enfants dans les rues. Je ne crois pas que ça se fera en semaine, c'est trop compliqué dans une ville avec autant de problématiques d'ordre public, de circulation. On sait bien que c'est compliqué mais je trouve que c'est important de le tester. C'est d'autant plus important de le tester au moment où on va accueillir la COP21.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup. Merci d'avoir été avec nous ce matin sur iTélé. Bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 1er octobre 2015