Texte intégral
YVES CALVI
Olivier MAZEROLLE, vous recevez ce matin Marisol TOURAINE, ministre de la Santé.
OLIVIER MAZEROLLE
Bonjour Marisol TOURAINE.
MARISOL TOURAINE
Bonjour Olivier MAZEROLLE.
OLIVIER MAZEROLLE
Les sénateurs ne veulent pas de votre loi, y compris parfois socialiste, d'ailleurs, de votre loi santé, ils font voter, hein, ils votent un amendement qui permet aux journalistes de dire du bien de productions viticoles, sans encourir des poursuites pénales qui seraient autorisées par la loi Evin contre la publicité sur l'alcool. Ils votent contre les paquets de cigarettes neutres. Pourquoi cette opposition ? Ils font du clientélisme à votre avis ?
MARISOL TOURAINE
La loi sur la modernisation de notre système de santé, qui est aujourd'hui en débat au Sénat, a été votée en première lecture à l'Assemblée nationale. C'est une loi qui porte des mesures d'innovation pour notre système de santé, et parmi ces mesures d'innovation, il y a la prévention. Et ce qui me frappe, c'est que tout le monde parle de prévention, tout le monde explique que pour mieux soigner, pour avoir une meilleure santé et éviter d'avoir à recourir à des soins, il faut avoir plus de prévention. Il ne suffit pas d'en parler, il faut passer aux actes. Et face aux 80 000 morts, chaque année, du tabac, on ne peut pas rester inerte. 80 000 morts chaque année, c'est comme si chaque jour vous annonciez le crash d'un avion de plus de 200 personnes. Et face à cela, je le dis : chacun doit prendre ses responsabilités. Et moi, je suis
OLIVIER MAZEROLLE
Mais pourquoi font-ils ça ? Ils font de la câlinothérapie avec leurs électeurs buralistes ?
MARISOL TOURAINE
Moi je suis déterminée, parce que, encore une fois, ma responsabilité, face à la catastrophe sanitaire que représente le tabac, c'est d'aller de l'avant. On n'a pas le droit de louvoyer, on n'a pas le droit d'hésiter, et encore moins celui de reculer.
OLIVIER MAZEROLLE
Et ça vous gêne que les journalistes aient la liberté d'écrire que tel ou tel cru de Bordeaux ou d'ailleurs, est de qualité ?
MARISOL TOURAINE
Ecoutez, franchement, Olivier MAZEROLLE, regardez la presse en ce moment, je suis certaine que vous êtes un grand lecteur de la presse hebdomadaire ou quotidienne, et ne me dites pas qu'il n'y a pas foultitude de reportages sur des exploitations viticoles, sur des crus, grands ou moins grands, et donc il me semble que l'équilibre de la loi Evin est un bon équilibre, qui permet à la fois de garantir l'activité économique et d'encadrer la publicité. Donc, rien de plus, rien de moins.
OLIVIER MAZEROLLE
La prévention. Alors, pourquoi êtes-vous opposée à un amendement présenté encore une fois par un sénateur socialiste, qui vise à encadrer les tarifs des cafetiers, au moment des « Happy hours », qui concourent à attirer, notamment les jeunes, à venir consommer beaucoup d'alcool ?
MARISOL TOURAINE
Vous savez, il y a un certain nombre de mesures qui ne peuvent pas être prises par la loi. « Les heures heureuses », on a envie de parler comme ça, ce qui est plus connu sous le terme de « Happy hours ».
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, mais enfin, les jeunes ils disent « Biture express », c'est plus
MARISOL TOURAINE
Mais ça n'est pas la même chose. Dans la loi, il y a
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, ben c'est pas la même chose, mais c'est à ça que ça revient, finalement.
MARISOL TOURAINE
Dans la loi que je propose, il y a des mesures, qui d'ailleurs ont été adoptées, pour lutter contre l'alcoolisation excessive, et en particulier tous ceux qui viennent inciter à l'alcoolisation excessive, par exemple sur les campus universitaires ou dans des lieux publics. Donc il est absolument impératif d'encadrer cela et de sanctionner, encore une fois, ceux qui encouragent les jeunes, les moins jeunes, mais souvent les jeunes, à boire de grandes quantités d'alcool rapidement. Dans les cafés, vous savez, est-ce qu'on peut fixer un tarif pour toute la France, qui voudrait que dans le centre de Paris ou dans un bourg de province, le verre d'alcool aurait le même prix ? Je ne crois pas, et d'ailleurs chacun en est convenu, personne n'est favorable à la multiplication des offres d'alcool
OLIVIER MAZEROLLE
Il n'y a pas de solutions alors.
MARISOL TOURAINE
Mais, je suis étonnée que vous, Olivier MAZEROLLE, pensiez que tout passe par la loi. Il y a de la règlementation à mettre en place
OLIVIER MAZEROLLE
Moi, je ne pense rien, je vois ce que font les uns et les autres. Est-ce qu'il y a un problème et y-a-t-il une solution ?
MARISOL TOURAINE
La solution c'est précisément de ne pas renforcer, de ne pas favoriser la publicité, c'est de sanctionner tous ceux qui viennent inciter à la consommation d'alcool, c'est ce que propose la loi et c'est d'ailleurs ce qui a été voté, et c'est de faire des campagnes d'information, en direction des jeunes, des moins jeunes, mais des jeunes, sur les méfaits de l'alcool. Il y a ce que l'on appelle les Consultations jeunes consommateurs, qui sont renforcées, avec un numéro de téléphone, des campagnes qui sont faites en direction des jeunes, pour prévenir des méfaits de l'alcool.
OLIVIER MAZEROLLE
Prévention toujours, vous reconnaissez que les cabines UV peuvent concourir à une augmentation du cancer de la peau, mais vous dites « eh bien non, je suis contre l'amendement qui veut les interdire, parce qu'il faut attendre ».
MARISOL TOURAINE
Non, je n'ai pas dit « il faut attendre ». Il y a, incontestablement, un enjeu autour du cancer de la peau. Et tout à l'heure vous receviez à votre antenne
OLIVIER MAZEROLLE
Voilà, avec un nouveau traitement.
MARISOL TOURAINE
le docteur ROBERT, avec un nouveau traitement. Je salue le travail de Gustave Roussy, je salue le fait que soit mis à disposition, grâce d'ailleurs à des mesures d'innovation, d'ailleurs, que j'ai prises, ce traitement tout à fait innovant et majeur, pour l'ensemble des hôpitaux. Est-ce que la solution aujourd'hui c'est l'interdiction ? On ne peut pas tout interdire. La solution, elle réside dans la régulation, l'information. La loi prévoit d'interdire, bien sûr, la vente sur Internet de cabines de bronzage, ce qui parait une évidence, mais ce qui a été pratiqué. Interdit le fait que l'on puisse proposer des forfaits illimités. Vous avez des endroits où vous arrivez et on vous dit : « Vous pouvez venir, vous avez un forfait et vous pouvez venir, matin, midi et soir vous faire bronzer ». C'est évidemment irresponsable, c'est interdit. De la même manière, les personnes qui tiennent ces cabines doivent être habilitées et dûment formées. Donc nous renforçons la législation, et à partir de là nous espérons faire en sorte que les personnes aillent moins dans ces cabines et en tout cas moins souvent, mais évidemment, il faut alerter sur le risque sanitaire.
OLIVIER MAZEROLLE
Les comptes nationaux de la santé ont expliqué qu'en 2014, les Français avaient été moins de leur poche pour leurs soins.
MARISOL TOURAINE
Oui, c'est une belle nouvelle.
OLIVIER MAZEROLLE
C'est une bonne nouvelle, dites-vous, mais en même temps les dépenses de santé augmentent, le déficit de la Sécurité sociale se creuse de plus en plus
MARISOL TOURAINE
Non.
OLIVIER MAZEROLLE
autour de 13 milliards de plus cette année.
MARISOL TOURAINE
Ben oui, mais il était à 21 milliards lorsque je suis arrivée, donc c'est difficile de considérer qu'il se creuse.
OLIVIER MAZEROLLE
D'accord, mais enfin il se creuse encore et la Cour des Comptes vous dit : attention, à ce rythme-là, eh bien la Sécurité sociale elle est menacée.
MARISOL TOURAINE
Non. Moi je veux dire, de la manière la plus ferme qu'il soit
OLIVIER MAZEROLLE
Est-ce que c'est raisonnable, quand même, d'avoir chaque année ce déficit qui se creuse, même si vous le ralentissez, mais il se creuse quand même.
MARISOL TOURAINE
Le déficit diminue et j'ai engagé une politique de réformes, le gouvernement porte une politique de réformes, résolue pour la Sécurité sociale. Mais réformer la Sécurité sociale, c'est quoi ? C'est à la fois maitriser les dépenses, et apporter des garanties de protection à nos concitoyens, et c'est sur ces deux jambes que je marche. Il ne faut pas compter sur moi pour réduire le déficit de la Sécurité sociale sur le dos des Français, et je suis fière, oui, je suis fière que, année après année, depuis 2012, nous assistions à une baisse du déficit, et dans le même temps, à une diminution de la dépense pour les Français. Concrètement, en 2012, les Français devaient payer plus de 9 %, 9,1 % exactement, de leurs dépenses de santé, eux-mêmes, et aujourd'hui ils n'ont à sortir de leur poche que 8,5 %. Donc, concrètement, il y a du pouvoir d'achat gagné, et le déficit de la Sécurité sociale, quoi qu'on en dise, il diminue grâce à des réformes de structures, et ces réformes de structures, elles sont poursuivies dans la loi de santé que je porte, en particulier pour l'hôpital.
OLIVIER MAZEROLLE
Question courte et réponse courte s'il vous plait. Beaucoup de maires voudraient que les réfugiés qu'ils vont accueillir, soient des médecins. La France peut trier parmi les réfugiés qu'elle va accueillir ?
MARISOL TOURAINE
Non, la France ne trie pas. S'il y a des médecins ou des professionnels de santé, parmi les réfugiés, nous serons évidemment heureux de les accueillir, et ils pourront, dès lors qu'une procédure sera respectée, qui va assez vite, ils pourront exercer, mais il n'est pas question d'établir un tri en fonction des professions, parmi les réfugiés, qui sont des victimes de la situation internationale.
OLIVIER MAZEROLLE
Merci Marisol TOURAINE.
MARISOL TOURAINE
Merci.
YVES CALVI
On n'a pas le droit de louvoyer avec 80 000 morts par ans, vient de dire la ministre de la Santé, merci à tous les deux.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 septembre 2015