Texte intégral
La séance est ouverte à huit heures trente.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je suis heureuse daccueillir M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, pour une audition qui commencera par un propos liminaire sur la préparation de la COP21, sachant que nous entendrons également Mme Tubiana le 17 novembre prochain. Beaucoup de contributions ont été déposées, mais non celles des grands producteurs de pétrole. On a limpression cependant quil y a plus doptimisme, au vu de votre déclaration, de celle du Président de la République ou du Secrétaire général de lONU. Où en est-on des perspectives daccord sur ce sujet ?
Après votre propos liminaire, nous vous interrogerons également sur dautres sujets de lactualité internationale.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Dans le cadre de la conférence de Paris, il y a, depuis le début de cette semaine, une réunion du groupe dit ADP à Bonn. Comme vous le savez, ce ne sont pas les ministres qui élaborent les textes, mais les négociateurs.
Les textes précédents étaient très longs, confus. Les deux coprésidents, lun américain, lautre algérien, avaient remis début octobre un texte court, bien structuré, mais il a été récusé lundi par le groupe des 77, qui comporte 134 pays, en développement pour lessentiel qui lont jugé trop favorable aux pays riches. Ils ont donc déposé une soixantaine damendements, avec pour porte-parole du groupe la représentante de lAfrique du Sud. Après discussions entre ce groupe et les deux coprésidents, ces derniers ont proposé un nouveau texte. Celui-ci, qui comporte la même structure que le précédent, est actuellement examiné par les délégués. Tout cela sest passé de façon vive, mais assez rapide.
Jai rendu visite hier après-midi aux délégués, en tant que futur président de la COP, pour madresser à eux et entendre ce quils avaient à dire. Je suis arrivé dans une atmosphère assez sereine. Ils se sont répartis en groupes de travail et le texte, qui comporte un prologue, est beaucoup plus précis sur la différenciation, ladaptation et les finances. Ces groupes doivent aboutir à une version finale et à la levée dun certain nombre doptions dici la fin de la semaine, à la suite de quoi souvrira la conférence elle-même. Celle-ci commencera par une réunion des négociateurs, pendant deux ou trois jours, et sera suivie par celle des ministres.
Lensemble des délégués sest approprié le texte actuel. Sil peut poser quelques problèmes à certains pays, comme les États-Unis, il est beaucoup plus en ligne avec ce quon peut espérer dune conférence sur le climat.
Hier, 154 contributions avaient été publiées, représentant 86 % des émissions de gaz à effet de serre, contre 15 % lors de la conférence de Kyoto. Deux grands pays pétroliers nont pas encore publié la leur, mais ils vont le faire jai dailleurs eu loccasion den discuter avec lArabie saoudite, qui est un peu leur chef de file. LIran devrait aussi remettre sa contribution. Quant au Venezuela, ayant ses élections le 6 décembre, je ne suis pas sûr quil soit concentré essentiellement sur la COP.
Sagissant des évaluations sur le réchauffement, il faudra sen tenir à celle élaborée par linstance chargée de cette mission. Il devrait probablement être évalué à trois degrés à lhorizon 2100 ce qui est mieux que les quatre, cinq ou six degrés prévus par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), mais moins bien que lobjectif de deux degrés. Il est donc important que soit incluse dans laccord de Paris une clause de révision, probablement tous les cinq ans, qui permettra de passer dune tendance de trois degrés à une tendance de deux.
Concernant les finances, nous avons eu à Lima il y a quelques jours une réunion en présence des représentants des ministres des finances, du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, que nous avions demandée, mon collègue péruvien et moi-même. Un point important pour le succès de la COP de Paris est que les pays riches honorent leur engagement, pris à Copenhague en 2009, de fournir 100 milliards de dollars par an en 2020 pour le climat aux pays pauvres. Lorsque je me suis saisi du dossier, jai constaté quon ne savait pas où on en était aujourdhui. Nous avons donc demandé à lOCDE de réaliser une étude détaillée pour voir ce que les gouvernements, les banques multilatérales et le secteur privé font dans ce domaine. Cette étude montre quen 2014, 62 milliards de dollars ont été consacrés par les pays du nord aux pays du sud pour le climat. Par ailleurs, lessentiel de ce montant est dévolu à diminuer la hausse des températures latténuation , mais peu, contrairement à la demande des pays pauvres, à adapter les pays lorsque le taux de trois degrés est atteint ladaptation.
Un certain nombre de pays ont saisi cette occasion pour annoncer des contributions supplémentaires et les banques multilatérales ont déclaré quelles feraient un effort complémentaire de 15 milliards de dollars. Il est donc probable que nous pourrons tendre vers les 100 milliards de dollars, ce qui lève une hypothèque importante pour le succès de la conférence, même si la méthodologie de létude est contestée par certains.
Par ailleurs, le changement de majorité qui vient de se produire au Canada, qui est membre du G7 comme du G20, nest pas sans importance : le nouveau premier ministre, M. Trudeau, est beaucoup plus ouvert sur la lutte contre le changement climatique que son prédécesseur.
Pour le moment, nous avons réussi à éviter quon mélange les crises qui traversent le monde et le sujet de cette conférence et nous veillons quil continue à en être ainsi. Mais nous ne sommes pas totalement maîtres du jeu, puisquil faut décider par consensus.
Si le texte est incontestablement meilleur, des arbitrages devront être faits, qui seront compliqués. Si lorganisation de la COP se présente bien et le climat à Bonn est positif, cest en fin de parcours quon pourra juger des résultats.
Nous avons choisi de multiplier les réunions. Jai ainsi invité 80 ministres à une pré-COP de quelques jours, où nous allons remettre sur le métier le même ouvrage pour éviter quune délégation puisse dire quelle na pas été consultée. Nous avons aussi invité les chefs dÉtat et de gouvernement le premier jour de la conférence, dune part, parce que beaucoup lont souhaité et, dautre part, car ils ne voulaient pas venir à la fin du processus, pour éviter léchec de la conférence de Copenhague. Parallèlement à la discussion des ministres, il y aura lagenda pour laction, qui comportera des réunions thématiques sur lénergie ou les transports par exemple, qui seront évidemment plus spectaculaires. Il y aura ainsi une partie publique et une partie moins publique.
Il faudra enfin faire très attention aux questions de sécurité, non seulement vis-à-vis du terrorisme, mais aussi de la sécurité publique en général.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. Pouvez-vous nous faire le point sur la Libye, après le projet daccord soumis par Bernardino Leon aux deux parties ? Quelles sont les perspectives de signature de cet accord ? Envisage-t-on des sanctions à cet égard ? Comment sécuriser lapplication de laccord, sachant que les Libyens ne veulent pas quon intervienne chez eux ?
Sur Israël, nous partageons votre inquiétude. Vous avez dailleurs formulé des propositions pour mettre en place un groupe international de soutien. Comment analysez-vous la situation ? On a vu dans la presse quil y a eu une consultation de notre représentant permanent aux Nations unies à New York sur linitiative que le Conseil pourrait prendre sur lesplanade des Mosquées : que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
En Syrie, lintervention de la Russie change la donne, dautant quelle ne semble pas sen prendre quà Daech. Comment analysez-vous les motivations et les objectifs de la Russie ? Celle-ci nous avait donné limpression quelle pouvait participer à une transition politique : est-ce encore possible ?
Enfin, quelles sont les relations du régime avec lIran et la Russie ? Lors de mon séjour à Téhéran ce week-end, jai eu le sentiment que bien que celles-ci soient rivales en termes dinfluence dans la zone, elles faisaient bloc.
M. Michel Destot. On parle beaucoup pour la COP21 des pays à fort développement économique, comme les États-Unis ou la Chine, mais certains pays du sud présentent des enjeux majeurs, comme la République démocratique du Congo, où jétais il y a une quinzaine de jours. Dans le bassin du Congo, des centaines de milliers dhectares ont été déforestés, ce qui est catastrophique pour la libération du CO2. Y a-t-il dans la préparation de la COP21 un chapitre dévolu à cette question ?
Je rappelle que la République démocratique du Congo, qui comporte plus de 70 millions dhabitants, est le premier pays francophone du monde. Si on a pris beaucoup de distance avec ce pays, le moment me semble venu de resserrer les relations avec lui, sur le plan diplomatique comme économique.
M. Jacques Myard. Certains scientifiques prétendent que sil y a un réchauffement au nord, il ny en a pas au sud où on constate même un refroidissement des mers et que la calotte glaciaire est équivalente au total. Quen est-il ?
Sagissant du conflit israélo-palestinien, vous avez pris linitiative de demander aux Nations unies dintervenir : est-ce un changement dattitude, sachant quIsraël ne veut pas entendre parler de cette organisation dans cette affaire ?
Enfin, quel jugement portez-vous sur laccord signé avec lIran, ainsi que sur sa mise en uvre, qui doit commencer dans les jours qui viennent ?
M. Jean-Paul Dupré. On ne sait toujours pas trop comment sont utilisés les 62 milliards de dollars des pays riches en faveur des pays pauvres pour le climat.
Vous avez parlé de COP « offensive » : quen est-il de lintensification de lexploitation des ressources charbonnières dans des pays comme lAustralie, la Mongolie et la Chine qui ne va pas dans le sens souhaité ?
Je rappelle à cet égard quEDF vient dobtenir deux marchés chez nos voisins anglais pour la construction de deux centrales nucléaires, ce dont nous nous félicitons.
M. François Rochebloine. Désapprouvez-vous les attaques russes sur Al-Qaïda, cest-à-dire sur le Front al-Nosra en Syrie ?
Ne croyez-vous pas avec le recul que, dans le cadre dune solution politique dans ce pays, la présence de Bachar el-Assad soit indispensable et fasse partie de la solution, ne serait-ce quà titre transitoire ?
Mme Nicole Ameline. Sur la COP21, quelle est létape juridique suivante ? Faut-il aller jusquà une convention internationale ? Quels seront les mécanismes de contrôle et de redevabilité mis en place pour les États ?
Sagissant de la crise libyenne, il y a un tropisme syrien aujourdhui. Nous sommes inquiets : il nous faut un accord, pour nous-mêmes comme pour les pays riverains. Quelles initiatives pouvons-nous prendre pour recréer une pression internationale suffisante ?
M. Philippe Baumel. Le Parlement a voté deux amendements au budget sur laide publique française au développement, qui vont permettre de renforcer notre politique de dons. Quelle est la durabilité de cet effort ? Le Gouvernement reviendra-t-il sur cette intention ?
Par ailleurs, le Cameroun semble avoir fait appel à une aide militaire des États-Unis, ce qui a surpris des observateurs, ce pays sétant plutôt adressé à nous jusque-là. Cela cache-t-il un problème ou ce soutien a-t-il fait lobjet dune concertation avec nous ?
M. Alain Marsaud. Nous avons appris quil y aurait des dissensions graves au sein de la famille royale dArabie saoudite, un des petits-fils présumés ayant demandé la destitution du roi et des deux ministres les plus importants. Quen est-il exactement ? Cela ne ferait-il pas suite à la défaite programmée de lArabie saoudite au Yémen ?
On apprend en outre ce matin que Bachar el-Assad serait dans le bureau de M. Poutine : peut-on considérer cela comme une bonne nouvelle ?
M. Philippe Cochet. Un drame est en train de se passer au Yémen. Quelle peut être laction de la France à cet égard ?
On voit par ailleurs la dictature des États-Unis concernant les banques européennes, en particulier à légard des pays en reconstruction, comme lIran. Quelles démarches souhaitez-vous engager pour régler ce problème ?
Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous avons largement entendu parler de ce problème lors de notre séjour à Téhéran.
M. Michel Terrot. Les amendes infligées à la BNP, à la Société générale puis au Crédit Agricole qui écope dune sanction de presque 800 millions de dollars constituent une atteinte manifeste à notre souveraineté. La France doit réagir face à cette extraterritorialité que soctroient les États-Unis.
Nous sommes à quatre jours du référendum constitutionnel prévu au Congo-Brazzaville : RFI német plus et les SMS sont bloqués. Avez-vous des informations précises sur la situation sur place et quelles sont les consignes données par notre ambassade au sujet de ce référendum ?
M. Meyer Habib. Je vous suis tout à fait lorsque vous dites que Bachar el-Assad est un boucher et il est à lhonneur de la France davoir une position morale sur une question aussi délicate. Mais quand on sait quil y a des milliers de soldats iraniens combattant avec lui lequel est une marionnette tenue dun côté par Poutine et de lautre par lIran, avec lequel nous sommes en train de flirter , cela me pose un problème moral.
Concernant les attaques de civils israéliens, notamment à Tel-Aviv, je rappelle que dans lindifférence quasi absolue, un franco-israélien de vingt-et-un ans a été poignardé à mort alors quil se rendait au mur des Lamentations et que des Palestiniens ont craché sur sa femme et ses deux bébés. Nous sommes dans une guerre au couteau terroriste, qui sinscrit dans le djihad mondial. On a incendié le tombeau de Joseph et les Palestiniens Mahmoud Abbas en tête appellent ouvertement au djihad et à ce que le mur occidental change de mains. Nous renvoyons dos à dos des civils massacrés et des terroristes. Cest comme si nous faisions de même avec les gens du GIGN et les assassins des attentats de janvier dernier ! La guerre au couteau peut aussi arriver chez nous : on a tranché la tête dHervé Gourdel et les chrétiens disparaissent dans un silence absolu à travers le monde.
M. André Schneider. Avez-vous abordé, dans le cadre de la préparation de la COP21, la question des migrations climatiques, qui pourrait se traduire par un déferlement beaucoup plus important que ce que nous connaissons aujourdhui ?
M. Didier Quentin. On nous a beaucoup parlé dun risque de submersion du Bangladesh qui comporte 160 millions dhabitants , lié à la montée des eaux. Les Indiens seraient dailleurs en train dédifier un grand mur pour empêcher des migrations vers le nord. Quen est-il ?
En Syrie, a-t-on une idée exacte de létat des forces contre Bachar el-Assad en dehors de Daech, notamment au plan militaire ?
Mme Cécile Duflot. Concernant la COP21, où en est la négociation sur la possibilité de réviser le texte à des échéances plus brèves que celles prévues ?
Quen est-il de lidée de travailler, y compris dans le texte de laccord, sur la décarbonation et des scénarios dénergie 100 % renouvelables, avancés par certaines ONG internationales ?
M. le ministre. Sagissant de la COP, je préfère parler de dérèglement climatique plutôt que de réchauffement. Car celui-ci va se traduire dans quelques cas par un refroidissement. Mais il ne faut pas perdre de vue lessentiel, avéré par les travaux du GIEC, qui sont très prudents : un réchauffement irréversible. Une fois que les gaz à effet de serre sont émis, ils ne disparaissent pas, certains pouvant rester quelques décennies ou quelques siècles. Il faut donc agir vite.
Monsieur Destot, un des apports du texte dhier par rapport au précédent est daborder la question des forêts.
Monsieur Dupré, le rapport de lOCDE que jévoquais explique pour la première fois à quoi sont consacrés ces 62 milliards de dollars. Il sagit dun travail très précis : les investissements liés à lutilisation du charbon nont par exemple pas été pris en compte.
Sagissant du charbon, il y a plusieurs écoles. En termes de gaz à effet de serre, quand le charbon émet 2, le pétrole émet 1,5 et le gaz 1. Le problème est que cest la ressource la plus répandue et quen Inde, elle représente lessentiel de la consommation énergétique. Pour certains, le charbon constitue un mal nécessaire, mais ils sont de moins en moins nombreux : certains grands fonds se désengagent dailleurs des portefeuilles touchant à cette ressource. Une deuxième école propose quon essaie davoir un charbon propre des recherches scientifiques sont en cours sur ce point. Et une troisième préconise de ne pas du tout utiliser le charbon. Aujourdhui le curseur se situe entre les deux dernières écoles. En Australie, le nouveau premier ministre est beaucoup plus sensible à ces questions que son prédécesseur, de même que la ministre des affaires étrangères.
Il est prévu darriver à un texte prenant la forme dun protocole ou dun accord international. Se pose ensuite le problème du contrôle de son application, ce qui soulève une difficulté vis-à-vis des États-Unis, le Congrès étant hostile sur ce point. Un accord qui naurait pas laval de ce pays, qui est un des deux premiers pollueurs, perdrait de son efficacité. En fait, tout dépend de chaque clause. En résumé, chaque fois quil y a une obligation de résultat, cela est assimilé à un traité international, et chaque fois quil y a une obligation de moyens, cela relève dun autre sujet.
Certains pays, comme la Bolivie, sont pour un tribunal international, ce qui nest pas le dispositif prévu actuellement. La pression des pairs, au vu de la comparaison entre les engagements pris et les résultats, sera un moyen de contrôle, dautant quavec les satellites, on pourra déterminer lémission de gaz à effet de serre de chaque pays. Il faut dailleurs faire attention à certains effets pervers, certains États estimant quils ne doivent pas prendre des engagements trop ambitieux dans la mesure où ils seront contrôlés.
Au Bangladesh, où je me suis rendu il y a quelques semaines, un tiers du territoire est soumis à la submersion. Une femme ma même dit avoir déménagé dix-huit fois pour ce motif. Cela a beaucoup de conséquences sur les logements et lagriculture, qui est salinisée.
Quant à la question importante des migrations climatiques, elle est traitée dans dautres enceintes en particulier lInitiative Nansen.
Sagissant de la Libye, Bernardino León a produit un nouveau document, qui na pas été accepté par les deux parties. Nous avons pris position avec dautres pays pour quil le soit. Des sanctions individuelles pourraient être retenues, car il faut convaincre les récalcitrants.
Si on arrive à avoir un gouvernement commun, se posera la question de la sécurité. La France ne peut être présente partout en première ligne. Nos amis italiens souhaiteraient accroître leur présence et nous sommes ouverts à leur demande.
Concernant Israël, je reçois ce soir le ministre de lintérieur de ce pays et jaurai un contact avec les Palestiniens. La situation est en effet très préoccupante. Nous essayons daller vers une déclaration présidentielle aux Nations unies, qui a laccord des membres du Conseil de sécurité et ne peut être acceptée quà lunanimité il nest donc pas question que la France se substitue à qui que ce soit. Sur le fond, nous sommes les amis des uns et des autres, nous voulons la paix et la sécurité et que les Palestiniens aient un territoire, que leurs droits soient reconnus. Nous avons obtenu quil y ait un groupe international de soutien : il y a eu aux Nations unies une réunion du quartet et, à notre demande, une réunion regroupant le quartet, les pays arabes, les pays européens et quelques autres pays, comme le Japon, qui sintéressent au sujet. Nous voulons, non pas nous substituer aux parties, ce qui naurait aucun sens, mais aider à ce que la négociation reprenne et quon trouve une solution.
Sagissant de la Syrie, 80 % des frappes ne touchent pas Daech, mais dautres groupes, y compris des modérés. Le but de M. Poutine est aujourdhui de conforter M. Bachar al-Assad. À certains moments, les Russes ont dit quils nétaient pas mariés avec Bachar al-Assad, à dautres, quil fallait quil soit là pour la transition, à dautres encore, que le peuple syrien décidera et quil faut organiser des élections. Nous entendons avoir une position indépendante, consistant à dire que la Syrie devrait retrouver son intégrité et que ses différentes composantes devraient pouvoir vivre en paix. Pour cela, on a besoin dune solution politique. Or, dire que lavenir du pays passe par Bachar al-Assad est sinterdire davoir une unité en Syrie, la moitié de sa population ayant été pourchassée par lui.
Deuxièmement, nous voulons que les Russes frappent Daech et les autres groupes terroristes, non lopposition modérée ce qui empêcherait une solution politique. Troisièmement, nous voulons je vais prendre des dispositions pour quon dépose une résolution en ce sens quon arrête les « barrel bombings » barils de TNT remplis de morceaux de métal , qui font beaucoup de dégâts dans la population civile.
On a raison de ne pas oublier les Iraniens, qui sont fortement engagés.
Quant à laccord signé avec lIran, il revient à lAgence internationale de lénergie atomique (AIEA) de nous dire au mois de décembre sil est respecté. Elle fait des vérifications, notamment dans le site de Parchin.
Sagissant de lextraterritorialité, vous avez raison. Lenjeu pour nous est européen : il est indispensable, pour protéger nos entreprises des effets extraterritoriaux des lois américaines, de développer une alternative au dollar. Avant notre signature du traité avec lIran, il y a eu une discussion serrée, avec, dun côté, la France, appuyée par la Grande-Bretagne, lAllemagne et lIran, et, de lautre, les États-Unis. Nous avons plaidé que sil y a un accord, il y aura levée des sanctions, et sil y a levée des sanctions, il faut que lensemble des entreprises puisse commercer avec lIran. Jai obtenu de mon collègue John Kerry une lettre en ce sens. Mais les Américains sont beaucoup moins allants aujourdhui. Nous avons envoyé, avec nos collègues anglais et allemands, une mission du Trésor auprès de ladministration américaine pour quelle respecte ses engagements, mais elle traîne à répondre. Madame Duflot, il est essentiel dobtenir une clause de révision à la conférence de Paris. La question ensuite est de savoir quand elle intervient : attend-on 2020, 2025 ou 2030, ou le prévoit-on avant ? Sagissant de la périodicité, je pense quon obtiendra une durée de cinq ans. Troisièmement, qui révisera et y aura-t-il un juge de paix ? Les tats, notamment les pays en développement, disent que le dispositif ne doit pas être intrusif ; certains font une différenciation entre les pays riches pour lesquels il doit être obligatoire et les pays pauvres pour lesquels il doit être optionnel. LEurope est très allante sur ce sujet, en réclamant une clause de révision rapide, fréquente, obligatoire et positive.
Le Président de la République va dailleurs en Chine début novembre : celle-ci a fait des déclarations communes avec une série de pays, dont les États-Unis, le Brésil ou lInde, et la dernière dentre elles sera avec la France, sur la COP. La Chine a en effet une influence déterminante sur ce sujet, étant à la fois du côté du groupe des 77 et en discussion avec les États-Unis.
Monsieur Baumel, au sujet de laide publique au développement, le « bleu » budgétaire présentait des annulations de crédits alors que nous avions décidé de les rétablir. Comme vous le savez, ils lont finalement été. Sur la question de savoir sil faut aller plus loin, je serai solidaire de la position du Premier ministre.
Au Yémen, il ny aura pas de victoire militaire : il suffit de regarder son histoire ; les Égyptiens y ont dailleurs perdu 20 000 personnes. Mes interlocuteurs semblent partager ce point de vue. Notre position est de favoriser une discussion avec lensemble des parties prenantes. Nous avons de très bonnes relations avec le roi et le vice-prince héritier, et le prince héritier vient dans quelques jours à Paris.
Sagissant du Congo-Brazzaville, je reçois ce soir son ministre des affaires étrangères. Il y a eu des violences hier à Brazzaville et à Pointe-Noire, qui ont fait cinq morts et plusieurs blessés. Nous avons lancé un appel au calme et donné des consignes en ce sens à la communauté française.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. Sagissant des crédits daide au développement, il ne faudrait pas que le budget du ministère en pâtisse.
M. le ministre. En effet.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous avons dit que nous souhaitions, en dehors du rétablissement des crédits, donner le signal quon reprend une trajectoire plus positive.
M. le ministre. Nous sommes daccord sur lobjectif.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. Le Premier ministre a été très positif hier à ce sujet.
M. le ministre. Tant mieux ! Je suis daccord dès lors que cela ne se traduit pas par un trou dans mon budget !
M. Jacques Myard. Sagissant de lextraterritorialité américaine, un accord avec John Kerry ne vaut rien selon moi, car le Congrès a dit clairement quil fallait un accord international. Il ny a quune solution pour ramener les Américains à la responsabilité et à la sagesse : larbitrage international.
M. le ministre. Si on veut vraiment contrer le dollar, il faut que leuro existe et soit solide !
Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 novembre 2015