Texte intégral
THOMAS HERVE
Mais tout de suite, c'est d'abord l'heure des « 4 Vérités ». Roland SICARD reçoit Thierry MANDON, qui est secrétaire d'Etat chargé de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Bonjour messieurs.
ROLAND SICARD
Bonjour à tous. Bonjour Thierry MANDON.
THIERRY MANDON
Bonjour.
ROLAND SICARD
On va commencer par le voyage de Nicolas SARKOZY à Moscou, il va rencontrer tout à l'heure Vladimir POUTINE. Est-ce que ça complique la diplomatie française ?
THIERRY MANDON
En tout cas, je ne crois pas que ça soit le rôle d'un ancien président de la République que de parasiter la diplomatie de la France, il devrait se
ROLAND SICARD
Vous dites « parasitage ».
THIERRY MANDON
Oui, forcément, ce n'est pas un candidat en campagne, c'est plus que ça, c'est un ancien président de la République, et donc il doit savoir que la diplomatie c'est très compliqué et qu'il est un peu comme un chien dans un jeu de quilles, dans cette affaire.
ROLAND SICARD
Est-ce qu'un comportement comme celui-ci, pour vous, c'est un comportement qui n'est pas digne d'un ancien président de la République ?
THIERRY MANDON
En tout cas, il est inédit. A ma connaissance il est sans précédent en France, voilà, et ce n'est pas question de dignité, mais ce n'est pas, je trouve que ce n'est pas bien.
ROLAND SICARD
C'est une erreur, selon vous ?
THIERRY MANDON
Oui, je crois qu'il aurait pu s'abstenir de ce genre de déplacement.
ROLAND SICARD
Alors, vous êtes ministre des universités, le budget vient d'être adopté, et l'université, ce sont des images que l'on voit en permanence, d'amphithéâtres bondés, est-ce que les étudiants peuvent étudier convenablement, aujourd'hui, à l'université ?
THIERRY MANDON
Alors, oui, une étude OCDE le montre, la France est un des pays au monde où on réussit le plus ses études supérieures, 80 % de ceux qui font des études supérieures, terminent avec un diplôme, la moyenne mondiale c'est 70 %. Il y a des difficultés à l'Université, elle est victime de son succès, beaucoup beaucoup d'étudiants, et dans les années qui viennent les choses vont encore augmenter.
ROLAND SICARD
On annonce trois millions d'étudiants dans dix ans.
THIERRY MANDON
Oui, c'est probablement la réalité.
ROLAND SICARD
500 000 de plus qu'aujourd'hui.
THIERRY MANDON
Absolument, c'est ce qui explique qu'il faut aujourd'hui penser un peu autrement la façon de concevoir l'université. Plus de sous, plus de moyens, l'effort budgétaire de l'Etat est très important cette année, mais de l'innovation
ROLAND SICARD
Très important, c'est 165 millions de plus, c'est pas avec ça qu'on va construire de nouveaux amphis.
THIERRY MANDON
Dans un budget qui baisse, pratiquement, disons, qui est stable, c'est un effort très significatif, mais vous avez raison, ça n'est que le pilier, cet effort budgétaire c'est un effort plus global, qui passe par
ROLAND SICARD
Et regardez, regardez ces images Est-ce qu'on peut vraiment étudier dans des conditions comme celles-là ?
THIERRY MANDON
Ecoutez, il y a un tiers des amphithéâtres, enfin, des établissements universitaires, qui sont en très bon état, un tiers qui mérite des petites rénovations et un tiers qui doit faire l'objet de gros travaux. Mais il y a, vous voyez ce qui se passe dans cet amphi, c'est un paradoxe, tout le monde a un ordinateur, quasiment tout le monde a un ordinateur, et là, dans dix ans, voilà comment ça va se passer, il y aura très peu de cours en amphithéâtres. Aujourd'hui vous apprenez en amphithéâtres, et vous consolidez vos apprentissages, chez vous, tout seul. C'est l'inverse, ce qui va se passer dans dix ans, ce que l'on appelle la pédagogie inversée, vous apprendrez, vous découvrirez les cours, chez vous, sur votre ordinateurs, grâce à des MOOC, les cours en ligne, et vous viendrez à l'université, dans des travaux dirigés, avec des professeurs, dans des petits groupes, qui vous consolideront les connaissances. Et c'est comme ça, en partie, par cette innovation numérique-là, que l'on va révolutionner la façon d'apprendre, ce n'est pas seulement vrai en France, d'ailleurs, c'est vrai dans le monde. Donc il y a des solutions, et techniques, et budgétaires, bien sûr, au problème de la démographie étudiante.
ROLAND SICARD
On dit trois millions d'étudiants dans dix ans, est-ce qu'on a besoin de ces trois millions ? Est-ce qu'on a du travail pour ces trois millions d'étudiants ?
THIERRY MANDON
On est absolument sûrs que l'emploi dans 15 ou 20 années, nécessitera un bagage initial beaucoup plus élevé qu'aujourd'hui. Les emplois de la strate moyenne vont disparaitre. Il y aura deux types d'emploi, il y a un débat aux Etats-Unis, aujourd'hui, dont je vous fais l'économie, des emplois qui demanderont des savoirs très pratiques, que vous pourrez apprendre avec des CAP, avec des niveaux de diplômes très pratiques et des emplois plus qualifiés, beaucoup plus qualifiés qu'aujourd'hui. C'est pour ça qu'il faut monter le niveau de compétences et de connaissances de tous nos gênes.
ROLAND SICARD
Mais, est-ce qu'il ne faut pas diriger les étudiants vers des filières porteuses, alors qu'aujourd'hui beaucoup d'étudiants vont dans des filières où il n'y a pas d'avenir ?
THIERRY MANDON
Oui, je suis complètement d'accord avec vous. Il y a un maillon faible dans notre système aujourd'hui, c'est l'orientation, très insuffisante, et les informations qui sont données aux étudiants, qui sont très insuffisantes. Chaque étudiant qui choisit une filière, devrait pouvoir connaitre le taux d'emploi à la sortie du diplôme, le niveau de salaire à la sortie du diplôme, les perspectives professionnelles, ces données que nous sommes en train d'agréger, de récupérer, pour les donner aux étudiants, avant qu'ils fassent leur choix, en dernière année de lycée, nous travaillons avec Najat VALLAUD-BELKACEM là-dessus.
ROLAND SICARD
Est-ce qu'il faut les contraindre ?
THIERRY MANDON
Les contraindre, non, pourquoi ? On ne peut pas commencer une scolarité en étant dirigé, malgré soi, dans une filière, c'est la meilleure façon d'échouer. En revanche, il faut une orientation beaucoup plus active, beaucoup plus construite qu'aujourd'hui et qui doit commencer dès le lycée, d'où le travail que nous faisons avec la ministre, pour que dès le lycée, on choisisse, non plus à l'aveugle, mais en connaissance de cause, qu'on n'aille pas dans une impasse et qu'on ait des chances de réussir sa scolarité.
ROLAND SICARD
Il y a de plus en plus de facs privées, chères, est-ce que ça veut dire qu'on est une fac à deux vitesses ?
THIERRY MANDON
Non, là aussi les études OCDE montrent que, en France, un étudiant, non seulement réussit sa scolarité, mais rapporte au pays, beaucoup plus que ce que ses études ont coûté, et les universités françaises sont très attractives. Beaucoup d'étudiants étrangers veulent venir apprendre en France, on est la troisième destination au monde, parce que les universités françaises sont très appréciées. Elles ont des difficultés, mais elles sont très appréciées, donc c'est un capital, pour nous, l'université française.
ROLAND SICARD
Sujet très différent, Manuel VALLS laissait entendre avant-hier qu'un front républicain pour les régionales était envisageable pour faire barrage, comme il le dit, au Front national. Est-ce que ça vous paraît une bonne solution, c'est-à-dire que les socialistes se désistent là où le Front national pourrait l'emporter ?
THIERRY MANDON
Eh bien, la bonne solution, c'est que les socialistes ne soient pas en situation de désister, c'est-à-dire qu'ils soient, soit en tête, soit deuxièmes. Et moi, je pense que c'est possible. Parce que j'observe que dans certaines régions en France, trois ou quatre régions aujourd'hui, le Parti socialiste a des scores considérables, supérieurs à 30 %, 35 %, ça veut dire que cette élection, pour nous, est jouable. Nous commençons à avoir des résultats économiques, les Français se rendent compte que les efforts, la patience que nous mettons à faire des réformes, ça commence à payer, c'est encore très insuffisant, il faut d'abord se battre pour n'être pas en situation de devoir ou pas se désister. Premier ou second, c'est ça l'objectif du premier tour.
ROLAND SICARD
Mais dans les deux ou trois régions où ça peut se produire, qu'est-ce que vous préconisez ?
THIERRY MANDON
Ecoutez, le débat, il sera ouvert collectivement au soir du premier tour. Moi, je ne veux pas de régions Front national en France. Je n'en veux pas. Je ne sais pas si on y arrivera, mais je n'en veux pas. Pourquoi ? Parce que je crois que c'est un message terrible qui serait donné en Europe et dans le monde de ce qu'est la réalité de la France, et surtout, ces régions sont condamnées au plan économique, je suis persuadé que les régions avec les pouvoirs des régions, notamment en matière économique, qui diraient : nous, on referme tout, ces régions-là perdraient leurs investisseurs, ces régions-là perdaient beaucoup de dynamique économique, qui serait terrible pour les populations, donc c'est ça qu'on veut éviter.
ROLAND SICARD
Merci. Merci Thierry MANDON.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 octobre 2015