Interview de M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports à LCI le 2 octobre 2015, sur la politique urbaine et l'aide de l'Etat dans les quartiers les plus en difficulté.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral


GÉRARD LECLERC, DE RADIO CLASSIQUE
Comme tous les matins nous retrouvons nos amis de LCI pour L'Invité politique, ce matin Patrick KANNER, ministre de la Vile, de la Jeunesse et des Sports, bonjour.
PATRICK KANNER
Bonjour.
GÉRARD LECLERC
Peut-être un mot sur le rugby quand même, la victoire du XV de France 41 – 18, même si ça été un moment un peu laborieux. Vous avez vu le match, vous en pensez quoi la France, parce que…
PATRICK KANNER
Oui ! J'ai vu…
GÉRARD LECLERC
Qualifiée c'est sûr, mais elle peut faire un beau parcours ?
PATRICK KANNER
J'ai vu la moitié du match pour tout vous avouer, puisque j'étais en déplacement dans ma région dans le Nord, je revenais donc du Nord – Pas-de-Calais et j'ai vu la moitié du match avec nos amis de la Fédération française du rugby puisqu'ils ont loué - et c'est très bien – un bar pour voir le match quand on n'est pas sur place. C'était un beau match, je dirais aucune surprise dans la mesure où la France était très supérieure aux capacités du Canada, trois matches successifs, trois victoires, on ne va pas se plaindre, mais il est vrai que le test il arrive-là et c'est le 11 octobre à Cardiff au sein du Millenium et, là, c'est très, très important de battre l'Irlande parce que c'est l'équipe de 184 de finale derrière qui se profilera.
GÉRARD LECLERC
Mais vous y croyez à ce XV de France en finale, remportant la Coupe du monde ?
PATRICK KANNER
Ce n'est pas le ministre des Sports qui va vous dire le contraire ! Mais par contre pour y arriver il faudra sûrement être un peu sur un stade supérieur, c'est manifeste.
GÉRARD LECLERC
Le football avec cette information ce matin, le Qatar qui serait prêt à acheter le Parc des princes qui appartient à la ville de Paris, c'est une bonne opération, ce serait bien ?
PATRICK KANNER
Oh ! Sur le plan financier je n'ai pas de commentaire à faire, par contre sur le plan du modèle économique ça peut être une solution à terme. Vous savez aujourd'hui il y a un club qui est en train de construire son stade, dont il va être le propriétaire dans un business-plan qui est tout à fait intéressant, c'est le club de Lyon, monsieur AULAS – que je vois d'ailleurs ce soir – donc a…
GÉRARD LECLERC
Et donc cette logique, un grand club qui possède son stade, c'est normal, c'est cohérent ?
PATRICK KANNER
En tout cas si ça permet à une collectivité, par exemple la ville de Paris, de ne pas investir d'argent pour une opération qui est privée, en vendant son stade et en consacrant l'argent du sport au développement du sport amateur, je crois que c'est un modèle qui peut être intéressant. Je ne dis pas qu'il est exportable dans tous les clubs de France, parce qu'il y a aujourd'hui par exemple des stades qui sont en PPP – Partenariat Public Privé – où là il y a des engagements contractuels qui ne peuvent pas être remis en cause. Mais là le stade de Paris, le Parc des princes, est dans une logique juridique différente, c'est le choix de la ville de Paris, je n'ai pas de commentaire à faire sur…
GÉRARD LECLERC
Mais vous n'y êtes pas défavorable, au contraire ?
PATRICK KANNER
Sur le principe, à condition que les moyens du sport ne soient pas dévalorisés en la matière.
GÉRARD LECLERC
Et , puisqu'on parle football et argent, vous faites toujours confiance à Michel PLATINI ?
PATRICK KANNER
Vaste sujet ! Oui, ma réponse est oui. Michel a souhaité être entendu pour prendre les devants par la commission d'éthique de la FIFA, je lui ai apporté mon soutien depuis le début, je connais Michel PLATINI au travers de l'UEFA et de l'Euro 2016, c'est un homme d'un très grand sérieux , très grande détermination… Voilà ! Il a une information qui pèse sur ses épaules, il ne faut le nier, laissons la justice fonctionner. Mais j'espère qu'il aura tous les arguments pour dire : « Voilà ! Je peux être naturellement candidat à la présidence de la FIFA » et qui montre bien d'ailleurs que cette FIFA a connu de grands, grands débours et qu'il faut maintenant passer à autre chose.
GÉRARD LECLERC
Le gouvernement vient de décider la transposition du Code mondial antidopage donc en France, l'une des conséquences c'est la possibilité de faire des contrôles antidopage tout le temps, y compris la nuit, c'est important, c'est pour présenter une belle image de la France pour obtenir les Jeux Olympiques ?
PATRICK KANNER
Ce n'est pas qu'une belle image, c'est notre capacité de dire : « nous sommes en règle avec les instances internationales et notamment avec le Code mondial antidopage », nous avons signé la convention internationale en la matière, le nouveau code a été voté en 2013, il est applicable depuis le 1er janvier 2015. Nous n'étions pas d'équerre sur ce dossier, il fallait aller vite, parce que – et vous avez raison de la souligner - les autres pays qui sont candidats pour les J.O : Etats-Unis, Allemagne, Italie, Hongrie sont aujourd'hui reconnus par l'Agence mondiale comme étant dans une bonne coordination avec elle, ça signifie pour nous qu'il fallait aller très, très vite. Le contrôle de nuit peut faire peur, j'ai envie de dire s'il fait peur finalement est-ce que ce n'est pas la meilleure des solutions pour éviter que malheureusement des athlètes se dopent, mais il y aussi les dopeurs qu'il faut mettre vraiment sous… pas sous verrou peut-être, mais en tout cas au moins sous contrôle effectif.
GÉRARD LECLERC
On change de casquette, des Sports on passé à la Ville, puisque vous êtes ministre de la Ville. Vous avez la chance d'avoir un budget en hausse de 17 %, j'allais dire mais pour quoi faire, à quoi sert le ministère de la Ville ?
PATRICK KANNER
C'est une question que me posent régulièrement les journalistes, c'est quoi la…
GÉRARD LECLERC
Eh bien oui ! Parce que ça existe depuis François MITTERRAND, si je ne me trompe pas.
PATRICK KANNER
C'est quoi la politique de la ville qui existe depuis 30 ans ? Je pourrais vous répondre mais imaginez-vous ces quartiers s'il n'y avait pas eu la politique de la ville en termes de relégation, en termes de ségrégation, en termes de zones de non droit ? Tout ne fonctionne pas bien, je le sais. La politique de la ville, je la résume sous une expression, c'est une politique qui permet de rétablir l'égalité des chances dans des quartiers qui de par la pauvreté, de par le chômage, de par l'urbanisme ont été mis en relégation de la République. Donc, rétablir l'égalité des chances ça passe par beaucoup d'outils : la rénovation urbaine, je pourrais vous inviter monsieur LECLERC à aller voir ce que nous avons fait dans presque 700 ou 800 quartiers…
GÉRARD LECLERC
Qu'avait lancé Jean-Louis BORLOO !
PATRICK KANNER
Bien sûr ! Et je tiens vraiment…
GÉRARD LECLERC
Et qui continue ?
PATRICK KANNER
Qui continue ! Et qui continue puisque nous avons acté cinq milliards d'euros de subventions qui vont permettre de dégager 20 milliards d'euros de travaux dans les 10 ans qui viennent dans 450 quartiers les plus en difficulté - donc vraiment c'est très, très bien – et en plus ça crée de l‘emploi, et ça relancera le bâtiment, les premières opérations rendez-vous en décembre 2015. Ce qui est tout à fait intéressant ! Et puis la politique de la ville c'est donner plus à ceux qui ont moins, ce que moi j'appelle de la discrimination positive – alors je sais que c'est un mot qui fait parfois réagir – mais quand vous êtes telle couleur de peau, avec tel nom, avec telle adresse, quand vous êtes jeune, eh bien c'est plus dur parfois que pour d'autres personnes, donc donner plus en termes de moyens associatifs, donner plus en termes de priorisation des politiques publiques en matière d'emploi, donner plus en termes de moyens scolaires -comme nous le faisons avec Najat VALLAUD-BELKACEM – tout ceci c'est un rattrapage pour six millions de Français et moi je suis très fier d'avoir un budget global, y compris le sport, qui augmente de 17 %.
GÉRARD LECLERC
Vous parliez du logement là justement, en revanche le ministère du Logement s'en sort moins bien que vous, le logement ça vous concerne également bien évidemment et notamment à travers la loi, la fameuse loi SRU qui oblige en principe les villes à consacrer, à avoir 20 ou 25 % dans les zones tendues de logements sociaux, or il y a beaucoup de villes – je crois qu'il y en a plus de 200, 221 – qui n'appliquent pas cette règle. Qu'est-ce que vous allez faire ?
PATRICK KANNER
Déjà soyons pédagogues en la matière ! Cette loi prévoit que dans les villes de plus de 1.500 habitants en zone de région parisienne et dans les villes de plus de 3.500 habitants ailleurs il y ait entre 20 et 25 % de logements sociaux simplement parce qu'il faut aussi tenir compte qu'il y a aujourd'hui 1.700.000 Français qui demandent du logement social et qui n'en ont pas ; et le logement social ce n'est pas des barres, en tout cas ce n'est plus ce n'est plus des barres, ce n'est pas des personnes en voie de marginalisation, j'ai envie de dire c'est 70 % des Français qui sont éligibles au logement social de par leur revenu.
GÉRARD LECLERC
Alors, concrètement qu'est-ce qu'on fait justement pour qu'il y ait ces logements sociaux ?
PATRICK KANNER
221 villes qui ne sont pas à l'objectif, beaucoup d'entre elles, les 2/3 d'entre elles, sont en voie de rattrapage et je les félicite maires de gauche et maires de droite, maires de droite, maires de gauche, je leur dis : Bravo ! Vous tenez compte des obligations de la loi ». Par contre, par contre, il y a 1/3 des villes qui sont dites carencées et qui paient des pénalités pour ne pas avoir construit assez de logements sociaux et dans cette catégorie-là certains commencent à faire des efforts et on en a repérées 20, 30, qui manifestement ne jouent pas le jeu…
GÉRARD LECLERC
Alors, qu'est-ce que vous allez faire ?
PATRICK KANNER
Eh bien j'arrive !
GÉRARD LECLERC
C'est-à-dire ?
PATRICK KANNER
J'arrive, ce n'est pas Zorro Kanner naturellement ou Kanner Zorro...
GÉRARD LECLERC
Oui ! Vous allez aller les voir ?
PATRICK KANNER
Je vais aller les voir. J'ai commencé à Ormesson, vous l'avez vu la semaine dernière dans le Val-de-Marne, je vais faire un tour de France -notamment en région Ile-de-France et en région PACA - pour dire aux maires : « Ecoutez ! C'est terminé, vous avez tergiversé pendant 15 ans - vous ou vos prédécesseurs, il faut le reconnaître- vous avez tergiversé, nous avons-nous les moyens de vous faire avancer, par la conviction on l'espère ou par la contrainte ». Les moyens, ils sont simples : préemption de terrains, mise à disposition de terrains de l'Etat pour mettre ces terrains à un bailleur qui va construire à la place du maire, délivrance du permis de construire à la place du maire, donc les outils juridiques existent. Moi mon rêve c'est de ne pas les utiliser, parce que par ma visite, par celle du préfet, le maire « récalcitrant » aura accepté et quand je vois que certains grands élus, je pense à monsieur ESTROSI à Nice qui vient de lancer - avec monsieur FALCO maire de Toulon -une pétition contre moi, en tout cas contre le méchant Patrick KANNER ministre de la Ville qui veut forcer la main des maires, mais j'ai envie de dire à ces élus : « la première obligation d'un maire c'est de respecter la loi de la République ».
GÉRARD LECLERC
Un cas particulier, c'est l'AP-HP, les Hôpitaux de Paris, il y a Martin HIRSCH qui demande à pouvoir récupérer des appartements qui actuellement sont occupés par des gens qui n'ont rien à y faire, vous allez lui donner satisfaction, l'aider ?
PATRICK KANNER
Vous pensez sûrement à un ministre c'est ça, non, peut-être ?
GÉRARD LECLERC
Oui ! On a… oui effectivement.
PATRICK KANNER
Oui ! Il y a eu... d'ailleurs je trouve que les méthodes ne sont pas tout à fait correctes, pour dire pas toutes, voire pas du tout.
GÉRARD LECLERC
Non ! Parce qu'on a dit, parlons clairement, que vous occupiez justement l'un de ces appartements, c'est ça ?
PATRICK KANNER
Non ! Ce n'est pas moi.
GÉRARD LECLERC
Ce n'est pas vous ?
PATRICK KANNER
C'est mon collègue Thierry BRAILLARD qui, voilà, en tant ministre qui habite Lyon… vous savez les ministres ont le droit à un logement de fonction quand ils n'habitent pas le territoire parisien, ce qui est mon cas et de bien d'autres ministres, mais je crois que c'est tout à fait normal qu'on puisse bosser correctement. En tant que ministres, quand on travaille 70 à 80 heures par semaine, ce n'est pas anormal que l'Etat puisse vous donner une facilité, facilité je tiens à le dire qui est valorisée et qui rentre dans les revenus des personnes concernées - qu'il n'y ait pas de malentendu sur le sujet - ce n'est pas un cadeau pour être très clair, c'est une facilité. Martin HIRSCH a raison de vouloir récupérer tous les logements de l'AP-HP pour les besoins de l'AP-HP, après s'il en reste autant le louer effectivement à des personnes qui pourront rentabiliser les outils, mais Martin – qui est un bon ami, vraiment est un homme d'une grande probité – je suis sûr qu'il fera les bons choix.
GÉRARD LECLERC
Les Régionales c'est un spectacle assez étonnant, la gauche s'attend à une Bérézina, elle semble presque résignée et je pense notamment à votre région Nord – Picardie, qu'est-ce qui se passe, comment ça se fait que le Parti socialiste est loin derrière le Front national et Les Républicains ?
PATRICK KANNER
En tout cas je ne suis pas résigné, moi je peux vous le dire, je suis même déterminé à prendre toute ma part dans la campagne régionale Nord – Pas-de-Calais – Picardie. Aujourd'hui ce décalage que vous constatez entre le score potentiel du PS et notamment Les Républicains il faut bien expliquer les choses, c'est Républicains et UDI alors que la gauche elle est très largement divisée, François HOLLAND a eu cette expression très juste : « aujourd'hui nous sommes dans une logique de séparation, de dispersion, qui sera source de disparition potentielle » et donc moi j'appelle à la responsabilité – c'est ce que fait Jean-Christophe CAMBADELIS avec le grand référendum qui va être lancé vous le savez pour retrouver les bases d'une union de la gauche qui fasse que la gauche ait toute sa place.
GÉRARD LECLERC
Et, si jamais vous êtes troisième au soir du premier tour, vous vous retirez ?
PATRICK KANNER
C'est une hypothèse dont je ne me contente pas aujourd'hui ! Avant le second tour il y aura un premier, allons-y, battons-nous pour être qualifiés au second tour et être notamment deuxième. Aujourd'hui on a l'impression que tout est fini…
GÉRARD LECLERC
En un mot !
PATRICK KANNER
Vraiment je vous le dis on se bat, on ne se compte pas au second tour avant d'avoir passé le premier tour et d'abord militons avec tous ceux qui nous accompagnent et vous verrez que peut-être il y aura de belles surprises.
GÉRARD LECLERC
Merci Patrick KANNER, merci à nos amis de LCI qui restent sur LCI et, nous, nous restons Radio Classique.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 octobre 2015