Texte intégral
Q - Quels sont les sujets sensibles abordés cette semaine ?
R - Tous ceux qui touchent à la difficulté d'accès des Européens au marché américain. C'est un parcours du combattant pour exporter certains produits ou services aujourd'hui aux États-Unis. Savez-vous que, dans la charcuterie, il n'y a que deux entreprises françaises certifiées pour vendre de l'autre côté de l'Atlantique ? C'est absolument anormal. Autre exemple, dans l'aérien, une compagnie européenne qui fait Paris-Los Angeles ne peut quasiment pas prendre de passager à l'escale new-yorkaise, contrairement à une compagnie américaine. Prenons également les produits laitiers, où les règles bureaucratiques américaines aboutissent de fait à empêcher toute possibilité d'exporter. Idem pour les cosmétiques, les jouets, les appareils électriques... Enfin, dans le domaine des marchés publics, comme l'équipement des villes, les infrastructures, les transports, l'Europe est ouverte à 90% aux entreprises étrangères alors que ce pourcentage tombe à 40% aux États-Unis !
Q - Certaines taxes douanières vont-elles disparaître ?
R - C'est vrai que certains secteurs américains restent très protégés et notre objectif est justement d'abaisser le coût de l'export, notamment pour nos PME.
Q - Les syndicats ont-ils raison de craindre pour les acquis sociaux ?
R - Ce sujet est non négociable. Nous restons très vigilants. Il ne faut aucune naïveté dans ces négociations, nous avons identifié les risques et nous veillerons à ne rien laisser passer.
Q - Une pétition signée par plus de 3 millions d'Européens demande l'arrêt des négociations. Cela peut-il influencer leur teneur ?
R - Oui. Les citoyens ont le droit de savoir et de connaître ce qui se négocie pour eux. Il n'est plus question de discuter dans leur dos en secret dans des salons feutrés. La France fait le maximum pour que ces négociations soient transparentes. Il faut que l'accès aux documents de négociation soit élargi et facilité, comme c'est le cas pour les parlementaires américains. Mais les États-Unis font un blocage. C'est pourquoi, si les choses ne bougent pas, si ces négociations s'enlisent et que le manque de réciprocité persiste de la part des États-Unis, la France n'exclut absolument pas un arrêt pur et simple des négociations.
Q - Ces discussions vont-elles renforcer le pouvoir des entreprises contre les États avec le mécanisme de règlement des différends investisseurs-État (RDIE) ?
Il existe depuis longtemps un système d'arbitrage destiné à protéger les entreprises contre certaines décisions des États. Mais, ces dernières années, on a constaté que des tribunaux privés condamnent désormais les États à coups de milliards. Récemment, il y a eu l'attaque du cigarettier américain Philip Morris contre l'Australie qui avait fait le choix du paquet anonyme. On assiste à un dévoiement complet de ce dispositif. C'est une attaque frontale contre des choix démocratiques. J'ai proposé le premier, en Europe, aidé de l'Allemagne, la création d'une cour publique de justice internationale pour régler ces différends.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 octobre 2015