Texte intégral
Merci infiniment ! Merci à tous, je suis extrêmement honoré d'être maintenant membre de la guilde internationale des fromagers. Il est vrai qu'un bonheur n'arrive jamais seul et comme vient de le dire Stéphane Layani, la fin de l'année dernière et cette année, j'ai eu - outre quelques dossiers à traiter - trois grands bonheurs : j'ai été élu homme de l'année pour le vin, homme de l'année pour le tourisme et, maintenant, je suis membre de la guilde internationale des fromagers. Je comprends pourquoi tellement de mes collègues veulent devenir ministre des affaires étrangères.
Merci beaucoup d'être là. À vrai dire, il y avait de multiples raisons pour organiser cette fête amicale. D'abord, si je puis dire, elle a vu le jour lors d'un de nos déplacements à Rungis. Nous étions là-bas vers trois ou quatre heures du matin, avec Stéphane Layani, et nous avons fait le tour de Rungis. J'ai été absolument enthousiasmé par ce que j'y ai vu. Nous avons eu l'occasion de discuter avec les fromagers et l'idée est venue toute seule de faire une réunion, une réception amicale ici. Chose dite, chose faite ! Donc, merci infiniment d'avoir organiser tout cela, merci aux meilleurs ouvriers de France sans quoi rien ne serait possible, merci aux producteurs, merci à ceux qui accompagnent les fromages par le pain et par le vin et, en tout cas, bravo pour ce que vous faites à Rungis.
C'était donc la première raison qui a déclenchée cette amicale réception.
La deuxième raison - ce n'est pas un mystère -, c'est que je suis normand et on ne peut pas être normand sans aimer les fromages. Comme en même temps je suis ministre du gouvernement, je dois ne pas être trop chauvin en ce qui concerne ma région - le ministre de l'intérieur vous a fourni des renseignements sur mes goûts fromagers et sur ceux de Marie-France mais, comme souvent lorsqu'il s'agit des fiches de tous ministres de l'intérieur, elles sont inexactes. Je ne vais pas m'engager pour Marie-France, c'est vrai qu'elle aime le fromage de chèvre mais moi je ne suis pas uniquement porté sur le camembert et le Neuchâtel -, j'aime beaucoup le fromage et tous les fromages. Je veux à cet égard saluer les ambassadeurs qui sont là. Peut-être ne les avez-vous pas reconnus mais nous avons la chance d'avoir l'ambassadeur d'Italie, d'Espagne, du Royaume-Uni et d'autres encore - ce qui prouve qu'ils ne sont pas rancuniers puisque nous essayons de leur «tailler des croupières» et réciproquement. En tout cas, on ne doit pas dire le fromage vous avez raison, on doit dire les fromages. Et l'un des traits de la France, c'est que nous avons une diversité extraordinaire. Donc, la deuxième raison, c'est mon appartenance normande et mon amour tout simple des fromages.
Mais je n'oublie pas que je suis le chef de la diplomatie et les relations entre la diplomatie et le fromage sont extrêmement nombreuses. Il y a toute une série d'anecdotes, comme celles que l'on prête au général de Gaulle, mais il y en a d'autres et vous m'avez fait un appel du pied, Cher Stéphane, pour qu'à ceux qui ne la connaissent pas, je la rapporte.
L'un de nos plus fameux ambassadeurs a été Talleyrand qui a également été ministre des affaires étrangères au début du XIXe siècle. Il avait en face de lui d'autres ambassadeurs extrêmement célèbres et, notamment, un ambassadeur qui s'appelait Metternich, vous avez entendu parler de ces personnages.
Nous sommes au début du XIXe siècle, la France est en assez mauvaise position car Napoléon fait des siennes et se produit le congrès de Vienne. La France arrive avec Talleyrand, qui a d'ailleurs un excellent cuisinier, et c'est Metternich qui est le roi de la fête. Petit à petit, Talleyrand, à coup d'excellents dîners, parvient à faire reprendre un peu d'influence à la France.
Voilà qu'un jour, tous ces messieurs banquetaient et Metternich dit : «Je vais organiser un concours pour savoir quel est le meilleur fromage» ; et chacun des ambassadeurs devaient voter. C'est là où, Messieurs les Ambassadeurs, vous entrez en lisse. L'ambassadeur d'Italie de l'époque vote pour le stracchino. L'ambassadeur de Suisse vote lui pour le gruyère. L'ambassadeur du Royaume-Uni vote pour le Stilton. D'autres ambassadeurs avaient moins de fromages mais ils devaient voter aussi. Talleyrand dit qu'il vote pour le brie. Tous les ambassadeurs votent et, devinez qui l'emporte, c'est le brie. Du coup la France fait plusieurs cases et Talleyrand, qui avait le sens de la formule mais qui n'était pas le seul, malheureusement pour lui - vous allez le voir dans un instant - dit : «vous avez tous voté, vous représentez votre pays, vous avez choisi le brie. C'est donc que le brie est le roi des fromages.» Alors, un ambassadeur qui avait la langue bien pendue dit un petit mot que malheureusement tout le monde entend et qui est le suivant : «C'est finalement le seul roi auquel Talleyrand ait été fidèle». Ceci lui a un peu coupé les effets.
Tout cela pour dire que diplomatie et fromage vont ensemble de même que diplomatie et gastronomie vont ensemble. Lorsque l'on interroge les pays d'Europe - j'ai consulté les études d'opinions - ils disent que les fromages et pas simplement le fromage est vraiment ce qui caractérise la France ; les crêpes sont numéro deux et les escargots sont numéro trois. Donc, vous êtes, Mesdames et Messieurs, les numéros un. C'est l'identification en matière de produits gastronomiques : la France et le fromage.
Que ce soit ma visite à Rungis, mon atavisme normand ou les liens historiques entre la diplomatie et les fromages, tout rendait nécessaire, agréable, utile - et j'espère que c'est seulement un début - cette réception ici au Quai d'Orsay.
Un dernier mot pour être cette fois-ci - je l'étais aussi mais d'une autre manière - très sérieux.
Autour des fromages et des fromagers, il y a toute une série de professions, vous l'avez très bien rappelé. Ce sont des professions où l'on ne mesure pas la durée de son travail, où l'on cherche non pas la qualité mais l'excellence, et où je crois que l'on ne réussit que si l'on a l'amour du produit bien fait. Et cela se sent dans la qualité qui se développe.
Vous avez dit que de tous temps le fromage a été bien considéré ; ce n'est pas exact. Très longtemps, le fromage a été considéré comme un met de deuxième ordre et c'est seulement au XIXe et au début du XXe siècle qu'il est devenu un met d'excellence, grâce à la tradition qui est la vôtre. Il y a en plus une évolution - je ne veux pas faire le cuistre - mais quand je regarde un peu l'histoire de notre culture, pendant très longtemps, de nos cinq sens, deux sens ont été privilégiés, la vue et l'ouïe ; d'où l'importance dans notre culture de la peinture et de la musique. C'est seulement depuis assez peu de temps que les autres sens, à commencer par le touché et l'odorat, ont été vraiment poussé au premier rang.
Le fromage qui était auparavant un peu mis sur le bas-côté est au contraire devenu un produit d'excellence qui représente maintenant le meilleur de la gastronomie française.
Pour toutes ces raisons, nous sommes extrêmement heureux de vous avoir ce soir. Les ambassadeurs sont extrêmement heureux, non seulement de présenter vos produits mais de les déguster. L'année prochaine, nous ferons comme cette année l'opération «Goûts de France» à travers la totalité des pays du monde et les fromages au premier rang.
À la fin du mois de novembre nous accueillerons, le président de la République et moi-même, la COP21, la fameuse conférence sur le climat. Nous avons invité, le premier jour, l'ensemble des chefs d'État et de gouvernement du monde. D'ores-et-déjà, ils ont répondu favorablement à notre invitation. Le président des États-Unis, le président chinois, la présidente du Brésil et 70 autres chefs d'État et de gouvernement seront là. Je ne serais pas étonné que dans le repas que nous leur servirons à midi, modestement, il y ait des produits qui font honneur à la France parce que vous, Mesdames et Messieurs les Fromagers, vous faites honneur à la France.
Merci.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 octobre 2015